L’église de Cruzy compte parmi le très petit nombre des édifices paroissiaux du Bas-Languedoc qui possèdent encore une part de leur vitrage original. Les éléments conservés appartenaient à trois ensembles d’époques bien différentes. Les plus anciens se trouvent aujourd’hui dans la partie supérieure de la baie de la chapelle sud du choeur (baie 6). Ils réunissent, associés à divers fragments, les armoiries du chapitre cathédral de Narbonne et une scène de la vie d’un saint diacre qu’il est possible de dater de la première moitié du 14e siècle (liens avec les verrières de la cathédrale de Narbonne ?), mais dont l’emplacement initial dans l’édifice n’est pas connu. Les dix scènes de la vie de la sainte patronne de l’église, sainte Eulalie, réparties en deux groupes dans la baie d’axe, composent, malgré le désordre de la disposition actuelle, un cycle particulièrement développé de la vie de la martyre de Mérida, cycle qu’il est possible d’imaginer initialement étendu à l’ensemble de la baie. En l’absence de lien particulier avec l’une des campagnes de construction de l’église, comme avec d’autres verrières conservées dans la région, la datation de ces panneaux est problématique. Leur réalisation est pour l’instant attribuée, sans plus de précisions, à la première moitié du 15e siècle (Saint-Jean, 1992) : peinture très rapide à la grisaille et au jaune d’argent, disposition des scènes sous des arcades architecturales trilobées sans perspective, ornementation à rinceaux des écoinçons. Deux compositions du premier quart du 16e siècle relatives à la Passion forment le troisième ensemble appartenant au vitrage ancien de l’église. Il s’agit d’un Calvaire et d’une Vierge de Pitié placés en bouche-trou au registre supérieur de la baie d’axe et dans un état de conservation pitoyable. Il reste encore quelques pièces du 16e siècle dans la rose de la façade ouest (baie 101), mais toutes recoupées et remontées pour former un décor ornemental, suivant une pratique qui s’apparente à celle des vitriers du début du 19e siècle. Toutes les parties anciennes (baies 0, 6 et 101) contiennent les armoiries du chapitre de Narbonne, en place ou rapportées, qui rappellent avec insistance que l’église dépendait directement du chapitre de la cathédrale Saint-Just.
Noguier, en 1879-1880, signale que l’intervention de Brunet contribue à la disparition de nombreux panneaux anciens ?). Le vitrail de la rose ouest est endommagé par un ouragan avant 1926, puis restauré et complété en 1931, avec la contribution financière de l’abbé Augé, curé de la paroisse. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les vitraux classés sont déposés et mis à l’abri dans le cadre d’une opération de défense passive ; leur remise en place est envisagée dès l’été 1945. Les panneaux anciens, particulièrement ceux de la baie d’axe sont aujourd’hui (2013) en mauvais état.
Né à Mulhouse. Conservateur en chef du patrimoine - Centre André Chastel (Laboratoire de recherche en Histoire de l'art - UMR 8150 du CNRS) Institut national d'histoire de l'art, 2, rue Vivienne.
Directeur du Comité français du Corpus vitrearum.
Vice-directeur de la Revue de l'art.
Docteur habilité à diriger des recherches (Université François Rabelais, Tours).