Viollet-le-Duc suggère la mise en place de clôtures dans les baies encore ouvertes à tous vents. (MAPA, Dossier Correspondance et travaux 81/11/206). La vue de l’église gravée pour être publiée en 1833 dans les Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France, Languedoc (Taylor (Charles), Nodier (Justin), Cailleux (Alphonse de), Paris, Firmin-Didot, 1833-1837), montre le remplage de la baie d’axe (baie 200) en grande partie arraché et doté de losanges très lacunaires. La situation du vitrage semble cependant petit à petit s’améliorer un peu. Le devis rédigé le 17 juillet 1843 sur la demande de la Commission des Monuments historiques par Viollet-le-Duc, en vue de la conservation du cloître et de l’église, prévoit des ferrures pour 13 fenêtres soit 66 m2. Ce devis est suivi d’effets : après rapport favorable de la Commission le 3 avril 1844, un crédit de 16 873 francs à répartir sur 3 exercices 1844, 1845, 1846 et accordé et des travaux de vitrerie réalisés en 1846 (MAPA, Dossier Correspondance et travaux 81/11/206). En 1858, Fontfroide change de propriétaire, vendue aux Bernardins de l’Immaculée Conception. Le vitrage de l’église et des bâtiments est toujours mentionné en mauvais état (Petit (Jean-Marie), « Le Père Jean », Oculus, n° 2, p. 7-21). Il est cependant amélioré par la pose de vitreries ornementales, dont certaines ferment encore les baies de la sacristie et d’autres sont conservées dans l’atelier de Richard Burgsthal à Fontfroide. Deux compositions figurées du 19e siècle, un saint Michel monumental et une autre image de saint Michel de plus petite échelle, toutes deux déposées également dans l’atelier de Burgsthal, prouvent que certaines baies avaient reçu un décor peint au temps de la présence cistercienne (1858-1901). Pour ne pas se soumettre aux lois sur les Congrégations, la communauté abandonne l’abbaye en 1901. Vendue par adjudication, Fontfroide est acquise en indivision par les sieurs Martin et Ivaldi. Très rapidement, le domaine et l’abbaye sont à nouveau en vente. L’ensemble est acheté le 23 janvier 1908 par Gustave Fayet et Madeleine d’Andoque de Sériège son épouse. Une nouvelle menace de dépeçage des bâtiments médiévaux est ainsi évitée. Très vite, les nouveaux propriétaires engagent d’importants travaux de sauvetage et de remise en valeur, en particulier pour retrouver les volumes d’origine.
« Pour apprendre à Burgsthal le vitrail, Gustave Fayet commença par acheter des caisses de vitraux cassés. Et Burgsthal passa un an à les assembler sur sa table de salle à manger avant que l’on achète la sablonnière et que l’on crée l’atelier des verreries des Sablons" (Gardey de Soos, 1984, p. 96). Cette anecdote n’est peut-être pas loin de la réalité. Dès 1910, Burgsthal, qui ne s’est pas encore rendu à Fontfroide, dispose de ces pièces anciennes (témoignage de Mme Desaint-Strohl). L'origine de ces pièces est celle, classique, de parties éliminées dans les ateliers de peintres verriers lors de restaurations, bouche-trous, pièces endommagées, inutiles ou renouvelée. Il est possible de se procurer des pièces de ce type dans les ateliers, ou éventuellement dans le commerce. Avec ces éléments de toutes les époques entre le 13e et le 16e siècle, Richard Burgsthal compose de nombreuses verrières de l’abbaye de Fontfroide : celles de l’escalier d'honneur, du cellier, du dortoir des convers (à l'exception des 4 baies ouest), de l'escalier donnant accès au dortoir des moines et de la salle dite du Trésor. L’origine de la plupart des éléments anciens n’est pas connue. Quelques-uns cependant, répartis dans la baie du 1er étage de l’escalier du dortoir des convers et dans les baies B et C du cellier portent des motifs très proches de ceux relevés dans les baies 4, 10 et 12 de la cathédrale de Narbonne (Suau (Jean-Pierre), Les vitraux de la cathédrale Saint-Just et Saint-Pasteur de Narbonne, DES Toulouse Le Mirail, 1966, p. 763-771). Or, ces vitraux sont en cours de restauration, depuis 1909 à l’atelier Socard à Paris. La chronologie de la réalisation et de la mise en place des verrières composées de fragments anciens n’est pas connue, pas plus que leur mode de réalisation, qui laisse supposer l’intervention d’un peintre verrier professionnel. Mais les choses vont certainement très vite, car Gustave Fayet signale en place les vitraux du cellier dès 1912. Les pièces anciennes utilisées ne proviennent donc probablement pas de la cathédrale de Reims ou des églises de Champagne endommagées pendant la Première Guerre mondiale, comme l'indique parfois la bibliographie. Cependant, avant même l'intervention de Richard Burgsthal, la volonté d’orner de vitraux les baies de l’abbaye s'est déjà manifestée, en projet depuis l’achat même des bâtiments. Lorsqu’en 1909 se discute l’extension de la protection Monuments historiques, qui concernait depuis 1862 le cloître seulement, Gustave Fayet a commencé à déposer à Fontfroide des collections. Il donne son accord au classement de l’abbatiale et des parties les plus importantes de l’abbaye à condition qu’il puisse disposer sans contrainte des objets d’art et des vitraux « que j’ai déjà mis dans les bâtiments en question et que je pourrai y mettre à l’avenir » (AD 11, 4T232). Les quatre panneaux d’antiquaires adaptées aux baies ouest du dortoir des convers pourraient témoigner de ce premier décor, issu d’achats dans le commerce d’art.
Entre 2003 et 2005 sont restaurées les cinq baies du trésor faites avec des éléments anciens (baies 205-213). Soutenue par la DRAC et la fondation Gaz de France l'opération est achevée en mai 2005 (Archives DRAC LR, CRMH, DDOE Rivière CD rom ; ibid., dossier de presse pour l’inauguration).
Né à Mulhouse. Conservateur en chef du patrimoine - Centre André Chastel (Laboratoire de recherche en Histoire de l'art - UMR 8150 du CNRS) Institut national d'histoire de l'art, 2, rue Vivienne.
Directeur du Comité français du Corpus vitrearum.
Vice-directeur de la Revue de l'art.
Docteur habilité à diriger des recherches (Université François Rabelais, Tours).