RÉAU, Louis. Iconographie de l’art chrétien, tome troisième, iconographie des saints, Paris : P. U. F., 1958, p. 513-516.
Sainte FOY, d’Agen ou de Conques (6 octobre)
Lat. : Fides Concathensis, Conchensis. It. : Santa Fede. Esp. : Santa Fe de Agen. Angl. : St. Faith. All. : S. Fides, Getreu.
LÉGENDE
Adolescente née vers 290 à Agen, qui aurait été martyrisée, comme sainte Agnès, à l'âge de douze ans, en 303.
Sa nourrice chrétienne la présenta à saint Caprais qui la baptisa. Le proconsul Dacien essaie de la faire abjurer ; elle refuse. Elle est alors frappée de verges par les bourreaux. Nue jusqu'à la ceinture, on lui tenaille les seins.
Les mamelles sont a Foy tenaillées,
Dont sa force en rien ne diminue.
Le temple s'écroule à la prière de la martyre et écrase les païens. Après avoir été livrée aux soldats — car la loi romaine interdisait de mettre à mort une vierge, à moins qu'elle n'ait été violée — elle est couchée nue sur un gril ardent dont la flamme est alimentée avec de la graisse fondue. Une colombe, qui lui apporte du ciel la couronne de gloire, fait tomber, en secouant ses ailes, une rosée si abondante que les flammes s'éteignent. La martyre, ayant survécu au supplice du feu, a finalement la tête tranchée. En même temps qu'elle, sont exécutés saint Caprais, patron d'Agen, les frères Prime et Félicien, patrons de Beaulieu. Cette Passio fabuleuse provient d'une contamination avec une autre sainte Foi purement allégorique, fille de sainte Sophie (la Sagesse), qui aurait subi le martyre à Rome avec ses deux sœurs : Espérance et Charité. Sur les vitraux de Conches, la mère de sainte Foy est appelée Sophie. Dans l'église de Cernay (Doubs), un groupe en pierre du XVIe siècle représente sainte Sophie, assise, abritant sous son manteau ses trois filles, Foi, Espérance, Charité : or Foi tient à la main un gril, attribut de sainte Foy d'Agen. Sa grillade est empruntée à la légende de saint Laurent. Le Livre des Miracles de sainte Foy (Liber Miraculorum sanclae Fidis) lui attribue une multitude de miracles posthumes. Elle fait repousser les cheveux d'un chevalier qui était devenu chauve à la suite d'une maladie. Elle guérit l'œil d'un cheval borgne. Elle ressuscite le mulet d'un seigneur poitevin. Elle débarrasse une jeune damoiselle de fâcheuses verrues qui la défiguraient et lui causaient un cruel chagrin.
CULTE
Le plus grand miracle de sainte Foy est assurément la prodigieuse extension du culte rendu au Moyen Âge à une petite sainte locale, sans réalité historique, que rien ne semblait prédestiner à cette éclatante fortune. Son nom y est sans doute pour quelque chose. Mais plusieurs circonstances historiques favorables ont contribué à répandre son culte bien au-delà des limites de l'Agenais et du Rouergue. Le principal centre de rayonnement de la dévotion à sainte Foy n'a pas été la ville d'Agen, mais la célèbre abbaye de Conques-en-Rouergue, ainsi appelée parce qu'elle était située dans une conque ouverte entre deux étranglements de la gorge du Dourdon. Or cette abbaye, dont les moines avaient dérobé au IXe siècle les reliques de la petite martyre d'Agen, devint une des principales étapes du pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle. Les chevaliers, qui allaient combattre les Sarrasins d'Espagne, ne manquaient pas d'y faire leurs dévotions ; à leur retour les captifs libérés y déposaient leurs chaines. Croisés et pèlerins propageaient le culte de sainte Foy tout le long de la route de pèlerinage de Saint-Jacques qu'on appelait Camino frances. La collégiale de Roncevaux fut placée sous son vocable ; il y avait un autel de Sainte-Foy à Saint-Jacques-de-Compostelle. Par le procédé habituel du morcellement des reliques, le culte de sainte Foy essaime en Normandie et en Alsace. L'abbaye de Conches (Eure), qui porte le même nom que la maison-mère, fut fondée par un chevalier normand qui, étant allé en 1034 porter secours à Don Sanche d'Aragon, visita au retour Conques d'où il rapporta une relique de sainte Foy. L'église Sainte-Foy de Sélestat a la même origine. C'est une église votive. Vers la fin du XIe siècle, le fils de la comtesse Hildegarde de Hohenstaufen qui avait assassiné le comte de Dabo, fit vœu d'expier ce crime par un pèlerinage à Jérusalem et la fondation d'un couvent consacré au Saint-Sépulcre. Mais à la réflexion, il trouva que la Terre Sainte était bien loin et crut pouvoir se contenter d'un pèlerinage à Conques. C'est ainsi que sainte Foy fut substituée au Saint-Sépulcre et que son culte fut transplanté en Alsace. Il est peu de provinces françaises ou l'on ne trouve des églises dédiées à la sainte du Rouergue, aussi populaire à l'époque des croisades qu'aujourd'hui la Vierge de Lourdes. Le nom de Sainte-Foy-la-Grande, près de Libourne, rappelle que les moines de Conques y fondèrent un prieuré. Citons dans le midi Sainte-Foy-de-Morlaas (Basses-Pyrénées) et Sainte-Foy-de-Peyrolières (Haute-Garonne), dans le Sud-Est Sainte-Foy-lès-Lyon et Sainte-Foy-de-Tarentaise. Dans la région parisienne Coulommiers-en-Brie possède un bras-reliquaire de la sainte ; une église de Chartres est placée sous son vocable. Le culte de sainte Foy n'était pas moins répandu à l'étranger. Elle est devenue la patronne de Londres où il existe une chapelle dédiée à St. Faith dans l'abbaye de Westminster. En Belgique, Sainte-Foy de Liège, en Italie Santa-Fede de Cavagnolo al Po près de Turin, qui relevait de l'abbaye de Conques ; en Espagne Santa-Fe de Lerida et la dédicace de la collégiale de Roncevaux attestent sa popularité. Par l'intermédiaire de l'Espagne, la patronne d'Agen et de Conques est devenue celle de l'Amérique latine, comme le prouve le nom de la ville de Santa-Fe de Bogota. En dehors du nombre impressionnant de ses sanctuaires, la popularité de sainte Foy s'explique aussi par la variété de ses patronages. Elle était particulièrement honorée par les chevaliers Croisés qui allaient combattre les Musulmans d'Espagne, par les prisonniers qui s'adressaient à elle avec autant de confiance qu'à saint Léonard. Ce n'est pas une sainte guérisseuse. Cependant sa ceinture était l'objet d'une dévotion spéciale de la part des femmes en couches : patronage assez étrange pour une martyre de douze ans. En Normandie, elle passait pour guérir la méningite.
ICONOGRAPHIE
Ses attributs sont le gril sur lequel elle fut rôtie et le glaive qui lui trancha la tête, auxquels s'ajoute parfois la colombe qui lui apporte la couronne du martyre. Son iconographie ne tient pas compte de la légende d'après laquelle elle aurait été martyrisée toute jeune, à douze ans. Elle n'est jamais représentée comme une fillette, mais comme une femme d'âge déjà mûr, presque une matrone. C'est notamment le cas de la fameuse ≪ Majesté ≫ du trésor de Conques qui est la pièce la plus célèbre et la plus ancienne de son iconographie.
1. Figures
Xe siecle : Majesté de sainte Foy (Majestas sanctae Fidis). Statue-reliquaire du Trésor de Conques. V. 985. D'après la chronique de l'abbaye, cette statue aurait été faite pour renfermer le chef de la sainte. Sur une âme en bois sont clouées des feuilles d'or battu ; les vêtements et le trône sont ornés de filigranes et de cabochons. La sainte trône dans un fauteuil, la tête renversée en arrière, raide et hiératique comme une idôle barbare ; ses grands yeux d'émail blanc, fixes et vitreux, sont enchâssés dans l'or. Elle n'a pas d'attributs. Elle tient seulement dans ses mains deux petits tubes servant de porte-fleurs.
XIIe — Statues du trumeau et du bas-relief du tympan de l'église de Conques, ou sainte Foy est prosternée devant la Main de Dieu.
XIIIe — Statue au musée episcopal de Lerida.
XIVe — Vitrail de la cathédrale de Strasbourg.
XVe — Fresque de la chapelle St. Faith. 1406. Abbaye de Westminster. Londres.
Pierre Frechrieu. Statuette en argent. 1493. Trésor de Conques. La sainte couronnée, portant une épée et la palme du martyre, s'appuie de la main droite sur le manche d'un gril.
XVIe — Croix processionnelle décorée au revers d'une statuette de sainte Foy. Trésor de Conques.
Clef de voute à l'église. Saint-Caprais. Agen.
2. Cycles
XIIIe siècle : Vitrail de la cathédrale de Chartres. La martyre est liée, complètement nue, sur le gril et rôtie par les flammes que deux bourreaux attisent avec des soufflets tandis que deux autres versent sur le feu de la graisse fondue. Une colombe descend du ciel, tenant dans son bec une couronne gemmée.
Vitrail de la Cathédrale de Winchester.
XVe — Vitrail du chœur de la cathédrale d'Évreux.
XVIe — Vitraux du chœur de l'église Sainte-Foy de Conches (Eure) par Romain Buron. Naissance de la sainte. — Elle est envoyée à l'école où elle étonne son maître. — Dacien, devant son refus de sacrifier aux faux dieux, la fait fouetter, attacher, nue jusqu'à la ceinture, à une colonne ou deux bourreaux lui tenaillent les mamelles. — Elle est rôtie sur un gril, plongée dans une chaudière d'huile bouillante et de plomb fondu et enfin décapitée. — Des pèlerins s'agenouillent devant sa châsse.
XVIIIe — Tapisseries de Felletin représentant en quatre pièces la Passion de sainte Foy et de ses co-martyrs. Trésor de Conques.
BIBLIOGRAPHIE
Abbé BOUILLET, Liber Miraculorum Sanctae Fidis publie d'après le manuscrit de la Bibliothèque de Sélestat, 1897.
A. BOUILLET et L. SERVIÈRES, Sainte Foy, vierge et martyre, Rodez, 1900.
A. BOUILLET, Essai sur l'iconographie de sainte Foy, Congrès archéologique d'Agen, 1902.
P. ALFARIS, La Chanson de sainte Foy et les croisades, Revue Et. Hist., 1924.
Augustin FABRE, La Chanson de sainte Foy de Conques, Rodez, 1940.
Jean LAFOND, Romain Buron et les vitraux de Conches, Rouen, 1941.
Marbrier de Nîmes.