Dossier d’aire d’étude IA30003027 | Réalisé par
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étude soieries d'églises du Gard
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Dossier non géolocalisé

  • Aires d'études
    département du Gard

Introduction

Dans l’économie de la soie, l’importance des territoires qui deviendront ceux du département du Gard est attestée depuis le XIIIe siècle ; la sériciculture des Cévennes alimente le tissage dans les villes de la plaine, dont celle de Nîmes. Line Teisseyre-Sallmann a consacré sa thèse de l’École des Chartes à L’industrie de la soie en Bas-Languedoc XVIIe-XVIIIe siècles, qui atteint son apogée à Nîmes dans le troisième quart du XVIIIe siècle ; à ce moment, les soieries nîmoises sont au deuxième rang en France, après Lyon, et avant Tours. Dans la suite de ses travaux, a été entrepris l’inventaire de la paramentique conservée à Nîmes. De même, les publications de la Société Historique et Archéologique de la ville de Beaucaire, notamment autour de sa grande foire, ont incité à étudier les sources et à réaliser l’inventaire des textiles encore conservés dans cette ville. Cette étude atteste aussi l’importance du protestantisme qui a engendré des réactions violentes et dévastatrices sur les personnes, mais également sur les biens des églises.

Un contexte complexe

Géographie historique du diocèse

La géographie de l’histoire catholique du Gard se met en place par étapes : le diocèse de Nîmes, fondé en 393, s’étendait alors sur la totalité du département du Gard actuel mais aussi sur l’Hérault. En 419, une première soustraction de territoire permet de créer le diocèse d’Uzès ; à l’ouest, le diocèse de Maguelonne et celui de Lodève prélèvent des espaces de leur côté. En 1694, la création du diocèse d’Alais (aujourd’hui Alès) réduit encore celui de Nîmes, en lui enlevant sept archiprêtrés sur onze. En 1790, le diocèse de Nîmes compte 88 paroisses, le diocèse d’Uzès en a 207, alors que celui d’Alais rassemble 84 paroisses. Quelques paroisses dépendent de l’évêché d’Arles, celles du pays d’Argence : Beaucaire, Fourques, Jonquières, Meynes, Saint-Vincent et Saujan. Dans le diocèse d’Uzès, dix paroisses de la viguerie de Roquemaure relèvent de l’archevêché d’Avignon : Lirac, Montfaucon, Pujaut, Rochefort, Roquemaure, Saint-Geniès-de-Comolas, Saint-Laurent-des-Arbres, Sauveterre, Saze et Tavel. Les paroisses de Villeneuve-lès-Avignon et des Angles dépendent aussi d’Avignon. Enfin, La Melouse (aujourd’hui Lamelouze) est alors dans le diocèse de Mende. La Révolution supprime cette organisation ; l’ensemble est rattaché à l’archidiocèse d’Avignon jusqu’en 1821, date à laquelle le diocèse de Nîmes retrouve un espace géographiquement identique à celui du département du Gard, créé en mars 1790.

Protestantisme

Le territoire est fortement marqué par le protestantisme, qui n’est pas localisé strictement dans les Cévennes. Le plat pays gardois possède des zones où la nouvelle religion est fortement implantée, comme la Vaunage (entre Sommières et Nîmes) et la Vistrenque (alentours du Vistre, du sud-ouest de Nîmes en direction d’Aigues-Mortes). Schématiquement, dans un long couloir qui descend de Saint-Jean-du-Gard jusqu’à la mer, en passant entre Sommières et Nîmes, les idées protestantes ont profondément convaincu les hommes. La nouvelle religion, introduite à partir de 1530, devient mouvement de contestation brutal en 1559-1561, en réponse aux premières répressions. La paix d’Amboise, du 19 mars 1563, termine la première guerre de religion en accordant l’amnistie aux protestants mais en restreignant le culte nouveau aux villes. Les affrontements reprennent en 1567, très marqués, le 30 septembre, par l’épisode de Michelade, durant lequel une vingtaine de clercs sont massacrés dans Nîmes. En 1589, avec l’arrivée du roi Henri IV, favorable aux nouvelles idées religieuses, les protestants pensent à se ranger du côté du pouvoir royal, mais le souverain se convertit au catholicisme quatre ans plus tard. L’édit de Nantes, signé en avril 1598, vise le retour au calme en accordant des droits de culte localisés. Mais Henri IV est assassiné en 1610, le Béarn protestant annexé, et les combats reprennent. Après la chute de La Rochelle, il arrive même que le Languedoc protestant se retrouve seul contre le roi de France. La Paix d’Alès, signée en juin 1629, supprime les 38 places de sûreté protestantes, qui sont démantelées. Les protestants perdent le pouvoir militaire mis en place pendant cinquante ans et voient leur pouvoir politique remis en cause. La liberté de culte est cependant confirmée. Les catholiques reviennent dans des zones qui avaient entièrement changé de confession religieuse. Cependant, le sillon est déjà bien marqué et, comme l’écrit Philippe Chareyre, "l’enracinement protestant devient identitaire, l’éloignement de la capitale aidant" (Itinéraires protestants). Avec l’accession au pouvoir de Louis XIV en 1661, se terminent trois décennies de cohabitation pacifique. Les interdictions ponctuelles, les fermetures de temples précèdent la révocation de l’édit de Nantes le 18 octobre 1685, immédiatement suivie par le début des dragonades, les abjurations collectives ou les départs. Le temps du Désert, avec ses assemblées rurales clandestines, dure de 1685 à 1787, alors que s’annonce l’affirmation de la liberté de culte de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Le temps du Désert est marqué par la révolte des Camisards : mi-juillet 1702, l’arrestation de jeunes gens dans les Cévennes fait prendre les armes aux protestants. Porté par des chefs charismatiques et des prophètes, entre 1702 et 1704, un temps d’insurrection violent provoque des destructions massives et des massacres effroyables dans les deux camps.

Pour résumer, la situation des églises évolue entre une plus ou moins grande ruine dans la seconde moitié du XVIe siècle, une restauration vers 1650-1690, des incendies en masse vers 1703. Les restaurations faites après la révocation de l’édit de Nantes se font souvent suite à des procès, dans des conditions terribles où des populations entièrement passées au protestantisme sont tenues de financer des églises (exemple à Générargues où une seule famille sur 70 est catholique). En revanche, vers 1790, les protestants achètent des biens catholiques mis en vente, qui deviennent des temples (la chapelle des Récollets d’Uzès, les églises des Dominicains et des Ursulines de Nîmes en sont quelques exemples).

Époque contemporaine

Le 19e siècle est un grand moment de renouveau chrétien ; les populations ont à cœur d’agrandir leurs églises et de construire de nouveaux édifices, églises ou temples, à l’instar des trois églises bâties ex nihilo en ceinture de Nîmes, Saint-Paul (1849), Sainte-Perpétue (1864) et Saint-Baudile (1877). Les villes secondaires, n’échappent pas au mouvement : l’église Sainte-Croix-et-Saint-Saturnin d’Aimargues (1879), avec ses beaux vitraux de Didron ; Saint-Blaise d’Arre (1891), dans sa petite vallée industrieuse qui n’avait auparavant qu’une chapelle ; Saint-Jean-Baptiste de Bellegarde (1864), faisant face à l’hôtel de ville ; Saint-Jean-Baptiste de Cabrières (1865), jamais oubliée par l’évêque de Montpellier François de Cabrières (1873-1921) ; Saint-Christophe de Castillon-du-Gard (1865), dans son village très visité aujourd’hui ; Saint-Julien de Chusclan (1855), très favorisée par Mgr Menjaud, enfant du pays ; Saint-Pons de Sommières (1867) ; Saint-Vincent de Collias (1869) ; Notre-Dame de Dourbies (1887), la « cathédrale des Cévennes » ; Saint-Jean-Baptiste de Générac (1860) ; Saint-Cyr-et-Sainte-Julitte de Lédenon (1891) ; Saint-Genest de Manduel (1862).

La révolution industrielle provoque le déplacement de populations ouvrières, notamment autour des exploitations minières ; pour ces catholiques, des églises nouvelles sont construites : à La Grand Combe, l’église principale (1864) s’accompagne de chapelles de secours comme La Levade (1879) et Chamclauson ; à Alès, à la paroisse de l’ancienne église cathédrale, s’en ajoutent de nouvelles, à Saint-Éloi de Tamaris (1858) et à Notre-Dame de Rochebelle (1864). À La Vernarède, un cas original est celui de la transformation d’un bâtiment industriel en église. Dans une lettre du 5 mai 1869 à l’évêque de Nîmes, il est dit : "le conseil d’administration de notre compagnie [la société anonyme de l’éclairage au gaz des hauts fourneaux et fonderies de Marseille et des mines de Portes et de Sénéchas], accueillant les vœux si ardents de notre population et cédant à mes sollicitations en faveur de l’établissement d’une chapelle à La Vernarède vient d’autoriser cette construction. Messieurs les administrateurs nous font cadeau de l’ancien bâtiment de machine dit de Pourcharèsse que votre Grandeur a visité et y ajoutent une somme de dix mille francs, … (arch. dioc. Nîmes).

Les dernières décennies du 20e siècle ouvrent des temps difficiles. Nombre de sacristies abondamment pourvues en 1906 sont aujourd’hui vides. Dans le Gard, comme dans d’autres départements, le concile Vatican II est au rang des accusés, du moins l’interprétation qui en a été faite, puisque le renouvellement du vestiaire liturgique n’était pas incitation à détruire les biens antérieurs. Beaucoup d’édifices religieux ont été restaurés depuis 1965 ; à cette occasion, nombre de textiles anciens, pourtant propriétés publiques, ont été jetés, le plus souvent par ignorance.

Fait non négligeable enfin, ce département est aussi marqué par la violence climatique ; les inondations du Gardon, notamment celles, très graves, de l’an 2002, ont été dramatiques : les sacristies de Codolet, Goudargues, Chusclan, Rémoulins et Rochegude ont alors tout perdu de leurs textiles anciens.

à la suite de l'inventaire préliminaire, établissement des critères de sélection en vue de la création de dossiers électroniques

Très peu d’ornements sont protégés au titre des monuments historiques dans ce département ; seuls l’ornement blanc de Bagnols-sur-Cèze et une chasuble disparue de Villeneuve-lès-Avignon sont classés ; une dizaine de pièces sont inscrites. Il n’est donc pas possible de s’appuyer sur les dossiers des monuments historiques pour définir une première liste d’œuvres.

Aujourd’hui, seules Beaucaire, Saint-Paulet-de-Caisson (IM30003536), Aramon et peut-être Saint-Marcel-de-Careiret (IM30003364) conservent des textiles antérieurs à 1700. Le critère d’ancienneté concerne donc essentiellement des étoffes du 18e siècle, réparties dans vingt-quatre communes. Les pièces portant leur date inscrite, tissée ou brodée sur le tissu sont des références intéressantes ; elles forment ici un ensemble de quarante œuvres datées entre 1860 et 1948. Les étiquettes de marchands, fabricants, fournisseurs, les tampons d’associations pieuses fournissant gratuitement des ornements - telle que l’Œuvre des tabernacles - concernent vingt-six professionnels, les sœurs Malentino (IM34900920), de Montpellier, revenant le plus souvent. Il faut également étudier les questions afférentes à la forme de l’ornement liturgique. Sont étudiés la coupe (française, gothique, réversible…), le montage et les transformations d’un ornement liturgique, qui peut être issu d’un recyclage d’étoffes civiles, qui peut avoir été reteint. Enfin, la variété des techniques de décor des étoffes - de la broderie de soie aux applications de broderies ou de tissus sur les tissus de fond, en passant par la peinture ou les perles – sert d’ultime critère de sélection.

L’apport des archives

Les archives textiles sont importantes en quantité mais il est difficile de les faire correspondre avec certitude à des tissus existants. Par ailleurs, les ornements liturgiques ont été maintes fois déplacés par les prêtres et des ensembles dépareillés ; par exemple, une même étoffe (rare) a servi à confectionner une chasuble conservée à Aimargues (IM30003070) et une dalmatique aujourd’hui à Roquemaure (IM30003064) ; les deux pièces appartenaient certainement à un unique ornement liturgique, mais cela ne peut être actuellement prouvé.

Les archives permettent de donner des références de datation dans un secteur de l’histoire de l’art d’une immense richesse. D’une aire d’étude à une autre, la connaissance progresse : Dans Nîmes en joie, églises en soie, est mentionné un bel ornement liturgique or à décors polychromes, acheté en 1828 (IM30001298) ; une lettre sur papier sans en-tête le concernant, conservée aux archives diocésaines du Gard est signée Pignet, de Saint-Genis-Laval, dans la banlieue sud-ouest de Lyon ; le rôle du signataire n’est pas identifiable. Depuis, il a été trouvé, dans le registre de délibérations d’Alzon, en date du 12 février 1827, que le conseil de fabrique donne autorisation d’acheter "une chasuble et chape fond blanc et à cet effet de traiter avec le voyageur de la maison de Joseph Pignet et Compagnie de Saint-Genis Laval, près et par Lyon (Rhône) jusques et à concurrence de la somme de 300 francs pour le prix". M. Pignet est donc le chef d’une entreprise importante, ignorée des études de Bernard Berthod (cf. Paramentica), sans doute du fait de son éloignement du centre de Lyon.

Parmi les ornements subsistants du 19e siècle qu’il a été possible de dater, il est intéressant d’observer l’installation progressive du style néogothique. Florence Valantin a étudié l’arrivée des étoffes néogothiques dans une maison lyonnaise célèbre vers 1835, "avec des pics de production autour des années 1855 et 1867 pour les tissus d’église" (cf. L’art de la soie Prelle, p. 135). Les tissus néo-médiévaux ne représentent en fait que 5 à 10% de la production de l’entreprise, alors même que certains d’entre eux ont été produits sur près d’un siècle. À Pouzilhac, en 1849, le registre de fabrique officialise l’assentiment du conseil pour payer une chasuble rouge avec son milieu en drap d’or ; cette pièce, qui existe toujours (IM30003230), ne présente aucune trace de décor médiéval. Dans les dépenses de 1851, la fabrique de Pouzilhac achète à Madame Montheillet, marchande d’ornements à Lyon une chasuble de damas vert (IM30003229); le damas à dentelles, les roses dans les architectures néogothiques de la croix tissée à disposition forment un ensemble conforme à l’esthétique néogothique. "Une chape en drap d’or fleuri avec chaperon en or fin" (IM30003172) est acquise en 1854 à Collias (registre des recettes et dépenses, archives diocésaines). Le décor néogothique est uniquement dans les quadrilobes étirés du fond de robe ; des rinceaux épais et matelassés, très riches, occupent chaperon et orfrois ; ils auront tendance à laisser ensuite la place à des broderies d’applications. Les dalmatiques or d’Arrigas (IM30003418), absentes de l’inventaire de 1871 mais bien notées dans celui de 1888, sont, quant à elles, totalement assujetties au style néogothique.

Une des clés de datation des œuvres tient au lien qui les rattache à des personnages historiques connus. Dans les sacristies deChambon et de Peyremale, des petits papiers dans les tiroirs indiquent que tel ornement fut porté par Antoine Pellier (1757-1819), connu sous le nom de Père Chrysostome. Capucin au couvent de Pont-Saint-Esprit à partir de 1777, il refuse de prêter serment et se réfugie dans le secteur de Saint-Ambroix, où il exerce clandestinement. Le 4 octobre 1795, il est nommé curé de Saint-Marcel-de-Careiret. Mais il est arrêté en 1799, déporté à l’île d’Oléron, d’où il s’évade. Il revient dans sa paroisse en février 1804, est nommé en octobre 1804 au Chambon où il crée une école pour les prêtres. Il meurt au Chambon le 10 décembre 1819. La tradition veut qu’il ait utilisé un ornement vert complet (IM30003531) et un ornement rouge (IM30003532) incomplet qui sont conservés à Peyremale. Aujourd’hui encore, les inscriptions sont la seule preuve du lien des tissus avec le prêtre ; l’analyse stylistique des deux ornements ne contredit cependant pas la tradition.

Il était obligatoire de doubler intérieurement, d’une étoffe de soie, aussi bien le tabernacle que l’armoire aux saintes huiles proche des fonts baptismaux. D’autres tissus protègent de la poussière ou des courants d’air devant les portes. Des rideaux couvrent les croix et les tableaux pendant la semaine sainte. Une des prescriptions récurrentes dans les visites pastorales est qu’il sera fourni un rideau qui descende jusqu’aux gradins pour couvrir le tableau et le tabernacle dans les temps marqués (Visites pastorales du diocèse de Nîmes, AD 30 1722-1723). Il est également fait mention de rideaux avec leurs tringles, réservés aux fenêtres des églises. Ils sont généralement rouges (exemples à Arrigas, Saint-Gervais, Saint-Siffret, Sernhac) mais aussi en calicot rouge et blanc (à Saint-Étienne-des-Sorts). À la cathédrale d’Uzès, "à la fenêtre du milieu qui est en face de la chaire, il y a un rideau mousseline, à carreau vert et blanc et sa tringle en fer" (arch. dioc., inventaire du 27 décembre 1821). Dans la même église, il y a "huit rideaux de bourete de couleur verte pour les grilles du chœur en hiver et pour l’entrée de la sacristie". Peut-être s’agissait-il d’une simple protection contre les rayons du soleil.

Les marchands-fabricants des 19e et 20e siècles

L’enquête a révélé vingt-huit noms de fabricants, de marchands-fabricants ou d’œuvres religieuses confectionnant des ornements (œuvres de la Providence et des Tabernacles). Dans le Gard, il ne semble pas y avoir de marchands-fabricants avant 1850 : à Nîmes, après le décès de son époux, doreur sur métaux, Léonie Cancel (IM30001303) élargit son commerce d’objets religieux vers celui des ornements, mais elle ne fabrique pas. Les exemples trouvés avec l’étiquette Clément Jullian (IM30001278) sont également des ornements achetés tout faits, certainement à Lyon. Quant à Jules Auriol (IM30003512), il est essentiellement fournisseur des chanoines, à qui il vend barrettes et mozettes. Il confectionne et brode éventuellement ces dernières puisque chaque diocèse a ses particularités d’ornementation pour le vestiaire canonial. À vingt-deux reprises, ont été trouvées des pièces de la maison Malentino (IM34900920), de Montpellier. Isabelle Malentino (1843-1929) commence seule à exercer son activité de chasublerie, en 1887, au 7, Place Saint-Côme. Vers 1895, elle s'associe avec sa sœur Louise, également célibataire. Vers 1897, elles déménagent l'entreprise à quelques mètres de la première adresse, au 27, Grand’ Rue. À partir de 1903, une troisième sœur, Marie, épouse David, rejoint l'entreprise, à la même adresse ; Madame David-Malentino est veuve en 1907 et décède en 1914. Elle laisse deux enfants, Louise et Marius, qui continuent l'activité avec leurs tantes ; Louise Malentino meurt en 1926 et Isabelle, pilier de l’entreprise, s'éteint en janvier 1929 à 86 ans. David et Louise David-Malentino continuent à tenir la maison qui s’appelle, dès 1902, « À la protection de saint Joseph ». Trois étiquettes de doublure correspondent à l'évolution de l’entreprise familiale. Une première fait uniquement mention d'Isabelle, la seconde est aux noms des demoiselles Malentino, et la troisième, plus rarement trouvée, est créée au plus tôt après le décès des sœurs, avec l’inscription M[ais]on David-Malentino. À partir de 1929, la publicité de l'entreprise la nomme Maison Malentino, David Malentino successeurs.

La maison Coulazou est bien plus ancienne, mais semble avoir vendu plus de dinanderie et d’orfèvrerie que d’ornements liturgiques. Bernard Berthod indique la création de la maison de Jean-Pierre Coulazou en 1821 (Dictionnaire des arts liturgiques). La première mention trouvée à ce jour dans les archives date de 1836 et concerne la vente d’un ostensoir à Soubès (Hérault). L’entreprise est installée au 32 bis, rue de l’Aiguillerie, rue très commerçante de l’Écusson de Montpellier. Dans l’Annuaire de l’Hérault, à partir de 1885, le nom Coulazou est suivi de la lettre F., ce qui indiquerait un successeur de la même famille, et ce jusqu’en 1901. En 1902, Louis Cambon s’affirme comme l’acquéreur de la maison Coulazou, au 4, rue Massilian. Ce dernier n’a pas d’étiquette de marchand d’ornements ; il vend du mobilier religieux, du calice à la chaire à prêcher monumentale et jusqu’aux vitraux, statues, autels, etc. À partir de 1903, il est installé au 15, Grand’Rue (même rue que les sœurs Malentino) et au 21, rue Nationale. La maison Coulazou n’avait pas non plus d’étiquette textile ; à Montfrin, c’est une simple étiquette adhésive déchirée qui a été trouvée au revers d’une pente de dais (IM30003226).

Le nom de Martin apparaît en signature brodée, sur un drapeau (IM30003463) de Sommières daté de 1894. À partir de 1874, la Veuve Henri Martin, installée au 2, Grand’Rue, toujours à Montpellier, publie une pleine page recto-verso de réclames en tant que « Fabrique spéciale de bannières » et « Fabrique spéciale de drapeaux » mais elle est aussi identifiée comme fabriquant des chapeaux. Jusqu’en 1881, dans le secteur des chapeliers, elle se dit « fournisseurs du lycée, des mairies et des principales administrations », avec un second magasin montpelliérain, rue Cardinal. Après 1883, la spécialité « équipements militaires » est mise en avant. Et l’appellation officielle "M. Martin" apparaît en 1887. À côté des drapeaux, bannières, équipements complets pour agents de police, on trouve « l’équipement pour suisses d’église » et des draps mortuaires.

Les dons

On sait peu de choses sur les donateurs des textiles d’Ancien Régime dans le Gard. En revanche, le 19e siècle fut le siècle de nombreux dons d’enfants du pays, généreux pour leur paroisse d’origine : Mgr de Prilly pour Roquemaure (IM30003061), Mgr Arnal du Curel pour Alzon qui, en plus du grand ornement (IM30003401) donna sans doute une chasuble verte (IM30003404) et une autre violet/noir (IM30003403) ; l’abbé Dubois pour Saint-Laurent-de-Carnols (IM30003362), mais aussi le cardinal de Cabrières, évêque bien connu de Montpellier, de 1874 à 1921, dont la famille est originaire de Cabrières. L’inventaire de 1906 précise qu’il a offert une boiserie en noyer, formant commode, avec tiroirs, surmontée d’un dôme, mais également cinq chasubles sur les dix conservées, deux chapes sur les six. Mgr de Cabrières avait proposé en 1877 de céder deux pièces de terre à la commune pour agrandir le jardin du presbytère et créer un jardin pour les Religieuses institutrices (AD 30, V 266).

Mgr Menjaud avait offert beaucoup d’ornements à Chusclan, qui furent tous perdus lors des inondations de 2002. Alexis Menjaud (1791-1861), évêque de Nancy, puis archevêque de Bourges, était originaire de Chusclan. Il a commencé ses études chez son cousin, Pierre Menjaud, curé de Cornillon, qui avait créé un petit séminaire dans son presbytère. Mgr Menjaud fut également grand-aumônier de l’Impératrice Eugénie. On peut supposer qu’il fut l’un des artisans de l’arrivée à Cornillon d’une chasuble blanche offerte par l’impératrice elle-même (IM30003390). En tissu de fond, les végétaux qui semblent épars en tapis sont un thème de création qui existe déjà dans la première moitié du 19e siècle, comme l’indique un patron de la maison Lemire, daté de 1838. Le couple impérial a répondu à beaucoup de sollicitations des paroisses de France, en prenant sur sa cassette personnelle. Les armoiries de l’empereur Napoléon III ont été cousues sur l’étoffe du dais de Carnas (IM30003388). Les franges multicolores, le chrisme appliqué au centre d’une pente indiquent les dernières années du Second Empire. En 1868, l’impératrice Eugénie a offert à Souvignargues une merveilleuse chasuble rouge, brodée de fils d’or (introuvable), tandis que l’empereur faisait cadeau d’un calice en vermeil (arch. dioc., P-1/288).

Le cardinal Pacca (1756-1844) arrive le 10 février 1814 à Uzès. Soutien du pape Pie VII, il est assigné à résidence dans cette ville où les catholiques le reçoivent très chaleureusement. Il quitte la ville le 22 avril après avoir offert un de ses ornements et son portrait. L’inventaire du 27 décembre 1821 mentionne une riche et magnifique chasuble donnée à l’église par son éminence le cardinal Pacca, d’un drap en or brodée en bosse, l’étole, la manipule, la bourse même étoffe ; le voile est d’une étoffe en soie brodée aussi en bosse. L’ornement était encore dans la sacristie de la cathédrale en 1903, quand Lionel d’Albiousse rédige son Histoire de la ville d’Uzès (il ne parle cependant que d’une chasuble), mais a disparu depuis.

Diversité d’usage des textiles d’église

Ornements réversibles

Les ornements réversibles sont double face, généralement rouge/blanc ou vert/violet. Les deux premières couleurs correspondent à des périodes de fêtes, donc impliquent des ornementations riches, tandis que vert et violet, couleurs des temps ordinaires et de pénitence, sous-entendent des ornements au décor sobre. Ils semblent apparaître à la fin du 16e siècle et sont liés à des prélats qui ont l’obligation de voyager, notamment les évêques dans leur diocèse, et qui allègent ainsi leur vestiaire. La création de ces ornements s’est assortie du développement de la technique de la broderie dite à double endroit, peut-être née de la confection des étendards, qui doivent aussi être vus recto-verso. Le Gard enrichit le corpus national limité des ornements réversibles de douze ensembles. Certains d'entre eux permettent de préciser les datations de cette catégorie textile – il faut rappeler que ces ornements sont des achats privés, donc souvent absents des archives paroissiales - c’est le cas d’une chape rouge/blanc certainement donnée par Mgr de Cabrières à Cabrières, de la chasuble violet/noir d’Alzon (IM30003403), de la chape rouge/blanc de Roquemaure (IM30003061) ou de la chasuble rouge/blanc de Collias (IM30003170). À côté des broderies métalliques or, des broderies de soie ou de coton apparaissent également, tel l’ornement vert/violet de Bezouce (IM30003152) ou l’ornement rouge/blanc du Vigan (IM30003031) ; l’ancienne cathédrale d’Alès conserve un ornement rouge/blanc entièrement orné de broderies Cornely (mécaniques) polychromes. Portes et Le Vigan (IM30003034) détiennent deux ornements noirs/blanc d’aumôniers. Valliguières conserve un tour d’autel rouge/blanc (IM30003268) en satin brodé de lames, assez usé. Il a également été trouvé trace d’un antependium à deux faces, rouge et noir à Fourques, noté dans l’inventaire de 1841. Ces tours d’autel réversibles semblent rarissimes. À partir de 1860-1870, des ornements double face, comme le violet/noir de La Capelle (commune de La Capelle-et-Masmolène) (IM30003193), le violet/or du Vigan (IM30003033) ou la chasuble ample vert/violet de Théziers ont été confectionnés pour des prêtres, et pour des raisons d’économie, très simplement et sans broderies.

Suisses et bedeaux

Dans une paroisse, le rôle du suisse est de veiller à la solennité des cérémonies et au calme de l’assemblée pendant les offices, tandis que le bedeau s’occupe plutôt de la propreté de l’église. De nombreuses paroisses du Gard, même petites, avaient décidé d’établir un suisse. Des preuves d’existence de suisse ont été notamment trouvés à Aimargues (où le costume est renouvelé en 1868), Anduze, Aramon, Beaucaire, Bezouce, La Grand Combe, La Vernarède, Meynes, Pouzilhac (création du poste en 1866), Pujaut, Roquemaure, Saint-Étienne-des-Sorts, Saint-Gervais, Saint-Quentin-la-Poterie, Saint-Victor-la-Coste, Sernhac, Sommières et Uzès. Le 7 avril 1850, la décision est prise par la fabrique de Montfrin d’équiper le suisse. L’équipement souhaité consiste en : 1° un habit de drap écarlate avec galons argent mi-fins 2° une paire de pantalon même drap mêmes galons 3° un gilet drap jaune galons argent mi-fin 4° un baudrier drap écarlate galons en vignette (?) argent mi-fins 5° un chapeau monté galons argent mi-fin 6° un panache et enfin 7° une épée ordinaire. À ces fins, le conseil autorise M. le curé et M. le trésorier à traiter avec le tailleur qui voudra se charger de la confection (registres de délibérations, arch. dioc., P1-1/197). Les vestiges de costumes de suisse sont très rares dans le département : quelques accessoires à Lanuéjols et Théziers (habits rouge et bleu achetés en 1852), un costume complet à Lédenon, la redingote et le gilet à Montdardier, le pantalon et les épaulettes à Sumène (IM30003379), et le costume de suisse de Saint-Luc de Nîmes. Certes, le drap de laine est sensible aux attaques des mites, le costume ne se range pas aisément, mais l’abandon de ces textiles semble avoir été précoce. De l’existence des bedeaux, seules les archives gardent trace. Ils avaient un costume, appelé plutôt robe. Les paroisses de Meynes, Montfrin, Saint-Gervasy, Saint-Victor-la-Coste (nommé en 1823) et Uzès ont eu un bedeau. Son couvre-chef est appelé bonnet ou barrette. La robe de bedeau signalée à Anduze dans l’inventaire de 1828 était en serge noire bordée de rouge. Sans doute était-ce un manteau de drap, non cintré, tombant sur les chaussures, avec parements aux manches et éventuellement sur le devant, le long des boutonnières.

Autour du deuil

Les étoffes utiles aux cérémonies entourant le deuil remplissent des usages extrêmement variés dans l’église. Les tentures noires, en toile, drap ou velours, drapent le devant de l’autel, du retable, et jusqu'aux murs du sanctuaire ou de l’entrée. Des ensembles de six têtes de mort ou de croix, peintes ou lithographiées (IM30003466) figurent sur des cartons qui devaient être placés autour du cercueil. Les draps mortuaires ne sont pas uniformes. À côté des draps servant à couvrir les cercueils, et qui font environ 250 cm de long sur 160 cm de large, existent les draps d’honneur, de plus petites dimensions, qui sont portés par quatre ou six personnes, juste en avant du cercueil. Ils portent un décor en rapport avec le groupe social qu’ils représentent. Le velours noir est l’étoffe la plus courante mais une certaine variété est permise : la paroisse de Sabran possédait un drap d’honneur en mérinos bordé de coton blanc. Le registre de délibérations de Collias détaille le don de deux draps d’honneur : le 1er novembre 1885, fête de la Toussaint, au départ de la procession pour le cimetière, nos chères et dévouées sacristines de la sainte Vierge […] ont offert aux prières de l’Église et à nos bénédictions un magnifique drap d’honneur qu’elles étrennaient au nom de la Congrégation des Enfants de Marie. Les quêtes qu’elles avaient faites ont servi à payer le velours blanc et bleu, les autres fournitures et passementeries d’argent dont il est agrémenté et l’habileté de leur aiguille mise au service de leur dévouement l’a très soigneusement confectionné. Le même jour et pendant la même cérémonie, quatre zélatrices de l’œuvre de la Sainte Enfance que nous aimons nous présentaient à bénir un autre drap d’honneur. Les mains pieuses autant qu’habiles et dévouées de nos chères sœurs de la Présentation : Sr Vrateur, Andéoline et Valentin l’avaient confectionné. Il est en cachemire blanc, agrémenté de velours rose, de passementerie d’or et de si gracieuses têtes d’ange [...] Les fournitures ont été payées par la caisse de l’œuvre de saint François de Sales.

Le drap d’honneur violet de La Vernarède date très certainement de 1877 (IM30003520) ; sa confection est simple mais prend du temps : coudre deux damas de soie, appliquer une croix en drap d’argent découpée, fixer sur l’ensemble des demi-sphères de métal argenté pour dessiner un chapelet ; coudre un galon système argent pour orner les bords et cacher les coutures d’assemblage (191 x 157 cm). À Montfaucon, la confrérie de saint Martin possède un drap d’honneur (143 x 130 cm) (IM30003058) et un drap mortuaire (227 x 177 cm) (IM30003057). L’association de saint Martin date du 1er janvier 1827, mais un groupe religieux existait antérieurement, avec deux prieurs, un homme marié et un jeune homme. Un banc leur était réservé dans l’église de Montfaucon, en face de l’autel de sainte Catherine, où est déposé le buste de saint Martin ; ils allumaient des cierges dans le temps des offices et passaient leur bassin (pour la quête) aux deux messes et aux vêpres les fêtes et dimanches de l’année […] ; ils ne restaient en fonction qu’une année et, le jour de la saint Martin, ils nommaient eux-mêmes les deux personnes qui devaient les remplacer (arch. dioc.). Chaque confrérie avait certainement son drap mortuaire et son drap d’honneur. Par exemple, à Sommières, les confréries du Saint Sacrement, du Rosaire, de saint Vincent de Paul, de la Bonne mort, des enfants de Marie (AD30, V 531) possèdent le leur. Toutes ces confréries ont marqué l’histoire des paroisses ; elles étaient essentielles dans l’accompagnement des funérailles mais aussi autour du culte du Très Saint-Sacrement, du Rosaire, du Sacré Cœur de Jésus.

Des techniques régionales ?

Les broderies de lames, argent ou or, lisses ou gaufrées sont une vraie particularité de la région, sans qu’il soit encore possible de délimiter géographiquement le périmètre de commercialisation des œuvres. Les broderies peuvent être d’application (IM30003406) ou réalisées directement sur le support (IM30001441); elles sont très courantes sur des tours d’autel en tulle (IM30003429), parements qui sont un cadeau récurrent de l’impératrice Eugénie. La technique est connue et les broderies réalisées ont beaucoup été utilisées sur les robes du Premier Empire. Les fabricants de ces lames sont à rechercher, sans doute en région lyonnaise en ce qui concerne les lames (tréfileries célèbres à Trévoux, dans l’Ain, au nord de Lyon, et à Lyon), mais peut-être aussi pour la mise en œuvre.

La pratique de la peinture – ou de l’impression ?, voire le flocage – or sur tissu (IM30003015) semble également caractéristique de la France du sud-est. Cette technique, souvent appliquée aux bannières, se rencontre particulièrement dans les départements comme le Gard, la Drôme ou le Vaucluse, alors qu’elle est rare en Bretagne (Guimaec, Finistère) et ne semble même pas exister en Normandie. Elle ne résiste pas au frottement et l’état des œuvres dépend des conditions de conservation ; par ailleurs, une moindre qualité des pigments dorés provoque un virement peu esthétique du doré au marron, comme le fait la bronzine sur les bois dorés.

Les mouvements catholiques diocésains au début du XXe siècle

La première guerre mondiale a laissé des traumatismes dans les esprits pour de nombreuses années. Le pape Pie XI (1922-1939), dans sa première encyclique, met la paix des cœurs au centre de ses préoccupations. Vers les diocèses, il transmet un message d’incitation à plus de charité fraternelle, il met aussi en avant le rôle de l’enseignement. La pédagogie est justement un moteur essentiel de l’action de Jean-Justin Girbeau, qui accède à l’évêché de Nîmes à la fin de 1924.

L’organisation que le nouvel évêque met en place cherche à fédérer les catholiques de tous âges et des deux sexes. Il réunit d’abord, en février 1925, tous les hommes catholiques âgés de 18 ans et plus dans l’Union catholique du Gard ; il s’agit de faire reconnaître les droits de Dieu sur les individus, la famille et la société, de défendre et de revendiquer les libertés religieuses (extrait des statuts, dans La semaine religieuse du 15 février 1925). Les femmes n’y sont qu’ « auxiliatrices ». Ensuite, il créée une Fédération diocésaine de la jeunesse catholique et des Avant-Gardes pour les jeunes garçons ; là encore, il faut avoir 18 ans (15 ans dans les Avant-Gardes), assister à la messe du dimanche et accomplir son devoir pascal. Le prélat s’intéresse ensuite à la question de l’union des mouvements féminins, qui seront les plus actifs. Annoncée pendant le pèlerinage de Lourdes de 1925, la Fédération féminine du Gard est créée en février 1926 lors d’un grand rassemblement à Notre-Dame de Vauvert. Placée sous la haute protection de la Vierge, la Fédération regroupe cinq sections : les Congréganistes, les Catéchistes volontaires (près de 500), les Noëlistes, les Choristes et les jeunes filles des patronages. Les Congréganistes font référence aux Enfants de Marie, qui sont, au début de 1925, 5384 réparties dans 128 congrégations paroissiales. Les Enfants de Marie visent à former les jeunes personnes à la piété et aux vertus chrétiennes ; les défendre contre les dangers du monde ; les mettre sous la protection spéciale de la Très Sainte Vierge et leur apprendre à l’aimer, à la prier, à l’imiter ; les faire participer à toutes les prières, indulgences et autres grâces spirituelles des Congrégations de la Sainte Vierge ; continuer leur instruction religieuse et établir entre elles des liens d’amitié chrétienne et une sainte émulation dans la pratique des vertus. Dans le diocèse de Nîmes, ses membres ont entre 15 et 30 ans ; elles ont tous les mois une messe de communion et au moins une réunion avec leur curé qui est quasiment toujours le Directeur de la congrégation. Les membres de la Fédération féminine prennent aussi le nom de Vaillantes du Gard ; elles se dotent dès le mois de mai 1926 d’un bulletin mensuel, Les Vaillantes du Gard. Les divers pèlerinages diocésains, celui de Lourdes, le Congrès annuel de la Fédération, vont être autant d’occasions de se rencontrer mais aussi de se montrer. D’où l’idée de proposer rapidement un signe distinctif et de ralliement. Les couleurs choisies sont le bleu turquoise et le blanc ; dès le printemps 1926, chacune est invitée à se procurer un béret turquoise vendu chez Mme Ducros, librairie catholique, Place de la Cathédrale, à Nîmes. Le bulletin des Vaillantes du Gard donne des conseils sur la coupe des robes, à jupe plissée et sans taille marquée ni décolleté. En juillet 1926, la revue tempère les ardeurs des jeunes femmes : Plusieurs groupes de Vaillantes nous ont déjà manifesté le désir de faire confectionner ou de se procurer une bannière portative ou un fanion paroissial ; Que l’on veuille bien attendre ! En temps voulu, nous donnerons les directives nécessaires. La question des fanions est à l’étude ! C’est dire l’émulation et l’enthousiasme qui règne chez ces demoiselles. En juillet 1927, revient le temps du pèlerinage à Lourdes, où l’on doit porter tenue blanche, avec une cravate turquoise assortie au béret. Aurons-nous encore une surprise ? Celle de voir vos groupes précédés d’une bannière bleu turquoise, aux armes de la Fédération. Pour la beauté de nos manifestations, il serait bon d’adopter une dimension uniforme. Celle de La Levade, qui sera au pèlerinage de Lourdes, peut être prise comme modèle. Elle mesure 60 x 90. De couleur turquoise, même nuance que le béret, elle porte au recto, en relief, l’insigne fédéral : Croix renversée avec la devise : « Va fille de Dieu, va » au verso l’inscription : Les Vaillantes de … (nom de la paroisse). Les bannières classiques subsistantes (IM34900938) mesurent effectivement 85 x 55 cm, compte tenu de l’emprise des coutures. Il en a été trouvé 22 exemplaires dans le département. Elles sont en satin bleu vif. L’expression « Va, fille de Dieu, va » fait référence aux voix qui ont guidé Jeanne d’Arc. Canonisée en 1920, Pie XI vient de nommer Jeanne seconde patronne de la France. Au revers, l’identification de la paroisse est réalisée en drap d’or découpé appliqué ou en broderie Cornely. La question du coût avait sûrement été mûrement réfléchie ; la bannière peut être confectionnée dans la paroisse en achetant seulement les matières premières. Ce qui compte est l’unité visuelle produite. Ainsi, à Bellegarde (IM30003093) ou à Sainte-Perpétue de Nîmes (IM30001235), la bannière de satin est peinte ; simplement, des lys remplacent les feuilles d’olivier sur la croix. La seconde bannière du Vigan est unique en son genre (IM30003022) ; au moment où se terminait la retraite des Enfants de Marie, l’évêque vint donner la confirmation, le 15 août 1927, et il bénit la bannière après les Vêpres. Les maisons qui tissaient pour l’Église se sont intéressées tardivement à ce mouvement stylistique – leur présence est très faible à la grande exposition des arts décoratifs de 1925, et les étoffes liturgiques de style Art Déco de la maison Henry, de Lyon, sont des années 1930-1960. En revanche, les brodeuses ont été beaucoup plus tôt sensibles aux lignes harmonieuses qui caractérisent ce style. Dans un diocèse où la crise des vocations se fait déjà sentir, Mgr Girbeau fonde de grands espoirs dans les fédérations catholiques. Il crée plusieurs écoles presbytérales visant à préparer de jeunes esprits à une éventuelle entrée au séminaire et ne cache pas, lorsqu’il s’adresse aux jeunes femmes, qu’il a besoin de leur soutien : Une école presbytérale pour naître et grandir a besoin de trois choses : la prière, la parole, l’argent. Au chapitre XVIII des statuts de la Fédération, il est dit que Les Vaillantes prêteront leur concours à toutes les œuvres paroissiales ou diocésaines destinées à promouvoir le règne de N.S.J.C., en particulier à l’Œuvre des Catéchismes et à l’œuvre des Vocations sacerdotales.

Avec leurs bannières bleues, les Vaillantes s’assemblent donc plusieurs fois dans l’année, à l’occasion de la messe hebdomadaire, de l’assemblée générale annuelle ou Congrès, de la retraite une ou plusieurs fois par an, et bien sûr du pèlerinage à Lourdes, grand moment auquel chacune essaie de participer. La Fédération féminine prend un essor important : en octobre 1928, Mgr Girbeau constate qu’il y a 9000 Vaillantes dans son diocèse ; leur bulletin est tiré à 2500 exemplaires.

Après les hommes et les femmes, l’évêque veut rassembler les enfants. Il existait déjà une Jeunesse catholique diocésaine. L’évêque reconnaît par ailleurs qu’un modèle qui a fait ses preuves existe, celui de la Croisade eucharistique : "Appelée par les saints désirs du pape Pie X, décidée au Congrès eucharistique international de Lourdes en juillet 1914, créée dans un pensionnat de Bordeaux pendant la guerre, en 1915, par un jésuite, le R.P. Bessières qui est considéré à juste titre comme le fondateur et l’organisateur de la Croisade, cette Ligue d’enfants rayonne aujourd’hui, non pas seulement sur toute la France, où elle comptait déjà naguère 250 000 adhérents, mais sur l’univers catholique tout entier". Pour entrer dans la Croisade eucharistique, il faut avoir sept ans révolus et avoir fait sa communion privée. L’insigne est une croix dorée sur émail blanc, portant autour d’une couronne ces mots liturgiques : Ecce panis angelorum. Elle va inspirer la création de nombreux drapeaux encore présents à Alzon (IM30003545), Arre, au Mazel (Notre-Dame-de-la-Rouvière), Roquemaure, chez les Ursulines de Sommières et à Saint-Césaire de Nîmes (IM30001250).

Le mouvement des Croisés concerne filles et garçons mais les filles de plus de onze ans et de moins de quinze ans peuvent intégrer les Cadettes. Elles ont leur bannière dont le prototype est photographié dans Les Vaillantes du Gard d’avril 1934 ; l’article précise que "la bannière est en préparation dans une grande maison de Lyon. À partir du 1er mai, le modèle sera exposé au Bureau des Œuvres féminines, et tous les renseignements utiles vous seront donnés. […] Aucune autre bannière ne sera acceptée". Deux exemplaires ont été repérés, à Arre et à Saint-Césaire de Nîmes (IM30001252) qui correspondent à la photo du bulletin. L’alpha et l’omega entrelacés sur la croix, ainsi que des fleurs violettes sont brodés au point Cornely sur des sergés jaunes et blancs. Ce sont des bleuets, fleurs commémoratives de la première guerre mondiale. La Fleur du Souvenir se vendait le jour de la Toussaint et le lendemain, Jour des Morts. Les enfants quêtaient pour aider les anciens combattants ou leurs familles. L’inscription en partie supérieure, « Vers la Vaillance », indique un futur tout tracé pour ces enfants qui intégreront les Vaillantes à 15 ans.

Quel fut le destin des Vaillantes ? D’une organisation diocésaine, il est probable qu’elles se glissèrent naturellement dans le mouvement national souhaité par le pape Pie XI. Le 12 novembre 1933, a lieu à Nîmes le premier Congrès de la Ligue Féminine d’Action Catholique Française (souvent abrégée A.C.F.) présidée par la Comtesse de Saint-Laurent. Elle est le résultat de la fusion, au 1er janvier 1933, de la Ligue catholique des femmes françaises et de la Ligue patriotique des Françaises. Là encore, il s’agit de s’unir pour résister au déclin de la religion catholique dans la société, dans un esprit d’apostolat (participation aux œuvres, enseignement libre,…) et d’obéissance à la hiérarchie religieuse. Le 27 décembre 1933, en créant une Ligue féminine d’Action catholique française dans son diocèse, Mgr Girbeau montre clairement son soutien et la ligne à suivre : il s’agira de travailler, sous le contrôle et la direction de l’autorité ecclésiastique, à la rénovation chrétienne et sociale du pays, par l’organisation et le soutien de toutes les œuvres d’apostolat religieux et social. De là, vient l’apparition d’un nouveau type de bannière, en satin blanc, brodé et peint, dont il reste aujourd’hui quelques exemplaires, à Nîmes (IM30001251), au Vigan et à Alzon.

Annexes

  • inventaire préliminaire, liste communale
  • inventaire préliminaire, liste des pièces du 18e siècle
  • inventaire préliminaire, pièces datées sur oeuvre
  • inventaire préliminaire, liste des marchands
Date(s) d'enquête : 2013; Date(s) de rédaction : 2014
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