Les sources Le Boulou, et de Saint-Martin de Fenouillard sont analysées en 1754 par Venel et Bayen. En 1756, Thomas Carrère publie Les eaux de Saint-Martin, en référence à Saint-Martin de Fenollar où une fontaine était associée à un sanctuaire médiéval (sur la commune de Maureillas), dépendance du monastère bénédictin d'Arles-sur-Tech.
A l'époque de l'étude d'Anglada (1833), il n'existe aucune installation thermale en dehors des sources identifiées et analysées.
1840 : le début de l'exploitation
En 1840, deux familles de médecin fondent une société pour exploiter les eaux du Boulou. La famille de Bernard Falip, médecin à Sète, associé à son frère Maximin Titus, géomètre à Perpignan et la famille Massot, dynastie de médecin perpignanais, passent un acte chez Me Joseph Bouix, notaire à Perpignan le 13 novembre 1940 (Frenay, p. 99). La société est divisée en 40 actions de 1 000 francs chacune (dont 36 sont attribués au sept fondateurs mais avec un apport initial de seulement 9 600 F). Il est prévu de vendre le litre d'eau sur place à 50 centimes, dans le départements des Pyrénées-Orientales à 75 centimes et partout ailleurs à 1 F. Les buveurs se rendant aux sources paieront 50 centimes par jour. Le conseil municipal du Boulou tente en vain de faire valoir que la propriété des sources appartient à la commune ; il n'obtient que la confirmation du droit d'usage des habitants sur les eaux. La source qui est exploitée par la société est celle du Boulou, la source Saint-Martin, plus éloignée, est alors laissée de côté. Les sources Le Boulou et Saint-Martin sont autorisés par arrêté ministériel du 1er avril 1841.
Un premier "vaste établissement" est construit en 1852 et un dépôt d'eau en bouteille existe à Perpignan auprès de Philippe Massot, place de la liberté (Journal des Pyrénées-Orientales, 2 juin 1852). La fréquentation du lieu augmente dans les années 1850 : en 1857, le bâtiment destiné au logement s'avère souvent insuffisant pour recevoir les étrangers, venus du département, mais également de Girone et Figuères (Espagne) ou de Bordeaux et Toulouse (Journal des Pyrénées-Orientales, 1er août 1857).
Les installations sont relativement modestes, au sein d'un parc, car il s'agit essentiellement d'une cure de boisson. Une annonce publiée en 1862 indique que l'établissement comporte une table d'hôte, des chambres confortables et dispose de promenades délicieuses. Elle précise que des cuisines collectives sont à disposition des familles pour leur ménage et que le bourg du Boulou, à 1 km des thermes, propose toutes les ressources possibles. L'annonce indique également que les bouteilles du Boulou sont fermées par une capsule, gage de modernité et de qualité de l'eau. Leur dépôt central se trouve à Perpignan, encore chez Philippe Massot, rue de la Fusterie (Journal des Pyrénées-Orientales, 23 août 1862).
Pour l'année 1862, le caissier de la station déclare 1 001 F de revenus nets (Frenay, p. 106). C'est bien moins que le trio de tête du département, Amélie-les-Bains (8 290 F), Vernet-les-Bains (6 725 F) et Molitg (7 183 F) la même année. Cela classe la jeune station du Boulou parmi les trois stations intermédiaires avec Les Escaldes (1 675 F) et la Preste (1 204 F). En 1863, la station du Boulou accueille 112 curistes, mais la société tire surtout ses ressources de l'exploitation de l'eau embouteillée.
En 1864, la presse fait part de travaux achevés pour donner à l'établissement de plus vastes proportions et améliorer le confort et l'agrément des lieux, entièrement remeubléS à neuf. Les baigneurs peuvent alors profiter de la table d'hôte, mais aussi de salles à manger particulières et d'une cuisine commune. Une diligence fait quotidiennement la liaison avec Perpignan (Journal des Pyrénées-Orientales, 21 juin 1864). Le parc est décrit en 1866 : "attenante à l'établissement, une promenade ombreuse et accidentée conduit à un immense bassin, où l'on vient découvrir une délicieuse fontaine, et d'où jaillissent une quantité de petits ruisseaux qui, serpentant dans la mousse et le feuillage, viennent répandre partout et la fraîcheur et la gaieté" (Journal des Pyrénées-Orientales, 08 juin 1866).
Une petite station
Les analyses du professeur Béchamp, professeur à la faculté de médecine de Montpellier, concluent en 1862 à leur identité avec celles de Vichy et il surnomme la station du Boulou "la Vichy du Midi". En 1869, l'établissement thermal communique sur cette parenté, affirmant que "Le Boulou est la seule station thermale de la France et même de l'Europe où les malades puissent trouver pendant toute l'année l'équivalent des eaux de Vichy" (Messager du MidI, 06 septembre 1869). Cette assertion est considérée comme de la concurrence déloyale par la Compagnie fermière de Vichy qui intente un procès à la Société fermière des Eaux du Boulou. Cette dernière doit faire changer les étiquettes de ses bouteilles pour éviter toute confusion (Cour d'Aix, décision du 11 janvier 1898).
En 1868, l'exploitation industrielle des eaux du Boulou pour l'embouteillage est mise en place.
Une troisième source, la source Clémentine, plus abondante est captée (autorisée le 10 juin 1886) et une autre source, dite du Milieu, est exploitée à partir de 1884, pour les bains et douches. Les trois autres sources, Clémentine, Boulou, Saint-Martin sont destinées à la boisson. La source du Boulou a été la plus utilisée en raison de son accessibilité aisée, à faible distance de la route. Elle était abritée dans un chalet en bois élevé à proximité du casino. A l'intérieur, quelques marches permettaient de descendre au niveau du griffon. La fontaine était isolée de la pièce par une grille hémisphérique derrière prenait place la donneuse d'eau. Les dates de 1841 et 1884 étaient gravées de part et d'autre du nom de la source du Boulou et du monogramme BVD.
L'établissement thermal et l'hôtel associé sont agrandis entre 1870 et 1900. En 1879, un plan d'eau et une cascade sont aménagés dans le parc.
La ville du Boulou bénéficie en 1889 d'une gare sur la ligne reliant Elne et Céret (étendue jusqu'à Arles-sur-Tech en 1898). Dans une conférence publié par le Bulletin de la société de géographie de Toulouse en 1887, le docteur Garrigou se réjouit de l'absence d'un casino au Boulou et de l'atmosphère "calme et reposante" du lieu, "sans casino, sans tumulte, sans fêtes intempestives venant distraire le malade des soins que réclame sa santé". Une navette affrétée par l'hôtel de l'établissement du Boulou effectuait des rotatations entre la gare et la station thermale, un peu à l'écart du bourg.
Les trois sources dédiées à la boisson, Clémentine, Boulou, Saint-Martin-de-Fenouillard sont reconnues d'utilité publique par un décret du 15 janvier 1892.
En 1896 (décisions des 27 mars et 23 juin), l'établissement thermal du Boulou est ajouté à la liste des thermes français habilités à hospitaliser le personnel colonial. Le Boulou et Vals (Ardèche), sont les deux premières stations thermales de France à obtenir ce statut créé par un décret du 27 janvier 1894. Le chargement en fer des eaux, dans son association avec les traces d’arsenic, semble profitable aux anémies coloniales notamment. La proximité avec les eaux de Vichy était un argument pour la patientèle provenant d'Algérie qui pouvait débarquer à Port-Vendre et gagner aisément le Boulou. La station se spécialise dans les affections du foie, de l'estomac et de la vessie. Le docteur Massot est alors le directeur de la société d'exploitation et rédige une brochure sur la station.
En 1898, le Ministre de la Marine autorise l'emploi des eaux minérales du Boulou dans le service des hôpitaux marins. Les annonces dans la presse au tournant du 20e siècle indiquent que l'établissement thermal du Boulou fonctionne à l'année et que l'eau du Boulou se trouve chez tous les dépositaires d'eau minérales.
En 1907, un bâtiment d’Administration des Eaux, implanté face à l'hôtel, est construit, prolongé de part et d'autre par des ateliers. On y procédait au rinçage des bouteilles et à l'embouteillage de l'eau pour sa commercialisation. C'est sans doute à la même époque qu'une cité ouvrière est construite de l'autre côté de la route pour loger le personnel, situation apparemment unique dans les stations thermales pyrénéennes. Le chalet de la buvette du Boulou est modernisé à cette époque, en étant peint de larges rayures verticales bicolores.
La fréquentation reste modeste : la police du Perthus enregistre en 1907 140 buveurs d'eau venus avec leur famille au Boulou (Frenay, p. 169) mais le nombre de bouteilles exportées s'élève à 40 052 en 1905, 16 714 en 1906 et 34 746 en 1907, signe que l'activité d'embouteillage prime. En 1908 et 1909 les chiffres s'élèvent respectivement à 25 700 et 14 700 bouteilles. (Annales des établissements thermaux, cercles, casinos, eaux minérales). En 1919, les chiffres ne sont pas connus mais sont de 200 quintaux métriques en 1920 et de seulement 8 en 1921, plaçant le Boulou au 17e rang des stations qui pratiquent l'embouteillage (Annales des établissements thermaux, cercles, casinos, eaux minérales).
Une chapelle dédiée à Saint-Philippe existait antérieurement ; elle se voit ajouter un clocher qui est béni par le curé du Boulou le 25 novembre 1930.
Une station thermale à Perpignan ?
En 1901, les fortifications de Perpignan sont déclassées par le Ministère de la Guerre et rendues à la Ville qui n'a pas les moyens de les araser. L'entrepreneur Edmond Bartissol propose de s'en charger contre 17 des 42 hectares de terrains ainsi dégagés car il projette de transformer Perpignan en ville d'eau. Bartissol prévoit de faire venir l'eau du Boulou, distante de 25 km, par canalisation. Les fortifications sont arasées entre mai 1904 et août 1906 et des premiers bâtiments sont construits le long d'une promenade équipée de robinets destinés à être raccordés ultérieurement mais le projet n'aboutit pas.
Le projet de station déportée à Perpignan semble relancée en 1912 où une société thermale des eaux du Boulou voit ses statuts déposés chez Me Pepratx, à Perpignan le 14 mai 1912, qui a pour projet d'acheter ou de prendre bail tous terrains, maisons et immeubles situés au Boulou, à Perpignan et les communes voisines, et d'édifier et exploiter de nouvelles constructions à vocation touristiques (casino, bains, hôtels, villas, cafés, restaurants, installations sportives). Elle est initiée par Joseph Cornet, propriétaire, et Joseph Pons, banquier perpignanais, qui apportent leurs plans et les promesses de vente des installations thermales du Boulou (soit 80 hectares de terrain comprenant notamment l'hôtel, l'hôtel des ménages, les dépendances, le café, les écuries et remises, les habitations du personnel, les pavillons des buvettes, une chapelle et les sources exploitées ou non, les canalisations) et de 80 000 mètres carrés de terrain à Perpignan, en bordure de la route de Lassus. Des plans ont été élaborés par Charles et André Pages, architectes à Paris, également membres fondateurs (Annales des établissements thermaux..., 1912, p. 185).
Une Société Fermières des Eaux du Boulou, est fondée le 30 octobre 1913 avec un capital de 400 000 F par le docteur Talayrach qui possède 200 des 400 actions. Cette dernière a pour objet le fermage des eaux appartenant à la Société des eaux du Boulou (Annales des établissements thermaux, 1913, p. 369).
Au XXe siècle, un station hydrominérale orientée sur l'embouteillage
En 1921, la commune du Boulou demande à être classée comme station hydrominérale mais le conseil supérieur d'hygiène publique de la France ajourne sa décision en raison de insuffisance des conditions d'hygiène de la commune. Celle-ci s'engage alors dans un vaste projet d'assainissement pour améliorer la qualité de l'eau potable et l'évacuation des eaux usées au moyen d'un collecteur et d'égouts secondaires. Un avis favorable est obtenu en 1930 et la station obtient son classement comme station hydrominérale et climatique par décret du 17 février 1930.
D'après les dépouillements de Carole Carribon, Le Boulou produit 650 000 L d'eaux embouteillée en 1931. C'est loin de Vichy qui atteint alors 53 millions de bouteilles produites mais cela place tout de même Le Boulou au 17e rang parmi les vingt stations qui produisent le plus. C'est alors la seule station pyrénéenne qui apparaisse dans ce classement.
Deux sources ont été embouteillées : la source Colette, autorisée par arrêté ministériel du 27 octobre 1934 (dont l'exploitation est abandonnée dans les années 1990) et la source Janette, forée en 1937. Celle-ci a été autorisée un première fois au point d'émergence pour une période de 30 ans (arrêté du 22 janvier 1962) et une seconde fois après transport par canalisation et traitement de déferrisation et regazéification au gaz de source (arrêté du 27 décembre 1966). En 1997, l'Académie de médecine autorise l'emploi thérapeutique de la source Janette, en raison de la courte durée des cures et du faible niveau d'exposition aux éléments radioactifs qu'elle contient. L'emploi thérapeutique du gaz, tel que prélevé à l'émission et utilisé en injection est également jugé acceptable. En revanche, l'Académie juge que les installations ne permettent pas de respecter les normes de sécurité imposées aux eaux de boisson. L'avis est donc défavorable à l'exploitation pour l'embouteillage de la source Janette.
En 1938 et 1939 la station comportait deux hôtels : celui de l'établissement, avec eau chaude et froide, et l'hôtel du Vallespir, tout confort implanté de l'autre côté de la route. Les agréments de la station étaient alors la chasse, la pêche, le tennis et les excursions (Guide Rosenwald, 1 51, 1938 et A52, 1939), Pendant la guerre, les bâtiments thermaux servent de quartier général aux forces d'occupation.
Une vague de modernisation a lieu entre 1950 et 1980. La buvette du Boulou est reconstruite au milieu du 20e siècle dans un esprit moderne : un petit édifice à soubassement en galet, couvert d'un toit terrasse et précédé d'une entrée vitrée. La fontaine intérieure est modernisée mais la grille l'entourant est alors conservée. L'hôtel, le restaurant et les thermes sont rénovés en 1959. Un nouveau casino ainsi qu'une usine d'embouteillage sont construits à l'orée des années 1970, à 500 m environ au nord-est de la station, soit plus à proximité du bourg du Boulou.
En 1984, l'établissement a été repris par la Chaîne thermale du Soleil et la fréquentation atteint 2 184 curistes. De nouveaux bâtiments remplacent l'ancien bâtiment administratif et d'embouteillages qu'ils englobent partiellement. Le casino, jusque là implanté dans l'établissement est déplacé dans une annexe moderne à 100 m de distance, tout comme l'usine d'embouteillage qui a cessé sont activité en 2000.