En 1870, le banquier Eugène LAFABRÈGUE et anciennement entrepreneur de travaux publics, vient s’installer à Prades. Il fit donc construire dès 1873 une vaste demeure, sur un terrain acheté en bordure de l’ancienne route de Catllar (actuelle avenue Louis Prat), dont les plans ont été dessinés par son frère Alexandre LAFABRÈGUE. Plusieurs influences stylistiques sont reconnaissables, comme celles de la maison romaine ou encore de la maison italienne à la Renaissance, avec le développement du bâti sur un plan carré et la disposition symétrique des façades. Aussi, la demeure s’appelait à l’origine « Villa Florentine », en raison de sa conception architecturale [témoignage recueilli sur le terrain].
Au décès d’Eugène en 1890, la banque de Prades est dirigée par sa veuve Cécile PORTA. De leur union naîtrons Alfred (Massiac) vers 1867, Eugénie (Barcelone) vers 1869 et Delphine (Prades) en 1873. Leur fils hérita très certainement de la propriété, en raison de la présence des monogrammes L et C entremêlés au-dessus de la porte d’entrée Est de la ville. En effet, Alfred épousa en 1893 Marie des Anges CROS-XURIGUER, originaire de Barcelone et descendante d’un des pionniers de l’industrie chimique en Catalogne du nom de François CROS [PRACA, 2009, p.p. 74-80]. Le couple alors installé dans la capitale catalane, vient chaque été dans la maison de famille.
Tout au long du 19e siècle, l’ascension sociale des deux familles transfrontalières est marquée par la notoriété de représentants politiques et industriels, qui s’inscrivent plus largement dans l’histoire des Pyrénées-Orientales. En effet, la sœur d’Alfred LAFABRÈGUE, Eugénie, a épousé l’avocat pradéen Charles ROMEU, viguier de France en Andorre entre 1887 et 1933 et fait chevalier de la Légion d’honneur en 1902. De plus, Marie Rosalie, fille d’Alexandre LAFABRÈGUE, se lie en 1886 au maître de forges Rémy JACOMY. En dehors de sa profession d’architecte, Alexandre s’est par ailleurs illustré dès 1878 dans l’exploitation de la carrière de talc au lieu-dit d’Embolla, situé à proximité de Corneilla-de-Conflent.
Enfin, la troisième génération des LAFABRÈGUE contribuera au développement de l’industrie du vin de par le mariage d’Anne-Marie LAFABRÈGUE (née en 1898 à Prades) au négociant en vins Edmond PAMS. Leur fils Pierre PAMS, domicilié à Barcelone, deviendra en 1964 P.D.G. de la General Alimenticia y Dietetica S.A., société associée à la Générale alimentaire, puis président d’honneur de la Chambre de commerce française de Barcelone en 1976 [PRACA, 2009, p.p. 74-80].
La villa a été transformée dans les années 1930 par l’architecte Edouard Mas-Chancel (1886-1955), comme l’atteste l’ouvrage « Edouard Mas-Chancel. Perpignan. Architecte Diplômé par le Gouvernement. Architecture Catalane Française », écrit par Gustave Umbdenstock. La publication est par ailleurs dédicacée à Michel Bourreil par Mas-Chancel, le 17 juillet 1932. Comme pour la plupart des constructions régionalistes, Mas-Chancel a fait appel à plusieurs corps de métiers pour l’aménagement extérieur et intérieur. Ainsi, les montants de l’escalier de la villa qui reposent sur des plots en fer forgé, ont été dessinés par l’architecte et assemblés par le ferronnier Louis Ner en 1945. Le lampadaire de la villa a également été réalisé à partir d’un dessin de Mas-Chancel [[Exposition à l’occasion des Journées Européennes du Patrimoine. Notre-Dame de Riquer-Catllar], 2004, pp. 22 et 30]. À cette époque, la propriété est toujours comprise parmi les possessions de la famille LAFABRÈGUE.
Durant la seconde guerre mondiale, la villa sert de siège pour les services de police allemands. Le 29 Juillet 1944, les maquis de la « Pinosa », « Henri Barbusse » et les chefs des Guerrilleros passent à l’offensive pour venger la mort du maquisard Roger Roquefort. Ils assiègent donc la villa et échangent des tirs de fusils, révolvers et mitrailleuses avec les allemands sur une durée de trois-quarts d’heure environ. Deux policiers allemands vont être capturés, tandis qu’un troisième est capturé puis gardé en otage [LARRIEU, 1994, p.314].
Entre 1945 et 1947, la villa sert de lieu de vie pour des soldats anglais, venus en renfort pour sécuriser la frontière franco-espagnole fragilisée par le régime franquiste. Des photographies conservées par les propriétaires actuels, permettent de visualiser le poste d’observation avec radar mis en place non loin du Roc Jalère. Elles donnent également à voir l’état de conservation de la villa, entre 1946 et 1947. La pergola n’était à ce moment-là pas encore couverte par un toit-terrasse.
Achetée en 2003 par un couple d’anglais, la villa Lafabrègue sert actuellement de chambre d’hôtes et de gîte. Si les peintures intérieures ont été reprises en raison de leur mauvais état de conservation, la majeure partie de l’édifice est restée dans un état de conservation compris entre la fin du 19e siècle et la première moitié du 20e siècle.
Architecte actif au 19e siècle