Dossier d’aire d’étude IA66003605 | Réalisé par
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Présentation de la commune de Taurinya
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Dossier non géolocalisé

  • Aires d'études
    Conflent-Canigou
  • Adresse
    • Commune : Taurinya

Taurinya de l’Antiquité au 12e siècle

L’occupation du territoire de Taurinya est très ancienne, comme l’atteste la découverte de sites métallurgiques dans le courant du 20e siècle. Ceux identifiés au village sont marqués par la présence de scories de fer, qui sont des résidus de minerai traité dans les forges. La construction du lavoir situé en bordure du Chemin du Canigou (Camí del Canigó) et au Nord du village, a permis de mettre au jour un crassier de scories, dont les recherches archéologiques ont été menées vers 1997 par les archéologues François Roig et Véronique Izard [KOTARBA, CASTELLVI, MAZIERE, 2007, p.589]. En partie supérieure, le crassier semble avoir été formé de charbons de bois, mélangés à des fragments d’os et de céramiques. Ce mobilier découvert permet de dater la forge de l’Antiquité Tardive (4ième – 5ième siècle), même si l’activité du site semble plus ancienne. En effet, les vestiges situés plus au Sud et dans une profondeur plus importante, sont caractéristiques de l’époque romaine. Il s’agit de fragments de panses d’amphores de type Dressel 23, d’amphores africaines, d’une céramique fine de type Claire D et d’amphores espagnoles typiques du Bas-Empire. Au Sud du village et à proximité d’un moulin implanté sur la rive droite de la Lliterà, François Roig a mis au jour des scories de fer, des fragments d’amphores ainsi qu’un imposant fragment de vase, probablement daté de l’époque préhistorique [KOTARBA, CASTELLVI, MAZIERE, 2007, p.589].

Plusieurs lieux-dits localisés en moyenne montagne, présentent des vestiges d’exploitations métallurgiques romaines. L’une des plus importantes se trouve au lieu-dit Les Colomines (environ 690 m d’altitude), dont les fouilles ont été réalisées entre 1964 et 1966 par l’érudit Robert Lapassat [KOTARBA, CASTELLVI, MAZIERE, 2007, p.589]. Les céramiques sont en très grand nombre, notamment les fragments de sigillée sud-gauloise et d’amphores italiques. De plus, le site est marqué par la présence d’un alignement de quatre dalles verticales, qui pourraient correspondre à une sépulture. Par ailleurs, plusieurs tombes à simple coffre ont été mises au jour en 1964, à 100 m du lieu-dit. Enfin, un grand ferrier fut découvert dans les années 1980 au lieu-dit Els Meners (environ 800 m d’altitude), avec la présence de morceaux d’amphores. Sa partie haute a révélé la conservation d’éléments de la fin de l’Age du Fer et du début de la République Romaine, dont un tesson de céramique grise fine roussillonnaise [KOTARBA, CASTELLVI, MAZIERE, 2007, p.590].

La localité de Taurinya apparaît dans les textes aux 9e et 10e siècles, sous les dénominations « Taurinianum », « Torinianum » et « Tauriniano » [BASSEDA, Revue Terra Nostra, 1990, p.705]. Ces dernières trouvent leur origine étymologique à travers la fondation ibéro-romaine du territoire, dont le gentilice « Taurinius » renvoi à la figure du taureau. Par ailleurs, le blason « de gueules à un rencontre de taureau d’or », se retrouve sur un chapiteau sculpté du clocher-tour de Taurinya. En héraldique, « le rencontre » renvoi à une tête d’animal représentée de face, comme c’est le cas à Taurinya.

L’église paroissiale de Taurinya dédiée à Saint-Fructueux, est évoquée très tôt dans les sources historiques. Elle est en effet mentionnée entre 845 et 855, en tant que possession confirmée par le roi Lothaire, à l’abbaye de Saint-Michel-de-Cuxa [CATHALA-PRADAL, CHRISTOFOL, NICOLAU, 1999, p.15]. Celle-ci est intimement liée à l’histoire de Taurinya, puisque les moines qui s’y sont établis possédaient de nombreuses terres sur le territoire. Le nom « Tauriniano » est indiqué en 846, 860 ainsi qu’en 874, dans des sources historiques relatives à des ventes de terrains situés sur le territoire, en faveur d’un certain Protasius [CATHALA-PRADAL, CHRISTOFOL, NICOLAU, 1999, p.13]. Il s’agit d’un des moines survivants de la communauté de Saint-André d’Eixalada, emportée par une importante crue de la Têt (Aiguat) en Octobre 878 [PÀGES, PUBILL, 1996, p.126]. De nombreux biens terriens et bâtis de Protasius situés à Taurinya, furent donnés entre 864 et 865, au moment de son adhésion au sein de la communauté d’Eixalada. C’est le cas de 12 vignes, 6 jardins, 1 ferme et 4 maisons. Ainsi, le monastère possédait de nombreux biens à Taurinya, tel que le souligne un précepte du roi Charles le Chauve, daté de 871 [CATHALA-PRADAL, CHRISTOFOL, NICOLAU, 1999, p.13]. Le rayonnement économique de Saint-Michel-de-Cuxa, nouvel établissement alors établi sur le territoire de Codalet, a conduit à la formation du domaine dit « Vall de Cuixà », parmi lequel se trouve le lieu de Taurinya. Ce domaine, était également constitué du hameau de Corts, mentionné en 860 et 879 (« Curtes »), ainsi qu’en 950 (« villa Cortis ») et 968 (« Curtis ») [BATLLE, GUAL, Revue Terra Nostra, Numéro 11, 1973, p.125]. Le site aurait servi au 10e siècle d’ermitage pour Romuald (951-956) canonisé par la suite en 1595, accompagné de l’ermite Marin et du doge de Venise, Pierre Orseolo. Ce dernier est par ailleurs devenu moine de l’abbaye de Saint-Michel-de-Cuxa dès 978, jusqu’à sa mort en 988 [Abbaye Saint-Michel-de-Cuxa. Histoire [en ligne]].

Les limites géographiques de Taurinya sont connues dans les sources historiques datées des 10e et 11e siècles, telle que la Serra de Bovaria (Bohère) et le col de Clarà (Jovum de Clerano) développés à l’Est [BASSEDA, Revue Terra Nostra, 1990, p.705]. Il est également fait mention d’un sommet du nom de Flamidinum ou Montem Flamadius, qui correspondrait au roc Mosquit (Sud-Est du col de Clarà). L’éminence se rapporterait au martyr Saint Flamidien, vénéré à l’abbaye précédemment citée [BASSEDA, Revue Terra Nostra, 1990, p.706]. Les textes indiquent la limite Sud marquée par le Canigou, et la partie Ouest (Pogii Aquiloni), très certainement par le pic Joffre.

Le lieu de Llasseres, situé au Sud-Est du village de Taurinya, est mentionné pour la première fois en 950 (« monte Lavarias ») dans un alleu de l’abbaye de Saint-Michel-de-Cuxa. Il apparaît ensuite en 968 puis en 1011 (« montem Lavarias ») [Association « Vall de Cuixà », 1994, p.3]. Cette dernière dénomination se rapporte à la présence d’un vaste plateau, qui conserve les vestiges d’une ancienne exploitation pastorale [BASSEDA, Revue Terra Nostra, 1990, p.706]. Par ailleurs, le toponyme Lavarias est dérivé du nom latin « lav », qui signifie ravin. En effet, le site est localisé au Sud du ravin de Lloeres, considéré comme étant le cours supérieur du Lliscó.

C’est également en 950 qu’est mentionnée l’église paroissiale Saint-Fructueux, dans un privilège du pape Agapet II daté de 950, qui la cite parmi les possessions du monastère de Cuxa [CAZES, 1977, p.23]. Pour autant, l’église primitive serait datée du 11e siècle selon l’abbé Cazes [Cazes, Revue Conflent, Numéro 47, 1968, p.3]. Des remaniements ont été réalisés au 12e siècle, dont la construction de la nef et du clocher-tour actuels. De plan carré et localisé au Nord de la nef, le clocher-tour dispose de trois niveaux maçonnés en pierre de taille et en moellons de pierres locales. Les ouvertures uniques du premier niveau sont en plein cintre et à double ébrasement. Des fenêtres géminées caractéristiques de l’art roman, sont situées aux deuxièmes et troisièmes étages. Celles-ci sont reliées par une colonnette octogonale, terminée par des chapiteaux à large imposte. L’un de ces chapiteaux est décoré de motifs végétaux à volutes et d’une tête de taureau sculptés. Au troisième niveau, la face Ouest comprend une fenêtre en plein cintre et la face Sud une meurtrière. Les autres faces ont des fenêtres géminées aux dimensions plus réduites que les précédentes, qui reposent sur des colonnettes cylindriques à chapiteaux lisses. La partie supérieure du clocher appareillée en moellons, comprend en face Ouest un cadran d’horloge, surmonté d’un clocher arcade quadrangulaire. L’accès à l’intérieur de l’église paroissiale s’effectue par un portail en arc brisé et pierre de taille en marbre (12e siècle ?). La nef est bordée de collatéraux et voûtée en berceau brisé. Un arc en plein cintre qui permet d’établir la communication entre la chapelle latérale Nord et le chœur, se distingue par ses piédroits, ornés de fresques datées du 12e siècle [POP. Église Saint-Fructueux. Base Mérimée. 1992]. Le piédroit Est se compose de la représentation d’un personnage nimbé portant une robe de couleur ocre jaune et pourpre. Les attributs que sont la roue et la palme de martyre, renvoient certainement à Sainte-Catherine d’Alexandrie [POP. Peinture monumentale : sainte Catherine d'Alexandrie. Base Palissy. 1992].

Si les traces de l’ancien hameau de Corts ont aujourd’hui disparu, la chapelle dédiée à Saint-Valentin est encore conservée. Sa construction en tant que telle remonte certainement au 12e siècle [Cazes, Revue Conflent, Numéro 47, 1968, p.11], comme l’atteste la présence d’une nef unique, terminée par une abside semi-circulaire. De plus, sa particularité est d’avoir été construite à partir des fondations d’une ancienne tour-signal, érigée au 11e siècle [SERRES, Revue Conflent, Numéro 149, Septembre-Octobre 1987, p.107]. Appelé tour de Corts ou de Ballessa, l’édifice communiquait avec les tours d’Arboussols (10 km) et de Llugols (5 km), ainsi qu’avec les châteaux de Ria (3 km), Sirach (3 km), Pomers (3 km), Coma (9 km) et Molitg (7 km) [DE POUS, Revue Conflent, Numéro 106, 1981, p.49]. La tour pouvait également voir et être vue des églises ou chapelles de Campelles, Santa Margarida, Belloch, Fornols, Santa Creu, Calahons et Cuxa.

Taurinya du 14e siècle au 18e siècle

L’église Saint-Fructueux apparaît de nouveau dans les sources historiques, au cours du 14e siècle. Un certain Raymond Guanter, de Taurinya, évoque dans son testament de 1348, le « lègue (de) 5 sous pour aider à la fabrication d’une cloche pour l’église de Taurinyà » [Cazes, Revue Conflent, Numéro 47, 1968, p.3]. C’est à cette époque que la chapelle Saint-Valentin de Corts aurait été surélevée, afin de lui conférer un aspect fortifié. En effet, la chapelle repose sur la roche existante, sur laquelle fut aménagée une plateforme, renforçant ainsi l’ensemble de l’édifice. Ce remaniement est à replacer dans le contexte historique du village de Taurinya, puisqu’il est mentionné en 1331 en tant que castrum [Cazes, Albert. Revue Conflent. Taurinya. Numéro 47. 1968, p.11].

Les premières données concernant la population de Taurinya sont connues dès le 14e siècle, comme l’atteste l’analyse des fogatges, anciens impôts sur le revenu foncier répartis selon les foyers d’habitations. Ainsi, 23 feux sont comptabilisés en 1358 et 25 feux entre 1365 et 1370 [BATLLE, GUAL, Revue Terra Nostra, Numéro 11, 1973, p.13 et p.15]. Le nombre de feux diminue par la suite, probablement en raison des épisodes de pestes (11 feux en 1378 et 1385) [BATLLE, GUAL, Revue Terra Nostra, Numéro 11, 1973, pp.20 et 23]. Au 15e siècle, la décroissance démographique est également importante, notamment entre 1470 et 1490 avec 9 feux. La période suivante est marquée par des variations conséquentes de la population, avec 11 feux en 1515 et 7 feux en 1553 [BATLLE, GUAL, Revue Terra Nostra, Numéro 11, 1973, p.29 et p.32]. A cette époque, le culte de Saint-Vincent, patron des vignerons, est très présent sur le territoire. En effet, des processions étaient organisées en son honneur, notamment à partir de Prades entre les 16e et 17e siècles [Cazes, Revue Conflent, Numéro 47, 1968, p.16].

Au 18e siècle, le nombre de feux augmente significativement, notamment entre 1720 et 1740, où 39 feux sont dénombrés (environ 170 habitants) [BATLLE, GUAL, Revue Terra Nostra, Numéro 11, 1973, p.38 et p.43]. En 1752, 135 habitants vivent à Taurinya, dont 40 hommes mariés, 20 veuves et 12 veufs [CATHALA-PRADAL, CHRISTOFOL, NICOLAU, 1999, p.21]. Après une diminution progressive de la population entre 1770 et 1772 (160 habitants) [BATLLE, GUAL, Revue Terra Nostra, Numéro 11, 1973, p.46], le nombre d’habitants est en hausse à la fin du siècle, avec 284 habitants en 1787 et 499 habitants au cours de la période révolutionnaire (1792-1793) [BATLLE, GUAL, Revue Terra Nostra, Numéro 11, 1973, p.48 et p.51]. Par ailleurs, le village se dote très certainement à cette époque d’un presbytère, qui a notamment servi à accueillir les séances du Conseil Municipal en 1790 [CATHALA-PRADAL, CHRISTOFOL, NICOLAU, 1999, p.39].

Dans la seconde moitié du 18e siècle, l’abbaye de Saint-Michel-de-Cuxa reste souveraine de Taurinya, comme l’atteste les différents impôts perçus auprès du travail des habitants. Ainsi, 30 livres ont été obtenus en 1769 par le camérier du monastère, grâce à l’affermage de la dixme du lin, ainsi que de la dixme du chanvre [CATHALA-PRADAL, CHRISTOFOL, NICOLAU, 1999, p.21]. De plus, des revenus agricoles pouvaient être touchés par les moines de l’abbaye. Ce fut le cas en 1773, où l’aumônier bénéficia de 50% de terres, possédées à moitié avec un habitant de Taurinya du nom d’Isidore Nicolau [CATHALA-PRADAL, CHRISTOFOL, NICOLAU, 1999, p.22]. L’autorité de l’abbé est également exercée sur le batlle (maire en catalan) du village, dont les archives locales permettent de connaître certains d’entre eux au 18e siècle. Parmi ceux-ci, il est possible de citer Pere Sensabi (1759), Felip (1762), Josep Sensavy (1763-1768-1772), Jaume Colom (1767) et Joan Felip (1774) [CATHALA-PRADAL, CHRISTOFOL, NICOLAU, 1999, p.22]. Le battle était chargé de l’administration et de la police du domaine ecclésiastique de Saint-Michel-de-Cuxa. Malgré le pouvoir qu’il pouvait exercer au sein de son village, le battle n’avait pas la mainmise sur la réglementation des coupes en forêts. Celles-ci appartenaient en effet au domaine de l’abbaye, jusqu’à leur gestion domaniale par l’Etat dès 1793 [CATHALA-PRADAL, CHRISTOFOL, NICOLAU, 1999, p.24]. A cette époque, le bois constituait une ressource économique non négligeable, puisqu’il était utilisé pour le fonctionnement des charbonnières et forges catalanes, actives dans la vallée. Jusque dans la première moitié du 20e siècle, le village vit en autonomie, avec une économie tournée vers l’autoconsommation.

Au 18e siècle, les principales activités sont liées à l’agriculture, l’élevage du bétail ainsi que des animaux de basse-cour. L’agriculture vivrière est la plus représentative, avec la culture des céréales, de la vigne, du lin et du chanvre pour la fabrication du tissu destiné à l’habillement ou encore de semelles à chaussures [CATHALA-PRADAL, CHRISTOFOL, NICOLAU, 1999, p.22]. Les oliviers sont également présents, comme l’indique un texte historique de 1741, qui mentionne la plantation de deux journaux d’olivettes. Par ailleurs, le village comprenait plusieurs tisserands issus de la même famille, dont Anton Banasach (1714) et Josep Banasach (1717). Enfin, le 18e siècle est marqué par des épisodes de fortes pluies, qui ont ravagé les cultures, dont les vignes et les champs de blé. Les plus importantes crues ont été enregistrées entre les 16 et 17 Octobre 1763, entraînant ainsi le débordement de la Llitera.

Taurinya du 19e siècle à nos jours

L’histoire de Taurinya est étroitement liée au développement de l’industrie métallurgique, comme en témoigne la présence de sites miniers exploités depuis l’Antiquité. Celui de la chapelle de Corts apparaît en tant qu’exploitation minière, dans des textes datés du 19e siècle. Des travaux de recherche à ciel ouvert ont en effet été entrepris dès 1861, par le directeur de la concession de Fillols, du nom de Rémy Jacomy. Plusieurs affleurements de minerai ont ainsi été découverts. Ces recherches seront perturbées par un accident survenu en 1866, causant la mort de deux ouvriers [Cazes, Revue Conflent, Numéro 47, 1968, p.16]. Entre 1876 et 1883, la Société métallurgique des Pyrénées-Orientales, entreprend des travaux supplémentaires. A nouveau exploité en 1939, le site minier cesse toute activité en 1940 en raison de l’Aiguat du mois d’Octobre, qui a entrainé la destruction des installations. Les mines de fer de Fillols et Taurinya sont au début du siècle à l’état d’abandon, comme l’atteste un rapport réalisé par l’ingénieur des Chefs des mines à Carcassonne en 1807, adressé à M. le général de brigade, Préfet du département des Pyrénées-Orientales [CATHALA-PRADAL, CHRISTOFOL, NICOLAU, 1999, p.23]. Parallèlement à ce déclin, la population diminue progressivement dans la première moitié du siècle. En effet, 441 habitants sont recensés en 1851, contre 454 en 1836 et 461 en 1846 [BATLLE, GUAL, Revue Terra Nostra, Numéro 11, 1973, p.79].

La seconde moitié du 19e siècle est marquée par une nouvelle dynamique industrielle et les villages de la vallée de la Llitera attirent de nouveaux travailleurs, spécialisés dans l’activité minière. Parmi eux se trouvent des forgerons (fargaires), des transporteurs (traginers), des miniers ainsi que des forestiers [CATHALA-PRADAL, CHRISTOFOL, NICOLAU, 1999, p.32]. La population de Taurinya enregistrée jusqu’à la fin du siècle est alors en hausse, avec 430 habitants en 1861, 563 en 1877 et 502 en 1891 [BATLLE, GUAL, Revue Terra Nostra, Numéro 11, 1973, p.79].

Jusqu’à l’aménagement de la nouvelle route de Prades à Taurinya au début du 20e siècle, le transport du minerai s’effectuait sur l’unique chemin vicinal (actuelles rues del Balc et d’Avall). Relativement étroit, ce dernier a la particularité de surplomber le précipice, ce qui entraîna plusieurs incidents de parcours. Ce fut le cas entre 1880 et 1890, où une charrette chargée de minerai se renversa et tomba dans le ravin [CATHALA-PRADAL, CHRISTOFOL, NICOLAU, 1999, p.35]. Au cours de ce siècle, plusieurs remaniements ont été réalisés dans l’église paroissiale Saint-Fructueux, notamment son agrandissement. Souhaités par le Conseil Municipal de Taurinya en 1839, les travaux devaient permettre de faire face à l’accroissement de la population locale [A.D.P.O., 4 V47]. Afin de réaliser ces travaux, un secours de 1000 francs fut octroyé à la commune. Les transformations ont concerné le remplacement de l’abside d’origine, par un chevet plat [CCRP, Taurinya, Église paroissiale Saint-Fructueux, 2005]. De plus, la nef est élargie en 1874 par un bas-côté méridional, délimités entre eux par un arceau de brique. Ce bas-côté apparaît sur un plan de l’église paroissiale daté du 9 Mai 1839, réalisé par l’architecte du département nommé Charles de Basterot [A.D.P.O., 4 V47].

L’augmentation de la population au cours du siècle et la promulgation des lois scolaires de 1881 et 1882 adoptées par Jules Ferry, amènent la commune de Taurinya à se doter d’un premier établissement scolaire. Une première école de garçons est ainsi établie dans les années 1882 [CATHALA-PRADAL, CHRISTOFOL, NICOLAU, 1999, p.38]. En 1888, une école de filles est ouverte par deux religieuses de Taurinya, Marie Albert et Marie-Julie Delcausse, alors âgées de 30 et 36 ans [CATHALA-PRADAL, CHRISTOFOL, NICOLAU, 1999, p.39]. L’enseignement, porte essentiellement sur les tâches courantes de la vie quotidienne. Cette école occupait une maison du village, qui appartient depuis le 20e siècle à la famille Fourquet. Elle ferma ses portes en 1905, à la suite de l’adoption de la loi sur la séparation de l’Église et de l’État [CATHALA-PRADAL, CHRISTOFOL, NICOLAU, 1999, p.39]. Face à l’étroitesse des locaux, l’école de garçons est transférée dans un nouvel établissement, également prévu pour accueillir les filles. Les travaux, effectués entre 1893 et 1899, ont été confiés à l’entrepreneur Bonnerie, à partir des plans d’un architecte nommé Baixes [CATHALA-PRADAL, CHRISTOFOL, NICOLAU, 1999, p.39]. Actuellement, l’édifice garde sa fonction d’établissement scolaire (école maternelle et élémentaire) et comprend les locaux de la Mairie. Son style académique est visible à travers l’ordonnancement des baies en façade principale (Ouest) et la présence d’un fronton triangulaire à corniche moulurée.

Le presbytère de Taurinya est à nouveau mentionné dans les sources historiques au 19e siècle. Son mauvais état de conservation est tel que des réparations en urgences doivent être menées [A.D.P.O., 4V47]. Les travaux à effectuer sont reportés sur un devis estimatif, réalisé le 16 Janvier 1829 par le charpentier Vincent Dento et le maçon François Nuixe [A.D.P.O., 4V47]. En 1831, l’État accorde ainsi une subvention pour l’exécution des travaux [CATHALA-PRADAL, CHRISTOFOL, NICOLAU, 1999, p.40]. Il est actuellement complexe de connaître l’emplacement exact du presbytère, qui pourrait correspondre au bâtiment de l’école catholique de filles ou encore de l’actuel gîte situé en contrebas de l’église (N°1 Rue Sant Valentí).

Le site minier du Salver s’est principalement développé entre la fin du 19e siècle et le 20e siècle, en deux périodes qui se distinguent nettement (1879-1928 et 1958-1962). C’est la société anonyme des mines de Fillols qui se chargea de réaliser dès 1879 les premiers aménagements, dont un plan incliné, fonctionnant à partir d’un système de freins et de rails. Il était employé pour descendre le minerai du carreau de la mine (niveau 740), jusqu’au chemin de traînage mécanique (niveau 645) [Panneau signalétique patrimonial, Site minier du Salver, Taurinya, Le plan incliné, 2018]. Ce dernier, comprenait deux voies Decauville parallèles, positionnées le long du ravin de Vall Panera sur environ 8 km [Syndicat Mixte Canigó Grand Site]. De plus, il permettait l’évacuation du minerai extrait au Salver dans des wagons, déchargé dans des trémies localisées non loin du village. Le minerai était ensuite transporté jusqu’à la gare de Prades puis prenait la direction des forges du Gard et du bassin de la Loire [Syndicat Mixte Canigó Grand Site]. Le traînage mécanique fonctionna jusqu’en 1928, année de fermeture temporaire de l’exploitation du Salver, notamment en raison d’une meilleure rentabilité du transport du minerai depuis Fillols [Panneau signalétique patrimonial, Site minier du Salver, Taurinya, Le traînage mécanique, 2018].

La concession de Taurinya réouvre en 1958, à la suite de travaux menés par la Société Denain-Anzin (1952). Elle est reprise par la Société anonyme des mines de fer de Fillols, dont la principale mine de la commune a été démantelée [Panneau signalétique patrimonial, Site minier du Salver, Taurinya, Le traînage mécanique, 2018]. Les années 1958-1963 sont marquées par un important développement du site, notamment avec l’aménagement de deux voies de roulement, à l’entrée de la mine se situant au niveau 703 [Panneau signalétique patrimonial, Site minier du Salver, Taurinya, Une exploitation millénaire, 2018]. Ces voies permettaient de transporter le minerai jusqu’aux trémies, localisées en bordure de route. De là, le minerai était acheminé par camions vers la gare de Prades ou en direction des fours de Corneilla-de-Conflent, afin d’être expédié vers le Massif Central et la vallée du Rhône [Syndicat Mixte Canigó Grand Site]. En 1963, l’exploitation débutait au niveau 742 et s’arrêtait au niveau 721. Une fois extrait, le minerai était chargé dans des berlines de 500 litres, amenées en sortie de mine par un locotracteur Diesel sur une voie de rail [CATHALA-PRADAL, CHRISTOFOL, NICOLAU, 1999, pp.41-42]. Ces berlines prenaient ensuite la direction d’un culbuteur, afin de renverser le minerai dans des tublings (glissières) puis dans les trémies en fer. Celle localisée non loin des gîtes communaux, est plus récente que la précédente décrite. Le minerai était chargé dans des camions semi-remorque à l’aide des orifices vannés encore présents sur la trémie, puis transporté vers la gare de Ria ou les Mines de la Têt à Sahorre [CATHALA-PRADAL, CHRISTOFOL, NICOLAU, 1999, p. 42]. Ernest Calluyere (1925-2004) fut au cours de ces années le directeur d’exploitation de la mine du Salver, pour la « Société des Mines de Fillols » [Revue Le fil du Fer, Numéro 18, 2016, p.41]. L’activité minière à Taurinya cessa par la suite, quelques années suivants la fermeture des hauts-fourneaux de Ria en 1930 [IZARD, Archéologie du Midi Médiéval [en ligne], Tome 12, 1994, p.124]. A la fin des années 1990, l’association Vall de Cuixà a mené la valorisation du site minier, en organisant des chantiers participatifs avec l’association El Mener de Sahorre et les habitants de Taurinya. De plus, les années 2000 sont marquées par la création du sentier des mines ainsi que par l’instauration d’une signalétique patrimoniale, permettant d’apprécier le parcours de l’ancienne exploitation minière. L’hébergement des visiteurs a également été pensé, à travers l’aménagement des gîtes communaux « El Passatje », « El Reposadou » et la « Farga », situés non loin des bâtiments industriels [Revue Le fil du Fer, Numéro 19, 2017, pp. 41-45]. Par ailleurs, la mémoire des anciens mineurs est conservée grâce aux témoignages recueillis auprès de paysans-mineurs de Taurinya, tel que Jeannot Christophol (1919-2007), qui a travaillé au Salver de 1949 à 1963 [Revue Le fil du Fer, Numéro 18, 2016, pp.18-20]. Ce dernier témoigne des conditions difficiles à la mine ainsi que des modes de vie des habitants. Tandis que les hommes s’attelaient sur le site, les femmes restaient au village pour s’occuper des tâches quotidiennes.

Tout au long du 20e siècle, la démographie de Taurinya ne cesse de diminuer, malgré un important développement du secteur minier. Jusqu’en 1921, la population fluctue entre 500 et 300 habitants (505 en 1906, 492 en 1911 et 356 en 1921) [BATLLE, GUAL, Revue Terra Nostra, Numéro 11, 1973, p.48 et p.79]. L’arrêt momentané de l’exploitation minière du Salver entre 1928 et 1958, a nettement contribué à la baisse démographique, avec 260 habitants en 1931, 242 en 1936, 248 en 1946 et 235 en 1954. Pour autant, la fin du 20e siècle est marquée par une hausse progressive de la population, qui ne cesse de s’accroître dans les années 2000. En effet, 307 habitants sont recensés en 1999, contre 242 en 1968 [Insee, Portrait démographie et conditions de vie – Évolution et structure de la population, Taurinya, [en ligne]]. L’installation de jeunes ménages avec ou sans enfants au cours des années suivantes, se répercute dans les chiffres, comme c’est le cas en 2012 (329 habitants), en 2017 (336 habitants) et dernièrement en 2020 (347 habitants). De plus, une nette tendance au rajeunissement est observée à Taurinya, notamment en 2017 avec seulement 9,2% des 75 ans ou plus, 17,3% des 60 à 74 ans, 24,7% des 45 à 59 ans, 19,6% des 30 à 44 ans, 18,2% des 0 à 14 ans et 11% des 15 à 29 ans [Insee, Portrait démographie et conditions de vie, Taurinya, [en ligne], 2017]. Enfin, la part des ménages étudiée en 2017 selon la catégorie socioprofessionnelle des habitants, montre un taux important de professions intermédiaires (24,6%), contrairement à celui des employés (10,5%), des artisans et chefs d’entreprise (8,8%), des ouvriers ainsi des agriculteurs exploitants (5,3%). Par ailleurs, le pourcentage de retraités (28,1%) reste élevé par rapport à celui des actifs [Insee, Portrait démographie et conditions de vie – Couples-Ménages-Familles, Taurinya, [en ligne], 2017].

LE CADRE NATUREL

Caractéristiques paysagères et hydrauliques

Le village de Taurinya d’une altitude moyenne estimée à 545 mètres environ, est compris dans un vaste territoire de 1450 hectares, situé sur le versant Nord du Canigou. Il est délimité au Sud par le Pic du Canigou (2784 m d’altitude) et la Crête du Barbet (2712 m). Le Pic Joffre (2362 m) situé à l’Ouest, est le point de jonction entre les communes de Taurinya, Fillols et Vernet-les-Bains. De plus, le Col de Millères localisé à 843 m d’altitude au Sud des mines du Salver, créé la limite communale Taurinya-Fillols. Plusieurs points culminants forment la limite Est, tels que le Roc Mosquit (1901 m), la Soucarrade (2044 m) et le Ras dels Cortalets (2055 m). Le Nord-Est comprend par ailleurs le Serra de Feixans (756 m), ainsi que le Col de Clara (654 m). La route D27, accessible depuis Prades, est la principale voie d’accès qui permet de desservir le village. Elle traverse le territoire de Codalet, dont l’abbaye de Saint-Michel-de-Cuxa constitue la limite Nord de Taurinya. Cette voie rejoint également la commune de Fillols au Sud-Ouest. Enfin, Toute la partie Sud du territoire est ponctuée de refuges, étagés au cœur du Massif du Canigou entre 1600 m et 2150 m d’altitude. Ceux-ci sont compris dans la forêt domaniale du Canigou, riche en bois résineux (sapin, pin sylvestre).

La commune de Taurinya est localisée dans la vallée de la Llitera, dont la rivière de même nom prend sa source à 2500 m d’altitude sur la Costa de Sant Jaume et se jette dans le fleuve la Têt. Ce cours d’eau est également alimenté par des correcs (ravins), dont celui de Vall Panera. Au Nord du territoire se trouve le canal (ou Rec en catalan) de Bohère, construit entre 1864 et 1881 sur la rive droite de la Têt [MERCADER, 1933, 125 pages]. Long de 42 km, il permet l’irrigation de nombreuses terres entre Serdinya (Haut-Conflent) et Los Masos. En Août 1870, le canal est achevé sur 19 km de long, entre Serdinya et Saint-Michel-de-Cuxa (commune de Codalet). La localité de Taurinya est en partie traversée par le canal de Bohère, ponctué d’ouvrages d’art maçonnés. Si ceux-ci ont été relativement épargnés par les aléas climatiques, le canal apparaît en mauvais état au 20e siècle. De ce fait, sa modernisation s’est faite dans le courant du siècle, notamment entre 1932 et 1933, par les architectes Félix Mercader et Bernard Banyuls [MERCADER, 1933, p.79]. Un plan effectué en 1933 par l’ingénieur T.P.E. de Prades, Monsieur Sarrail, projette les problématiques rencontrées sur le canal par commune. La portion du canal présente à Taurinya se révèle être en très mauvais état, en raison des importants mouvements de terrain et des épisodes intenses de pluie, qui fragilisent la structure. Les travaux ont donc consisté à remplacer le bâchage initial en bois, par un bâchage en béton armé.

Comme de nombreux autres villages du Conflent qui bénéficient d’un réseau hydraulique important, celui de Taurinya possédait plusieurs moulins à farine. Leur construction témoigne d’un mode de vie tournée vers l’autoconsommation, jusque dans la première moitié du 20e siècle. En effet, leur activité cessa dans les années 1923 [CATHALA-PRADAL, CHRISTOFOL, NICOLAU, 1999, p.62]. L’état des moulins à farine en Conflent dressé en 1741 mentionne l’un de ces moulins, possédé par un roturier de Taurinya du nom de Jean-Pierre Bonneil. Son produit annuel moyen également indiqué, est estimé à 50 livres [ROSENSTEIN, Revue Conflent, 1989, pp. 33, 34 et 35]. L’édifice aurait appartenu à la famille Bonneil depuis l’année 1660, marquée par le décès accidentel de Joan Pere Bonneil tombé d’un noyer [CATHALA-PRADAL, CHRISTOFOL, NICOLAU, 1999, p.22]. Ce moulin correspond à celui bâti en pente sur la rive droite de la Llitera et au Sud de la commune, actuellement en état de ruine.

Patrimoine vernaculaire et agropastoralisme

L’élevage constitue jusqu’au 20e siècle une des principales activités économiques de Taurinya, notamment à travers la transhumance, qui consistait à effectuer des déplacements de troupeaux vers les hauts pâturages. Ceux du lieu de Llasseres ont été pendant des siècles utilisés pour l’estive, conduisant à l’aménagement d’un véritable village pastoral. Les droits de pacage sur le territoire sont perçus dès le haut Moyen Age par l’abbaye de Saint-Michel-de-Cuxa, qui détenait les pasquiers (vaste étendue de pâturages) de Llasseres [Association « Vall de Cuixà », 1994, p.3]. Cependant, les habitants des villages de Clara et de Taurinya pouvaient bénéficier de droits d’usage, appelés « empriu » en catalan, qui leur permettaient de faire paître librement le bétail. Le premier recensement des troupeaux de Taurinya en date de 1720, fait état de 655 bêtes pour 30 feux [CATHALA-PRADAL, CHRISTOFOL, NICOLAU, 1999, p.27]. En 1852, le cheptel compte 3000 bêtes et diminue à 150 en 1883, puis à 8 bovins en 1970 [A.D.P.O., C. 2010 et 163 AC.5].

Le site de Llasseres, situé entre 1200 et 1500 mètres d’altitude, est accessible depuis Taurinya par les sentiers de « Les Costes » et du « Ramá ». Son caractère remarquable est lié à la conservation de plusieurs types de constructions pastorales en pierre sèche, qui possédaient des fonctions bien spécifiques. Les corrals visibles à Llasseres, sont des parcs ou enclos à bestiaux, pouvant délimiter d’autres ouvrages, dont les cabanes [BASSEDA, Revue Terra Nostra, Numéros 73 à 80, 1990, p.608]. Ces cabanes sont des constructions rudimentaires utilisées en tant qu’abri pour les bergers, édifiées sur un plan circulaire. Leur voûte en encorbellement est composée de pierres disposées en porte-à-faux, créant ainsi un léger décalage entre elles. De plus, la couverture en fausse coupole a la particularité d’être terminée par de grandes dalles de pierre. L’étanchéité de la cabane est assurée par une couche supérieure de fumier et de terre, appelée « el terrat » [CATHALA-PRADAL, CHRISTOFOL, NICOLAU, 1999, p.30]. A l’intérieur se trouve quelques éléments rudimentaires, telles que les banquettes de pierres pour le repos du berger, ainsi que des niches aménagées dans l’épaisseur du mur, utilisées en tant que placard. Plusieurs cortals, bâtiments destinés à l’élevage et utilisés pour abriter les animaux ainsi que le stockage du fumier, sont également conservés sur le site [BASSEDA, Revue Terra Nostra, Numéros 73 à 80, 1990, p.73]. Il s’agit de bâtiments rectangulaires, comprenant pour certains d’entre eux un pilier central qui permettait de soutenir la toiture. Celle-ci devait être en appentis, comme le suggère l’inclinaison des murs latéraux. La plupart des toitures ont été détruites ou sont endommagées. Pourtant, il est possible de connaître leur matériau de couvrement, puisque plusieurs fragments de tuiles canal sont présents dans les décombres. De plus, l’étude apportée par l’association Vall de Cuixà, indique que les toitures devaient être majoritairement couvertes de lauses ou de branchages [CATHALA-PRADAL, CHRISTOFOL, NICOLAU, 1999, p.29]. Enfin, l’orri est le dernier type de construction observée à Llasseres. Selon la définition toponymique, l’orri désigne une cabane de berger utilisée pour conserver le lait et les fromages. Par ailleurs, le nom est très ancien puisqu’il apparaît en Catalogne dès le 10e siècle [BASSEDA, Revue Terra Nostra, Numéros 73 à 80, 1990, p.75]. Sur le site, les orris de grandes dimensions, sont développés sur un plan rectangulaire. Ils servaient essentiellement à stocker les fromages, ainsi que les grains jusqu’à leur consommation [CATHALA-PRADAL, CHRISTOFOL, NICOLAU, 1999, p.30]. Ces orris, devenus par la suite des bergeries, ont une typologie qui rappelle celle des cabanes (ouverture à l’Est, couverture étanche grâce à une couche de fumier, de terre et de gazon), malgré leur différence de taille et de voûtement. En effet, les orris ont une voûte formant un vaisseau de pierres, qui ressemble à une coque de bateau retourné.

En dehors du site de Llasseres, les constructions en pierre sèche sont présentes sur l’ensemble du territoire de Taurinya, dont les cortals pour abriter les animaux. Ceux-ci se multiplient au cours de l’époque Moderne, en raison d’une importante hausse de l’activité pastorale [Panneau signalétique patrimonial, Taurinya, 2000 ans de vies au pied du Canigó, Le cortal du Clot del Baladre, 2018]. Au 19e siècle, ces bâtiments sont toujours aussi nombreux, comme l’atteste leur mention sur le cadastre de 1810. Deux cortals indiqués sur le plan napoléonien du nom du nom d’en Felip, appartenaient à une famille de notables active à Taurinya au début du 18e siècle.

Matériaux de construction

La géologie présente sur le territoire étudié est d’une grande diversité. En effet, les points bas de Taurinya sont situés à proximité de dépôts torrentiels de l’époque miocène, formés de gros blocs de gneiss. Ce dernier matériau se retrouve dans tout le massif du Canigou, avec la particularité d’être à grain fin. Le gneiss côtoie des zones granitiques, formées au Sud du territoire. Ces deux matériaux sont majoritairement présents dans le bâti de Taurinya et ont été utilisés dès l’époque médiévale. Les édifices religieux recensés ont la particularité de posséder des encadrements de baies en pierres taillées dans du leucogneiss et leucogranite fin, dont la couleur claire permet d’apporter une certaine forme d’esthétisme [LAUMONIER, 2005, p.491]. Le marbre est un matériau noble, très peu présent dans l’architecture de Taurinya. Il se retrouve dans le bâti religieux, notamment à l’entrée de l’église Saint-Fructueux. Différents types de marbres ont été employés, tels que le marbre calcaire de couleur blanche et veiné de gris, ainsi que le marbre rouge sombre, issu du minerai de fer local [LAUMONIER, 2005, p.487].

L’habitat traditionnel de Taurinya est majoritairement constitué d’une maçonnerie à moellons de granit, gneiss et schiste, liés à du mortier de chaux ou ciment. Ce modèle constructif se retrouve sur les façades des fermes sur cour et dépendances agricoles. En effet, le mortier employé vient recouvrir partiellement la maçonnerie, fragilisée par l’absence d’enduit couvrant. De plus, les constructions les plus anciennes ont un mortier de hourdage en terre, comme c’est le cas d’une grange située en bordure de la rue del Vidri. Enfin, les granges possèdent un encadrement similaire, formé d’un linteau bois brut, ainsi que des jambages en cayrou. Ce dernier matériau se retrouve au niveau des chaînes d’angle, qui sont généralement harpées. A Taurinya, la maison de journalier traditionnelle comprend un enduit « à pierres vues », qui laisse apparaître la tête des moellons de pierres. Quelques rares habitations conservent ce type de maçonnerie, avec des menuiseries de fermeture de mise en œuvre simple et des encadrements de baies à linteau droit en bois. Tout comme les quelques maisons bourgeoises présentes dans le village, l’habitat de journalier a été repris entre la fin du 19e siècle et le 20e siècle, par application d’un enduit en façade principale et ordonnancement des baies. L’embellissement se traduit également par la réalisation de décors d’enduit sculpté en bas-relief, comme c’est le cas des habitations n°15 et n°17 rue de l’Oratori. Les portes d’entrées sont soulignées par une décoration végétale, qui encadre un monogramme formé de lettres entremêlées (initiales des anciens propriétaires). Ces décors sont à rapprocher de ceux réaliser à Prades dans la première moitié du 20e siècle, par le peintre et décorateur Joachim Eyt (1872-1948). Les transformations du bâti au cours du 20e siècle sont également perceptibles à travers le réemploi de matériaux provenant des mines exploitées, tels que les anciens rails présents en façade principale de l’habitation n°11 place de la république. Par ailleurs, certains garde-corps du 19e siècle sont traités en fer forgé.

Enfin, le bâti de Taurinya se caractérise par la généralisation de couvertures en tuiles canal, maçonnées sur voliges. Plusieurs habitations possèdent un débord de toiture porté par des chevrons bois taillés (mur gouttereau), dont la disposition rappelle l’architecture de moyenne et haute montagne. De plus, ce type de débord est parfois maintenu par des aisseliers en bois ou béton, directement influencés du style anglo-normand de la Belle-Epoque.

FORME URBAINE

Implantation du bâti

Taurinya se trouve au carrefour d’anciens chemins de communication, que sont les chemins de Clara, de Fillols à Taurinya et de Codalet. Jusqu’à la fin du 19e siècle et la première moitié du 20e siècle, l’accès aux habitations s’effectue par un axe structurant, matérialisé par les actuelles rues del Balc, de la Portalada et d’Avall. Cette dernière était reliée avec l’ancien chemin de Codalet, par la suite délaissé au profit du Camí del Canigo (actuelle D27). De ce fait, le bâti s’est formé de manière plus ou moins diffus le long d’un unique axe, puis en bordure des rues reliées à celui-ci. Par ailleurs, l’économie locale longtemps tournée vers l’autoconsommation, a conduit à cultiver les jardins au plus près de l’habitat. La configuration actuelle du village est donc grandement liée à l’existence de ces anciennes parcelles, dont plusieurs d’entre elles n’ont pas été urbanisées. Le cadastre de 1810 permet de visualiser la répartition des jardins, au côté des terres agricoles. De même, les prés ont une position stratégique, à proximité de la rivière de la Llitera. Pour autant quelques groupements d’habitations sont perceptibles au niveau de l’église paroissiale Saint-Fructueux, de la place de la République et au départ de la rue d’Avall au Nord du village.

Cette implantation pourrait s’expliquer par la formation de quartiers au siècle de la renaissance, comme l’atteste un acte de 1546 qui mentionne l’existence de barris (faubourgs) à Taurinya [Cazes, Revue Conflent, Numéro 47, 1968, p.11]. Les barris constituent très certainement des extensions réalisées postérieurement à la construction d’une ou de plusieurs fortifications, identifiées dans les textes au 14e siècle (mention d’un castrum). Plusieurs éléments visibles depuis l’espace public, permettent d’identifier la présence de fortifications. La place de la République est prolongée au Nord par la rue de la Portalada, dont la toponymie se rapporte à l’existence d’une ancienne porte (accès à l’enceinte fortifiée ?). Son emplacement pourrait correspondre à l’actuelle habitation n°4 de la rue, qui possède un voûtement en plein cintre dans l’épaisseur d’un mur. Plus en amont dans le village, l’habitation n°9 (0A 183) de la rue Carrer Fumat conserve un départ de voûte, dont la forme rappelle celle de la précédente. Celle-ci pourrait se référer à l’existence d’une muraille mentionnée dans les textes au 18e siècle, comme l’indique un acte de vente daté du 13 Avril 1763. Celui-ci mentionne en effet la « vente d’un « casal » entouré de muraille au lieu-dit Carrer Fumat, entre Gérôme Nicolau, brassier, et sa femme Juste Galart, ainsi que Joseph Mestres, tailleur, pour la somme de 99 livres, monnaie de France » [Cazes, Revue Conflent, Numéro 47, 1968, p.23]. Dans le prolongement de la rue Carrer Fumat, l’habitat présent entre les rues de l’Oratori et del Balc présente des bases talutées massives. De plus, la maison n°18 rue del Balc qui appartenait autrefois au céramiste François Miró, possède en façade sur rue des contreforts en saillie, pouvant se rapporter à des vestiges de fortifications. Par ailleurs, cette habitation aurait conservé à l’intérieur un fragment de claveau sculpté en marbre blanc et rose de Villefranche-de-Conflent, décoré d'animaux dans un rinceau et de rosettes entrelacées d'un ruban perlé (intrados). Ce claveau serait daté du 12e siècle et proviendrait de la tribune de Saint-Michel-de-Cuxa [POP, Base Palissy, 1992]. A partir de l’identification de ces éléments, il est possible de tracer de manière hypothétique des portions de fortifications. Celles-ci semblent d’être développées dans un premier temps non loin de l’église, puis en zone périphérique.

La place de la République constitue le cœur du village, qui comprenait au 20e siècle deux cafés (Limeul et Martrillo) sur trois. En effet, l’un d’eux, le café Misou, se trouvait au niveau de la rue de la Portalada (actuelle n°10). Ces lieux constituaient des lieux de sociabilité importants, notamment le café Limeul, qui abritait un espace de projection cinématographique [CATHALA-PRADAL, CHRISTOFOL, NICOLAU, 1999, p.76]. Le bâti développé de part et d’autre de la place, présente des façades reprises par ordonnancement entre la fin du 19e siècle et le 20e siècle.

Le groupement bâti identifié qui se trouve de part et d’autre de l’église Saint-Fructueux, constitue le point de jonction entre les rues de l’Esglèsia, del Balc et de Sant Valentí. Aussi, la position dominante de l’édifice par rapport au reste du village, lui confère un rôle stratégique important. Comme de nombreux villages du Conflent et du Roussillon, le cimetière primitif se trouvait autour de l’église. Selon Jeannot Christofol (ancien habitant mineur de Taurinya), il aurait été entretenu jusque dans les années 1945 [CATHALA-PRADAL, CHRISTOFOL, NICOLAU, 1999, p.77]. Des travaux réalisés en 1963 non loin de l’église, ont permis de découvrir des tombes funéraires d’époque médiévale. En effet, la dépêche datée du 23 Octobre de la même année, indique « qu’en procédant à l’élargissement du chemin de Clara, les ouvriers ont mis à jour des sépultures dont l’âge se situerait entre le Ve et le XIe siècle ». Par ailleurs, « l’absence d’objets funéraires ne permet pas de donner de plus amples précisions » [CATHALA-PRADAL, CHRISTOFOL, NICOLAU, 1999, p.12]. Actuellement, le cimetière se trouve dans la zone périphérique Ouest de Taurinya (rue de la Torre, ancien chemin de Taurinya à Fillols). Ouvert depuis 1900, ce cimetière s’est principalement agrandi à partir des années 1940 [CATHALA-PRADAL, CHRISTOFOL, NICOLAU, 1999, p.77].

La dévotion au village était très importante au 19e siècle, comme l’atteste la présence à cette époque de plusieurs oratoires, dont trois chapelles dédiées à la Vierge Marie [Cazes, Revue Conflent, Numéro 47, 1968, p.18]. Ces édicules pouvaient être implantés en bordure des anciens chemins de communication, comme c’est le cas de l’oratoire Saint-Vincent, localisé au niveau du Chemin de Clara. Il s’agit d’une construction monolithe de plan carré, maçonnée en moellons de gneiss et schistes liés à la chaux. Il comprend en son centre une niche carrée, à débord et linteau supérieur en pierre de schiste équarri. La niche, protégée par une grille métallique, abrite des céramiques qui illustrent les scènes de la vie de Saint-Valentin, réalisées au 20e siècle par le céramiste François Miró (1907-1988) [Exposition. Saint-Michel de Cuxa. 2007, p.27]. Cet artiste présente des liens de parenté avec le peintre catalan Joan Miró. Réfugié espagnol au moment de la Retirada, il est libéré le 4 Juin 1941, en partie grâce au soutien du musicien Pablo Casals. François Miró commence la céramique à partir de 1947 et s’installera un an plus tard à Taurinya [A.D.P.O : Miro, François, réfugié espagnol (1940-1941)].

Le bâti développé le long de la route D27 (Camí del Canigó) a commencé à s’urbaniser entre les années 1930 et 1940, avec le développement d’un habitat ouvrier. Ce dernier s’est formé dans la continuité de la rue Nou, qui présente des habitations caractéristiques du mouvement ouvrier de la première moitié du 20e siècle. Par ailleurs, cette rue n’existait pas encore au début du 19e siècle, comme l’atteste le cadastre napoléonien. Entre les années 1950 et 1960, de nouvelles habitations sont construites le long de la route D27 et s’organisent sur de grandes parcelles. L’extension périphérique Ouest de Taurinya est véritablement observée à partir des années 1970, notamment au niveau des actuels lieux-dits La Tinada et La Colomina d’Avall, avec le développement d’un habitat pavillonnaire.

Typologies de l’habitat

Le village de Taurinya a la particularité de posséder des typologies architecturales diverses, qui peuvent être classées en fonction des besoins liés à la société rurale et du niveau de vie des habitants. En effet, l’habitat traditionnel observé dans le village est la maison de journalier ou d’ouvrier, développée sur une parcelle profonde et étroite. La construction est généralement dépourvue de terrain et occupe l’intégralité de la parcelle. De plus, une à deux travées de baies sont présentes en façade principale sur rue. Ces travées sont majoritairement agencées sur trois niveaux, avec un rez-de-chaussée à porte accessible par quelques marches. Le premier étage abrite les principales pièces à vivre, dont la salle commune avec cuisine. Celle-ci regroupait à l’origine tous les équipements domestiques utilitaires, tels que la cheminée et les espaces de rangements intégrés dans la maçonnerie intérieure. A l’origine, les chambres étaient réparties entre les deux étages supérieurs, dont le dernier pouvait aussi servir de grenier de séchage. Ce dernier a par la suite bénéficié de transformation, notamment pour aménager une terrasse. Enfin, la toiture a la particularité d’être en appentis ou à deux pentes. La plupart de ces habitations possédait un four à pain, reconnaissable depuis l’espace public par une forme demi-circulaire en saillie. Il fonctionnait généralement à proximité de la cheminée de cuisine, dont les cendres recueillies permettaient de faire la lessive. Très peu d’édicules de ce type a pu être conservé, en raison de leur abandon progressif dans la première moitié du 20e siècle et de l’état de délabrement de leur support en bois [CATHALA-PRADAL, CHRISTOFOL, NICOLAU, 1999, p.63]. Le pain était produit grâce au blé moulu dans les moulins hydrauliques, qui ont fonctionné jusque dans les années 1923. Toutefois, les habitants qui s’étaient constitués des réserves de farine, continuaient à produire leur propre pain jusqu’en 1925 [CATHALA-PRADAL, CHRISTOFOL, NICOLAU, 1999, p.62]. Quelques façades sur rue gardent également d’anciens supports de séchoir à fruit en schiste, comme l’habitation n°1 rue de la Portalada. La consommation de fruits était en effet très importante au cours des 19e et 20e siècles, dont la figue, utilisée en tant qu’aliment de base [CATHALA-PRADAL, CHRISTOFOL, NICOLAU, 1999, p.63].

L’absence de bâti contigu de type grange influence l’architecture de la maison de journalier, dont le rez-de-chaussée pouvait servir de remise agricole. Cette typologie est présente au 19e siècle, comme l’indique l’Inspecteur de l’enseignement primaire Auguste Taillefer, dans un ouvrage écrit en 1891. En effet, il explique que « les poules et le porc (sont) dans un réduit situé, le plus souvent, au-dessous de la cuisine » [TAILLEFER, 1891, 112 pages]. Pour autant, ce type de distribution a progressivement été supprimé, au profit de l’aménagement de pièces à vivre au rez-de-chaussée. Une ancienne habitation ruinée jouxtant la maison n°3 rue Del Vidri, permet de visualiser l’entrée de la remise d’origine, positionnée en retrait d’un escalier droit.

Avec le développement de l’agriculture au 19e siècle, des bâtiments à vocation agricole se construisent à l’écart des maisons d’habitations. Ces édifices sont des remises agricoles appelées cortals [Revue Maisons Paysannes de France,[en ligne] Numéro 119, 1996, p.9], qui ont la particularité d’être construites à l’écart de l’habitat. Les cortals ont généralement une travée de baies axées aux dimensions décroissantes vers le haut, avec des ouvertures à lames verticales en bois. Leur maçonnerie est généralement laissée plus ou moins apparente, pour des raisons économiques. Ces édifices se retrouvent dans le cœur du village mais également en bordure du Camí del Canigó.

La seconde typologie observée sur le terrain est la ferme enclose sur cour, dont le modèle présent à Taurinya est influencé de l’architecture des territoires de Cerdagne et Capcir. Au sein du village, l’implantation de ce type d’habitat est liée au développement de l’élevage ovin et des activités traditionnelles, telle que la production de lait et de fromage. De manière générale, la ferme dispose d’une enceinte protectrice, qui encadre une cour de grande dimension. Cette enceinte est formée d’un mur maçonné, constitué d’un large portail à encadrement surbaissé en cayrous. Le corps de bâtiment relatif à l’habitation, est majoritairement juxtaposé avec les bâtiments agricoles. Ces derniers, ont pour fonction d’abriter le fourrage ainsi que le matériel. Leur toiture en appentis ou à double pente, est portée par une charpente apparente en bois. D’imposants piliers en moellons ou en cayrous permettent de soutenir la charpente. En effet, l’importante volumétrie de ces bâtiments impose la mise en place de dispositifs de maintien. La partie habitable s’élève généralement sur trois niveaux et est couverte par une toiture à double pente. De plus, la façade principale sur cour dispose au minimum de trois travées de baies ordonnancées, dont les encadrements d’origine en granit ont été remplacés. Elle se distingue des façades sur rue, qui présentent des ouvertures plus réduites. Tout comme la maison de journalier, l’étable se trouve au rez-de-chaussée, la salle commune au premier étage et les chambres au second étage. L’accès au premier étage peut s’effectuer par un emmarchement de pierre à perron. En dehors de la ferme enclose sur cour, le bétail pouvait être parqué dans des patis, sorte de basse-cours située en avant ou à l’arrière de l’habitation. Ceux-ci sont encore présents au 19e siècle, comme l’atteste le cadastre napoléonien. Les anciens patus ont été progressivement transformés en jardins privatifs ou cours intérieures.

La troisième typologie visible à Taurinya est celle de la maison bourgeoise, développée entre la fin du 18e siècle et le 20e siècle. Ces époques sont en effet marquées par le développement de l’industrie minière et d’une petite et moyenne bourgeoisie locale, essentiellement constituée de commerçants et de cultivateurs aisés. Quelques habitations localisées en cœur de village vont ainsi se démarquer, en raison de leur importante volumétrie. Elles se caractérisent par un ordonnancement des façades, comportant des baies agrémentées d’éléments architecturaux (garde-corps, utilisation de la pierre de taille). Tout comme la maison de journalier, le bâti se développe sur un rez-de-chaussée et deux niveaux, même si des surélévations ont été observées. De plus, la remise ou la grange est soit détachée de l’habitation, soit intégrée de manière discrète au rez-de-chaussée.

La dernière typologie présente concerne l’habitat ouvrier pour mineur, dont la construction s’étend des années 1940 à 1960. Malgré une progressive baisse démographique, l’expansion de l’industrie minière se traduit par une hausse des constructions. Les habitations sont édifiées dans un style éclectique, qui mêle l’architecture traditionnelle et régionaliste (maçonnerie apparente en moellons), à des techniques constructives inspirées des édifices de loisir en zone montagnarde (toitures à croupes, chevrons saillants, etc.). Par ailleurs, certaines de ces maisons ouvrières ont des décorations enduites et sculptées, qui permettent d’apporter un caractère ornemental. Elles se sont principalement développé le long de la route D27 et de la rue Nou. Enfin, le bâti de Taurinya présente de manière générale des façades principales qui correspondent au mur gouttereau. De plus, de nombreuses habitations sont terminées par une toiture à une pente, tout comme les constructions agricoles de type grange.

Patrimoine industriel : les mines de fer du Salver

L’exploitation du minerai de fer sur le territoire de Taurinya est très ancienne, telle que l’atteste l’existence d’une station romaine active entre les 2e avant J.-C. et 3e après J.-C. L’activité métallurgique est en effet importante dans le massif du Canigou dès l’Antiquité, notamment avec le développement des ferriers implantés à proximité de sites d’extraction du minerai à ciel ouvert. C’est le cas du lieu-dit Lo Salver, qui comprend les vestiges d’une importante exploitation minière. Tout comme de nombreuses forges ou moulines de fer, les gîtes miniers de Taurinya ont appartenu à l’abbaye de Saint-Michel-de-Cuxa jusqu’à la fin du 18e siècle [IZARD, Archéologie du Midi Médiéval, Tome 12, 1994, p.119]. Nationalisées après la révolution française, les mines deviennent en 1803 la propriété de Raymond Rivals, alors maître de forges [Panneau signalétique patrimonial. Site minier du Salver - Taurinya. Une exploitation millénaire. 2018]. Celles-ci sont intégrées dans la concession minière de Fillols-Taurinya, considérée comme étant la plus grande du département. Le minerai ainsi extrait, permettait d’alimenter des forges du département de l’Aude, ainsi que les hauts-fourneaux de Ria.

Grâce aux documents personnels d’Ernest Calluyere recueillis par l’association Les amis de la route du fer, il est possible de connaître le mode d’exploitation du site minier au cours du 20e siècle ainsi que les caractéristiques du minerai de fer extrait [Revue Le fil du Fer, Numéro 18, 2016, pp.41-50]. En effet, le minerai exploité était constitué de carbonate de fer à hauteur de 39% à 41% ainsi que de 2% de manganèse. Dans la seconde moitié du 20e siècle, le gisement du minerai de fer comprenait trois gîtes (n°1, n°1 bis et n°2) [Revue Le fil du Fer, Numéro 18, 2016, p.41]. La récupération du minerai s’effectuait grâce à la technique de l’abattage à l’explosif, qui consistait à creuser des galeries d’allongements à partir de couloirs ou de cheminées. Une fois extrait, le minerai était chargé dans des berlines de 500 litres, amenées en sortie de mine par un locotracteur Diesel sur une voie de rail [Revue Le fil du Fer, Numéro 18, 2016, pp.41-42]. Ces berlines prenaient ensuite la direction d’un culbuteur, afin de renverser le minerai dans des tublings (glissières) puis dans une trémie en béton. Le minerai était ainsi stocké temporairement dans la trémie, placée en contrebas du culbuteur et des glissières.

Le transport du minerai en direction de la gare de Ria ou des Mines de la Têt à Sahorre, s’effectuait à partir de camions semi-remorque [Revue Le fil du Fer, Numéro 18, 2016, pp.41-42]. Avant l’expédition aux Mines de la Têt, le minerai extrait devait être préalablement traité dans des fours à grillage (ou à griller). L’opération de grillage consistait à enlever les matières comme le quartz, qui constituaient des impuretés, mais également d’éliminer le gaz carbonique du minerai [Revue Le fil du Fer, Numéro 16, 2014, p 47]. Ainsi, la baisse de la teneur en fer estimée à environ 55%, permettait de réduire le tonnage à transporter, qui était acheminé vers les hauts-fourneaux de la région lyonnaise [Revue Le fil du Fer, Numéro 18, 2016, p.42].

Deux fours à griller sont conservés sur le site minier du Salver. Le plus ancien, situé à 726 m d’altitude, fut construit en 1887 au niveau 727 [Syndicat Mixte Canigó Grand Site]. De structure conique, sa maçonnerie extérieure est en pierres de gneiss et granit, liées à du sable. Il a la particularité d’être surélevé sur une plate-forme, qui comprend à la base quatre ouvertures voûtées en plein cintre et en briques. A l’arrière du bâtiment se trouve une dernière voûte, dégagée dans les années 2000 grâce à l’association d’insertion professionnelle El Mener. Elle correspond certainement à un autre four à griller, qui fonctionnait de pair avec le précèdent (système de réchauffement et de refroidissement). Le second four érigé au début du 20e siècle au niveau 740 [Syndicat Mixte Canigó Grand Site], est en très bon état de conservation. En effet, son utilisation fut réduite, en raison de la fermeture temporaire de l’exploitation minière en 1928. Tout comme le précèdent four, il est bâti à l’intérieur en briques réfractaires, afin de garder une température élevée. Son terre-plein est maçonné en pierres locales, disposées en assises plus ou moins régulières. Il dispose de trois grandes ouvertures en plein cintre, encadrées de cayrou. Le fût du four, également de forme conique, dispose d’une maçonnerie extérieure en briques, maintenue par un cerclage en fer. Un plancher maçonné sur une voûte vient surélever la sole du four, afin de protéger de l’humidité du sol. De plus, plusieurs orifices de ventilation sont présents sur la cuve pour assurer une bonne combustion. En face du four à griller se trouve un bâtiment à maçonnerie extérieure apparente, contenant des restes de bobines électriques, des moteurs à compression utilisés pour la combustion et la ventilation, ainsi qu’un socle destiné à accueillir un générateur [Syndicat Mixte Canigó Grand Site]. En effet, il s’agit de l’ancienne centrale électrique, qui était reliée à l’usine hydroélectrique de Balaig, construite en 1916 et implantée dans une gorge de la Llitera.

Le fonctionnement de ces fours à griller est identique à ceux présents sur les autres territoires miniers, tel que Baillestavy. En effet, le minerai était déversé par l’ouverture principale des fours (partie sommitale) appelée geulard, pour atteindre le foyer central. Une trémie située au même niveau que le geulard, permettait le basculement des wagonnets chargés en minerai. Afin d’alimenter le feu du foyer, ce dernier était rempli par des couches successives de minerai cru et de charbon de bois. Par la suite, le minerai traité et réduit était récupéré par les ouvertures en plein cintre du soubassement, à l’aide d’un ringard (crochet). Au cours du 20e siècle, plusieurs bâtiments annexes à la concession minière de Taurinya sont édifiés sur le carreau de la mine, dont des ateliers pour la réparation des wagonnets, des écuries et deux bâtiments pour les contremaîtres. L’un de ces derniers comprend une niche pyramidale en béton et cayrou, qui permettait d’entreposer les explosifs. Tout comme l’ancienne centrale électrique, les arases ont été consolidées par le chantier d’insertion El Mener dans les années 2000. Tous ces bâtiments sont partiellement conservés (toitures disparues) et les murs porteurs sont maçonnés en moellons de schistes et de gneiss cerclés par des joints au ciment. Enfin, d’autres bâtiments utilitaires ont été construits au 20e siècle entre 670 et 690 m d’altitude, dont la maison du directeur comprenant des douches et la cantine des mineurs.

Documents d'archives

  • Syndicat Mixte Canigó Grand Site. L’espace Docs du Canigó. Fonds Brigitte Fort. Prises de vues originales (1988-1998). Taurinya. [en ligne], https://canigo-grandsite.fr

    1988-1998
  • A.D 66 : 53J322 : Pré-Inventaire - Commune de Taurinya : enquête, chapelle Saint-Valentin, église Saint-Fructueux, pré-inventaire manuscrit.

    AD Pyrénées-Orientales
  • A.D 66 : 4 V47 : église : Agrandissement : 1 plan (1839), Travaux réalisés au presbytère – Attribution, réparation (an XII – 1835).

    AD Pyrénées-Orientales
    1839
  • A.D 66 : 163 AC4 : Travaux d’agrandissements de l’église paroissiale.

    AD Pyrénées-Orientales
  • A.D 66 : BIB15116 : Regards sur les villages : Taurinya.

    AD Pyrénées-Orientales
  • 116W64 : Taurinya : église – 1965 : Restauration du clocher : travaux de maçonneries.

    AD Pyrénées-Orientales
    1965
  • 116W64 : Collection des documents iconographiques numérisés sur la Retirada et les camps d’internement, Miro, François, réfugié espagnol (1940-1941).

    AD Pyrénées-Orientales : 116W64

Bibliographie

  • 2005
  • ALART, Bernard. Cartulaire Roussillonnais [en ligne]. Perpignan. Éditions Charles Latrobe. 1880, 125 pages.

    1880
  • 1868
  • BÉCAT, Pierre. Le Crime du Curé de Nohèdes. Nouvelles Éditions Latines. 1981. 158 pages.

    Médiathèque de Prades
    1981
  • CATHALA-PRADAL, Sophie, CHRISTOFOL, Jeannot, NICOLAU, Bernard. Taurinya. Fragments de la vie d’un village du Canigou. Association Vall de Cuixà. 1999. 119 pages.

    Médiathèque de Prades
    1999
  • 1977
  • CAZES, Albert. Guides touristiques des Pyrénées-Orientales. Prades. 1969. 86 pages.

    Médiathèque de Prades
    1969
  • 2007
  • 2005
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  • MORIN, Bruno. L’habitat traditionnel des Pyrénées catalanes, Le connaitre et le restaurer. Parc naturel régional des Pyrénées-Catalanes. Carbonne : Nouvelles Éditions Loubatières. 2014. 119 pages.

    Médiathèque de Prades : LD 690 MOR
    2014
  • 1996
  • 2007
  • Association « Vall de Cuixà ». L’architecture pastorale dans la vallée de la Llitera : la zone de Llasseres, un village de bergers en Conflent. 1994. 19 pages.

    1994
  • DELARIS, Floriane. Mémoire Master II professionnel, Gestion et Conservation du Patrimoine. François Miro, sa maison, son œuvre. Université de Perpignan Via Domitia. Faculté des Lettres et Sciences Humaines. S-d. 56 pages.

Périodiques

  • Association Les amis de la route du fer. Le fil du Fer. Numéro 19. Baillestavy. 2017. 52 pages.

    Médiathèque de Prades
    2017
  • Association Les amis de la route du fer. Le fil du Fer. Numéro 18. Baillestavy. 2016. 64 pages.

    Médiathèque de Prades
    2016
  • 2014
  • 1990
  • 1973
  • CAZES, Albert. Revue Conflent. Taurinya. Numéro 47. 1968. 23 pages.

    Médiathèque de Prades
    1968
  • 1981
  • 1981
  • LAPASSAT, Robert. Revue Conflent. L’industrie du fer dans les Pyrénées orientales et ariégeoises au XIXe siècle. I – Les forges catalanes. Numéro 120. 1983. 95 pages.

    Médiathèque de Prades
    1983
  • 1980
  • 1989

Documents multimédia

  • FONT, François. Histoire de l'abbaye royale de Saint-Martin du Canigou (diocèse de Perpignan) ; suivie de la Légende et de l'Histoire de l'abbaye de Saint-André d'Exalada. [en ligne]. Perpignan. Imprimerie de Charles Latrobe. 1903. 254 pages.

    1903
  • Lien URL : https://www.persee.fr/doc/amime_0758-7708_1994_num_12_1_1258

    1994
Date(s) d'enquête : 2021; Date(s) de rédaction : 2021
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(c) Inventaire général Région Occitanie