Dans un document célèbre, anciennement attribué au pape Clément IV ancien archevêque de Narbonne la valeur politique de la reconstruction de la cathédrale est soulignée de la façon suivante : « in faciendo imitare ecclesias nobiles et magnifice operatas et opera ecclesiarum que in regno francie construuntur et sunt in preterito jam constructe ». La cathédrale édifice divin sera ici également dédiée au culte royal , recevant la sépulture de Philippe III le Hardi, mort à Perpignan en 1285. Ce chantier majeur, interprétation originale des grandes formes de l'art gothique, à cette date répandue dans l'Europe entière, affirme néanmoins l'attachement de l’Église de Narbonne à une notion naissante d’une identité nationale française, qui a cours dans le haut clergé en lutte face aux privilèges accordés aux ordres mendiants.
Les ressources abondantes réunies par le chapitre, qui mène le chantier dès ses débuts effectifs, sont régulièrement assurées, pour une bonne part grâce aux liens très étroits et réguliers entretenus avec le Saint-Siège assurés tout spécialement par les archevêques successifs et qui se traduisent par le nombre exceptionnel d’indulgences accordées. S'y ajoutent les revenus de la moitié des annates des prébendes vacantes, dons, legs et offrandes.
La construction de l'édifice actuel semble avoir été envisagée dès les années 1260. Les lettres d'indulgences accordées en 1264 par le pape Urbain IV en faveur de la fabrique, puis par son successeur Guy Foulque le pape Clément IV (mort en 1268) en témoignent. Les travaux commencent par la construction de la couronne des chapelles du déambulatoire, en premier lieu par la chapelle Saint Pierre (baies 4, 6 et 8) dont la première pierre est posée le 3 avril 1272 par l'évêque Maurin. Ainsi lorsque le 28 novembre 1286 Jean Des Champs est engagé comme « 1er maistre dans le travail de leglise », les travaux sont-ils bien engagés.
La chapelle Saint-Pierre, où peut être inhumé l’archevêque Pierre de Montbrun (1272-1286), cette année 1286, est bien la première construite : 2 prêtres perpétuels y sont installés dès 1287 ; elle bénéficie en 1289 d'indulgences du pape Nicolas IV pour ceux qui la visiteraient. À cette date les vitraux des trois baies sont probablement posés, ce dont témoignent les parties en place dans la baie 6, scènes de la vie de saint Pierre et grisailles décoratives, qu'il est possible de dater vers 1280-1290 ; ce sont là les plus anciens vitraux de la cathédrale et peut-être aussi les plus anciens vitraux du Languedoc conservés à leur emplacement initial. Rien, en revanche n'est connu du décor original de la chapelle Saint-Jean (baie 15), qui bénéficie d’indulgences en 1291. La chapelle Saint-Michel (baies 10, 12 et 14), la plus au sud, conserve pour sa part l'ensemble de son vitrage original, qui pourrait être contemporain de la consécration de son autel en 1295 par Guillaume Durand, évêque de Mende. Le chantier connaît sous l'épiscopat de Gilles Aycelin (1290-1311) une activité intense. Il obtient en particulier en 1291 du pape Nicolas IV de prendre pendant cinq ans les revenus de tous les bénéfices vacants dans la ville et dans le diocèse, dont il était collateur, pour les employer à l’œuvre de la cathédrale. L'évêque continua de s'intéresser à la cathédrale de Narbonne après son transfert sur le siège archiépiscopal de Rouen. En 1312, il installe deux chapellenies, l'une dans la chapelle d'axe, l'autre dans la première chapelle nord (chapelle de la Trinité), précisant qu’il fallait en terminer la décoration, parements, livres, vitraux. Les verrières de ces deux chapelles (baies 0, 1 et 2, 3, 5 et 7) contiennent en effet, répétées, les armoiries, ou des fragments des armoiries de l'archevêque. Cependant, la facture des vitraux de la chapelle d'axe, surtout celle des vitraux des baies 1 et 2, d'un style qui n'est pas très éloigné de celui des vitraux de la chapelle Saint-Michel, incite à en situer la réalisation vers 1300. Le décor de la chapelle de la Trinité (baies 3, 5 et 7) et surtout celui de la verrière à médaillons figurés (baie 5), caractérisé par ses fonds e couleur à ornementation géométrique semble un peu postérieure à celui de la chapelle d'axe, mais lorsque Gilles Aycelin dote en 1314 les chapelles pour leur entretien et pour celui du luminaire, leur vitrage est alors vraisemblablement complet. Ainsi, en 1319 les premiers offices canoniaux peuvent avoir lieu dans le chœur, ce qui laisse croire à l'achèvement de la couronne des chapelles et du déambulatoire, désormais utilisables. A cette date cependant, l'ensemble du vitrage des chapelles n'est pas encore achevé, à moins qu'il soit déjà nécessaire de le modifier, ou de le renouveler. Les verrières encore en place dans deux baies de la chapelle Saint-Pierre (baies 4 et 8), comme les grisailles de la chapelle Saint-Christophe (baies 9, 11 et 13) ont effet été réalisées vers 1330, sous l'épiscopat de Bernard de Farges dont certaines contiennent les armoiries (baies 9 et 11). L'achèvement du décor vitré tel qu'il nous apparaît aujourd'hui, semble donc pouvoir être lié à la date de la première messe solennelle dite dans l'église en 1332.
Les parties hautes de la cathédrale, du moins le rond-point de l'abside étaient à cette date également achevées, ou sur le point de l'être, comme l'indiquent les vitraux en place dans les baies 100, 101, 102, 103 et 104. Les armoiries aujourd'hui en place dans ces verrières ne peuvent l’attester, n'ayant aucune valeur historique ; elles sont en revanche d'une facture homogène et très proche de celle des vitraux des baies latérales de la chapelle Saint-Pierre (baies 4 et 8). Par conséquent aussi les vitraux sont posés au temps de deux grands évêques du Nord, Gilles Aycelin (archevêque de 1290 à 1311. armoiries « de sable à trois têtes de lion arrachées d’or 2 et 1 lampassées de gueules » ) et Bernard de Farges.
Si on ne sait pas bien ce qu'il y avait à cette date dans les autres chapelles, il semble bien que les baies hautes des travées droites du choeur sont restées en blanc jusqu'au 15e-16e s.
La fondation en 1312 d’une chapellenie par Gilles Aycelin opère le transfert d’une dévotion mariale déjà ancienne. La chapelle existait dans l’édifice précédent où l’on a sa trace à partir du début du 13e siècle (très nombreuses mentions), chapelle desservie par un chapelain et deux prêtres qui prouvent la fonction paroissiale de la chapelle. Gilles Aycelin est l’organisateur du transfert de ce culte marial dans la chapelle d’axe de la nouvelle cathédrale (+ 1309 fondation d’une messe quotidienne à la Vierge pour le salut de son âme et de celui de Boniface VIII).
Un décor peint (directement sur les murs) dans la chapelle date du temps de Gilles Aycelin : sur le mur nord, on peut reconnaître Philippe le Bel à genoux devant la statue de saint Louis (attention particulière du roi à Narbonne où est inhumé son père Philippe III le hardi en 1286). Sur le mur sud et également tourné vers l’autel, un évêque à genoux est entouré de deux groupes de 5 évêques (suffragants de Gilles Aycelin ?); il est datable du début du 14e siècle et contemporains des vitraux, où l’on relève également l’insistance à montrer les épisodes liées à l’Epiphanie.
Les travaux du 15e siècle : Jean-Pierre Suau (Suau, 1976) envisage l'hypothèse de dégâts importants provoqués par le tremblement de terre de 1436, qui aurait entraîné la reprise des remplages de la plupart des baies basses. Ferdinand de Lasteyrie, sans citer ses sources, mentionne les travaux menés sous l’épiscopat de Reynal ou Raynaud de Bourbon (1472-1483). La reconstruction d'une partie des remplages suivant une disposition différente de l'état original est visible dans la plupart des chapelles du déambulatoire, dont les remplages sont à soufflets et mouchettes flamboyants. Lors de ces travaux, les panneaux originaux furent tant bien que mal insérés dans les ajours nouveaux sauf dans la baie 15 qui reçoit un décor adapté et au goût du jour. Vers le milieu du 15e siècle (?) renouvellement de la figure de saint Pasteur dans la baie 6.
En revanche des efforts réalisés à l'initiative de membres du chapitre sont menés pour compléter le décor vitré des fenêtres hautes de la nef, resté en blanc (?) dans les travées droite. Un chanoine non identifié a offert le vitrail de l'Adoration des mages en place dans la baie 110, peu lisible malgré sa restauration en 2009-2010 et d'une datation difficile, vers le 2e quart du 15e s. (?). La baie 105 rassemble aujourd'hui des panneaux hétéroclites, mais qui traduisent l'existence de deux autres verrières du 15e siècle : un chanoine donateur dans la lancette gauche est aujourd'hui la seule partie conservée d'une verrière par ailleurs inconnue. En revanche, les figures de saint Christophe, de saint évêque et la tête du porteur des armoiries de France appartiennent à un même ensemble et sont peut-être restés dans leur baie d'origine, située au-dessus de la chapelle Saint-Christophe.
Pose de verrières nouvelles en 1515 : Le 22 mars 1515, marché est conclu par les procureurs du chapitre avec Christophe Fabre, peintre de Narbonne, pour la confection de cinq vitraux destinés à achever le décor vitré des baies hautes des travées droites du chœur : le chapitre promet de livrer au peintre verrier, le verre, le fer, l’étain, le plomb, le charbon, le ciment et les pierres nécessaires pour faire les vitraux. Sur chaque vitrail le peintre verrier représentera les images de saint Just et de saint Pasteur et, au pied de chaque image, les armes du chapitre ; sur l’un des vitraux, côté sud, il représentera les images de saint Bernard et de saint Yves avec les armes du roi Louis XII, mort le 1er janvier et de Bretagne en hommage à Anne de Bretagne, morte en 1514, au-dessous ; les vitraux seront bordés de couleur (Arch. dép. Aude, G 30, f°. 228). Ce peintre verrier résidait à cette date à Narbonne et semble s'y être fixé, dans la mesure où le 13 décembre de cette même année 1515, le chapitre constitue pour lui une rente annuelle en contrepartie de l'entretien de l'ensemble des vitraux de la cathédrale. Parmi ce qui est en place du vitrage de la cathédrale, les panneaux anciens des baies 106, 107, 108, 109 (saint Just et saint Pasteur) et 112 (saint Bernard et saint Yves) correspondent à cette commande, entièrement conservée. Il est possible d'y observer la reprise de cartons entre les figures des baies 107 et 108 ; dans chacune des verrières consacrées aux saints patrons de l'église cathédrale, les cartons sont repris en miroirs mais avec un certain nombre de variantes. Les bordures de couleur mentionnées dans le marché , qui cernaient les losanges et les parties peintes, ont disparu.
Cet ensemble, presque entièrement consacré aux saints patrons de la cathédrale, dont les images sont répétées suivant des procédés « économiques », est formé des verrières les plus tardives posées dans l'édifice avant le 19e siècle. Après cette date, les travaux connus concernent exclusivement réparations et restaurations.
Si le vitrail de la baie 110 est de pleine couleur, la disposition du décor vitré voulu au début du 16e siècle, par économie peut-être, par souci de clarté probablement aussi laisse une large part aux vitreries blanches parmi lesquelles sont disposées des figures monumentales dans un cadre architectural réduit au minimum, et accompagnées d'armoiries.
Réparations de l'époque moderne : Les acteurs de l'entretien et des réparations des vitraux sont connus par les archives du chapitre, qui livrent les noms de nombreux vitriers, souvent attachés à l'édifice par un marché. Ces indications peuvent être confrontées au nombreux graffitis relevés sur les verrières elles mêmes, traces d'interventions anciennes. Dans l'ordre chronologique, les archives capitulaires contiennent les noms de Jean Gély peintre de Narbonne cité en 1513 et en 1533 (AD11, G31, f° 19, f° 119 et 121). Le 21 novembre 1521, Nicolas Robin, peintre et vitrier de Narbonne, est chargé de faire les réparations dans l’église Saint-Just, moyennant six setiers de froment et deux muids de vin par an. (AD11, G 31, f°. 393) Le 15 mars 1546, marché passé entre le chapitre et Nicolas Loix peintre de Narbonne pour l’entretien des vitraux et pour le nettoyage des murs de l’église Saint-Just (AD11, G 31, f°. 297).
Jean Gardelle de Narbonne est nommé vitrier de l’église Saint-Just le 20 mai 1616, chargé de l'entretien des vitraux de la cathédrale, des vitreries des maisons et résidences canoniales et du nettoyage des murs de la cathédrale (AD11, G 36, f°. 5). Le 21 novembre 1640, il en est de même pour Gabriel Cazavassier, de Narbonne (AD11, G 36, f°. 44). Le 7 décembre 1645 un marché est signé avec Jacques Coutilhac , pour « (...) bien réparer et remettre en bon et deue estat toutes les vitres de ladite église et d’y mettre des verres de coleur par tout où il sera nécessaire et d’en hoster le verre blanc, s’y tant est que par le moyen d’icelluy lesdits vitres se trouvassent disformes (...) » (AD11, G 36, f°. 54) ; il est également nommé vitrier de l’église dans les jours suivants (AD11, G 36, f°. 55). Jacques Couderc de Narbonne reçoit cet office le 15 avril 1656 (AD11, G 36, f°. 72) puis est confirmé dans cette situation le 29 mai 1664 (AD11, G 36, f°. 98). A cette occasion, le chapitre indique qu'un marché devra être passé pour les travaux de peinture sur verre qui pourraient être nécessaires. Son successeur (?) portant le même nom a laissé un graffiti, témoignant de son intervention dans la baie 14. Plusieurs verrières pourraient avoir conservé les vestiges de ces travaux de peintures. Il s'agirait de parties de grisaille assez couvrantes, dont les motifs s'inspirent des décors anciens, mais sans souci archéologique (panneaux des parties supérieurs de la baie 104 particulièrement).
Le 24 septembre 1752 Jean Sabatier, maître-vitrier et Henry Roux, mesureur de grains sont cités pour prendre à ferme la dîme sur la culture de la salicorne, plante permettant la production de soude, moyennant 600 livres par an. (AD11, G50, f°. 210). Le même Jean Sabatier a laissé un graffiti en 1744 lors de son intervention dans la baie 100 (Narbonne, 1896-1897). Sont aussi connus par des graffitis les vitriers ou compagnons vitriers Dupuy, Lyeulyère, Damour, La Fontaine dit parisien, Gatinois pour le 17e siècle, Jean Chalan de Béziers, Bompart Combe, Le bon nantais, Louis Raymond, Antoine Aguzelle ou Jaguzelle ?, pour le 18e siècle (cf. baie 110). Ces inscriptions témoignent des incessantes campagnes d'entretien et de réparations.
En compilant les dates d'intervention des vitriers sur les verrières, spécialement sur les verrières hautes, il semble possible de suivre la trace d'une campagne de réparation concertée : dans les tympans des baies 100 et 102, deux graffitis de 1744, respectivement par le vitrier du chapitre Jean Sabatier et par Guillaume Jaguzelle. Baie 110, inscription qui mentionne la réparation du vitrail également par Jean Sabatier en 1743. Baie 109, Baptiste Combes, vitrier de Narbonne, 1747, Toulousain, vitrier, 1747 et Riacet, 1751. Baie 104, 1734 et 1739. Dans la chapelle Saint-Michel (baie 10) Sabatier, 1735.
Les interventions des vitriers du 18e s. comme celles de leurs prédécesseurs sont souvent encore perceptibles aujourd'hui, les restaurations contemporaines ne les ayant pas fait systématiquement disparaître. Leurs travaux relèvent des méthodes de travail des vitriers, qui pratiquent le bouche-trou comme principale méthode de travail, capables seulement de remises en plombs et de remplacement de pièces manquantes soit par des bouche-trous, soit par des pièces non peintes, ou encore en recoupant et en remontant des pièces anciennes pour en faire des compositions nouvelles, souvent géométriques, particulièrement visibles dans la majorité des remplages des chapelles et dans les verrières hautes, non touchées par les restaurateurs avant la Seconde Guerre mondiale.
On ne sait de quand date la disposition actuelle de la baie d'axe, qui a perdu ses fonds. Aucun document non plus sur l'éclaircissement de la baie 3.
Restaurations du 19e siècle : Ferdinand de Guilhermy (f° 309v°) note : « Les verrières de la cathédrale de Narbonne sont encore assez nombreuses, ainsi que l'a remarqué avant nous M. Mérimée, elles lui ont paru d'ailleurs d'un style médiocre, et nous sommes de son avis ». Viollet Le Duc remarque cependant les grisailles, spécialement celles de la chapelle nord du choeur, reproduites par Lasteyrie.
Le mode opératoire des vitriers perdure très longtemps au 19e siècle, la majorité des travaux réalisés tout au long du siècle étant confiés aux vitriers locaux payés par la fabrique. Louis Narbonne insiste sur l'importance des interventions du vitrier de la cathédrale, Passet, auteur de très nombreux travaux de remises en plomb et à qui il est possible d'attribuer le remaniement de diverses verrières, en particulier la composition des parties géométriques des tympans. Dans la seconde moitié du 19e siècle les archives, peu prolixes, ne cessent de relever le mauvais état des meneaux dont les pierres se détachent et sont souvent annoncés comme prêts à tomber, le mauvais état des serrureries qui contribuent à faire éclater la pierre, les nombreuses fuites dues au manque d'étanchéité des panneaux.
Louis Narbonne signale la pose dans la baie 22 (chapelle Sainte) d'une vitrerie avec les armes du chapitre en 1845 par un certain Godard ; le même vitrier pose dans la baie placée au-dessus de la porte du cloître (baie 20) une vitrerie polychrome avec les armes du chapitre et celle de la famille Gentien (anciennes ?). Le témoignage le plus ancien repéré d'un travail de peinture sur verre conçu comme une restauration est signalé dans la baie 101 où un graffiti permet d'attribuer la restitution d'une partie du couronnement d'architecture à Jean Jean Lud. A. Conivi.
Les interventions menées sous l'autorité de l'Etat sont longtemps modestes dans un contexte conflictuel avec la fabrique et en tenant compte de ce que l'édifice perd son rang de cathédrale en 1861, et de l'opposition systématique de la commission des Monuments historiques, jugeant que les réparations des vitraux ne relèvent pas de sa compétence. En 1844 il contribue à ajourner l’allocation demandée. Son rapport à la Commission des monuments historiques du 6 décembre 1850 est assassin : « Les craintes exprimées par le maire sont fort exagérées. L’église aurait, je crois, besoin de quelques réparations d’entretien et surtout d’une allocation assez considérable pour qu’on put la terminer. Mais je ne pense pas que ni les travaux d’entretien ni l’achèvement doivent être imputés sur le fonds des Monuments historiques ».
En 1839, Viollet-le-Duc nommé un an auparavant au Conseil des bâtiments civils, est envoyé par Mérimée étudier un projet d’achèvement de la cathédrale ; il revient à Narbonne en 1843. Les réalisations dont témoignent les archives du service des Monuments historiques sont infiniment modestes : en 1840 dépose, réparation des meneaux et des vitraux de 4 baies des chapelles, 1842 et 1843, d'autres baies sont concernées, sans plus de précisions , en 1843, 3 baies id. ; après une interruption de l'aide de l'Etat, quelques réparations en 1847-1848, 1851, réparation des vitraux de la chapelle Saint-Joseph ; En 1855, Viollet-le-Duc et Charles Laisné établissent un devis qui semble marquer le début d'une reprise de travaux plus coordonnées, envisageant la réfection des meneaux des chapelles Saint-Michel (baies 10, 12 et 14), Saint-Martin (bais 9, 11 et 13), de l’Ange gardien (baie 15) et de Saint-Joseph (baie 17). La réalisation de ces travaux est cependant à multiple reprises ajournée, Mérimée s'opposant à nouveau à leur réalisation sous prétexte d'un financement insuffisant. En 1859, trois fenêtres basses au nord (baies 19, 21 et ?) ont été réparées, mais les vitraux des baies 9, 11 et 13 sont désormais prêts à tomber. Entre 1864 et 1870, les vitraux de deux chapelles non localisées ont été réparés. Ces travaux de remise en état des meneaux et de réparation des vitraux sont relancés par le devis du 12 novembre 1879 dressé par Charles Laisné, qui comprend un chapitre pour la réparation des fenêtres des baies de la chapelle Saint-Michel (baies 10, 12 et 14) (), Saint-Pierre (baies 4, 6 et 8), de la Vierge (baies 0, 1 et 2), de la Trinité (baies 3, 5 et 7), au-dessus de la porte du cloître (baie 22), chapelle Sainte-Anne (baie 20) et le rejointoiement des meneaux des baies hautes du chœur à trois meneaux ; ce devis est approuvé le 3 décembre 1880.
En revanche, les archives paroissiales contiennent les mentions de nombreux travaux d'entretien réalisés par le vitrier de Narbonne Passet et des graffitis témoignent d'autres travaux. Sont documentées ses interventions sur la baie 100, remise en plomb en 1840, à compléter. En juillet 1843, un devis dressé par l’ingénieur Castanier envisage une campagne de réparation des vitraux, commençant par le chœur (Arch. par., Délibérations du conseil de fabrique, 1, 1843, f° 3 v° juillet 1843) mais rien n’est entrepris de façon systématique. En somme, jusqu'à la fin du 19e siècle, les travaux entrepris ne sont que des travaux de réparation et non de véritables restauration et il semble difficile d'y relever une politique cohérente. Cependant, l'attention s'est portée principalement sur les chapelles.
La partie la plus perceptible aujourd'hui de ces travaux se rapporte à la mise en place de verrières neuves dans les baies des chapelles des travées droites nord, où peu de d'éléments du vitrage ancien étaient conservés : grisailles décoratives dans la baie 21, une vie de saint Vincent de Paul par Emmanuel Champigneulle de Bar-le-Duc dans la baie 19 (1885), les figures de la Vierge et de saint Joseph par Nicolas Coffetier, d'après les cartons de Louis Steinheil pour la baie 17 (1857), les figures de saint Charles Borromée et de sainte Eulalie complétées par des grisailles décoratives à la façon du début du 14e siècle (d'après les modèles des grisailles anciennes de la cathédrale ?) par Louis-Auguste Steinheil et Nicolas Coffetier pour la baie 15 (1864). On observe ici l'emprise des ateliers du Nord de la France, les deux derniers, parisiens, œuvrant régulièrement sur les chantiers menés par Viollet-le-Duc.
Les premières restaurations dans le sens modernes du terme et concertées interviennent seulement au début du 20e siècle. Elles ont lieu sur une période relativement courte, entre 1909 et 1917. Menées à l'initiative de l'architecte en chef des Monuments historiques Henri Nodet et confiées au verrier parisien Edmond Socard, elles concernent l'ensemble des verrières anciennes des chapelles du chœur (baies 0 à 14). Les travaux, organisées de façon rationnelles commencent par la chapelle Saint-Michel au sud (baies 10 à 14) et progressent du sud vers le nord. La restauration des baies des chapelles Saint-Michel et Saint-Pierre (baies 14, 12, 10, 8, 6 et 4) a lieu de 1909 à 1911. Après interruption des travaux relatifs aux vitraux en 1912, ceux-ci reprennent au cours de l'année 1913 par les baies 2 et 0. Ainsi, au début de 1914, 8 verrières ont-elles été restaurées. Au rythme soutenu de deux verrières par an, les années 1915 et 1916 voient les restaurations des baies 1, 3, 5 et 7. Le successeur de l'architecte Henri Nodet, Joseph Sallez décide d'achever le programme de restauration et mène les travaux sur les baies 9, 11 et 13 en 1917. Des grillages sont posés en 1919, marquant l'achèvement complet de l'opération. Le vitraux son systématiquement remis en plomb ; si l'intervention est relativement modeste sur les parties figurées, en revanche, pour les grisailles, de nombreuses pièces sont refaites à neuf de façon à redonner une cohérence à la verrière, voire à en rectifier le dessin ; les parties neuves sont généralement numérotées. Cependant, les verrières hautes demeurent dans l'état où les ont laissé les vitriers de l'époque moderne et du 19e siècle. Les fragments anciens de grisaille provenant de Narbonne et remployés à Fontfroide, ont pu être acquis lors de la restauration Socard de 1919-1918.
A la veille de la Seconde Guerre mondiale, dans le cadre de la défense passive, l'ensemble des vitraux anciens sont déposés à partir du mois de décembre 1939 par Jean Lacombe entrepreneur à Narbonne (?). Pour être mises à l'abri, les caisses sont ensuite entreposées au monastère Sainte-Scholastique à Dourgne dans le Tarn. Le peintre verrier Richard Burgsthal qui a installé un atelier au sein même de l'abbaye et qui entend passer la période de la guerre à y travailler, œuvre dès 1940 à la restauration des baies 110 et 11, endommagées pendant la dépose et le transport. Le but attribué à l'opération est la mise en état de repose de l'ensemble du vitrage ancien. Burgsthal intervient sur de très nombreux panneaux, opérant leur désertissage, au ré ajustage des coupes et à leur remise en plombs avec usage massif des plombs de casse. Au cours de l'année 1940, outre les travaux spécifique sur les baies 110 et 11, 117 panneaux des baies basses 9 et 13 sont repris ainsi que 57 panneaux appartenant aux baies hautes 109, 107, 105, 106, 108 et 102. Au début de 1941, l'ensemble des verrières basse est passée entre ses mains, 155 panneaux des verrières des baies 7, 5, 3, 1, 0, 2, 4, 6, 8, 10, 12 et 14 ayant été restaurés. Au premier semestre 1944, peu avant son décès, Burgsthal travaille à la baie 13 (?), non pas à Dourgne, mais à sa verrerie de Carros (Alpes-Maritimes).
Dès le début de 1947 la repose des vitraux est envisagée, en premier lieu celle des verrières basses des baies 13 et 9 et de la chapelle Saint-Michel (baies 10, 12 et 14). Les autres verrières sont alors à l'atelier Chigot en réparation dans l'attente de leur remise en place. Lorsque les travaux commencent on s'aperçoit au cours de l'année 1948 que les restaurations censées avoir été exécutées par Burgsthal ne l’ont pas été : en fait, sur les 475m2 de vitraux déposés, seuls 265 m2 ont été restaurés, le peintre verrier s'étant en priorité occupé des parties figurées. En juin de 1948 sont jugées prêtes à la repose, l'ensemble des verrières des chapelles et les verrières hautes 109, 107, 105, 106, 108, 112 et les lancettes de la baie 110. Les travaux de restauration complémentaires nécessaires sont envisagés dès 1951, mais s'achèvent seulement à la fin de 1952, la repose ayant lieu au premier semestre de l'année 1953. Le tout est confié à l'atelier Francis Chigot de Limoges. Ils concernent principalement, pour les chapelles, les baies 13 (tympan), 7, 5, 3, 1, 10 et 12 et les baies hautes 100, 101, 102 et le tympan de la baie 110. Les travaux réalisés dépassent de loin les prévisions initiales, car de nombreuses pièces peintes de complément doivent être réalisées, pour une véritable restauration. De façon à homogénéiser l'aspect des différentes interventions, est posée une patine à froid, qui a vite donné un aspect « sale » aux vitraux et a du être retiré lors des dernières restaurations. Au terme de cette nouvelles campagne de travaux, la première restauration moderne des verrières hautes qui comprend des remises en ordre et des compléments, Jean Lafond y voit en 1956 « un désordre parfait, mais une bonne conservation générale » et, parlant de la baie 102, « un arrangement de vitrier avec cependant de bons morceaux ».. Contrairement au principe généralement adopté par le service des Monuments historiques lors des déposes de la Seconde Guerre mondiale, les panneaux déposés n'ont pas été photographiés panneau par panneau avant et après restauration. Cependant l'entrepreneur chargé des échafaudages Maral Joucla réalise en 1948 311 clichés des vitraux, achetés par l'Etat après son décès en 1951 ; ces clichés n'ont pas permis la réalisation de photomontages.
Restaurations contemporaines : Une nouvelle restauration des vitraux de la chapelle d'axe (baies 0, 1 et 2) est envisagée en 1995. Dans cet objectif, est opérée la dépose et le transfert de deux panneaux (baie 0 C2, baie 3 A4) au LRMH. Jean-Marie Bettembourg note dans son rapport à leur sujet l'excellent état des verres, mais l'effacement de la grisaille, la présence de nombreux plombs de casse et de casses récentes. La consolidation de la grisaille est préconisée par mélange de Viacryl et de Desmodur dans de l’acétate d’éthyle. Les travaux commencent en 1997 ; la restauration des baies 0 et 2 est confiée à l'atelier de Pierre Rivière à Foix (Ariège) et celle de la baie 1 à l’atelier Fournier-Dupuy de Bordeaux. L'opération, achevée en 1998 a permis la remise en ordre de l’iconographie de la baie d’axe d'après les indications fournies par Nathalie Frachon-Gielarek, d'après Jean-Pierre Suau ; toutes les verrières ont bénéficié de la pose d'une double verrière de protection en mise en plomb simplifiée ; a également été réalisé le déplacement des fers de chaînage de façon qu'ils correspondent aux passages des barlotières et d’évider des ombres gênantes. Une étude préalable sur l'ensemble des verrières hautes confiée en 1997 au peintre verrier Pierre Rivière introduit deux campagnes de restauration. La première, confiée aux atelier Hermet-Juteau de Chartres et Jean-Dominique Fleury de Toulouse, a lieu en 2001 et 2002 ; elle concerne les baies 100, 101, 102, 103, 105, 107 et 109. Une deuxième campagne de travaux concerne les verrières sud, marquant ainsi l'achèvement de la restauration des verrières hautes. Elle est confiée au groupement des ateliers Pierre Rivière de Saint-Jean-de-Verges (09) et Michel et Daniel Bataillou de Toulouse sous la direction de Jean-Louis Rebière, ACMH, mais suivant les principes adoptés auparavant par son prédécesseur : les travaux commencent par la baie 104, dont il faut d'abord revoir la maçonnerie. Les verrières des baies 104 et 110 bénéficient de doubles verrières de protection intégrales ; en revanche, dans les baies 106 et 108 seules les parties figurées sont protégées. Ce principe est repris pour la baie 112, dont la restauration a lieu en 2009-2010. En 2011-2012, un groupe de verrières basses, celles de la chapelle Saint-Michel (baies 10, 12 et 14), est confié pour restauration à l'atelier Jean-Dominique Fleury de Toulouse, où nous avons pu les étudier : lors de cette restauration, l'ordre des scènes a été modifié, reprenant partiellement les hypothèses formulées par Jean-Pierre Suau (Suau, 1992).
Né à Mulhouse. Conservateur en chef du patrimoine - Centre André Chastel (Laboratoire de recherche en Histoire de l'art - UMR 8150 du CNRS) Institut national d'histoire de l'art, 2, rue Vivienne.
Directeur du Comité français du Corpus vitrearum.
Vice-directeur de la Revue de l'art.
Docteur habilité à diriger des recherches (Université François Rabelais, Tours).