Corneilla-de-Conflent des origines au 12e siècle
Les premières traces d’occupation attestées sur le territoire de Corneilla-de-Conflent, remontent à la période du Paléolithique moyen, avec la découverte d’éclats de quartz et de silex dans la grotte del Mig, localisée au niveau d’une falaise de marbre dressée sur la rive gauche du Cady. La grotte est comprise parmi un ensemble de cavités appelées « Balmas Bergès », découvertes par l’archéologue Jean Abélanet dans les années 1950 [BLAIZE, revue Conflent, 1985. p.p. 13-18]. Les fouilles archéologiques menées dans la grotte ont permis de mettre à jour des pièces lithiques sur éclats, taillées dans divers matériaux (jaspe opaque, quartzite et quartz), identifiées comme étant issues de la production moustérienne. Un aménagement lié à un habitat temporaire a également été observé dans les années 1980. Il s’agit d’un mur en pierre sèche, qui aurait pu servir de soubassement de huttes en branchages et peaux [BLAIZE, revue Conflent, 1985. p. 16]. Aussi, la fréquentation du site à la fin du 4e siècle ou au cours du 5e siècle ap. J.-C. est marquée par la découverte d’un fragment de céramique paléochrétienne estampé [KOTARBA, Jérôme, CASTELLVI, MAZIERE, 2007, p.314].
Les études menées sur les autres grottes du réseau ont révélé la présence de mobiliers du Solutréen supérieur (- 17 000 ans BP), notamment dans la grotte des Ambullas avec des pointes de silex en forme de feuilles de lauriers [BLAIZE, revue Conflent, 1985. p. 13]. Par ailleurs, la Cova Bastera, grotte fortifiée après l’occupation des Miquelets en 1674, présente des traces de peinture rouge datées du Paléolithique supérieur [GAILLI, 1996, p.12].
L’occupation Néolithique est visible à travers la présence de deux constructions mégalithiques en bon état de conservation, à savoir les dolmens du Serrat d’en Parot (794 m d’altitude) et de Corbatorat (628 m). Situé à la frontière entre les localités de Corneilla et de Fuilla, celui de Cobartorat orienté au sud-est, comprend trois pierres dressées à la verticale, supportant une imposante dalle arrondie. Sa chambre funéraire est large de 2 m par 1 m et demi. La fouille du Serrat d'en Parot en 1968, permet de connaître les différentes phases d’occupation du site, notamment à l’époque antique avec la présence d’un tesson de poterie romaine à vernis rouge [KOTARBA, Jérôme, CASTELLVI, MAZIERE, 2007, p.313].
C’est au 10e siècle qu’apparaissent les premières mentions de la localité de Corneilla-de-Conflent (« Cornelianum » en 901, 950 et 968 / « Cornilianum » en 975), puis au 11e siècle (« Corniliano », « villa Corneliani ») [BASSEDA, 1990, p.414]. Au cours de ce dernier siècle, le Conflent est marqué par sa réunification au comté de Cerdagne en devenant une vicomté, dont le vicomte résidera au château de Joch, tandis que les comtes établiront leur « palais d’été » à Corneilla-de-Conflent. Il subsiste de ce château une tour, deux courettes intérieures et des murs remaniés à la Renaissance. En effet, les textes du début du siècle attestent de l’existence du palais (« El Palau ») des comtes de Cerdagne et du Conflent, dont Guifred II (vers 970-1050), en fit sa résidence d’été [Historique de Corneilla-de-Conflent, [en ligne]]. Aussi, l’église Sainte-Marie de Corneilla qui jouxte le palais apparaît également dans les sources historiques. En 1094, le comte Guillaume-Raymond Ier (de 1068 à 1095) indique dans son testament vouloir installer une communauté religieuse en son sein. C’est ce que fit son fils, Guillaume-Jordà (1095-1105) en 1097, avec l’installation d’une communauté de douze chanoines obéissant à la règle de Saint- Augustin, avec à leur tête un prieur sous l’autorité directe de l’évêque d’Elne. Des religieuses sont au service des chanoines, comme en témoigne une épitaphe encastrée dans le mur du collatéral sud (« + ANNO INCARNACIONIS CHRISTI MCLXXVII OBIIT STEPHANIA DE OLCEIA, SOROR HVIVS CONVENTVS », à savoir « L’an de l’Incarnation du Christ 1177 mourut Stéphanie d’Osseja, sœur de cette communauté ») [DURLIAT, 1958, p.221].
Devenue collégiale augustine, l’église Sainte-Marie est transformée en prieuré au 12e siècle, avec la construction d’un cloître par les chanoines. Ce remaniement s’inscrit dans un vaste programme d’agrandissement de l’édifice, qui se devait d’être à la hauteur de l’importance du site d’implantation. En effet, la localité de Corneilla-de-Conflent prend le statut de capitale du comté en 1100 [CCRP. 2005].
Jusqu’à la révolution, le prieur de la collégiale garde son statut de seigneur de Corneilla. De nombreux biens vont être acquis par la communauté religieuse, jusqu’au 15e siècle, où le déclin du prieuré est en marche.
Corneilla-de-Conflent du 14e siècle au 19e siècle
Les premiers recensements de population connues des sources historiques remontent au 14e siècle, avec la généralisation du fogatge (impôt sur le revenu foncier). Tout au long du siècle et jusqu’à la seconde moitié du 15e siècle, le nombre d’habitants est en constante diminution, en raison des nombreuses épidémies qui sévissent (1655 : 33 feux / 1359 : 28 feux / 1365-1370 : 33 feux / 1378 et 1385 : 14 feux / 1470-1490 : 14 feux / 1515 : 16 feux / 1553 : 9 feux) [BATLLE, GUAL, Numéro 11, 1973, p.p. 12,14,15,18, 23, 27, 28 et 31].
Au 18e siècle, la démographie augmente significativement, avec 30 feux entre 1720 et 1740. Suite à la Révolution française, les habitants sont comptabilisés parmi les communes qui composent le canton d’Olette, puis parmi le district de Prades. Au cours du siècle, leur nombre va osciller entre dans les environs de 300 (1787 : 330 habitants / 1792-1793 : 357 habitants / 1798-1799 : 292 habitants) [BATLLE, GUAL, Numéro 11, 1973, p.p. 38, 42, 48, 50, 52].
Jusqu’à la fin du 19e siècle siècles, les droits de pacages relatifs à l’utilisation des terrains par les troupeaux sont très réglementés sur la commune. Aussi, de nombreux litiges ont eu lieu entre les habitants de Corneilla et ceux des communes voisines, comme ce fut le cas vers 1787. En effet, ils auraient arrachés et détruits des vignes, qui avaient été plantées 40 ans plus tôt par ceux de Villefranche-de-Conflent [A.D.66 : 47 EDT 7].
Plusieurs règlements de police rural ont donc été émis ; celui en date du 2 mars 1851, indique qu’il est possible pour les habitants ou tenanciers de la commune d’introduire 15 bêtes à laine par hectare de terre labourable, sur les vacants communaux. Ces derniers sont des terres appartenant à la commune, sur lesquelles elle perçoit une redevance et en règlemente l’accès. L’article 4 explique que les troupeaux appartenant à des étrangers non domiciliés dans la commune et qui viennent pacager les fourrages d’hiver (appelés localement farratges), doivent être introduits sur les terrains communaux de 11h jusqu’à 1h du soir. Par ailleurs, les zones de pacages sujettes au ravinage, dont les deux principales sont les montagnes de Badebanys et d’Embouilla, ne doivent pas être défrichées. Les arbres et les arbustes n’ont pas à être coupés, car ils permettent de retenir la terre [A.D.66 : 2 Op 1073].
En 1867, le conseil municipal demande à revoir le règlement de police rural. Certains tenanciers forains (probablement de cabanes) non comptabilisés parmi les feux (foyers) introduisent journellement leur bétail dans les vacants communaux. Cette introduction est néfaste pour l’économie locale, car les troupeaux « y broutent les broussailles et arbustes si nécessaires pour la classe pauvre de la commune, qui n’a pas d’autres ressources pour se chauffer ». De plus, les charges qui incombent aux habitants ne le sont pas pour les tenanciers forains qui en sont exempt. Aussi, l’article 2 modifié stipule que les forains sans feux ni lieu de vie dans la commune peuvent faire paître leur bétail seulement pendant 3 mois de l’année, soit du 1er juin au 1er septembre. Une taxe annuelle devrait également être mise en place [A.D.66 : 2 Op 1073].
Corneilla-de-Conflent du 20e siècle à nos jours
Au cours du 20e siècle, le département des Pyrénées-Orientales est marqué par la survenue d’importantes catastrophes naturelles, dont l’Aïguat entre le 16 octobre et le 20 octobre 1940. Le lit du Cady, habituellement de 2 m à 5 m de large, s’étend d’une dizaine de mètres à 100 m. Au niveau de la route de Corneilla, le torrent atteint jusqu’à 4 m de haut. À Vernet-les-Bains, commune limitrophe de Corneilla, plus de 60 constructions ont été emportées, dont les débris mélangés aux galets ont atterri sur des kilomètres en aval [Vernet-les-Bains. La station ensoleillée du Canigó, des sources thermales et des randonnées. L’aiguat [en ligne]].
Pour autant, la première moitié du siècle va connaître un fort développement de l’arboriculture fruitière et de l’élevage sur le territoire, avec des prés-vergers qui participent grandement à l’économie de subsistance. Des exploitations agricoles diversifiées vont être maintenues jusqu’à la fin du siècle. Vers 1990, le recensement à Corneilla-de-Conflent fait état de 48 exploitations réparties sur 67 hectares (ha), avec 43 ha d’arbres fruitiers (dont 38 ha de pommes, 2 ha de poiriers et 3 de pêches), ainsi que de 23 hectares de pâtures et de fourrage. L’élevage représente quant à lui 31 cheptels de bovins-équins [PÀGES, PUBILL, 1996, p.141]. La diminution progressive de ces activités à la fin du 20e siècle, est liée à l’accroissement du nombre d’habitants et à une urbanisation diffuse, entraînant une plus grande artificialisation des terroirs [Le Conflent, terre fertile en Pyrénées catalanes, Revue Fruits Oubliés, Hors-Série N°1, novembre 2017, p.17]. Ainsi, la commune compte 502 habitants en 1896 contre 292 en 1800, puis 377 en 1954, 394 en 1982 et 426 en 1999 [DELATTRE, 2014, p.65].
Actuellement, la population totale de Corneilla-de-Conflent est stabilisée autour de 500 habitants (514 au 1er janvier 2021) [Insee, Populations légales en vigueur à compter du 1er janvier 2021, p.4 [en ligne]].
Enfin, outre Ria-Sirach ou encore Taurinya, le riche passé industriel du Conflent se retrouve à Corneilla-de-Conflent, qui possédait deux fours à griller le minerai et une cheminée, construits entre 1900 et 1910 [Témoignage recueilli sur le terrain]. Le minerai était transporté à partir d’une voie depuis les mines de Sahorre, puis empruntait un pont traversant le Cady. Il s’agit de la ligne Rougier, construite en 1900 par l’entreprise Rougier TP Lyon [Le fil du Fer. N°15, 2013, p.48]. Après l’opération de grillage, le minerai partait dans les hauts-fourneaux de Ria afin de produire de la fonte. Fermés en 1963 à la suite de la fermeture des mines de Sahorre, les fours griller ont été rachetés par un Anglais du nom de Hedley Smith, auprès de la commune [Témoignage recueilli sur le terrain]. Aujourd’hui, il subsiste quelques vestiges de ces constructions, non loin de l’ancien moulin à farine dit Paris.
Docteur en préhistoire