Scène à Nazareth dans l'atelier de menuiserie, qui s'inspire à la fois de de Ribera (pour Joseph), de Sébastien Bourdon (pour la vedute), des hollandais (pour les fleurs) et de Luini (pour la Vierge) ; le chardonneret est la figure prémonitoire de la Passion du Christ.

La scène se passe à Nazareth dans l'atelier du menuisier donnant sur le paysage. La Vierge, assise, guide vers l'enfant Jésus, qu'elle tient sur les genoux, le petit Saint Jean, qui, agenouillé, lui tend un fruit. Assis derrière ce groupe, Saint Joseph contemple cette scène. Près de Saint Jean, l'Agneau ; une petite croix de bois gît à terre.

Au niveau de la seule narration, le peintre est mal à l'aise ; les liens de personnage à personnage sont peu convaincants : pour le petit Saint Jean, la position de la tête est telle qu'il ne saurait vraisemblablement voir l'enfant Jésus auquel il sourit pourtant. Les anatomies des enfants, lâches et fort approximatives, - et qui démentent l'intention du peintre telle qu'elle apparaît en d'autres lieux, notamment dans le bouquet de fleurs, méticuleusement observé - éveillent une impression de faiblesse. La rigidité de la composition accuse ces disparates. On ne saurait mieux caractériser cette peinture qu'en soulignant son absence de cohésion. Dans le rectangle de la toile, qui est comme écartelé, le groupe des personnages est tassé dans le quart inférieur gauche ; l'architecture, qui barre le fond de la scène, assure les autres divisions de la composition : au delà de la baie cintrée, dans le quart supérieur droit du tableau, le peintre a figuré une campagne montueuse : des fabriques - socles avec statue, édifice à rotonde, coupole et lanterne aux nombreuses baies, une pyramide qui rappelle celle de Sestius - dominent un paysage fluvial : un palmier se découpe contre un grand ciel nuageux. Les éléments de ce paysage paraissent dénoter une réminiscence de Sébastien Bourdon.

Dans le quart supérieur gauche du tableau, deux étagères, fixées au mur, portent des instruments domestiques - assiettes, potiches, lampe à huile, verre - ainsi qu'une sommaire panoplie de menuisier : scie, compas d'épaisseur, lime, gouges. A terre, dans le quart inférieur droit du tableau, une nature morte aux fleurs et aux fruits : dans un bocal de verre trempent des oeillets, une rose, des tulipes, des lys ; dans un petit panier sur l'anse duquel s'est posé un chardonneret - signe prémonitoire de la passion - ce sont des pommes et des poires. Cette partie est de loin celle qui présente le plus de séduction, en tout cas celle où le peintre se révèle le mieux doué : la facture des fleurs est grasse et fluide et c'est non sans saveur que ruches, chiffonnements, bouillons des pétales ont été "rendus".

Le compartimentage de la composition souligne le disparate des éléments^puisque deux natures mortes, une Sainte Famille, une "veduta" ont été rassemblés, traités chacun dans une manière, une pâte différentes, scindés ensuite rigidement et comme autant de tableaux. On voit l'ambiguïté de ce tableau qui tient à la fois de la scène familière, profane - avec des morceaux à nature morte - et de la Sainte Conversation idéaliste, à l'italienne. Si la "veduta" évoque Bourdon, et le bouquet de fleurs des souvenirs hollandais, c'est à des modèles espagnols, eux mêmes fortement teintés d'Italianisme, qu'il faut rattacher la Sainte Famille, avec son Saint Joseph de type Riberesque. Le geste de la Vierge provient de Bernardino Luini.