LL'histoire thermale
Une charte du Xe siècle mentionne des "aquae calidae" dont la localisation est imprécise : cela pourrait correspondre aux bains d'Arles (Amélie-les-Bains) mais aussi aux Escales dont le nom, Aigues caldes/eaux chaudes, dériverait de ce terme latin. En 1853, Lambron indique que les ruines d'une piscine trouvées sur le griffon de ces sources prouvent leur antiquité. il précise qu'en 1650, elles sont suffisamment conservées pour que Marca les qualifie de somptueuses mais aucune autre source ou vestige ne confirment cette assertion. En 1787, était encore conservé un lavacrum de 8,76 m de longueur sur 4,5 m de largeur et 0,95 m de profondeur où l'on descendait par trois marches de marbre blanc courant sur tout le périmètre. Les traces d'un sudatorium étaient alors également perceptibles (Aragon, 1929, p. 122). Tout aurait disparu lors des travaux exécutés en 1821.
Les 21 mai et 17 juin 1488, le conseil des consuls de Puigcerdà prend en charge la restauration des « Bains des Escaldes » (Rosenstein, 2000, p. 5)
Le médecin Thomas Carrère trouve en 1756 un bâtiment vétuste et mal bâti qui abrite un bassin d'où jaillissent deux sources. Il déclare ne pas avoir vu de vestiges antiques mais en 1821, Henry indique des vestiges de thermes romains, dont subsisteraient des pavements, sur lesquels ont été reconstruits les nouveaux bains dits Colomer. En 1772, le roi donne en fief ce sources et leurs dépendances à T. Carrière mais celui-ci, malgré son titre d'inspecteur général des eaux du Roussillon reçu en 1773, préfère se fixer à Paris. Colomer, devenu seul propriétaire en 1812 fait bâtir en 1821 un établissement sur les ruines de la piscine. La clientèle augmentent et Colomer fait élever une nouvelle construction en 1850 ainsi que tracer des promenades et jardins. Dès cette époque, l'accès est plus facile depuis l'Espagne. Lambron précise : "quoique le guide Richard dise qu'on y arrive par la belle route de poste de Foix à Puycerda, celle-ci est à peine commencée" et n'atteindra sans doute les Escaldes pas avant une vingtaine d'année". Pour l'heure, l'accès depuis la France s'effectue seulement à cheval par les cols de Puymorens, des Arcs, des Angles et de la Perche en venant de Carcassonne. Dans quelques années, la route impériale de Perpignant à Puycerda, déjà réalisée jusqu'à Mont-Louis, sera terminée et permettra l'accès en voiture. En cette milieu du XIXe siècle, environ 700 baigneurs viennent lors de la saison thermale, de mi-juin à mi septembre. Lambron juge qu'on pourrait, vu l'abondance de la source principale, pourvoir à 4 000 bains par jour.
Un établissement rival est fondé en 1828 par Merlat qui fait faillite dès 1847. Merlat avait également créé un petit établissement à Dorres.
Au milieu du XIXe siècle, un espagnol d'Err, Giralt (ou GIralde), achète l'ensemble et les modernise : un troisième établissement moderne et luxueux est construit et des jardins et promenades sont aménagées (Lazmbron 1853, p. 27 et A.D P.-O 9S31). Cela attire une clientèle d'environ 700 baigneurs lors de la saison 1853 ; ceux-ci viennent en majorité d'Espagne et de Barcelone dont l'accès est facile. Au début du siècle suivant, les riches barcelonais en résidence à Puigceda gardent l'habitude de venir prendre des bains aux Escaldes (Brousse, 1926, p. 357).
En 1870 un nouveau propriétaire, Barthélémy Carbonnel travaille avec le médecin inspecteur Companyo. Les installations balnéaires sont améliorées avec l'aménagement d'une salle d'inhalation et de pulvérisation avec quatre appareils, d'une salle de douches alimentée par un nouveau captage de source. L'établissement comporte alors cinq sources principales, abondantes, variant de 18° à 54°; les eaux sont sulfureuses, sulfo-alcalines et alcalines. Un article des Pyrénées thermales décrit la station en 1876 qui appartient alors à Carbonnell frères : les lieux sont vantés en ces termes "cet établissement est un des plus importants, des plus complets et des mieux situés de la région pyrénéenne". Le panorama est jugé splendide, le climat salubre et les équipements satisfaisants (douches horizontales, verticales, circulaires et utérines à forte pression et pulvérisateurs depuis peu). Une buvette est alors implantée dans le parc. Table d'hôte, salle de café avec billard, restaurant à la carte ; chambres et appartements complets ; piano de qualité et salle de spectacle sont les aménités du lieux. Un grand salon vient d'être décoré dans le style Louis XV. Des voitures sont à disposition pour les promenades et un service régulier d'omnibus dessert Puycerda (Espagne) et Bourg-Madame.
En 1879, le train dessert la gare voisine d'Ur. L'établissement comporte alors trois corps de logis et un chalet séparés par de larges terrasses. Six galeries de bains avec 46 baignoires en marbres, une galerie de douches, une petite piscine et un salle d'aspirations se trouvent dans les thermes. Un petit pavillon est équipé de quatre baignoires à eau courante (Vidal, 1879, p. 442). Un café, des salles de billard, de réunion, de jeux et même une salle de théâtre de 300 places sont là pour distraire le curiste. Les Escaldes est alors une station de quelque importance, au même niveau que La Preste ou Molitg. Les installations pouvaient loger 300 personnes ; 100 chambres étaient équipées d'alcôves et arrangées à la mode espagnole indique l'ermite Belloc en 1889.
Les époux Carbonnel vendent en 1895 l'établissement à Antoine Agusti, originaire de Barcelone, pour la somme de 31 703 F. La fréquentation atteindrait alors entre 1 000 et 1 500 personnes par saison. Dans la réédition de son guide en 1899, Pierre Vidal indique qu'on peut loger sur place 250 personnes. Trois sources alimentent alors les bains (la grande source Colomer, à 42°, la Petite source Merlat à 33, 75° et la source d'En Margall (ou Copéta) à 33°, réservée pour quatre baignoires spécifiques), quatre autres les buvettes, situées à des endroits différents des thermes ; la source Saint-Joseph, à 18, 4°, la source de Saint-Barthélémy à 26°, la source du Pastural à 27,4°, et la source Moïsa à 42°.
Le site se prête également aux cures d'héliothérapie.
C'est dans l'établissement thermal des Escaldes qu'a lieu en 1906 le banquet donné en l'honneur du chemin de fer Transpyrénéen. Présidé par M. Delcassé, député de l'Ariège, il rassemble 200 personnes dont de nombreuses personnalités tant françaises qu'espagnoles.
L'établissement est décrit par la Gazette des eaux en 1914, qui note que sa réputation est modeste mais qu'il bénéficie, outre la qualité de ses eaux, de sa situation exceptionnelle, à 1 400 m d'altitude, permettant de conjuguer traitement hydro-minéral et climat bénéfique. "L'établissement est vaste, avec d'immenses corridors à l'ancienne mode qui viennent s'entrecroiser à angle droit et auxquels font suite d'autres corridors". Les salles de bains possèdent des baignoires en marbre gris. L'équipement thérapeutique est au niveau des autres stations pyrénéennes. Un immense parc entoure l'établissement, doté de grandes pelouses et d'arbres immenses. "Le lieu respire le repos le plus complet et le calme absolu". L'article mentionne qu'une galerie ouvre sur deux ou trois salles délaissées mais conservées, qui dateraient de l'époque romaine.
Une carte postale datée entre 1909 et 1925, montre l'utilisation d'une buvette froide, peut-être installée dans le parc.
Le sanatorium
Le docteur Raymond Hervé, fondateur en 1900 du Sanatorium des Pins à Lamotte-Beuvron (Loir-et-Cher), rachète la station des Escaldes en 1917 et fait réaliser des aménagements pour traiter les affections pulmonaire (Hervé, 1928, p. 34). La première tranche est inaugurée en 1924 : une grande piscine en marbre rouge de Ria sur 250 m2 ouvre par quatre colonnes sur neuf salles de bains recouvertes de décors de faïences. Ces colonnes proviennent des anciens bains détruits où régnaient inconfort et propreté douteuse. Des baignoires en marbre rouge auraient également été mises en place. Henri Martin, architecte de la Compagnie des Chemins de fer du Midi, construit deux pavillons en béton armés disposés en L : d'abord le pavillon Pasteur, puis le pavillon Laënnec. Il construit également les villas du village-sanatorium en contrebas, une galerie de cure pour l'héliothérapie, une salle de restaurant. Un parc avec cascade jouxtait l'établissement.
En 1926, un projet d'agrandissement et de modernisation vise à en faire un centre antituberculeux. En 1927, le compte-rendu du 20e voyage d'études médicales, consacré au soufre et à la tuberculose mentionne l'étape aux Escaldes. "Une jolie vasque [...] occupe le centre de l'angle formé par les deux pavillons du sanatorium. Cette eau, fortement sulfurée, est à 42° de température". Cette source émet jour et nuit des vapeurs sulfurées et radioactives. A gaude des pavillons, un canal à ciel ouvert collecte le trop-plein des nombreux griffons et traverse le parc où se pratique "la cure de repos et de silence l'après-midi".
Un grand hôtel est projeté et Henri Martin réalise également la chapelle de l'établissement, dédiée à Notre-Dame de Grâces, inaugurée le 24 avril 1930.
En 1929, le 9 décembre, la société anonyme "les cités héliothérapiques, climatiques et thermales" fondée par le docteur Hervé obtient un bail de 99 ans pour l'exploitation du site. La société possède un capital de 200 000 F réparti en 2 000 actions. En 1933, le sanatorium est entouré d'un bois de 50 ha ; il comporte trois villas, 200 chambres dont 80 avec salles de bains et 120 avec cabinets de toilette. Les tarifs démarrent à 40 F par jour. En 1935, l'ensemble du sanatorium est saisi à la requête du Crédit National pour faciliter la Réparation des Dommages causées par la guerre : il est mis en vente avec une mise à prix de 1 000 000 F. Depuis 1930, le crédit national demandait à la Société anonyme le paiement de 3 416 053, 30 F. L'affaire doit être réglée car le docteur Hervé reste propriétaire des lieux.
Le docteur Hervé meurt de radiotermite dans son sanatorium le 24 mars 1937 : c'est la conséquente des nombreuses amputations des membres supérieurs réalisées depuis plusieurs années (au moins depuis 1927) pour éviter la propagation de la gangrène contractée en soignant les malades aux rayons X.
Pendant la seconde guerre mondiale, le sanatorium fut un lieu de passage vers l'Espagne, notamment via l'enclave de Livia. Curé de Dorres et aumônier des Escaldes en 1940, Jean Ginoux participe à une filière de passage, aidé par la complicité d'une partie du personnel
En 1939, la Compagnie parisienne d'Assurances générales devient propriétaire fugitivement : dès 1942, c'est l'institut national d'action sanitaire des assurances sociales qui possède l'établissement. Géré ultérieurement par la C.R.A.M, l'établissement devient un centre de rééducation fonctionnelle spécialisé dans le traitement des affections broncho-pulmonaires.
En 1984, 180 personnes dont cinq médecins s'occupent de 150 malades. Longtemps chauffé par les sources d'eau chaude, le passage au chauffage au fuel plombe le budget de l'établissement.
En 2013, seuls 73 lits restes accrédités aux Escaldes : le site ferme en 2017 et fait alors l'objet de squat et de vandalisme.