Ginoles-les-Bains se situe à deux kilomètres de la ville de Quillan, à moins d’un kilomètre de la gare. Située à 340 mètres d’altitude, cette modeste station nichée au milieu des collines de l’Aude est surplombée par le Quirbajou (1 300 mètres) et les hauteurs du Portel, qui offrent des promenades pittoresques en forêt. Le climat est doux et l’air est pur. Les eaux bicarbonatées calciques et magnésiennes sont réputées pour soigner les reins, la vessie, les intestins, le foie et l’arthritisme. Elles sont prises en bain et en boisson et embouteillées. Elles sont analysées régulièrement dès 1763, et médaillées d’argent en 1776. En 1879, les eaux reçoivent la médaille d’argent de l’Académie royale des sciences, Inscriptions et Belles Lettres de Toulouse.
Deux sources alimentent l’établissement thermal : la source Sainte-Eulalie ou Rosita la source Prosper ou Pascal.
Les prémices de l’exploitation des eaux.
A la fin du XVIIIe siècle, juste avant la révolution française, Monsieur de Brésillou souhaite créer un établissement de bains à Ginoles, sur son terrain où jaillissent des eaux chaudes et froides. Le projet est contrarié par les habitants, qui craignent de se voir privés de l’usage des eaux.
Monsieur Croux devient propriétaire de la parcelle sur laquelle se trouvent les sources. Il entreprend à son tour la construction d’un établissement thermal. Face à l’opposition des habitants, il consent à accorder aux ginolais des droits sur les eaux. Un acte passé devant le notaire M. Pinet le 4 janvier 1808 accordent aux ginolais de boire à la fontaine chaude, d’y laver le linge, de prendre des bains dans une baignoire de l’établissement et de faire boire les chevaux dans le canal. Lorsque M. Croux meurt en 1819, ses 7 enfants héritent de l’établissement, mais plusieurs sont mineurs. Le partage se fait en 1821. Sur le cadastre napoléonien de 1826, une construction apparaît sur la source à l’emplacement de l’actuel hôtel Sainte-Eulalie, ainsi qu’un moulin à eau alimenté par les sources. Peu à peu, les droits d’usage des eaux assignés aux ginolais sont remis en question. Pour se venger, ces derniers ne vont plus faire moudre leur grain au moulin. La saison est difficile, et les Croux sont contraints de vendre le moulin en 1837 aux frères Rivière.
Un ambitieux propriétaire
Les héritiers Croux conservent l’établissement jusqu’au 13 octobre 1842, lorsqu’ils vendent la propriété à Guillaume Joseph Martin, ancien receveur de la banque postale du canal du midi. Il entreprend de nouveaux aménagements, fait reconstruire les baignoires et crée le jardin d’agrément. Il fait construire l’hôtel des tilleuls au bord du bassin en 1845. Il apparait sur une gravure de Buzairies de 1846. Le 1er février 1858, Martin rachète le moulin à Jean Pierre Augereau dit Toustou, meunier à Ginoles, dans le notaire Canavy à Quillan. En 1865, Ginoles accueille entre 200 et 250 buveurs pendant la saison d’été. Mais le nombre de buveurs ne suffit pas à rendre l’établissement rentable. Le 13 août 1868, Omer Chevrefeuil Martin, l’héritier, est exproprié et Casimir Gayda est adjudicataire. Il revend l’ensemble de la propriété en 1871 à Prosper Lassave, conducteur des Ponts et Chaussées depuis 1846.
De nouveaux aménagements
Dans l’acte de vente du 5 juillet 1871 établit un inventaire précis des bâtiments qui composent alors l’établissement : une usine et un établissement de bains avec toutes leurs dépendances, eaux thermales et autres sources, maisons servant d’hôtel autres bâtiments, écuries avec remise, chapelle dédiée à St Roch. Jardins, allées, vignes, champs, bassin, canaux, terres labourables et vagues. Le tout porté dans les numéros 72, 81, 77 section B. 599, 603, 608, partie 645 section A 68, 69, 70, 71, 73, 74 partie de 75, 76, 78, 79, 80, 81, 82, 83, 84, 85 et 86 section B de la matrice cadastrale de la commune de Ginoles, d’une contenance totale d’environ un hectare 88 ares. À noter ici que la chapelle Saint Roch, malgré l’absence de date portée, est mentionnée. Elle est construite entre 1826 (cadastre napoléonien) et 1871 (date du présent inventaire).
En 1875, le nombre de bouteilles expédiées chaque année s’élève à 300. La galerie de cure est construite en 1878. Elle se compose de 16 cabines de bains et de douches, d’un pavillon pour les baigneurs et comprend également la maison du directeur. La buvette est alimentée par les deux sources au centre du parc, qui alimentent également le bassin.
Le moulin est désaffecté et réaménagé en 1881 en villa du parc, destinée à l’hébergement des familles et des ménages. Elle comprend 7 chambres et une cuisine commune. Prosper Lassave engage la construction de l’Hôtel Sainte Eulalie en 1881. Il comprend 34 chambres.
Lors de son séjour à Ginoles l’année suivante, Eugène Stublein publie en p. 23 de sa Description d’un voyage aux établissements thermaux de l’arrondissement de Limoux : « Tout ici a de la variété, du charme et de la grâce : beaucoup de verdure avec de beaux massifs, des sources abondantes, de vastes établissements et une bonne et nombreuse société. Des divertissements et beaucoup de promeneurs car Ginoles est, on peut dire, un des boulevards de Quillan ».
Prosper Lassave meurt le 27 septembre 1881. Les héritières sont sa veuve Rose Calvet et leurs deux filles Octavie et Christine Lassave. Le 3 janvier 1882, Christine Lassave épouse Ernest Cros. Octavie est encore mineure. Le partage est difficile, il s’effectue par licitation devant le tribunal civil de Limoux le 28 avril 1884, lorsque Rose Calvet rachète ses parts à ses filles. Un nouveau jugement est rendu le 28 février 1887 à la demande de Christine Lassave Cros. Après la mort de Rose Calvet, le partage est à nouveau fait entre Octavie Lassave et les époux Cros en 1905-1906. Ernest Cros prend la direction de la station.
Au tournant du siècle
Les publications vantant la quiétude de la station de Ginoles ainsi que la qualité de ses eaux se multiplient. La création d’un syndicat d’initiative à Quillan assure la promotion de l’établissement thermal de Ginoles. Dans le guide pratique du baigneur de 1902, Lagarde décrit l’ensemble des équipements avec beaucoup de détails. En 1905, Les sœurs Lassave et Ernest Cros demandent que les sources Prosper et Rosita soit déclarées d’intérêt public. En 1907, l’Institut Bouisson Bertrand de Montpellier effectue des analyses des sources, afin d’étayer un projet de centre de tourisme et de thermalisme à Quillan. Ce projet ne voit finalement pas le jour.
Nous savons qu’en 1908, la saison dure du 15 juillet au 15 septembre. La station reçoit environ 500 à 650 baigneurs, dont 150 à 200 peuvent être logés simultanément dans l’établissement. Le volume d’expéditions d’eau embouteillée est de 3 000 bouteilles.
Dans la brochure de présentation de l’établissement de 1909, un feuillet complémentaire est ajouté, présentant la méthode Kneipp de médication naturelle. L’établissement thermal de Ginoles reçoit de nouvelles améliorations en 1911. Dans le Journal Officiel des établissements français de l’Inde et le Journal Officiel de la Martinique, le Ministre des colonies classe Ginoles au rang des stations recevant du personnel colonial en 1922. C’est à cette période que la station de Ginoles accueille le nombre de curistes le plus grand, à savoir environ 1 000 baigneurs et accompagnants par saison, des années 1920 jusqu’à la seconde guerre mondiale. Trente chambres sont équipées de l’eau courante en 1935. En 1922, un projet de classement en station hydrominérale est rejeté dans un premier temps, la capacité d’accueil est d’abord estimée insuffisante. En 1927, Ernest Cros crée la Société anonyme des sources thermo minérales de Ginoles et en prend la direction.
Après la Seconde Guerre mondiale
Le 1er septembre 1939, le Préfet lance un avis de réquisition de la nation en temps de guerre. L’établissement thermal de Ginoles est susceptible d’être réquisitionné pour les besoins de la nation. Sur les recommandations de son médecin parisien, André Gide séjourne à Ginoles en juillet 1940. Il retrouve ses amis Alibert et Joe Bousquet à Carcassonne. Dans son journal, il décrit l’établissement thermal de Ginoles, il est particulièrement sensible à la beauté du platane séculaire qui s’enracine près de la source buvette.
Après la guerre, l’établissement peine à reprendre une activité régulière et à retrouver une clientèle. Le centre ferme en 1958. Après quelques années d’inactivité, Raoul Lubat rachète l’établissement en 1962 et transforme l’ensemble en centre de loisirs avec hôtel et restaurant. Il réaménage les bassins en piscine, alimentée par les eaux des sources.
En 1970, le comité d’entreprise de la société Citroën achète le site pour le transformer en centre de colonies de vacances pour les enfants des employés de l’entreprise. Il exploite également une partie du terrain qu’il aménage en camping.
En 1973, Marie-Françoise Couès rachète l’ensemble de l’établissement et le convertit en résidence du parc, avec piscine, mini-golf et la villa du lac devient la discothèque l’Oasis. Son activité se poursuit jusqu’en 1992. L’hôtel se délabre, et des chutes de neige ont effondré le toit de la chapelle. La commune de Quillan étudie alors un projet d’usine d’embouteillage à Ginoles, qui n’aboutit pas. En 2018, une société privée rachète l’ensemble de l’établissement dans l’optique d’y développer un centre de bien-être.
photographe à Quillan.