Une exploitation tardive
Connues et utilisées par les locaux, les eaux de la Fou ont été exploitées tardivement. Pourtant, dès 1756, Carrère les mentionne dans son traité des eaux minérales du Roussillon.
Dans son Histoire Naturelle de la province du Languedoc publiée en 1778, Gensanne mentionne à Saint Paul de Fenouillet, une source d’eau thermale et un petit bassin. Joseph Anglada dans son traité des eaux minérales et des établissements thermaux des Pyrénées-Orientales en 1833, décrit deux sources et un petit établissement thermal. Il décrit les eaux et leurs propriétés.
Ce n’est qu’en 1840 qu’Antoine Peyralade, propriétaire à St Paul, demande une autorisation préfectorale pour la fondation d’un établissement thermal alimenté par les sources du pont de la Fou. Le Préfet demande une enquête sur les terrains, les propriétaires des sources, ainsi que des analyses chimiques. Cette première demande n’aboutit pas.
Une comtesse russe crée le centre thermal
Il faut attendre 1907, lorsqu’Auguste Billès, propriétaire à St Paul de Fenouillet, réitère une demande d’autorisation de création d’un établissement thermal. Il reçoit l’autorisation d’exploiter et de vendre l’eau de la source Norman, située sur son terrain. Cette autorisation lui est délivrée le 28 juin 1907. Il demande au conseil municipal cette même année, de changer le nom de la commune de St Paul de Fenouillet en Saint-Paul-les-Thermes. Cette requête lui est refusée.
Le centre thermal est ouvert en 1907 par Auguste Billès et son épouse, la comtesse russe Léonide Genevieve Yermolov. Ce modeste cocher a rencontré sa future épouse en Corse, lors de son service militaire. Alors qu’elle cherche un cocher, Auguste Billès est mis à son service, et ils tombent amoureux. Lorsqu’ils viennent à St Paul à la rencontre des parents de Billès, la comtesse s’intègre bien à la vie du village. Elle entend les habitants vanter les bienfaits des eaux chaudes de la Fou, qui guérissent de tous les maux et décide d’en faire commerce. Elle commande des analyses chimiques des eaux à des médecins de Montpellier, qui confirment les valeurs thérapeutiques des eaux, aux qualités diurétiques, dépuratives, digestives et sédatives.
L’arrivée du chemin de fer à la même période constitue un atout considérable pour ses affaires. Elle fait dessiner par un architecte les plans d’un établissement thermal à la pointe de la modernité, avec piscine à eau courante, cabines de bains, salle d’hydrothérapie et hammam.
L’hôtel de l’établissement comporte alors 20 chambres, dont 10 avec cabinet de toilette. Des W.C à tous les étages, 2 salons, 3 grandes terrasses pour les bains de soleil, un large vestibule avec dégagements et un promenoir couvert.
On accède aux bains par un grand hall d’entrée qui ouvre sur un jardin anglais. Il comporte une grande piscine à eau courante, onze cabines de bains et 13 baignoires, un hammam complet, une grande salle hydrothérapique, quatorze cabines de déshabillage, une cabine de bain de siège, une salle d’électrothérapie, une salle d’inhalations, une salle de repos et une salle des machines.
L’hôtel restaurant la Villa des Pins est édifié à proximité, avec une capacité de 12 chambres. Elle comporte des W.C à chaque étage. Une vaste cuisine avec office et une chambre froide, une salle à manger pour le personnel, une grande salle à manger, un salon bureau, un salon, deux grandes terrasses, une véranda devant la salle à manger, et des dégagements.
Tous les appartements, chambres, salons, salle à manger corridor, doivent servir le public, ainsi que toutes les salles de l’établissement thermal sont peintes à l’huile et décorés par d’artistiques peintures murales. Ces deux établissements sont situés sur la rive droite de l’Agly.
Sur la rive gauche, un immeuble dit le moulin de la Fou, comprend un office, 5 chambres de personnel, une vaste cuisine avec four et pièce pour le pain, une écurie, un vestibule, une cave, une salle de production et de distribution électrique, les salles pour le lavage, le remplissage, l’étiquetage et la manutention de la mise en bouteille de l’eau, une lingerie buanderie, de vastes entrepôts de bouteilles vides et caisses, une salle voûtée pour la turbine, une scierie mécanique pour la fabrication des caisses, une salle de billard, un office et une salle des fêtes. Cet édifice accueille aussi un cinéma. Ce bâtiment initialement destiné à la production d’hydroélectricité, alimentait l’établissement thermal. Il était relié à l’établissement thermal par un pont aujourd’hui disparu.
La comtesse fait également construire à côté de la gare une grande maison sur le modèle de la villa des pins, afin de recevoir les clients en transit vers l’établissement thermal distant de quelques kilomètres (maison de la comtesse ou villa de Bayra).
En 1910, Auguste Billès fonde la compagnie des eaux minérales et thermales de la Fou, en charge de l’exploitation de l’établissement et des industries s’y rattachant : vente d’eau en bouteille, hôtellerie…
Rapidement, la notoriété du lieu s’étend par le prestige de la clientèle. Des personnalités de tout le département se pressent à la Fou, des médecins, ainsi que de grandes familles, tels que les Bardou-Job de Perpignan et les Viollet de Thuir.
Une existence éphémère
Mais la concurrence thermale est rude dans le secteur. Les stations thermales sont abondantes, et dans l’Aude, Alet, Rennes, Escouloubre, existent depuis fort longtemps et ont déjà leur clientèle. Le regroupement de 4 stations de l’Aude en société des bains du Midi porte un premier coup à l’établissement de la Fou. La première guerre mondiale est le dernier.
Le 25 mai 1919, la compagnie des eaux minérales et thermales de la Fou est dissolue, mettant fin à toute activité liée aux eaux. Les locaux ont par la suite été remaniés au grés des différents propriétaires qui se sont succédés et s’adaptent aux différentes activités. Tour à tour, l’ancien établissement thermal devient une savonnerie, une fabrique d’acide chlorhydrique, et une charcuterie industrielle.
En 1977, les lieux sont désaffectés et le terrain est racheté par la commune de Saint Paul de Fenouillet. Dans les années 1980, les locaux sont revendus à des particuliers qui occupent aujourd’hui les lieux.