Le château Saint-Clément appartient à la famille de Monfreid depuis la seconde moitié du 19e siècle. En effet, Caroline Barrière, mère du peintre, graveur et céramiste Georges Daniel de Monfreid (New-York : 14 mars 1856 – Corneilla-de-Conflent : 26 novembre 1929), fait l’acquisition en 1863 du domaine Saint-Clément, par l’intermédiaire de son probable père biologique, surnommé « l’oncle Reed ». Elle achète alors une ferme du 17e siècle (absente du cadastre napoléonien) appartenant à un officier d’intendance en retraite du nom de M. Reynès-Pagès et s’y installe avec son fils [BERNADI, Claire, COLLETTE, Flore, DUMAS, Céline, et alii, juin 2022, p.38]. L’inventaire détaillé du fonds d’atelier de Monfreid établi en 1951 par Jean Loize, permet d’en savoir davantage sur la demeure initiale et les travaux de rénovation réalisés dès l’installation de la famille. Il explique que « l’unique étage de la fort petite maison de maître, regardant le village, fut surélevé. De même, l’ancien logement du fermier, dont la cour fut pourvue d’une grille bien jolie ». Monfreid dira dans ses carnets personnels qu’ils en firent « en apparence du moins, une sorte de petit castel, auquel on conserva le nom de Saint-Clément, sous lequel M. Reynès-Pagès aimait à le désigner. C’était déjà le nom de la colline contre lequel il s’adosse, et celui de la chapelle en ruines, jadis dédiée à ce saint » [LOIZE, 1951, p.10].
Monfreid ne séjourne pas à l’année au domaine, puisqu’il part étudier dans une pension suisse. Il effectue de courts séjours et s’en rapproche manifestement en septembre 1898, lorsqu’il vint s’installer en Conflent dans une maison à Fullà avec sa seconde épouse, Annette Belfils (1887-1950). En 1904, après la mort de sa mère et de celle de son ami Gauguin, Monfreid hérite de la propriété de Saint-Clément. Profitant du calme pyrénéen de ce lieu unique, l’artiste y séjourne régulièrement avec sa seconde épouse Annette et leur fille Agnès [BERNADI, Claire, COLLETTE, Flore, DUMAS, Céline, et alii, juin 2022, p.p. 38 et 39]. De nombreux artistes et amis proches de Georges Daniel de Monfreid viendront profiter de bons temps au domaine, dont Aristide Maillol (1861-1844), Henri Matisse (1869-1954), Louis Bausil (1876-1945), Gustave Violet (1873-1952) ou encore Pierre Michel Justin Bardou Job (1887-1937). Ces derniers ont vécu dans la maison-atelier de Sant Martí à Prades [PRACA, [en ligne], 14-4-2010].
D’autres membres du cercle à la fois professionnel et amical de Monfreid ont contribué à sa renommée artistique, dont Gustave Fayet (1865-1925), alors peintre, et conservateur du musée des Beaux-Arts de Béziers, également connu comme étant un grand collectionneur. En 1900, Fayet fait l’acquisition de trois de ses œuvres, destinées à rejoindre sa collection personnelle à Béziers. C’est également lui qui se chargea de former une collection privée de Paul Gauguin (1848-1903), avec l’aide de Monfreid. Des correspondances épistolaires étaient régulièrement échangées, comme l’atteste la lettre autographe à Gustave Fayet datée du 26 octobre 1919. Elle est ornée d’un frontispice gravé représentant le château Saint-Clément, avec en premier plan une jeune femme en train de lire et prenant appui sur un muret.
Georges Daniel de Monfreid a également représenté en peinture plusieurs vues du domaine de Saint-Clément, notamment dans son Autoportrait à la chemise bleue réalisé en 1901 (vue identique à celui du frontispice). Le château apparaît en arrière-plan sous la forme d’un tableau encadré, inséré discrètement telle une mise en abyme. Cette œuvre témoigne de la forte amitié qu’il entretient alors avec Paul Gauguin, qui désirait obtenir une toile en échange de plusieurs de ses sculptures en bois.
Le Calvaire, sculpture en terre cuite conçue par Monfreid entre 1889 et 1899, fut en partie réalisé à Saint-Clément, où il s’occupa de fabriquer des carreaux de terre cuite, pour ensuite les décorer de motifs émaillés (octobre 1899). Resté inachevée à sa mort, le Calvaire est repris en 1938 par Aristide Maillol qui réalisa un tirage en plâtre. Après le démontage de l’œuvre, ce tirage permis au sculpteur Louis Mallais-du-Carroy, de réaliser en 1961 la sculpture actuelle par assemblage de 22 éléments préalablement moulés.
Les carnets journaliers écrits entre 1896 et 1929 par Georges Daniel de Monfreid, permettent de retracer la vie de l’artiste d’un point de vue personnel et artistique. A la suite de son décès en 1929, les agendas sont laissés à sa fille Agnès Huc de Monfreid, devenue propriétaire du domaine de Saint-Clément [BERNADI, Claire, COLLETTE, Flore, DUMAS, Céline, et alii, juin 2022, p.36].