Prades de la Préhistoire au 12e siècle :
Les premières traces d’occupation sur le territoire de Prades remontent à la période protohistorique, avec la présence du dolmen de la Bohère (Boera) dans les parties montagneuses Sud, mis au jour en 1968 par l’archéologue Jean Abélanet. Cette découverte a permis de révéler des tessons de céramique pouvant être datés de l’âge du Bronze final [KOTARBA, CASTELLVI, MAZIERE, 2007, p.525]. Un second site protohistorique localisé dans la vallée de la Têt et en limite avec la commune d’Eus, fut dégagé en 1986 par le propriétaire de la parcelle dans lequel il se trouve. Il s’agit d’un site d’inhumation du premier Âge du fer, nommé Perafita. Les vestiges étendus sur 400 à 500 m², témoignent très certainement de la présence d’un tumulus, signalant un lieu de sépulture. Parmi le mobilier retrouvé se trouve une épée à antennes en fer, des objets d’ornement en bronze tels qu’un bracelet fermé, un anneau ou encore une vingtaine d’urnes, vases et petits gobelets [KOTARBA, CASTELLVI, MAZIERE, 2007, p.524].
La localité de Prades est franchie à l’époque romaine par la « strada Conflentana » ou « Strata francisca », antique voie qui s’étendait de la localité d’Illibéris (Elne) à la Cerdagne. Malgré le manque de traces significatifs sur le terrain, les historiens et archéologues ont pu reconstituer certains tronçons de la voie dans les années 1980. À partir de la rivière el Lliscó, l’axe antique longeait très certainement la voie ferrée vers le Sud-Ouest, en direction de Codalet. Au Nord du site de Perafita, d’autres témoignages de la présence romaine sur la plaine alluviale de la Têt ont été attestés par les archéologues, dont l’existence de monnaies romaines non loin du Mas Felip [KOTARBA, CASTELLVI, MAZIERE, 2007, p.p. 524 et 525].
L’urbanisation du centre urbain de Prades s’est très certainement opérée entre l’Antiquité et le haut Moyen Âge, comme l’atteste les fouilles récentes de l’îlot d’habitation compris entre la rue du Palais de Justice et la place Catalogne. En effet, une zone de réduction du minerai et son espace de stockage ont été mis au jour, ainsi qu’une aire d’épuration du métal formée de foyers d’affinage et des ateliers de corroyage. Ces vestiges restent disparates et concernent surtout des résidus de l’activité métallurgique, comme les scories de fer [Source : Inrap].
C’est en 843 que Prades « villa prata », apparaît dans les sources historiques, dans un précepte de Charles-le-Chauve la confiant à Sunifred Ier de Barcelone, comte d’Urgell et de Cerdagne [DELAMONT, 1997, p.8]. Il s’agit en effet à cette époque d’un grand domaine compris dans le « pagus Confluentis » (« pays du Conflent »), formé au lendemain de la Marca Hispanica ou « Marche d’Espagne », limite frontalière instaurée par les Carolingiens à la suite de leur prise de pouvoir sur les musulmans. L’année suivante, Sunifred et Argila, fils du comte de Barcelone, établissent les limites des divisions territoriales de Prades et de Lusco, lieu-dit se référant à la rivière du Lliscò sur le territoire d’Eus [HUSER, CATAFAU, 2011, p.15].
L’existence de l’église de Prades est attestée dès 846 ; elle est alors placée sous le vocable de trois patrons que sont Saint-Sauveur, Saint-Pierre et Saint-Jean [DELAMONT, 1997, p.131].
Dès l’An Mil, Prades est régie par le pouvoir royal de Barcelone et le pouvoir ecclésiastique de Lagrasse. Par ailleurs, la ville reste sous domination catalane (comté de Barcelone) jusqu’au traité des Pyrénées (1659). Quelques années suivants la donation, un conflit éclate entre l’abbaye et le successeur de Sunifred, le comte Salomon, ce dernier réclamant le domaine et l’alleu de « Mata », dépendance de Prades localisée au Nord en bordure de la Têt. Ce litige est évoqué dans un plaid (procès) effectué en 865 dans l’église Saint-Etienne du « castrum » de Pomers, considéré comme étant le siège du comté de Conflent au 9e siècle [DE POUS, 1981, p.53]. Les limites données à Prades lors de ce plaid ont été reportées sur une cartographie, établie dans les années 2000 par les historiens. Ainsi, Prades est limité à l’Ouest par la jonction entre la Têt et la rivière de la Lliterà, au Sud par le lieu-dit de Bohère, à l’Est par la localité d’Avellanet (Los Masos) et au Nord par l’alleu de Mata. Ce dernier correspondrait à un lieu d’habitat au moins existant depuis le Moyen Âge, situé au niveau de la chapelle Saint-Martin de Canoha, mentionnée en 855 dans les possessions de l’abbaye de Saint-Michel-de-Cuxa puis en 1118 en faveur de La Grasse [DELAMONT, 1997, pp.203 et 204]. De plus, des petits lieux de peuplement dits « villares » et aujourd’hui disparus, sont évoqués dans le plaid (Arbocia et Fenouillix) [[HUSER, CATAFAU, 2011, p.16].
Les églises de Prades dont celle de Saint-Pierre, sont indiquées dans un second précepte de Charles le Chauve daté de 870. Il vient en effet confirmer à l’abbaye de La Grasse les petites églises rattachées au monastère, telle que la « cella » de Prades [VAISSETE, 1730] ainsi que les édifices dédiés à saint Sauveur, saint Jean et saint Gervais, relatifs aux hameaux de Mata, Arbocia et Fenouillix [CAZES, 1969, p.3]. La donation de Prades à l’abbaye de la Grasse est actée dans une charte de fondation rédigée en 888, mentionnant l’église paroissiale parmi les possessions [DELAMONT, 1997, p.132]. À cette date, le comte Sunifred donne en effet à cette puissante abbaye la « villa » de « Prata », qui resta propriétaire du foncier de Prades jusqu’à la révolution française [RAMOS I MARTÍNEZ, PUIGFERRAT I OLIVA, LÓPEZ I GUTIÉRREZ, 1995, p.483].
Prades du 14e siècle au 18e siècle :
Tout comme de nombreuses communes du Roussillon et les villages formés dans la plaine du Conflent, la ville de Prades possédait un premier noyau bâti autour de son église paroissiale et de son cimetière. La cellera, qui désigne l’espace sacré autour de l’église, est mentionnée tardivement au 13e siècle. En effet, elle apparaît en 1277 lorsque le procureur royal Arnaud de Codalet décide de vendre pour trois ans les revenus des édifices religieux de Prades à Arnaud Sacard, ainsi qu’une propriété bâtie appartenant à l’église alors située dans la cellera [CATAFAU, 1998, p.515]. De plus, un capbreu dressé par l’abbaye de Lagrasse entre 1379 et 1380, fait état de 34 celliers compris à l’intérieur du castrum, qui constituait une véritable forteresse (« intus fortalicium »). Cette première enceinte renferme également la maison commune, la maison du curé, ainsi que celle du camérier de Lagrasse [HUSER, CATAFAU, 2011, p.19]. Elle a été remaniée plusieurs fois au 14e siècle, en raison des guerres entre le roi de Majorque et celui d’Aragon. Après le rattachement des comtés nord-catalans à la couronne aragonaise, les pradéens sont contraints de démolir leur fortification par ordre du roi, en raison de leur compromission dans le parti de Jacques de Majorque [HUSER, CATAFAU, 2011, p.20]. La Peste Noire de 1348 entraîne par ailleurs une importante baisse démographique ; dans les années 1350, Prades ne compte que 74 feux contre 341 feux à Villefranche-de-Conflent [BATLLE, GUAL, 1973, pp.12 et 13]. Par autorisation du gouverneur du Roussillon et de Cerdagne, la fortification primitive est reconstruite à la fin du siècle. Face à l’accroissement démographique des siècles suivants (84 feux entre 1470 et 1490, 94 feux en 1515) et en raison des « incursions quotidiennes des hérétiques » venus de France, les consuls de Prades demandent en 1540 au camérier de Lagrasse, d’entourer la ville d’un nouveau rang de fortifications [DELAMONT, 1997, p.35]., Le renforcement de ce dernier rang s’est opéré jusqu’au début du 17e siècle, afin de continuer à protéger la ville des invasions françaises [BLAIZE, D’ARTHUYS, PONSAILLÉ TOSTI, 1992, p.14].
Les premières rues structurantes de Prades sont mentionnées au 14e siècle, dont la « Ruha », du catalan médiéval « Arruga » signifiant « sillon » et traduit en français par « Grande Rue ». Cette rue rectiligne correspondant à l’actuelle rue du Palais de Justice, suit très certainement l’axe d’un ancien chemin de communication antique. L’urbanisation de cette rue dans le courant du 15e siècle, se caractérise par la présence de petites maisons majoritairement développées sur un rez-de-chaussée et un étage supérieur. Sur l’arrière des parcelles, ces premières maisons comprennent une cour et des jardins, urbanisés au cours des siècles suivants. La maçonnerie de l’habitat est composée de galets de rivière, liés à un mortier de terre tiré du sol naturel. La terre était extraite dans l’environnement immédiat, comme l'atteste la découverte récente dans la zone de fouille de trois fosses d’extraction de terres crues. La couverture de la toiture est en schiste, matériau également employé dans l’aménagement de petites niches quadrangulaires ou triangulaires, servant pour l’éclairage (lampe à huile). Dans le courant du 16e siècle, ces maisons sont transformées, avec l’adjonction d’un étal au rez-de-chaussée. Un second étage est construit et forme avec le premier un encorbellement sur la rue (même modèle architectural que la maison Jacomet). Aux 17e et 18e siècles, un dernier niveau est rajouté, développé vers l’arrière au niveau des cours et jardins. De plus, les parcelles d’habitations fusionnent entre elles, pour former de grands volumes. L’intérieur des habitations comprend des éviers creusés en alcôve dans les murs, des cheminées avec décoration en stuc et niche aménagée pour l’éclairage.
La place de la République comprenait au moins depuis le 14e siècle un cimetière, alors intégré dans le périmètre de la cellera. Il est déplacé au 17e siècle à proximité de la chapelle du Rosaire, construite en 1580 [voir la notice]. Celle-ci se trouvait à l’emplacement de l’actuelle mairie annexe, édifiée en 1854.
Entre les 16e et 17e siècles, le centre de Prades composé de petites rues convergentes vers l’église paroissiale Saint-Pierre, est en plein essor économique. Tandis que plusieurs celliers situés devant l’église sont détruits au profit de l’ouverture de la place de la République, des commerces s’installent le long des axes structurants, tels que la rue des Marchands. La place de la République ainsi que l’actuelle rue du Palais de Justice concentrent une bourgeoisie locale, dont l’architecture privée se rapporte au modèle de la maison patricienne. La maison Felip située au numéro N°17 Place de la République, possède des éléments architecturaux se rapportant à une occupation au 17e siècle, tel que des planchers à la française en association avec des corbeaux en bois à tête de chat.
Les notables et bourgeois s’installent également de part et d’autre de la « Ruha », comme en témoignent certaines dates gravées sur l’encadrement de la porte d’entrée. Quelques habitations possèdent un patio intérieur, dont le modèle se retrouve dans la commune de Vinça au niveau de la rue Michel Touron.
En 1773, le siège de la viguerie du Conflent est déplacé de Villefranche-de-Conflent à Prades. L’administration est alors concentrée dans une imposante bâtisse fortifiée attenante à la chapelle du Rosaire, rasée en 1959 pour ouvrir vers la rue Jean Jaurès. Une carte postale représentant la place publique de Prades avec en arrière-plan le bâti de la Place Catalogne avant sa démolition datée du mois d’août 1960, permet de visualiser le bâtiment fortifié, composé d’une terrasse crénelée et d’une poivrière reposant sur un encorbellement à degrés et en quart-de-rond [A.D.66 24fi 149/79].
La reconstruction de l’église paroissiale Saint-Pierre est décidée dès le début du 17e siècle, en raison de son étroitesse et de la nécessité d’accueillir davantage de paroissiens. Elle s’est échelonnée de 1606 à 1696, comme l’attestent les nombreuses dates inscrites sur le monument. Une pierre gravée portant la date « 1606 » et située à l’angle Nord-Ouest de l’église, marque le début des travaux qui vont donc s’étendre tout au long du siècle. Le nouveau lieu de culte prend alors une allure massive, grâce aux contreforts développés au Nord, similaires à ceux de l’église Saint-Julien-et-Sainte-Baselisse de Vinça.
Prades du 19e siècle à nos jours :
À partir de 1840, le centre-ville de Prades se métamorphose, sous l’impulsion d’un nouveau réaménagement urbain, lié au contexte de la révolution industrielle (arrivée du chemin de fer en 1877, électricité et gaz). Ce renouveau du tissu bâti s’illustre dans le plan d’alignement et de redressement des rues de la ville de Prades, dressé le 12 août 1847 par l’architecte de Perpignan Auguste Caffes et conservé aux archives départementales. Ainsi, la « Ruha » est agrandie et les maisons forment un alignement en front bâti. L’habitat médiéval et moderne est remanié, malgré la conservation d’un parcellaire d’origine en lanière. De plus, certaines habitations gardent encore leur encorbellement en façade principale jusque dans la première moitié du 20e siècle, comme l’atteste plusieurs cartes postales [HUSER, CATAFAU, 2011, p.68].
En façade sur rue, les baies sont ordonnancées et le statut social des propriétaires rendu visible par l’usage de porte à linteau cintré ou surbaissé, compris dans un encadrement en pierre de taille (marbre). Plusieurs portes en bois observées depuis la rue sont d’époque Second Empire, avec une imposte en fer forgé, des panneaux à motifs géométriques directoires, ainsi que des heurtoirs et poignées de porte en fonte Style Napoléon III.
Le rez-de-chaussée se compose de couloirs avec un décor d’imitation de marbre rose, mais conserve toutefois ses fonctions médiévales initiales de boutique : boulangerie, boucherie, bijouterie, etc. La distribution des espaces domestiques s’effectue par un escalier balancé d’apparats, à première marche terminée par une volute.
Perpendiculairement à l’axe principal du palais de Justice, des rues sont aménagées afin d’être reliées à la Route Royale n°116 de Perpignan à l’Espagne (actuelle avenue du Général de Gaulle), créée en 1787 [CAMPS, Avril 2001, p.3]. C’est le cas de la rue de l’Industrie (rue Jean Jaurès), ou encore de la rue nouvelle. De plus, toute l'administration judiciaire de Prades est mise en place en bordure de la rue : le palais de justice (1857) qui lui donne son nom dès 1880 [JANDOT, Céline. Archéo-66. N°35. 2020, p.127], la nouvelle prison et la caserne de gendarmerie édifiées entre 1827 et 1830.
De nombreuses transformations vont également être apportées sur le bâti jouxtant au Sud l’église paroissiale. En effet, la première mairie de Prades qui se trouvait dans le prolongement de la tour dite de l’horloge, a été détruite en 1848. La tour elle-même fut démolie en 1852, en raison de son mauvais état structurel. Tout cet ensemble a vraisemblablement été aménagé/modifié à l’emplacement de l’enceinte fortifiée, qui constituait alors avec l’église paroissiale et les celliers le « castrum » de Prades. Une lithographie réalisée en 1824 par le Chevalier de Basterot et publiée dans « Voyage pittoresque du département des Pyrénées-Orientales », permet de visualiser la tour de l’horloge ainsi que la mairie avec son cadran solaire, au niveau de l’actuelle place de la République. Par ailleurs, le projet d’alignement cité plus haut projette une nouvelle maison communale à l’emplacement de l’ancienne poissonnerie, en continuité de l’îlot compris entre la rue de l’Église et la rue Arago.
Dans le courant des 19e et 20e siècles, certains édifices extérieurs au centre ancien de Prades sont marqués par une diversité des fonctions, liée au contexte politique et au développement de l’enseignement public. C’est le cas du couvent des Capucins bâti au 16e siècle, devenu hôpital militaire en 1811 et petit séminaire entre 1824 et 1825. La Monarchie de Juillet instaurée en 1830, participe grandement à la mise en œuvre d’une éducation stricte en accord avec le régime en place. Le petit séminaire va donc se transformer en école secondaire de garçons dès 1834, puis en école supérieure de filles jusqu’en 1968 (date de construction du lycée actuel). À la fin du siècle, le petit séminaire est détruit et une caserne de pompiers est édifiée à son emplacement (cadastre : AV 64) [BLAIZE, D’ARTHUYS, PONSAILLÉ TOSTI, 1992, p.25].
Parallèlement à la construction d’édifices à vocation scolaire à l’époque contemporaine, la démographie de Prades ne cesse d’augmenter. La commune compte en effet 3816 habitants en 1886, contre 3145 en 1841 [BLAIZE, D’ARTHUYS, PONSAILLÉ TOSTI, 1992, p.72]. Dans la première moitié du 20e siècle, l’arrivée de nouveaux habitants venus des communes du Haut Conflent, entraîne une augmentation significative de la population. Ainsi, les recensements établis par les historiens locaux, font état de 3875 habitants en 1906, 4170 en 1926, 4946 en 1936 et 5019 en 1946 [BATLLE, GUAL, 1973, p.72]. La démographie atteint son apogée en 1975, avec 6866 occupants. Ce n’est qu’à partir des années 1980 qu’une première baisse démographique est attestée, liée au développement des lotissements dans les villages alentours (6100 en 1982 et 6009 en 1990) [BLAIZE, D’ARTHUYS, PONSAILLÉ TOSTI, 1992, p.49]. Actuellement, la population de Prades est stabilisée autour de 6 400 habitants (6402 au 1er Janvier 2021) [Insee, Populations légales en vigueur à compter du 1er janvier 2021, p.6 [en ligne]].
(Toulon, 1792 — Perpignan, 1844) ; lithographe et imprimeur français.