Molitg-les-Bains est une coquette station thermale des Pyrénées-Orientales, nichée dans les gorges de la Castellane. Cet écrin abrite désormais la station historique de la Chaîne Thermale du Soleil. Au-delà de la carte postale actuelle, Molitg-les-Bains a néanmoins une histoire plus ancienne. Ses eaux sont exploitées à partir de 1780.
Prémices de l’exploitation des eaux
Un établissement de bain apparaît sur le plan cadastral de 1811, au lieu-dit Bains de Santé. L’utilisation des eaux est beaucoup plus ancienne et la première mention des bains de Molitg apparaît dans un acte de 1024 (Rosenstein, 2004, p.15). Les premières analyses de Carrère en 1754 décrivent les bains comme formés dans une excavation naturelle du rocher. Au XVIIIème siècle, seuls les habitants de la vallée utilisent les eaux.
En 1785, le Marquis de Llupia fait construire un établissement de bains qui porte son nom, à la demande de Raymond de Saint Sauveur, intendant du Roi en Roussillon. En 1817, les bains Mamet sont construits 50 mètres en dessous, par Jean Calt. Les bains ne sont pas bien entretenus, les deux propriétaires ne vivent pas sur place. Mais cette concurrence joue tout de même en faveur d’une certaine amélioration des installations. Vers 1824, le marquis de Llupia achète les bains Mamet (ADPO-9S31). Les malades logent toujours sur Prades et la route est seulement praticable à cheval. Cette distance est accentuée par une pente abrupte d’une centaine de mètres descendant du chemin aux bains (BOUIS et MASSOT, 1861 ; p.5). En 1829, le Conseil Général décide d’aménager une route carrossable de Prades aux bains, qui ne sera achevé qu’en 1852, et seulement jusqu’à la pente (ADPO-1N21 et 1N22). En 1836, François de Massia reprend les thermes Llupia et Mamet, les fait reconstruire, et entreprend la construction du château de Riell. En 1840, Clément Barréra, médecin-inspecteur aux bains de Molitg depuis 1819, fait construire un petit établissement thermal près des bains de Llupia : les Thermes Barrera (ADPO-9S31). Une source est captée pour aménager une buvette et alimenter huit baignoires en fonte émaillée. En 1844, Barréra vend sous la pression de son concurrent, le Dr François de Massia (PICON, 1888 ; p.7). Dès 1856, un service d’omnibus effectue les navettes entre Prades et Molitg. En 1866, il fallait 5h pour se rendre de Perpignan à Molitg. Le village n’est accessible en voiture qu’en 1880.
La famille de Massia
Ainsi, la famille de Massia réunit la totalité des terrains, des sources, et les trois établissements thermaux en 1844. François, puis Edouard ne cessent de les améliorer dans le but d’augmenter la capacité d’accueil, la fréquentation est en augmentation croissante (ADPO-9S31). En effet, on donne ici le nombre de bains le plus élevé du département à cette époque, en raison de l’efficacité des eaux contre les affections de la peau, et Molitg est une des stations spécialisées dans ce type de traitements dans les Pyrénées Orientales (GENYES, 1862 ; p.53). Elle est surnommée la station de la dartre. Mais un autre souci se pose : il n’y a pas encore de logements pour les baigneurs aux thermes, qui doivent se rendre au village, distant de quelques kilomètres, pour se loger. Le chemin est pentu et mauvais, ils doivent, après les soins, regagner leur logement à dos d’âne ou à cheval. En 1833, Joseph Anglada, dans son traité des eaux minérales, décrit la situation (ANGLADA, 1833, p.233) : « Les bains de Molitg ne sont pas à beaucoup près, comme les bains des Escaldes, au milieu même de la commune ; ils n’ont pas, comme ceux de Vernet, l’avantage d’une maison d’habitation attenante aux thermes, ou celui d’être très rapprochés du village. Ici, les deux établissements thermaux ne sont que trop éloignés du logement des baigneurs. On met à la descente, plus d’un quart d’heure pour arriver. Il est aisé de concevoir, à la longueur du trajet, et surtout à la rudesse des pentes, combien le retour doit être pénible pour remonter au village après le bain. On ne connaît pas à Molitg l’usage des chaises à porteurs […] ». En 1862, un escalier à larges marches est construit, et le propriétaire, Edouard de Massia, fait aménager, en 1880, une large avenue de 200 m de long, permettant aux baigneurs d’arriver en voiture jusqu’à l’entrée de l’établissement thermal (ADPO-1N28 et PICON, 1888 ; p.10).
Construction de logements à l’établissement thermal
Les thermes Barrera transformés communiquent avec l’aile droite des thermes de Llupia, qui se prolongent à la rive gauche par une nouvelle construction, le Pavillon Castellane. Des logements sont mis à la disposition des curistes. Puis, la construction de maisons et hôtels (hôtel des bains, hôtel Auter et hôtel dit récent) formera peu à peu le hameau des bains (ENDES-AJLANI, 1990 ; p.72). Il n’y a pas de salle de jeux ni de casino. La station est recommandée aux familles et aux jeunes personnes seules. Les gorges de la Castellane, les seules promenades de la route au village de Molitg, et le chemin aux ruines du château de Paracolls doivent suffirent aux curistes, qui cherchent uniquement à recouvrer la santé et le repos dans ce lieu isolé. En 1866, le premier Congrès d’Hydrologie visite les lieux. Les trois anciens établissements thermaux forment alors un seul grand ensemble (PICON, 1888 ; p.20). En janvier 1877, la ligne de chemin de fer arrive jusqu’à Prades. Les docteurs François Garrigou et Louis Companyo procèdent à l’analyse des eaux à l’occasion d’une étude pour l’Exposition Universelle de Paris l’année suivante (COMPANYO, 1878). Ils recensent dix sources utilisées par l'établissement thermal dont le débit cumulé moyen est de 485 000 litres. Deux sources sont utilisées en bains et douches, deux autres en bains, les six dernières aux buvettes. L'établissement compte alors 40 baignoires en marbre blanc. En 1892, les thermes sont encore modernisés avec l’installation d’une salle d’inhalation et une nouvelle salle de douches en 1894. Au tournant du 20e siècle, les installations de Molitg sont ouvertes à l'année mais une saison a néanmoins lieu du 1er mai au 31 octobre. Une chapelle et un bureau de poste et de télégraphe sont installés dans l’établissement pour éviter aux baigneurs de monter jusqu’au village (PICON, 1888 ; p.10). En 1894, le Dr Willm procède à un examen chimique des eaux.
En 1913, les héritiers de Massia vendent l’ensemble des établissements à Marcel Escoiffier. En 1927, une SARL est constituée de Marcel Escoiffier, René et Jean De Massia. En 1945, un des de Massia se retire et Adrien Barthélémy rentre au conseil d’administration. Il en devient président puis principal actionnaire en 1947. La station est alors en grande partie reconstruite, avec l’intervention de l’architecte Edouard Mas Chancel. Il construit l’hôtel thermal en granit et marbre rose, ainsi que le bloc médical. Il crée le lac au moyen d’un barrage pour ralentir le débit de l’eau, et réaménage le parc de l’établissement thermal.
Molitg, station historique de la Chaîne Thermale du Soleil
En 1947, Adrien Barthélémy fonde la Chaîne Thermale du Soleil et fait de Molitg la station historique du groupe. Avec le remboursement des cures thermales par la sécurité sociale, Adrien Barthélémy prend le tournant du thermalisme social, tout en maintenant un standing élevé à Molitg. En 1952, Il crée la marque Biotherm et exploite l’extraction du plancton thermal. En 1966, il inaugure le centre thermal d’esthétique, à l’emplacement des bains Mamet. En 1976, Biotherm est vendu à L’Oréal, l’exploitation du plancton thermal s’achève en 1986. En 2001, Molitg obtient l’agrément pour la rhumatologie. En 2002, la piscine thermale panoramique est ouverte. En 1986, l’architecte perpignanais Pierre Calvet opère les différents travaux d’aménagements et de restauration pour la CTS, comme à la Preste et Amélie-les-Bains.
Le carillon de Pablo Casals
Le pavillon de l'horloge (anciens thermes Barréra) fait partie des installations du grand hôtel. Il abrite depuis 1959 un carillon à quinze cloches, fondu par Paccard à Annecy dont l'installation est due aux liens existant entre Mme Barthélémy et le violoncelliste Pablo Casals qui résida dans la station. L'inscription sur la plus grosse cloche porte l'inscription : Avec le chant des oiseaux/Casals a dit au monde/La tristesse et le regret des catalans/Qu'il soit pour eux demain/Le chant de paix et d'espérance. Lorsqu'il résidait à Molitg, Casals jouait et composait au carillon depuis un clavier électronique placé dans son appartement. Il signalait son arrivée par El cant dels ocells (Le chant des oiseaux), mélodie populaire catalane de Noël. Le carillon fut inauguré en 1959 en présence de la reine de Belgique.
Le carillon est réparti dans trois arcades où cinq cloches sont superposées. Chaque cloche est fixe et tintée de l'intérieur par un battant actionné par un câble métallique. Système courant pour les carillons manuels traditionnels, il est ici animé par une commande électrique qui peut être actionnée depuis la direction de l'hôtel pour souhaiter la bienvenue aux curistes et rythmer leurs journées.
Photographe prestation Fish Eye dans le cadre de l'étude du patrimoine industriel du département de l'Hérault de 2011 à 2013