• liste objets protégés MH
  • recensement du vitrail
ensemble des vitraux anciens
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Conseil départemental du Lot
  • (c) Inventaire général Région Occitanie

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Lot - Causse et Bouriane
  • Commune Les Junies

Issue de la bourgeoisie marchande de Cahors, la famille de Jean acquit au XIIIe siècle la terre des Junies, nommée d'après son patronyme. Le cardinal Gaucelme de Jean (v. 1263-1348), dignitaire de la cour papale d'Avignon depuis 1316, décida vers 1320 d'y fonder le couvent qu'une bulle d'Innocent VI devait affecter à des dominicaines en 1355 (Greil, 1899). S'il est certain que les religieuses avaient pris possession des bâtiments en 1363, ceux-ci avaient été entrepris bien avant comme il ressort du testament du fondateur en 1348 et de celui de l'un de ses neveux et héritiers, Philippe de Jean, passé l'année précédente : tous deux mentionnent la construction en cours, et Philippe élit sa sépulture dans l'église au cas où elle serait terminée à son décès ; son inhumation en 1355 dans celle des dominicains de Cahors laisse supposer que l'édifice était inachevé malgré l'action de l'exécuteur testamentaire du cardinal, son neveu Gisbert de Jean, évêque de Carcassonne de 1347 à sa mort en 1354.

L'église de plan cruciforme mise en service vers 1360 était entièrement ornée des verrières de qualité d'après ce qui subsiste dans quatre de ses baies. Ces vitraux assez précisément datés, rares spécimens de cette période du XIVe siècle en Occitanie et plus généralement en France, sont d'un intérêt majeur pour l'histoire de ce domaine. En plus des panneaux d'ornements demeurés dans la rose ouest, l'ensemble comprend la verrière légendaire de pleine couleur de l'unique fenêtre du chevet plat (baie 0) et des grisailles ponctuées de petites scènes disposées « en litre » dans deux de celles du flanc nord (baie 1 du chœur, baie 7 de la nef). Les éléments regroupés en baie 1, originaires de plusieurs fenêtres, accusent ce que fut le programme formel primitif : à côté du traditionnel vitrail narratif réservé à la place d'honneur, les autres baies étaient dotées de « verrières mixtes », formule qui renouvelait depuis quelques décennies l'éclairage des églises du nord du royaume. Du point de vue stylistique, l'élégance des représentations ne cède rien aux enluminures des plus précieux manuscrits du temps et, autre signe de modernité, leur dessin est servi par l'emploi du jaune d'argent, technique de peinture née vers 1300 à Paris, jusque là ignorée dans les vitraux méridionaux. L'atelier chargé de la commande, difficile à localiser, en était peu familier d'après l'usage irrégulier qu'il en a fait. Cet atelier a employé des verres soufflés en plateau, bien visibles dans les fonds bleus de certains médaillons. Il a d'autre part laissé sur nombre des pièces de petites marques peintes à la grisaille, relevées à l'occasion de la dernière restauration. Plutôt que des « marques de tâcherons » servant à distinguer des « mains », ces marques - une douzaine de différentes formes, en partie identiques sur la verrière axiale et sur celle de la nef - paraissent désigner les pièces d'un même panneau pour les repérer au sortir du four, avant de procéder à la mise en plomb.

Les trois lancettes de la verrière d'axe conservent presque intacte une suite consacrée à la Vierge et à la Passion : composée de neuf compartiments historiés disposés en trois registres, chaque scène occupant deux panneaux. Les couleurs du fond des médaillons, bleu dans les lancettes latérales et rouge au centre, témoignent du soin apporté à leur « mise en page », de même que l'alternance des motifs des mosaïques et des bordures. Au soubassement figurent depuis l'origine les portraits rétrospectifs du fondateur et de ses héritiers, sous lesquels leurs armoiries, sans doute détruites à la Révolution, ont été restituées : l'écu authentique de Gaucelme de Jean a été rapporté après coup en provenance d'une autre fenêtre. Chacune des verrières devait être marquée des armes du cardinal, ce que corroborent les écus anciens calés au bas de la baie 1. Au-dessus de son registre armorié, cette baie présente l'assemblage factice de grisailles ornées de filets colorés de deux motifs différents, au milieu desquelles sont remontées en deux registres quatre scènes abritées de dais de couleur ; deux d'entre elles, dissociées, illustrent le martyre de saint Jean-Baptiste, les autres se rapportent à un saint non identifié. La baie 7, enfin, comprend deux scènes de l'histoire de saint Jean l'Évangéliste inscrites avec leurs dais dans des grisailles d'un troisième modèle, largement refaites d'après ce qui avait survécu dans quelques-uns des panneaux.

La sauvegarde de l'église du couvent supprimé fut assurée par son affectation au service paroissial en 1801. L'état actuel de ses vitraux résulte dans une large mesure des trois campagnes de restaurations documentées de la fin du XIXe siècle à nos jours. Sous la direction de Jean-Louis Rebière, les trois verrières principales viennent d'être restaurées et protégées par un double vitrage par Anne Pinto et André Morteau, la baie axiale en 2007, les autres en 2012 et 2015. L'opération suivait la reprise de l'oculus de la façade confiée en 1993 par François Corouge à Alain Creunier. Antérieurement, la restauration des vitraux anciens prévue en 1922 par l'architecte Marcel Poutaraud avait été pratiquée par le Parisien Paul Louzier en 1925. L'intervention précédente était due en 1898 à Gustave-Pierre Dagrant, qui a recomposé la baie latérale du chœur à l'aide des vestiges conservés dans les chapelles du faux-transept. L'atelier bordelais venait en effet d'y placer trois verrières nouvelles : au sud (baie 2), six médaillons relatifs à la vie de saint Joseph au-dessus des armoiries du pape Léon XIII et de l'évêque de Cahors Émile-Christophe Énard ; au nord (baie 3 et 5), deux baies dédiées à la Vierge dont l'une, de même forme que la baie 2, offerte par les paroissiens.

Baie 0 : 3 lancettes trilobées (4 registres), tympan à un quadrilobe et 5 trilobes. Registres supérieurs : médaillons octolobés étirés sur deux panneaux, cernés de filets perlés et liés verticalement par des fermaillets losangés brochant sur des mosaïques à résille droite, de deux motifs de même que leurs bordures ; scènes sur fond alternativement rouge et bleu, aux verres d'une large gamme chromatique (vert, jaune, rosé, violet), les blancs sporadiquement teintés de jaune d'argent. Ensemble ne comprenant que des réfections minimes ; verres irrégulièrement corrodés, carnations partiellement brunies. Tympan : décor de rinceaux végétaux conservés dans le trilobe supérieur gauche, ses voisins refaits à l'identique sauf quelques pièces ; quadrilobe du sommet intact, dans ses plombs d'origine. Verrière bien conservée, sans doute retouchée par Dagrant en 1898, remise en plombs par Louzier en 1925 et restaurée en 2007 par Anne Pinto.

Baie 1 : 2 lancettes trilobées et tympan à 3 trilobes. Baie 1 : Verrière recomposée avec les restes de deux ou trois baies en 1898 par Dagrant, qui a signé en bas à gauche. Lancettes formées de 11 registres de panneaux superposés, comprenant une « double litre ». En place au registre inférieur : deux écus de Gaucelme de Jean, de gueules à deux lions passant d'or, à la bordure d'argent chargée de besants d'azur, abrités du chapeau de cardinal et inscrits dans des médaillons verts bordés de filets jaunes, avec bouquets végétaux aux angles (encadrement de l'écu de droite authentique, copié en 1898 à gauche). Registres 2 et 3 puis 10 et 11 : huit panneaux de grisailles à feuilles d'érable issues d'une tige verticale, traversées de filets de couleurs formant des motifs quadrilobés (complétés en 1898 ; registre 2 timbré d'inscriptions qui nomment le curé, le maire et les fabriciens promoteurs de la restauration). Trilobes du tympan : fermaillets colorés au milieu de grisailles aux feuillages teintés de jaune d'argent, cernées d'un liseré noir au décor incisé dans la peinture (quelques compléments). Verrière restaurée en 1898, en 1925, et en 2014-2015 par A. Pinto.

Baie 7 : 2 lancettes trilobées et tympan à 3 trilobes. Verrière mixte aux lancettes composées de 11 registres de panneaux superposés. Grisailles à rinceaux de feuillage et entrelacs de filets jaunes et bleus, bordées de filets verts et de caissettes blanches (panneaux supérieurs partiellement d'origine, restitués dans le reste de la baie). Tympan : verres colorés ponctués de fermaillets (modernes sauf deux pièces). Verrière restaurée en 1898, en 1925 et en 2011-2012 par A. Pinto.

Rose ouest : Un triangle curviligne inscrivant un trilobe central et 6 ajours lobés entourés de 3 quadrilobes et 3 écoinçons. Au centre et dans les quadrilobes inférieurs : motifs de bouquets végétaux colores du XIVe s. Panneau du quadrilobe supérieur refait sur ce modèle en 1993 par Alain Creunier, qui a également renouvelé les pièces de couleur des écoinçons et les losanges partiellement teintés des autres formes, auparavant incolores

  • Catégories
    vitrail
  • Matériaux
    • verre
    • plomb
  • Précision dimensions

    Baie 0 : h = 620 cm ; la = 205 cm. Baie 1 et baie 7 : h = 640 cm ; la = 120 cm. Rose ouest : la = 130 cm

  • Iconographies
    • armoiries
    • Annonciation
    • Visitation
    • Nativité de la Vierge
    • Annonce aux bergers
    • Adoration des Mages
    • Flagellation du Christ
    • Résurrection du Christ
    • saint Jean-Baptiste, décollation
    • décor d'architecture
    • Hérode
    • saint Jean : martyre
  • Précision représentations

    Verrière de l'Enfance du Christ et de la Passion. Lancettes, registre inférieur : trois membres de la famille de Jean agenouillés sous une arcature. Au centre, sur fond bleu, le cardinal Gaucelme de Jean (+ 1348), fondateur du couvent, tenant la maquette de l'église et une aumônière (tête moderne, drapé complété). À droite, sur fond rouge semé d'étoiles, l'évêque de Carcassonne Gisbert de Jean (+ 1354), promoteur du chantier après 1348 (bien conservé, peinture de la tête altérée). À gauche, sur fond rouge, un chevalier, Philippe de Jean (+ 1355) ou Benoît IV de Jean, enterré aux Junies en 1362, possible commanditaire des vitraux (tête, pièces de l'armure et du surcot anciennes). Sous ces figures, dans les cadres polylobés refaits en 1925, les armoiries familiales, de gueules à deux lions passant d'or, à la bordure d'argent chargée de besants d'azur ; à droite, l'écu du fondateur surmonté du chapeau de cardinal (complété), déplacé depuis une autre baie d'après sa bordure ; les deux autres restitués en 2007, remplaçant des losanges. 2e registre, de gauche à droite : l'Annonciation, la Visitation, la Nativité avec la Vierge allaitant. 3e registre, à gauche, l'Annonce aux bergers, puis l'Adoration des mages en deux compartiments : au centre, Gaspard et Balthazar, à droite Melchior agenouillé devant la Vierge à l'Enfant (intact). 4e registre, de gauche à droite, la Flagellation, le Calvaire (tête du Christ complétée), et la Résurrection (bouche-trous à droite du panneau inférieur figurant les soldats endormis).

    Baie 1 : Registres 4 et 5 : deux scènes anciennes coiffées de dais architecturaux modernes ; à gauche, le festin d'Hérode, Salomé apportant le chef de saint Jean-Baptiste (bien conservé, verres blancs teintés de jaune d'argent ; tête d'Hérode obscurcie). À droite, un roi et sa suite découvrant le tombeau d'un saint diacre (bien conservé, pièce du sarcophage refaite à gauche). Registres 6 et 7 : grisailles à feuilles tréflées issues d'une tige verticale, parcourues de filets colorés formant des losanges (panneaux complétés). Registres 8 et 9, deux scènes abritées d'édicules de couleur à arcatures et gâbles finement ouvragés ; à gauche la décollation de Jean-Baptiste (tête du saint moderne). À droite, en présence d'un roi, un saint exorcisant une possédée soutenue par un homme (scène liée au saint diacre du précédent registre figuré ? tête du saint : restauration ancienne, traits effacés, le reste bien conservé).

    Baie 7 : en haut des lancettes, deux scènes de la vie de saint Jean l'Évangéliste surmontées de gâbles colorés. À gauche, devant son juge, le saint boit sans dommage la coupe de poison qui avait tué deux condamnés figurés au centre (l'un des cadavres refait, le reste assez bien conservé). À droite, saint Jean ébouillanté devant la Porte Latine (bien conservé ; tête du bourreau de droite tirée d'un verre blanc veiné de rouge).

  • État de conservation
    • oeuvre restaurée
  • Statut de la propriété
    propriété de la commune
  • Intérêt de l'œuvre
    À signaler
  • Protections
    classé au titre objet, 1910/05/20
  • Référence MH

Bibliographie

  • AUBERT, Marcel. « De 1260 à 1380 » et LAFOND, Jean, « De 1380 à 1500 », dans Le vitrail français, Paris, 1958.

    p. 164
  • Vidal (Marguerite), Dictionnaire des églises de France, IIIB, Paris, 1967.

    p. 83
  • BRU (Nicolas), « Le vitrail », dans Archives de pierre. Les églises du Moyen Âge dans le Lot, Milan, 2011.

    p. 106-107
  • Suau, Jean-Pierre. « Un vitrail quercinois du début de la guerre de Cent ans : la verrière christique de lʼancienne église conventuelle des Junies (vers 1355-1360). Étude historique et iconographique ». Vivre et mourir en temps de guerre de la préhistoire à nos jours, édité par Patrice Foissac, Presses universitaires du Midi, 2013.

Périodiques

  • Greil (Louis), « État des monastères des filles religieuses du diocèse de Cahors en 1668 », B. Soc. Études Lot, t. 24, 1899, p. 172-175, 198-202.

  • Lafond (Jean), « Les vitraux des Junies », Bulletin de la Société nationale des Antiquaires France, 1958, p. 28.

  • D’Alauzier (Louis), « L’église des Junies et ses vitraux », B. Soc. Études Lot, t. 83, 1962, p. 29-39.

  • Grodecki (Louis), « Compte rendu », B. monum., t. 121-1, 1963, p. 106.

  • Suau (Jean-Pierre), « Les Junies, Lot. Un chef-d’œuvre du vitrail méridional vers 1355-1360 », Vitrail, couleur et lumière, Midi-Pyrénées Patrimoine n° 28, hiver 2011-2012, p. 26-35.

Date(s) d'enquête : 2009; Date(s) de rédaction : 2009, 2020