Dossier d’aire d’étude IA66003566 | Réalisé par
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Présentation de la commune de Molitg-les-Bains
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  • (c) Communauté de communes Conflent Canigó
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Dossier non géolocalisé

  • Aires d'études
    Conflent-Canigou
  • Adresse
    • Commune : Molitg-les-Bains

Molitg-les-Bains de la Préhistoire au 12e siècle

L’occupation du territoire de Molitg-les-Bains remonte à la période préhistorique, comme l’atteste la découverte de plusieurs dolmens au cours du 20e siècle. Certains d’entre eux sont situés en frontière de plusieurs localités, comme c’est le cas au site de Les Costes, situé en limite géographique entre les communes de Molitg-les-Bains, Catllar et Eus. Le site mis au jour dans les années 1970 par l’archéologue Jean Abélanet [LE FIL A SOI, N°32, décembre 2002, p.9], fait état de trois sépultures datées du Néolithique, caractéristiques du culte préhistorique dolménique, notamment pour deux tombes qui correspondent à la typologie du dolmen. Ces sépultures se trouvent en zone frontière mais restent rattachées à la commune de Catllar, comme l’atteste le dernier inventaire réalisé.

Environ six dolmens ont été mis au jour sur le territoire de Molitg-les-Bains, dont plusieurs d’entre eux sont géolocalisables. Il s’agit des dolmens de Sant Ponci, de la Pineda, du Pla de l’Arca, et du Coll del Tribe. Quatre dolmens ont fait l’objet d’une publication réalisée en 1832 par Joseph Jaubert de Réart. Ce dernier est en effet l’auteur de l’article intitulé « Monuments druidiques trouvés sur la montagne de Molitg, département des Pyrénées-Orientales », publié dans le n°34 de la revue Le Publicateur [ABÉLANET, 2011, p.278]. Parmi ces constructions mégalithiques, celui du Pla de l’Arca et du Coll del Tribe, se distinguent par leur bon état de conservation. Le dolmen du Pla de l’Arca, situé à 400 m environ au Nord-Est du cortal de Saint-Saturnin, comprend une dalle de couverture qui porte une trentaine de cupules hémisphériques et repose sur deux montants latéraux (Sud-Ouest : 2,08 m de long / Nord-Est : 1 m de long) ainsi que sur une dalle de chevet (1,65 m de long, épaisseur de 0,18 m). L’ensemble orienté au Sud-Est, constitue vraisemblablement une sépulture individuelle. Le tumulus encore conservé est de plan ovale et a probablement fait l’objet d’un épierrement postérieur [ABÉLANET, 2011, p.274]. Plus à l’Est, le dolmen du Coll del Tribe localisé en limite géographique avec le territoire d’Eus, présente une typologie similaire au précèdent, avec une entrée également orientée Sud-Est. Les fouilles archéologiques effectuées en 1967 ont permis de constater que la chambre funéraire avait été pillée et réemployée postérieurement en tant qu’abri pour les agriculteurs puis les chasseurs. Quelques tessons préhistoriques atypiques découverts et un petit fragment de silex ont été mis au jour, ainsi qu’une médaille de cuivre ou de laiton, avec la représentation de la Vierge à l’Enfant et d’un blason catalan à l’avers [ABÉLANET, 2011, p.278]. Jaubert de Réart fait également la mention en 1832 du dolmen dit de la Bressa (lieu-dit Les Clauses), dont l’emplacement exact reste encore à préciser. Il a par ailleurs probablement été détruit à cause d’un possible reboisement du lieu. C’est également le cas du dolmen de la Pineda, qui selon les dernières recherches effectuées dans les années 2000, aurait été édifié à proximité du cortal Pinède [ABÉLANET, 2011, p.273], situé au Nord-Ouest de Molitg. Enfin, le dolmen de la Portella, signalé et décrit par Isidore Rouffiandis en 1872, dans le volume XIX du Bulletin de la Société Agricole, Scientifique et Littéraire des Pyrénées-Orientales, serait situé à 2 km au Nord-Ouest du village. Orienté au Sud, le dolmen est formé de « trois pierres longues et étroites plantées de champ » [ABÉLANET, 2011, p.270] et sa dalle de couverture a disparu. Le dernier monument mégalithique mis au jour est celui de Sant Ponci, localisé à l’Est du territoire près d’un cortal ruiné portant le même nom. Découvert en 1966 [ABÉLANET, 2011, p.268], il ne subsiste en place que la dalle de chevet ainsi que la dalle de support Ouest. Plusieurs cupules ainsi qu’une petite croix gravée sont conservées sur la dalle de couverture.

Le territoire de Molitg-les-Bains apparaît dans les sources historiques à partir du 9e siècle, notamment en 844 avec la dénomination « Valle Molegica ». Au 10e siècle, plusieurs noms sont employés, dont « Valle Mollegio » ou encore « Moligio ». L’origine toponymique du lieu proviendrait du latin « Molinum », qui désigne un moulin, très certainement construit en bordure de la rivière de la Castellane [BASSEDA, 1990, p.520]. De plus, les différentes terminologies employées peuvent se rapporter au nom latin « Mollis » accompagné du suffixe -idium, relatif à un lieu possédant un sol humide de type mouillère [BASSEDA, 1990, p.520]. En effet, le village est situé dans une zone creuse marquée par de l’humidité, malgré le caractère aride des environs. A cette époque, Molitg-les-Bains est une seigneurie puissante détenant des territoires étendus, dont les « vilars » (petits hameaux) de Campolime (commune de Campôme) et de Fornols [ALART, 1868, p.28]. De plus, le territoire d’Eus (alleu de Coma) situé à l’Est de celui de Molitg, apparaît comme une ancienne dépendance de la seigneurie [DE POUS, 1981, p.57]. Par ailleurs, le château de Paracolls, dont les ruines dominent l’ensemble thermal de Molitg-les-Bains, est mentionné pour la première fois en 948 sous la dénomination « castrum paracolis » [Alessandri, Bayrou, 2001, p.57]. Il apparaît également au 11e siècle parmi les possessions des comtes de Cerdagne, dont Guifred, fils d’Oliba et fondateur de l’abbaye de Saint-Martin-du-Canigou [ALART, 1868, p.30]. Cette donnée historique mentionnée dans les Notices Historiques de l’archiviste Bernard Alart est importante, étant donné que le territoire de Molitg se trouve dès l’an 1000 parmi les possessions du comte Guifred [DE POUS, 1981, p.60].

L’église du village est mentionnée pour la première fois en 1024 dans un acte de donation, indiquant la transmission de l’alleu de la « villa » de Molig par le prêtre Durand, à destination de l’abbaye de Saint-Martin-du-Canigou. Cet alleu comprenait alors un mas, qui possédait en tant que « quatrième limite (…) le chemin qui va à Sainte-Marie » [CAZES, Le Roussillon sacré, 1977, p.38]. La période de construction de l’église correspond vraisemblablement à celle de la chapelle Saint-Pierre de Paracolls, érigée au sein du castrum actuellement en ruine. En effet, malgré l’absence de données historiques antérieures au 13e siècle (1299), les relevés architecturaux effectués sur la chapelle en 1989 permettent d’identifier un style bien particulier, relatif au roman lombard tardif du 11e siècle [ALART, 1868, p.31]. Au même titre que le castrum de Paracolls, l’église paroissiale Sainte-Marie fut rattachée dès le 11e siècle parmi les possessions des comtes de Cerdagne, comme en témoigne les dispositions testamentaires de Guifred, rédigées en 1036 [CAZES, Le Roussillon sacré, 1977, p.38]. Ce dernier laisse ainsi une partie du domaine de Molitg ainsi que son église à son troisième fils, du nom de Bérenger [DE POUS, 1981, p.60]. Par ailleurs, l’édifice était dès cette époque inféodé aux seigneurs de So, momentanément privés en faveur d’un certain Bérenger. Il avait en effet été convenu que Bernard de So et ses successeurs tiendraient l’église de Molitg seulement après la mort de Bérenger [DE POUS, 1981, p.60].

En dehors de l’église paroissiale et du château de Paracolls, les anciennes sources thermales présentes non loin de la Castellane sont identifiées dès le 11e siècle. Le nom « Banneres » employé en 1024, renvoi au nom latin « Balnearia », qui désigne une baignoire [BASSEDA, 1990, p.521]. Par ailleurs, le correc (ravin) de les Banyeres identifié sur le cadastre napoléonien, constitue probablement un point d’approvisionnement supplémentaire aux sources existantes.

A la fin du siècle, la mainmise du territoire de Molitg par les comtes de Cerdagne est encore importante, comme en témoigne la transmission par testament du château de Paracolls, faite par Guillem-Ramon à son fils Guillem-Jorda en 1095 [BASSEDA, 1990, p.61]. Par ailleurs, les sources historiques identifient dès 1102 [BAYROU, 2004, p.323]. la famille de Paracolls en tant que vassale du comte de Cerdagne, qui conserve le château éponyme jusqu’en 1250.

Molitg-les-Bains du 13e siècle au 18e siècle

Au 13e siècle, la seigneurie de Molitg passe sous la domination du royaume de Majorque, avant d’être transmise à Pons de Caramany en 1312 [CCRP, Molitg-les-Bains, Église paroissiale Sainte-Marie. 2005]. C’est probablement à cette époque que sera édifié le château de Molitg, construit contre la façade Sud de l’ancienne église médiévale.

Les données démographiques concernant la seigneurie sont recensées dès le 14e siècle, à travers le « fogatge », qui est un impôt sur le revenu foncier réparti en fonction des différents feux (foyers d’habitation). Molig (ancienne graphie) compte ainsi 11 feux en 1378 et 1385 [BATLLE, GUAL, Revue Terra Nostra, 1973, pp. 18 et 23]. De plus, le lieu-dit des Bains connu depuis le 11e siècle et mentionné au 14e siècle sous la dénomination « Els Banys », semble comprendre un nombre de feux plus important qu’à Molitg. En effet, la localité compte 41 feux en 1358 et 40 feux en 1365 et 1370 [BATLLE, GUAL, Revue Terra Nostra, 1973, pp. 13 et 16]. A cette époque, la seigneurie de Paracolls est transmise à la famille de Tregura, dont Francesc de Tregurà, mentionné dans les textes en tant que « donzell » [ROSENSTEIN, Revue Terra Nostra, Numéro 97 ter. 2004, p.10].

Tout comme le territoire de Joch situé dans le Bas-Conflent, celui de Paracolls reste jusqu’au 16e siècle considéré comme étant une baronnie [ABELANET, FRENAY, PONSICH, et alii, 1983-1985, p. 967], tenue par des seigneurs locaux affranchis du pouvoir central exercé à Molitg. Jaspert de Tregurà prit le titre de seigneur de Paracolls en 1408 et sera succédé par son fils aîné, Père, lors de l’occupation des comtés de Rosselló et de Cerdanya par le roi de France Louis IX [ROSENSTEIN, Revue Terra Nostra, Numéro 97 ter, 2004, p.10]. En 1487, Joana de Tregurà, porta le titre de baronne de Paracolls à la suite de son frère Joan de Tregurà, qui mourut sans descendance.

A la fin du siècle, le nombre de foyers diminue fortement, avec 3 feux entre 1470 et 1490 (Paracolls), contre 23 feux à Molitg [BATLLE, GUAL, Revue Terra Nostra, Numéro 11, 1973, pp. 26 et 27]. Cette baisse démographique peut s’expliquer par un important mouvement de la population, amenée à se rapprocher de l’église paroissiale et de son château, afin de bénéficier de leur protection. De plus, c’est seulement au 15e siècle que le château est véritablement mentionné, avec l’apparition dans les textes du terme « castrum » en 1437 [CAZES, Les églises de la Vallée de Molig, 1969, p.16].

Au 16e siècle, la population de Molitg ne cesse de décroître (conséquence des épidémies ?) et apparaît dans les sources historiques au côté de la localité de Campôme. Cette dernière était en effet comprise parmi les possessions de la seigneurie de Molitg, jusqu’à la révolution française. Ainsi, Molitg compte à elle seule 9 feux en 1515 et 5 feux en 1553 avec Campôme [BATLLE, GUAL, Revue Terra Nostra, Numéro 11, 1973, pp. 29 et 31]. Au cours de cette période, la baronnie de Paracolls est indivisée entre les deux plus proches parents de Joana de Tregurà, que sont Anna de Tregurà et Angel de Vilanova [ROSENSTEIN, Revue Terra Nostra, Numéro 97 ter, 2004, p.10]. Les Vilanova exerceront leur pouvoir jusque dans les années 1630, période marquée par l’union de Dona Magdalena de Vilanova à un membre de la famille de Llupià. Celle-ci possédait au 17e siècle les seigneuries de Llupià et de Castellnou, auxquelles s’ajouta celle de Paracolls [ROSENSTEIN, Revue Terra Nostra, Numéro 97 ter, 2004, p.14]. Aussi, toutes ces baronnies ainsi que les lieux de Molitg et de Coma (Eus), resteront dans les mains de la famille de Llupià jusqu’à la révolution française.

Le 17e siècle est marqué par plusieurs remaniements du bâti, notamment du château seigneurial ainsi que de l’église paroissiale Sainte-Marie. Le château fut en effet transformé à de nombreuses reprises au cours des périodes qui ont suivi sa construction, notamment au début du siècle par la volonté du marquis de Llupia, seigneur de Molitg [CAZES, Les églises de la Vallée de Molig, 1969, p.16]. En 1697, l’église paroissiale Sainte-Marie est désorientée, avec la disposition d’un nouveau chœur à l’Ouest terminé par un chevet plat et la construction d’une nouvelle entrée à l’Est [CAZES, Les églises de la Vallée de Molig, 1969, p.16]. En effet, l’édifice était à l’origine constitué d’une nef terminée à l’Est par une abside semi-circulaire. De plus, l’entrée s’effectuait au Sud, à partir d’un portail roman en plein cintre et en pierres de granit. Au 17e siècle, un nouveau portail est alors aménagé à l’Est, au sein d’un porche dissimulant l’abside primitive. En dehors du portail d’entrée dont la structuration rappelle les constructions du 12e siècle, l’église conserve dans les parties hautes du flanc septentrional les vestiges d’une corniche à modillons moulurés. Celle-ci a très certainement été intégrée dès l’époque médiévale. Au-dessus du porche, se trouve un clocher arcade à baie unique et sans cloche, positionné au centre d’une toiture à trois pans en lloses et à arêtiers en tuiles canal. Son accès s’effectue depuis l’extérieur à partir d’un escalier droit, qui mène à une porte percée au Sud du porche d’entrée. Par ailleurs, une seconde entrée cintrée en cayrous située en contrebas de l’escalier permet de rentrer à l’intérieur du porche. Les deux chapelles latérales en berceau brisé continu qui s’ouvrent sur la nef, ont été rajoutées lors des remaniements puis dans la première moitié du 18e siècle, comme l’atteste la présence de pierres datées (1697, 1701 et 1723) dans la maçonnerie extérieure (bras droit du transept et chapelle Nord).

Si les données démographiques concernant le 17e siècle ne sont pas connues, celles du 18e siècle sont nombreuses. La population est en hausse par rapport aux siècles précédents, avec 55 chefs de famille comptabilisés en 1730 [BATLLE, GUAL, Revue Terra Nostra, Numéro 11, 1973, p. 40]. Le recensement des années suivantes intègre le territoire de Campôme, jusqu’en 1792, avec 64 feux en 1740, 807 habitants en 1787 et 697 habitants en 1791 [[BATLLE, GUAL, Revue Terra Nostra, Numéro 11, 1973, pp. 42, 48 et 49]. Sous la révolution française, plusieurs localités qui étaient jusqu’à présentes détenues par Molitg-les-Bains deviennent indépendantes. C’est le cas de Campôme, devenue commune à part entière, comme l’atteste les recensements de la fin du 18e siècle [CAZES, Molitg-Les-Bains, Campôme, 1993, pp.50 et 52]. Plusieurs localités sont ainsi rattachées à Campôme, dont le château de Paracolls et son hameau [BASSEDA, Revue Terra Nostra,Numéros 73 à 80, 1990, p.521]. Par ailleurs, le village de Coma sur le territoire d’Eus, prend également son indépendance [CAZES, Molitg-Les-Bains, Campôme, Prades, 1993, p.4].

La commune de Molitg-les-Bains voit sa population augmenter progressivement ; 503 habitants sont recensés entre 1792 et 1793, et plus de 511 entre 1798 et 1799 [BASSEDA, Revue Terra Nostra, Numéros 73 à 80, 1990, pp. 51 et 53].

C’est au 18e siècle que les propriétés thérapeutiques des eaux de Molitg ont pu être analysées pour la première fois, notamment grâce à l’intervention du médecin perpignanais Thomas Carrere. Ce dernier entreprit la visite du site en 1754, au côté du chimiste Pierre Bayen et du médecin montpelliérain Gabriel François Venel [ROSENSTEIN, Revue Terra Nostra, Numéro 97 ter, 2004, p.16]. Une construction modeste « d’environ 2,33 m² et 2 m d’élévation » renferme alors « un petit bassin creusé dans le roc », dont l’usage des eaux chaudes reste limité à la vallée de la Castellane [ANGLADA, Traité des eaux minérales et des établissements thermaux du département des Pyrénées-Orientales. [en ligne], 1833, Vol. 2, Tome 1, p.249]. Ces eaux proviennent de plusieurs sources sulfureuses, situées à proximité d’un torrent appelé au 18e siècle « Lo Torrent de Riell » [ROSENSTEIN, Revue Terra Nostra, Numéro 97 ter, 2004, p.17]. Leur propriété thérapeutique a été analysée par le docteur Carrere, qui indique dans son « Traité des Eaux Minérales du Roussillon » écrit en 1756, que les eaux « font les mêmes impressions sur nos sens que celles de Cauterets et de Barèges, et que les Eaux Bonnes et Chaudes » [CARRERE, Traité des eaux minérales du Roussillon [en ligne], 1756, 133 pages]. Ainsi, la réputation des eaux sulfureuses de Molitg, essentiellement utilisées dans le cas de maladies de peau, sont désormais reconnues au-delà de la vallée.

Au 18e siècle, l’état de pauvreté dans lequel se trouve les habitants amène le curé de Molitg du nom de Tolra, à adresser une lettre à l’Intendant du Conflent le 22 juin 1767, afin de recevoir « une boîte de remèdes », envoyée en temps normal tous les ans pour les pauvres. En effet, malgré la proximité du village avec les sources minérales connues pour leur bienfait thérapeutique, les plus pauvres ne « peuvent se procurer les remèdes convenables pour leur guérison » [CAZES, 1993, p.26]. Après la construction du premier établissement thermal sur trois étages en 1785 par le Marquis de Llupià dit « Thermes Llupià » [Panneau signalétique patrimonial. Molitg-les-Bains, thermalisme dans un écrin de beauté. 2018], l’utilisation des bains et l’usage des eaux minérales de Molitg-les-Bains deviennent gratuits pour les habitants des lieux de Molitg et Campôme, les soldats au service du roi et les pauvres [CAZES, 1993, p.12]. Par ailleurs, les conditions sont mentionnées dans une ordonnance royale, datée de la même époque [Panneau signalétique patrimonial. Molitg-les-Bains, thermalisme dans un écrin de beauté. 2018]. Les personnes extérieures aux lieux cités ci-dessus, sont tenues de payer certaines sommes auprès du « fermier ou de M. le Marquis de Llupià, seigneur du dit lieu », comme l’indiquent les criées (règlements de police locale) de Paracolls, Campôme et Molitg publiées en 1789 [CAZES, 1993, p.12]. Ces personnes devront payer six sous pour chaque bain, douche et étuve, deux sous par jour « pour la boisson de l’eau à la source », ainsi que six deniers « pour chaque bouteille d’eau qui sera transportée ailleurs » [CAZES, 1993, p.12].

Molitg-les-Bains du 19e siècle à nos jours

Au cours du 19e siècle, une nouvelle analyse des eaux de Molitg est réalisée par Joseph Anglada, professeur à la faculté de Montpellier. Il évoque dans son « Traité des eaux minérales et des établissements thermaux du département des Pyrénées-Orientales » écrit en 1833, la présence de quatre sources, dont la principale « surgit du rocher dans l’intérieur même de l’établissement » [[ANGLADA, Traité des eaux minérales et des établissements thermaux du département des Pyrénées-Orientales. [en ligne], 1833, Vol. 2, Tome 1, pp.254-305]. Celle-ci est en effet la plus importante, en raison de « la richesse de ses matériaux médicamenteux ». D’autres sources sont indiquées, notamment celles de l’établissement thermal Mamet, établi par la famille de même nom en 1819, à proximité des Bains des Llupià [ROSENSTEIN, Revue Terra Nostra, Numéro 97 ter, 2004, p.29]. Le site comprenait alors « une fontaine, sept cabinets à bains (…) contenant huit baignoires en marbre blanc d’Italie » [ROSENSTEIN, Revue Terra Nostra, Numéro 97 ter, 2004, p.29]. Cette construction entraina de vives contestations du Marquis de Llupià, résigné par la présence d’un second établissement thermal. À la suite du décès en 1824 de Jean Calt, propriétaire des thermes Mamet, une vente par licitation est exercée au cours de l’année suivante. La famille de Llupià pu ainsi racheter les thermes Mamet, au prix de 6045 francs [ROSENSTEIN, Revue Terra Nostra, Numéro 97 ter, 2004, p.31].

Plusieurs travaux de modernisation ont été apportés aux thermes de Molitg, à la suite du rachat du site par la famille de Massia en 1836 [ROSENSTEIN, Revue Terra Nostra, Numéro 97 ter, 2004, p.51], dont la réalisation d’une nouvelle extension du bâti existant. En effet, le nombre croissant de baigneurs et l’exiguïté des constructions présentes, nécessite de repenser le site thermal. L’établissement Mamet est détruit, pour être remplacé par un nouveau bâtiment, appelé « Etablissement de Massia » [ROSENSTEIN, Revue Terra Nostra, Numéro 97 ter, 2004, p.53]. Ce dernier comprenait quatre niveaux, avec au rez-de-chaussée les Thermes composés de « douze cabinets avec baignoires en marbre, un cabinet à douches ascendantes et descendantes, une buvette, une salle de réunion (et) le réservoir des eaux » [ROSENSTEIN, Revue Terra Nostra, Numéro 97 ter, 2004, p.53]. Les deux niveaux supérieurs étaient occupés par des appartements (28 lits), qui donnaient au Sud sur le site de Paracolls et au Nord sur une place ainsi que les Thermes Llupià. Enfin, le troisième étage comprenait des chambres de taille plus réduite, ainsi que deux cuisines. Malgré les bienfaits des soins prodigués sur les curistes, le manque de confort et de distractions se révèle très vite présent. Joseph de Massia entrepris alors d’améliorer les Thermes Llupià, à partir de 1842 [ROSENSTEIN, Revue Terra Nostra, Numéro 97 ter, 2004, p.59]. Le nombre de cabinets de bain jusqu’ici limité, est porté à 20, grâce à l’augmentation du volume des sources. Les travaux de modernisation ont également concerné la réfection de l’ancien chemin de Prades à Mosset, dont l’aménagement d’une route carrossable jusqu’à Molitg fut décidé en 1829. En 1843, une portion de route est aménagée par un entrepreneur des travaux du nom d’Antoine Costes, afin d’accéder à la plate-forme de l’établissement thermal. Retardés en raison de problèmes administratifs et financiers, les travaux de la route carrossable sont finalement achevés en 1852 [ROSENSTEIN, Revue Terra Nostra, Numéro 97 ter, 2004, p.69]. Les baigneurs peuvent ainsi se rendre au Thermes en diligence, comme l’atteste les cartes postales produites au début du 20e siècle.

Le hameau des Thermes se dote au 19e siècle d’une chapelle, construite à proximité de l’établissement thermal le long de la route des Bains. Selon l’abbé Cazes, un premier édifice de petite taille semble avoir été construit au milieu du siècle, sur la rive droite de la Castellane. Il s’agirait d’une chapelle dédiée à Notre-Dame de Bon Secours [CAZES, Molitg-Les-Bains, Campôme, 1993, p.14]. Actuellement disparu, l’édifice est ainsi remplacé en 1854 par la chapelle dite des Thermes, située au hameau portant le même nom [CCRP, Molitg-les-Bains, Chapelle des Thermes, 2005]. La construction de cet édifice a nécessité de réaliser un emprunt de 1800 francs, qui fut en parti couvert par des loteries organisées par le clergé [Office de tourisme de Molitg-les-Bains, Patrimoine, Chapelle des bains [en ligne], mise à jour en 2020], des dons de particuliers et de curistes. Ces derniers trouvaient en effet le chemin des bains trop escarpé et long pour se rendre à l’église paroissiale du village. L’implication des curistes marque alors le nom de la chapelle, connue aussi sous l’appellation « chapelle des baigneurs ». L’architecture néogothique de la chapelle a également été adoptée en 1895 pour la construction du château de Riell, qui domine le hameau ainsi que les thermes. Cet édifice a la particularité d’avoir été édifié à l’emplacement d’un ancien château médiéval (13e siècle ?), comme l’atteste les vestiges de souterrains en sous-sol. La construction du château fut entreprise à la fin du 19e siècle par le docteur Edouard de Massia (1824-1892), fils de François de Massia (1796-1878) et Maire de Molitg de 1865 à 1881, qui hérita des établissements thermaux en 1859 [ROSENSTEIN, Revue Terra Nostra, Numéro 97 ter, 2004, p.84]. Edouard de Massia apporta de nombreuses améliorations des différents établissements thermaux, dont la réparation de baignoires, le pavage des cabinets et des galeries des thermes Llupià [A.D.P.O. : 3 E 55/184]. De plus, il fit construire une piscine et réaliser une promenade longue de 200 mètres.

Dans la première moitié du 19e siècle, la population de Molitg-les-Bains ne cesse de s’accroitre. En effet, la commune compte 543 habitants en 1806, 567 en 1836 et 620 en 1846 [BASSEDA, Revue Terra Nostra, Numéros 73 à 80, 1990, p. 67]. Elle diminue progressivement par la suite, avec 658 habitants en 1861, 506 en 1872 et 418 en 1891. A cette époque, le besoin de modernisation se traduit dans la nécessité de construire de nouveaux bâtiments publics, dont une maison d’école, afin d’assurer l’enseignement scolaire. Les documents concernant la construction de l’édifice conservés aux Archives Départementales des Pyrénées-Orientales, mentionnent l’existence de plusieurs projets de maison d’école, notamment dans les années 1860. En effet, un bail à ferme daté du 15 Avril 1862 établi entre le maire de Molitg, monsieur Jean Carol et monsieur Roussié Jacques, prévoit de céder à titre de bail à loyer pour un an, une partie d’une maison située à Molitg. Celle-ci serait ainsi composée d’une « grande salle servant pour la classe, (…) de deux chambres, d’une pièce pour servir de bûcher, d’une cuisine (…) ainsi que d’une cour pour la récréation des élèves » [A.D.66 : 2Op 2084]. Le bail a semble-il été établi pour la somme de « soixante-dix francs, que le Maire de Molitg « s’oblige à payer par trimestre jusqu’à l’expiration du bail ». En échange, les réparations qui seront établies dans le courant de l’année devront être à la charge de Monsieur Roussié. Le projet n’a certainement pas abouti, puisqu’en 1876, deux propriétés écartées du centre de Molitg sont achetées par la municipalité (mandat d’Edouard de Massia) pour la somme de deux mille francs, afin d’acquérir un local pour l’aménagement d’une maison d’école [A.D.66 : 2Op 2084]. L’absence de plans concernant ces projets ne permet pas de connaître l’implantation exacte de cette maison d’école, probablement non réalisée. Ce n’est qu’à partir de 1900 que la volonté de construire un groupe scolaire est à nouveau actée, comme l’indique un acte de vente daté du 21 octobre, concernant une parcelle « de terre champ », située au lieu-dit « Près le Chemin des Bains », dit Camp de la Route [A.D.66 : 2Op 2084]. Il s’agit d’une parcelle appartenant à Coupet Joseph et à son fils Coupet Jean, tous deux habitants de Molitg. Cette vente fut fixée pour la somme de douze cents francs, avec un financement de la construction possible grâce à un emprunt effectué auprès de la Caisse Nationale des retraités pour la vieillesse. Malgré l’absence de plans permettant de juger la distribution intérieure des espaces, l’acte de vente mentionne la construction d’un groupe scolaire, intégrant également les locaux de la mairie. Pour les besoins en eau du groupe scolaire, une canalisation a ainsi été prévue par le Conseil Municipal, à partir de « la nouvelle fontaine » située à proximité de l’emplacement adopté pour la construction de l’école. Il s’agit vraisemblablement de la fontaine localisée en bordure de la Rambla Pau Casals, construite vers 1897.Actuellement, les locaux de l’école-mairie abritent une boulangerie artisanale ainsi que le restaurant « L’Estaca ».

La baisse démographique à Molitg amorcée à la fin du 19e siècle, n’a pas cessé de progresser tout au long du 20e siècle. En effet, l’exode rural et montagnard a entrainé d’importants déplacements de populations vers les plaines, délaissant ainsi les campagnes reculées. Au début du siècle, le nombre d’habitant est stabilisé autour de 300 personnes (372 en 1901, 349 en 1911 et 338 en 1921), pour diminuer progressivement, jusqu’à atteindre seulement 198 habitants en 1954 [BASSEDA, Revue Terra Nostra, Numéros 73 à 80, 1990, p. 67]. Dans les années 1960, une légère augmentation de la démographie est observée, notamment en 1968 avec 229 habitants recensés. A cette époque, l’économie locale est favorisée par de nouveaux modes de production agricole, liée à la plantation d’arbre fruitiers, tels que les pêchers et les pommiers. Ces derniers ont progressivement remplacé la vigne, principalement cultivée au 19e siècle pour l’autoconsommation personne et la vente à l’extérieur [Panneau signalétique patrimonial. Molitg-les-Bains, thermalisme dans un écrin de beauté. 2018]. Par ailleurs, quelques façades des maisons traditionnelles de Molitg conservent une treille, pour la production du raisin de table. Le 20e siècle est également marqué par la construction des bains-douches, entre les rues del Sastre et Nou.

Edifié dans les années 1940 [témoignage des habitants de Molitg], l’établissement communal permettait aux habitants de bénéficier d’un accès aux douches et baignoires. En effet, malgré l’adduction progressif en eau potable dans la première moitié du siècle, les douches n’étaient pas présentes dans les maisons d’habitations. L’accès n’était toutefois pas gratuit et chaque habitant pouvait en bénéficier qu’une fois par semaine. Fermés dans les années 1966, les bains-douches sont actuellement partagés en deux espaces, qui accueillent le comité des fêtes et une association locale de sardane. Les principes hygiénistes prônées tout au long du siècle se retrouvent également au sein de l’établissement thermal, restructuré au cours du 20e siècle. L’ensemble qui comprenait cinq corps de bâtiments ainsi que cinquante baignoires, est vendu le 28 octobre 1913 à Marcel Ecoiffier [ROSENSTEIN, Revue Terra Nostra, Numéro 97 ter, 2004, p.127]. Celui-ci bénéficia également des bosquets, de la « montagne de Paracolls avec ses ruines », ainsi que du canal d’amenée à l’usine électrique ». Aujourd’hui disparue, l’usine électrique qui permettait de fournir en électricité les établissements thermales, a été construite en 1908 par François Ecoiffier, dans le lit de la Castellane [ROSENSTEIN, Revue Terra Nostra, Numéro 97 ter, 2004, p.116]. Malgré la mainmise du site thermal de Molitg par Marcel Ecoiffier, la famille de Massia s’associa avec le nouveau propriétaire en 1927, à travers la S.A.R.L. « Etablissement Thermal de Molitg-les-Bains » nouvellement créée. Un an plus tard, François Auter, propriétaire d’un hôtel-restaurant situé entre la Route de Molitg et l’établissement thermal, s’associe à la S.A.R.L., augmentant ainsi son capital de 100 000 francs [[ROSENSTEIN, Revue Terra Nostra, Numéro 97 ter, 2004, p.130].A la fin de la seconde guerre mondiale, la gérance de la société est confiée à un certain Adrien Barthélemy [ROSENSTEIN, Revue Terra Nostra, Numéro 97 ter, 2004, p.115], qui prit alors la tête de l’établissement thermal de Molitg. Le nouvel actionnaire est également connu pour avoir fondé la Chaîne Thermale du Soleil, considérée comme étant la première chaîne française d’établissements thermaux. Adrien Barthélémy entrepris une rénovation complète du site, notamment avec la construction du Grand Hôtel en granit et marbre rose de Villefranche-de-Conflent, à partir des plans de l’architecte régionaliste Edouard-Mas-Chancel [ROSENSTEIN, Revue Terra Nostra, Numéro 97 ter, 2004, p.134]. De plus, un lac artificiel est construit au niveau du parc, ce qui confère au site le caractère pittoresque qu’il est encore possible d’apprécier. Actuellement, la famille détient toujours l’établissement thermal de Molitg-les-Bains, ainsi que le site de Paracolls et le château de Riell.

Selon le recensement de la population en vigueur à compter du 1er janvier 2020, la commune de Molitg-les-Bains fait état de 237 habitants [Insee, décembre 2019, p.5]. La démographie a légèrement augmenté depuis les années 1990 (185 habitants en 1990, 207 habitants en 1999), notamment en 2017, où le nombre d’habitations est estimé à 233 [Insee, Synthèse-Comparateur de territoires, Statistiques locales]. De plus, la démographie s’est stabilisée dans les années 2000, avec 217 personnes recensées en 2007, 212 en 2012 et 233 en 2017 [Insee, Statistiques locales].La population est essentiellement vieillissante, comme l’atteste les données INSEE produites en 2017. En effet, les 60 à 74 ans sont les plus représentés, avec 25,2%, suivi des 45 à 59 ans (19,7%), des 75 ans ou plus (15%), des 15 à 29 ans (14,1%), des 30 à 44 ans (13,2%) et enfin des 0 à 14 ans (12,8%) [Insee, Portrait démographie et conditions de vie, 2017]. Enfin, la part des ménages étudiée en 2017 selon la catégorie socioprofessionnelle des habitants, est majoritairement constituée de retraités, comptabilisés au nombre de 82, suivis des agriculteurs exploitants (15) et des professions intermédiaires [Insee, Portrait démographie et conditions de vie, 2017].

LE CADRE NATUREL

Caractéristiques paysagères et hydrauliques

Le territoire de Molitg-les-Bains d’une superficie totale de 1296 hectares, est délimité au Nord par la commune de Sournia, à l’Est par Eus, à l’Ouest par Mosset et au Sud par les localités de Campôme et Catllar. Au Nord, la chaîne de montagne du Fenouillèdes qui sépare Molitg de Sournia, est marquée par un important point culminant à 1216 m d’altitude, non loin du Roc de les Lules. Par ailleurs, la rivière de la Castellane joue le rôle de frontière naturelle entre Molitg-les-Bains et toutes les communes développées au Sud. De plus, le tracé du cours d’eau correspond à celui de la route de la Castellane (D14), axe sinueux suivant une partie de la Castellane et reliant les communes de Catllar et de Mosset, en direction du Col de Jau.

L’accès au village de Molitg s’effectue par deux anciens axes, que sont le chemin des Bains (actuelle Route des Bains (D14A)) accessible depuis l’établissement thermal situé en bordure de la Castellane, ainsi que le chemin de Campôme à Molitg (actuelle Carretera del Coll de Jau (D14A)). Enfin, toute la partie Nord et Est du territoire a la particularité d’être très boisée, dont le paysage est compris parmi la forêt domaniale dite de La Castellane. La rivière de la Castellane (Castellana en Catalan), portait autrefois plusieurs noms, dont ceux de Kastelan au 14e siècle et de Castelar au 16e siècle [BASSEDA, Revue Terra Nostra, Numéros 73 à 80, Prades, 1990, p 380]. Ce cours d’eau qui prend sa source au niveau du Pic du Bernard Sauvage (2412 m) et du flanc Est du Pic du Madres (2469 m), se jette dans le fleuve de la Têt, non loin de la commune de Catllar. Étendu sur 27 km de long, il permet l’irrigation de nombreuses terres des territoires de Molitg-les-Bains Campôme, Mosset et de Catllar.

De nombreux correcs (ravins) alimentent en eau la Castellane, dont ceux de la Devesa, de Xixat et des Bagnères, qui prennent leur source dans les hauteurs de Molitg-les-Bains. Le ravin de la Devesa traverse l’ancien canal d’irrigation de Molitg, qui permet l’arrosage de nombreuses terres sur le territoire. Il s’agit de l’ancien canal de Mosset, dont un premier aménagement a été réalisé en 1300, à la suite de l’autorisation du seigneur du lieu d’utiliser « les eaux de la rivière de Kastelan, pour l’arrosage (des) terres », accordée auprès des habitants de Mosset, Molitg et Campôme . Cette description permet de connaître la prise d’eau du canal, au niveau de la rivière de la Castellane. L’emplacement est modifié vers 1818 dans les hauteurs du village de Mosset, afin de renforcer structurellement la digue du canal. Cette nouvelle construction réalisée pour la somme de 1667 francs, permettait ainsi au 19e siècle d’arroser environ 235 journaux de terres (8356 ares) sur les terroirs de Molitg et de Campôme [JAUBERT DE PASSA, 1821, p.119]. Les plans cadastraux du 19e siècle permettent de repérer son tracé ainsi que les différentes dénominations attribuées (ruisseau d’arrosage de Molitg ou canal d’arrosage).

Patrimoine vernaculaire : constructions en pierres sèches

Le territoire de Molitg-les-Bains est marqué par la présence d’anciens cortals, qui sont des bâtiments destinés à l’élevage et utilisés pour abriter les animaux [BASSEDA, Revue Terra Nostra, Numéros 73 à 80, 1990, p.73]. Le mot « cort » en latin peut en effet désigner une cour, une étable ou encore une bergerie. De plus, le suffixe -ale se rapporte à l’existence d’un réduit pour le bétail. Cette activité est également liée à la transhumance, qui consistait à effectuer des déplacements de troupeaux en période estivale, vers les hauts pâturages. Toute la zone Nord de Molitg est propice à ce système d’élevage et constitue l’étage de moyenne montagne du territoire. Plusieurs vestiges bâtis de cortals sont donc présents dans la zone concernée, dont ceux de Saint-Saturnin et de Mira Conflent, actuellement en état de ruine. Ceux-ci sont par ailleurs mentionnés sur le cadastre de 1811 et font très probablement partis des plus anciens. Les études sur ce type de construction réalisées par l’archéologue Anny de Pous dans les années 1960, attestent de l’existence des cortals dès l’époque médiévale [CAZES, 1964, pp.103-114]. Selon l’archéologue, le cortal désigne un bâtiment à vocation agricole, comprenant une armature formée par des piliers de pierres. Les cortals étaient donc des bergeries relativement grandes, qui réunissaient les animaux au cours des estives. Ils comportaient généralement deux bâtiments accolés, dont le plus grand abritait le bétail au rez-de-chaussée, et au premier niveau le paller, utilisé pour stocker le fourrage [Panneau signalétique patrimonial. Une montagne riche. 2018]. La partie accolée à l’espace agricole de taille plus réduite appelée caseta, servait de logement au berger. Enfin, des murets d’enclos en pierre sèche permettaient de protéger les animaux des prédateurs et du vent [Parc naturel régional des Pyrénées-Catalanes, Mai 2004, p.30].

Parallèlement à l’activité de l’élevage, la viticulture développée à proximité du village et dans les hauteurs jusqu’à environ 680 m d’altitude, constituait une ressource économique non négligeable entre le 19e siècle et le début du 20e siècle. De nombreux aménagements en pierres sèches témoignent de l’importance donnée à cette activité agricole, dont les murs construits en terrasse ou encore les chemins empierrés. L’âge d’or de la construction en pierres sèches reste le 19e siècle [Parc naturel régional des Pyrénées-Catalanes, Mai 2004, p.5], comme l’atteste les nombreuses cabanes conservées sur le territoire de Molitg. Deux typologies ont été observées sur le terrain, liées aux différentes activités agricoles en essor tout au long du siècle. La première concerne les cabanes implantées en bordure de vignes, qui pouvaient servir d’abri pour les agriculteurs et d’entreposer du matériel agricole [TOSTI, Cabanes en pierres sèches dans les Pyrénées-Orientales, [en ligne]]. Elles sont pour la plupart construites sur un terrain granitique, dont les roches existantes permettent d’assurer une fondation naturelle et solide. Entièrement construites en blocs de granit utilisés bruts ou équarris, les cabanes sont de forme demi-circulaire, avec une entrée méridionale développée sur un plan rectangulaire. Leur voûtement en encorbellement se compose de blocs de granit disposées en léger décalage entre elles, comblées par de petites pierres au niveau des interstices. Elle est fermée au sommet par une ou plusieurs grandes dalles de granit, entourées en partie supérieure d’une couche de terre. Celle-ci est mélangée avec des gravillons, et protégée par une pelouse naturelle, qui assure l’étanchéité de la cabane [Parc naturel régional des Pyrénées-Catalanes, Mai 2004, p.29].

La deuxième typologie observée est celle de l’orri, identifiée dans le dictionnaire toponymique de Lluís Basseda comme étant une « cabane de berger » (…) en pierre sèche, où on conservait le lait et les fromages [BASSEDA, Revue Terra Nostra, Numéros 73 à 80, 1990, p.75]. L’orri a également été utilisé comme habitat temporaire pour les bergers, notamment lors des estives. Ce type de construction se retrouve en moyenne et haute montagne et se distingue par des dimensions importantes. Ainsi, l’utilisation en tant que bergerie n’est pas écartée [TOSTI, Cabanes en pierres sèches dans les Pyrénées-Orientales, [en ligne]].

Matériaux de construction

La maçonnerie des constructions de Molitg-les-Bains est majoritairement constituée de moellons de pierres roulées. Ce sont des blocs de pierre non taillée ou équarrie, ramassée dans un environnement proche (cours d’eau, etc.). Le granit et le schiste sont les deux matériaux le plus couramment utilisés. En effet, le territoire se trouve à proximité du Massif granitique de Quérigut-Millas, délimité au Sud par la Faille Nord-Pyrénéenne. De plus, la rive droite de la Castellane comprend des gisements de schistes tachetés et cornéennes, issus d’un métamorphisme de contact avec le granit [LAUMONIER, 2005, p.485].

Les maisons d’habitations ont le plus souvent des façades enduites, notamment celles qui donnent sur l’espace public. Certaines ont toutefois une maçonnerie en pierres apparentes, comme c’est le cas des maisons développées en bordure de la rue d’Amont, dont le jointoiement a été repris. Les dépendances agricoles (cortals) se distinguent par la présence d’un enduit « à pierres vues » à base de chaux, qui laisse la tête des pierres visible. Cette technique peu coûteuse, permet d’imperméabiliser les murs en pierre et de limiter les problématiques liées à l’humidité. Par ailleurs, les cortals plus anciens ont un mortier de hourdage en terre sans chaux. Le mortier de ces dépendances a souvent été repris avec l’adjonction de ciment, afin de combler les zones endommagées. Toutefois, les ouvertures sont très peu modifiées, lorsqu’ il n’y a pas eu de reconversion en habitation. C’est le cas de la grange de la rue del Sotu cadastrée 0C 254, qui conserve les dispositifs de fermeture (porte et contrevent de la baie fenière). Aux 19e et 20e siècles, l’entrée de la grange est matérialisée par un encadrement surbaissé, en cayrous disposés en rang.

L’habitat aisé de Molitg-les-Bains se caractérise par la généralisation de la pierre de taille, réservée aux façades donnant sur la rue. Cette mise en œuvre concerne surtout les encadrements de porte d’entrée, comprenant des blocs monolithes ou des claveaux assemblés. Le granit reste le plus utilisé pour ce type d’encadrement, tandis que le marbre rose de Villefranche-de-Conflent est régulièrement employé pour les appuis de fenêtres. De plus, plusieurs encadrements gardent des traces de peintures, matérialisées sous forme de faux joints ou plus rarement sur l’ensemble des claveaux. La technique du faux joint est à l’origine employée dans les constructions romanes, recouvertes par un enduit de protection. C’est le cas de l’église Sainte-Marie de Molitg, dont le portail roman conserve des joints rehaussés de peinture noire.

Le marbre est un matériau noble, qui se retrouve dans les édifices publics tels que les thermes de Molitg. Il est employé à l’extérieur pour la galerie de la partie thermale (niveau 4), constituée d’une série d’arcades en plein cintre terminées par une colonne monolithe à chapiteau sculpté. Cette mise en œuvre influencée de la disposition des cloîtres romans, est représentative du style architectural d’Edouard Mas-Chancel, actif dans le Roussillon et le Conflent au cours des années 1950. Au cours du 20e siècle, quelques édifices sont repris par l’insertion d’un enduit sculpté et peint, intégré sur les façades visibles depuis l’espace public. L’œuvre du décorateur et peintre en bâtiment Joachim Eyt (1872-1948) se retrouve sur l’ancienne épicerie de Molitg, située au n°8 rue del Sastre. Il s’agit de motifs géométriques et végétaux sculptés en méplat, recouverts d’une fine couche de peinture ocrée. Le peintre s’inscrit dans la mouvance du sculpteur Gustave Violet (1873-1952), qu’il fréquenta durant plusieurs années dans son atelier installé à la plaine Saint-Martin de Prades. Les thèmes récurrents de Gustave Violet sont liés au monde rural, avec la représentation de personnages actifs dans les champs et d’outillages agricoles.Enfin, les couvertures du bâti de Molitg sont en tuiles canal, réalisées à partir de terre cuite maçonnée. Son utilisation s’est généralisée dans la vallée de la Castellane, au côté de la llose en pierre de schiste. Moins fréquente, la llose est un matériau résistant à un enneigement régulier et apparaît sur quelques édifices de Molitg, dont la toiture de l’église Sainte-Marie remaniée au 19e siècle. De plus, le bâti traditionnel est caractérisé par la présence d’une gouttière vernissée (tortugada en catalan) placée en bas de la pente du toit, permettant de recevoir l’eau de pluie. L’avant-toit est également protégé par des débords de toiture à rangs de terres cuites utilisées brut, ou encore par des chevrons en bois portant volige apparente.

FORME URBAINE

Implantation du bâti

L’acte daté de 1024 évoqué plus haut dans le diagnostic, mentionne la donation d’un alleu sur le territoire de Molitg, regroupant plusieurs vignes, un jardin avec des mûriers, ainsi qu’un manse. Ce dernier comprenait une maison, un cellier, un pigeonnier, une basse-cour ainsi que des petites maisons [CATAFAU, 1998, p.434]. De plus, le manse touche plusieurs maisons ainsi qu’une rue en direction de l’église Sainte-Marie. Ce manse était donc constitué d’une maison principale avec dépendances pour le stockage ou l’élevage, ainsi que de petits bâtiments [CATAFAU, 1998, p.434]. Sa mention est intéressante d’un point de vu morphologique, puisque l’habitat développé à cette époque semble relativement dense. De plus, il est situé dans l’environnement immédiat de l’église paroissiale, qui joue très certainement un rôle de protection. Pour autant, la défense du village devait être assurée à l’époque médiévale par son château, mentionné tardivement dans les textes (1437). L’édifice se distingue par une volumétrie massive, avec un développement sur plan rectangulaire attenant l’église paroissiale au Sud. Le château comprenait à l’origine quatre tours défensives de forme semi-circulaire, reliées entre elles par un chemin de ronde. Deux d’entre elles sont encore conservées (Sud-Ouest et Nord-Est), dont l’une a été transformée en clocher de l’église paroissiale Sainte-Marie. L’enceinte de protection Ouest qui prolonge la tour Sud-Ouest, se distingue par la présence d’un rang de meurtrière au-dessus de trous de boulins et d’un appareillage constitué de moellons de granit. Selon les travaux réalisés dans les années 1980 par l’archéologue Anny de Pous, cette enceinte serait plus ancienne que le reste de l’édifice [DE POUS, 1981, p.99]. Elle comprend en effet un appareil petit et moyen de pierres locales disposées en assises plus ou moins régulières, caractéristique des 11e et 12e siècles. Par ailleurs, les meurtrières identifiées se rapportent à un type archaïque, qui rappellent celles conservées au château de Paracolls. L’emplacement de cette enceinte n’est pas anodin, car elle forme un front bâti de protection du village de Molitg. Pour autant, les écrits historiques font essentiellement mention du château de Paracolls, qui constituait le plus important lieu fortifié du territoire. En effet, le « castrum » est compris dans un vaste réseau de tours à signaux et de châteaux castraux, dont ceux de Molitg-les-Bains et de Mosset. Toute la vallée de la Castellane jusqu’au Col de Jau, pouvait ainsi être surveillée [DE POUS, 1981, p. 26]. Les tours à signaux, appelées localement farahon, communiquaient entre elles à partir d’un signal donné de nuit, qui consistait à allumer un feu de paille [DE POUS, 1981, p. 18]. Le feu pouvait ainsi être vu des autres tours, ainsi que des châteaux de la vicomté du Conflent. Celui de Paracolls, était directement relié par la tour de Saint-Etienne de Pomers (commune de Clara-Villerach), et lançait lui-même des signaux en direction du château de Molitg [DE POUS, 1981, p. 18].Ainsi, le château de Molitg constituait un lieu de pouvoir moins important que celui de Paracolls. Anny de Pous lui attribue une fonction par ailleurs particulière, en émettant l’hypothèse que l’édifice soit à l’origine un « corral-fort » [DE POUS, 1981, p.99]. Le nom « corral » est un terme employé dès l’époque médiévale, désignant un abri pour bétail et enclos, ou une basse-cour [BASSEDA, Revue Terra Nostra, Numéros 73 à 80, 1990, p.74]. Il s’agirait donc ici d’un édifice destiné à abriter les troupeaux, derrière une enceinte de protection [DE POUS, 1981, p.99].

Le village de Molitg-les-Bains est bâti sur le Roc de l’Aigle (464 m d’altitude), qui émerge d’un massif granitique formé de plusieurs replats. Jusqu’au milieu du 19e siècle, l’accès au village s’effectuait à partir d’anciens axes de communication, que sont les chemins de Campôme à Molitg, de Mosset à Molitg, ainsi qu’au Nord les chemins de Molitg à Catllar et Gincla (Aude) et de Molitg à Comes (commune d’Eus). Celui de Molitg à Catllar, également appelé Camí de Crou, constituait la principale entrée de village. En effet, l’accès au centre de Molitg s’effectue au Nord-Est par la rue cap de Vila, traduite en catalan par « tête de ville » [Panneau signalétique patrimonial. Molitg-les-Bains, thermalisme dans un écrin de beauté. Le cap de la Vila – Les accès à Molitg. 2018].

La modernisation des voies de communication s’est opérée au 19e siècle, avec l’aménagement dans les années 1850 [A.D.P.O., 1N21 et 1N22] de la Route Nationale de Prades (actuelle D619) puis de la Route de Molitg (actuelle D14) ainsi que de la Route des Bains (actuelle D14A). L’accès à Mosset a par ailleurs été possible dès 1878 puis en 1892 pour le Col de Jau [Le fil à soi, N°26, décembre 2000, p 10].

Le bâti le plus ancien de Molitg a la particularité de s’être développé en majeure partie à l’Est et au Nord de l’ensemble fortifié église paroissiale/château, avec comme point central la place Major. Celle-ci fut aménagée à l’emplacement du cimetière primitif [Témoignage des habitants de Molitg], déplacé au 19e siècle à l’arrière de la cour du château, dont les tombes avec croix en fer forgé sont encore présentes. La période d’aménagement du second cimetière est complexe à identifier, étant donné qu’il n’est pas mentionné sur le cadastre napoléonien. Toutefois, les plus anciennes tombes identifiées datent de 1866, 1895, 1881 et 1871 et permettent de situer approximativement la construction du lieu à la fin du 19e siècle. Comme la plupart des autres villages ruraux, le cimetière a par la suite été déplacé à la périphérie en 1949 [Témoignage des habitants de Molitg], au niveau de l’extension urbaine Sud (lieu-dit Las Arenes).

Au plus près de l’église, l’habitat s’est formé de manière rectiligne, notamment au niveau des anciennes rues de l’Eglise, Major, d’Avall et d’Amont, ainsi que de la rue de l’Empedriada. Si la plupart de ces rues présente un bâti développé en bande, l’îlot situé au cœur de la partie ancienne du village est relativement dense, avec des cours intérieures déjà présentes depuis le 19e siècle. Ces cours à usage agricole appelées paragueres en catalan [SARDA, 2000, p.19], sont visibles à cette époque à l’arrière des habitations construites le long des rues d’Amont, d’Avall et Major. Quelques-unes sont par ailleurs contiguës aux façades latérales. Ces deux derniers types de cours ont progressivement été remplacés par des jardins privatifs.

Les îlots d’habitations présents dans le centre ancien sont d’origine médiévale. Toutefois, le bâti tel qu’il se présente actuellement, est issu d’une restructuration parcellaire qui s’étend du 18e siècle au 20e siècle. En effet, de nombreuses portes d’entrée conservent en façade principale et sur la clé supérieure de leur encadrement une date gravée ou peinte. La maison consulaire ou ancien hôtel de ville [CAZES, Les églises de la Vallée de Molig, 1969, p.15] localisée au n°2 rue de l’église, présente un encadrement non daté, à claveau central décoré d’un écu représentant une meule de moulin. Néanmoins, la typologie de porte ainsi que la présence de l’écu permettent de situer la construction de l’édifice au cours du 18e siècle. En effet, le claveau décoratif semble être un réemploi d’un ancien moulin, dont les textes historiques mentionnent l’existence de deux constructions de ce type au 18e siècle. L’état des moulins dressé en 1741 indique la présence d’un moulin appartenant au Marquis de Llupia et d’un second, possédé par les corps de communauté [ROSENSTEIN, 1989, pp. 33 et 34]. Par ailleurs, la représentation est similaire à la gravure conservée à l’intérieur du moulin à farine de Campôme, situé au lieu-dit Crouete. Ce dernier aurait été tenu par un meunier du nom de François Fosse, signalé dans la mémoire collective en tant que meunier du moulin de Molitg. Dans ce sens, l’édifice devait être compris à l’origine parmi les possessions de la seigneurie de Molitg, avant la décision de rendre indépendante la commune de Campôme au cours de la révolution française.

L’habitation n°11 rue Major dite maison Bret, conserve au premier niveau un cadran solaire peint et daté de 1788, comme l’indique la devise « Regula Viatorum. 1788. Memorare ex illis una tibi ». Identifié par l’abbé Cazes en 1993, cette devise est traduite par « Règle des Voyageurs. 1788. Souviens-toi que l’une d’elles est pour toi » [CAZES, Molitg-Les-Bains, Campôme, 1993, p.22]. Par ailleurs, l’édifice a fait l’objet d’un redécoupage de parcelle dans la deuxième moitié du 19e siècle, tout comme la plupart des habitations de la rue Major. En effet, la parcelle occupait un très grand volume bâti, aujourd’hui occupé par les habitations n°11, n°13, n°15 et n°17 (ancienne cour).

L’habitat développé en partie Est plus tardivement que le reste du village, est délimité par deux axes structurants, que sont la rue cap de Vila et la Rambla Pau Casals. Celle-ci constitue une seconde entrée de ville, prolongée au Sud par la carretera Dels Banys, ancien Chemin dit des Bains. Les îlots d’habitations se distinguent par un bâti mono-orienté, en dehors des maisons développées entre les rues del Mig et del Serrat, qui sont bi-orientées.Au 19e siècle, la fonction agricole du bâti est matérialisée par la présence de cours en cœur d’îlot, principalement situées à l’arrière de maisons de journaliers. C’est le cas de l’îlot développé entre les rues del Serrat et de Limberga, qui concentre des parcelles étroites en lanières, relatives à des habitations de taille modeste. Le reste du bâti est formé de plusieurs granges agricoles, dont la plupart ont été transformées en maison d’habitation. Le parcellaire concerné est ainsi moins réduit et plus aéré.

Typologies de l’habitat

Jusqu’au 20e siècle, la population reste essentiellement modeste, contrainte de s’adapter à la rudesse de la vie en territoire rural. L’habitat reflète la situation économique du village, avec la typologie de la maison de journalier ou d’ouvrier. Elle se caractérise généralement par une disposition de la façade principale à une ou deux travées de baies non axées. Celles-ci ont été reprises postérieurement par ordonnancement, notamment dans la seconde moitié du 19e siècle. En général, la toiture du bâti traditionnel est à deux pentes et la façade principale correspond au mur gouttereau. L’habitation comporte le plus souvent trois niveaux, avec au rez-de-chaussée un espace qui servait de remisage pour le petit bétail, un premier étage comprenant la salle commune avec la cuisine et un second étage pour les chambres et les combles. Dans le bâti plus ancien, la porte d’entrée est accessible au rez-de-chaussée, au même titre que la remise agricole. Un emmarchement droit prolongé d’un perron maçonné pour l’accès à la porte principal, caractérise les constructions des 18e et 19e siècles. Ce modèle, est présent sur l’habitat développé à l’Est de la Rambla Pau Casals, comme c’est le cas de certaines habitations construites sur la rue del Serrat. Contrairement à d’autres communes du territoire, la maison de journalier n’a pas été transformée en unité plus importante par regroupement d’habitations mitoyennes. Cependant, la volumétrie des baies a changé et les façades principales ont été embellies, notamment par l’adjonction de corniches décoratives.

Avec le développement de l’agriculture au 19e siècle, dont la viticulture, de nombreux bâtiments à fonction agricole ont été construits au côté des maisons d’habitations. Ces édifices sont des remises agricoles appelées cortals, généralement détachées de l’habitation principale [Revue Maisons Paysannes de France, Numéro 119, 1996, p.9]. Également employé pour désigner les constructions à vocation pastorale, le nom cortal se rapporte ici à une construction traditionnelle de village. Certains cortals sont intégrés au sein de la parcelle d’habitation, comme c’est le cas du bâti développé le long de la Rambla Pau Casals. Le cortal comprend deux niveaux maçonnés, couverts en bâtière. A l’origine, le rez-de-chaussée s’ouvrait par un large portail à linteau droit ou en plein cintre, et l’étage supérieur par une baie de chargement du foin fermée par un volet. Celle-ci était surmontée par une poulie métallique, dont il reste très peu d’exemplaires sur la commune de Molitg. La façade est également percée de fenestrous, qui permettent d’éclairer les espaces intérieurs et d’assurer une ventilation de l’air. Par ailleurs, la travée principale comprend des baies axées ou désaxées entre elles, aux dimensions décroissantes vers le haut. Actuellement, la plupart des rez-de-chaussée ont été transformés en garage privés ou en espace d’habitation.

Au 19e siècle, l’expansion économique liée aux effets de la révolution industrielle ainsi qu’à l’apparition du thermalisme, entraîne le développement d’une petite bourgeoisie locale en Roussillon et Conflent. Cette forme de bourgeoisie, essentiellement composée de cultivateurs aisés, se matérialise dans l’architecture, qui reflète le statut social du propriétaire. A Molitg-les-Bains, plusieurs habitations ont une typologie qui rappelle celle de la maison bourgeoise, dont le bâti visible dans la partie la plus ancienne du village, le long des rues Major et d’Amont. L’architecture est caractérisée par un ordonnancement de l’ensemble des façades, généralement développées sur trois niveaux. L’une de ces habitations (n°2 rue Major) comporte un quatrième niveau (comble), surélevé postérieurement. Au rez-de-chaussée, l’accès aux pièces habitables s’effectue par une porte de type bâtarde, dont l’encadrement se distingue par un traitement soigné. En effet, ce dernier est constitué de claveaux de pierre de taille et est terminé par un linteau surbaissé ou droit. Dans le cas où le linteau est surbaissé, le claveau central forme une clé décorative en saillie et est agrémenté de crossettes sur les côtés. L’entrée principale peut être latérale ou centrée, par rapport à la porte de garage lorsque celle-ci est existante. La porte a généralement été remaniée, à l’exception de quelques habitations, qui conservent une ouverture dont les dimensions importantes rappellent celles de la porte cochère. L’intérieur permet en effet de desservir une cour privée, qui permettait autrefois d’accéder aux dépendances agricoles (porcherie, écurie, etc.). C’est le cas du n°6 rue Major, dont le bâti a été transformé dans la seconde moitié du 20e siècle, afin d’accueillir les locaux de la mairie au premier étage, ainsi qu’au rez-de-chaussée le bureau de poste, actif à cet emplacement jusqu’en 2005. En l’absence de porte cochère, les communs sont accessibles par la partie arrière de l’édifice, comme c’est le cas des habitations développées au Nord de la rue Major. Elles comprennent des cortals en façades arrière, intégrés discrètement dans une impasse.

Enfin, l’habitat traditionnel de Molitg-les-Bains se distingue par la présence d’éléments placés en saillie des façades principales, dont le four à pain. Il ne reste actuellement plus qu’un exemplaire de ce type, caractérisé par une forme demi-circulaire, un recouvrement de la partie supérieure par de la tuile canal, et un traitement conique de la console, à pierre de granit et lloses posées en porte-à-faux successifs. L’usage du four à pain individuel s’est généralisé au 19e siècle, suite à la disparition des fours banaux contrôlés par le seigneur local. A Molitg-les-Bains, ces édicules ont disparu en raison des importants remaniements de façades réalisés au cours des siècles suivants. Entre les habitations n°7 et 9 rue Major, une console en saillie comprend un corbeau en granit portant un visage sculpté (bouche en cayrou ?), qui pourrait être un réemploi d’un édifice ancien, utilisé en tant qu’élément de protection. Au même titre que les espanta bruixes qui sont des ornements de baies ou de toitures, destinés à repousser les sorcières et à garantir une protection des habitants et du bétail, les débords de toit comportaient initialement des tuiles de couvert décorées au lait de chaux. Cette pratique permettait d’empêcher les mauvais esprits de pénétrer dans la maison familiale, tout en jouant un rôle décoratif. Très peu de maisons conservent ce type de décor ; de nombreux débords de toiture ont été remaniés, avec l’insertion de rangs de terre cuite.

Le hameau des thermes du 19e siècle au 20e siècle

Avec le développement du thermalisme au 19e siècle, plusieurs édifices à vocation hôtelière sont construits en bordure de la route des Bains, formant ainsi le hameau des Thermes. Le bâti développé en pente, a la particularité de comprendre une partie Nord formée sur deux ou trois niveaux, dont l’accès s’effectue par la D14 A. Cette partie comprend les accès secondaires aux logements à louer pour les personnes en cure thermale. Si les ouvertures ont pour la plupart été remaniées, celles développées au Sud sont caractéristiques du 19e siècle. Les baies sont ordonnancées entre elles et hiérarchisées selon les étages. En effet, trois ou quatre niveaux composent les façades, constituées de fenêtres quadrangulaires aux dimensions décroissantes vers le haut. Les premiers étages sont soulignés par des balconnets ou balcons filants, décorés de motifs géométriques en fonte. Les garde-corps des niveaux supérieurs sont plus sobres et de taille plus réduite. L’esthétisme des façades est également recherché à travers le traitement des avant-toits, décorés de corniches moulurées. Tous ces éléments architecturaux d’agrément participent à la notoriété de l’établissement thermal localisé en contrebas, alors en plein rayonnement à cette époque. De plus, la typologie du bâti se rapproche de celle de la maison bourgeoise, en essor tout au long du 19e siècle. La période est en effet marquée par une amélioration du niveau de vie, ainsi que par une expansion économique liée au développement du chemin de fer et de l’architecture de villégiature. Celle-ci concerne principalement les villes thermales, dont Molitg-les-Bains conserve un patrimoine architectural destiné à une clientèle majoritairement aisée, principalement à la Belle-Époque.

Les curistes ont accès à différents lieux de commodités, dont les immeubles destinés à de l’hôtellerie, qui offrent un logement et une restauration de qualité. L’établissement thermal étant encore en fonction, ces services sont toujours proposés et participent à l’économie locale. Le bâti du hameau fut remanié au 20e siècle, notamment l’ancien hôtel-restaurant « L’Oasis », actuellement table d’hôte et composé d’appartements locatifs. Il a en effet été complété dans sa partie Sud, comme le souligne la forme en L de l’ensemble. Par ailleurs, l’hôtel « Les Platanes » qui jouxtait « L’Oasis » au 19e siècle, fut démoli au siècle suivant [Témoignage de l’actuelle propriétaire]. L’espace laissé ainsi vide a été restructuré en parking. Enfin, certains garde-corps ont été repris, notamment ceux des façades de l’hôtel « Le Saint-Joseph ».

Date(s) d'enquête : 2020; Date(s) de rédaction : 2020
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