Alors qu'il avait exposé pour la première fois au Salon de Nîmes en 1849, le peintre fait preuve à Beaucaire d'une étonnante maturité, à seulement 23 ans avec un saint Paul de Thèbes amaigri au regard fiévreux, dans un paysage à la végétation extrêmement travaillée. Le saint ermite est représenté au moment où le corbeau qui le nourrissait dans sa retraite lui apporte du pain.
Le Courrier du Gard du 30 septembre 1851 fait déjà une place importante au jeune peintre dans ses colonnes :
M. Doze, jeune artiste de notre ville, sera décidément un peintre monacal. Les amateurs se souviennent qu’en 1848, à côté du tableau qui lui mérita la médaille de Bronze, M. Doze exposa ses Deux moines, ou Le retour de la Terre-Sainte. Parmi les peintures de genre qui ornaient l’exposition de 1850, un moine en prière, du même artiste, attirait les regards des amateurs. Ce goût de l’artiste pour la robe de bure fut remarqué ; son petit moine lui valut la commande du chef des anachorètes. Quelques mois après l’exposition, St Paul, premier ermite, sortait plein de macération et de sainteté de son pinceau cénobitique, pour orner l’église de Beaucaire.
C’est aujourd’hui le tour de Saint Jérôme, autre tableau de grande dimension, que produit son inépuisable palette. Autant on admire le calme, le caractère céleste de la tête de St Paul, autant on est frappé de l’énergie, de la vigueur qui caractérisent la tête de St-Jérôme.
Le Saint est en prière ; mais dans ce regard expressif qui fixe le Christ, dans cette main crispée qui le presse, dans ce bras nerveux qui frappe sa poitrine, on sent la préparation au combat. Sans vouloir établir de comparaison, je dirai ; ce n’est pas le St Jérôme épouvanté de Sigalon, mais c’est Jérôme puisant dans la prière des forces contre ses épouvantables terreurs. L’idée du lion qui occupe si majestueusement le second plan est belle et hardie, elle exprime bien mieux la force morale du saint qu’un lion à moitié endormi étendu à ses pieds. M. Doze est vrai dans St Paul, il est grand dans St Jérôme. […]
Que dirons-nous maintenant de son St Dominique arrivant à la fin de cette procession monacale […] Que M. Doze suive les inspirations d’un talent qui peut briller autre part que dans des têtes de moines. Son tableau du Rosaire, que nous avons sérieusement examiné, lui mérite des encouragements et de justes éloges. J. Boucoiran
La vie de saint Paul de Thèbes (229-342 !) a été écrite par saint Jérôme, représenté dans la même église de Notre-Dame des Pommiers.
Melchior Doze est né à Uzès. Mais, alors qu'il n'a que deux ans, son père (vérificateur des poids et mesures) meurt. La mère ramène ses quatre enfants à Nîmes. Il entre à 15 ans dans l'école de dessin de Nîmes, dirigée par Numa Boucoiran. Il propose des tableaux au Salon de Nîmes en 1849, dont l'Innocence protégée. C'est un succès et une première vente, qui lui permet d'arrêter ses tâches manuelles. Le 22 mars 1855, il devient professeur au lycée. Il y restera jusqu'en 1886. Il profite de la présence à Nîmes du peintre bordelais Felon. Surtout, il rencontre Hippolyte Flandrin, venu travailler à l'église Saint-Paul en 1849. Le 4 mars 1875, il devient directeur de l'école de dessin et Conservateur du Musée avant d'être évincé en 1881 par une nouvelle municipalité. Il obtint des Mentions honorables au Salon de Paris, en 1861 et 1863.