• inventaire topographique
palais des rois de Majorque
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Inventaire général Région Occitanie

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Pyrénées-Orientales
  • Commune Perpignan
  • Adresse 4 rue des Archers

Texte d'Henri Pradalier dans le Guide du patrimoine Languedoc-Roussillon.

La construction du palais des rois de Majorque découle de la création par Jacques 1er le Conquérant, roi d'Aragon et comte de Barcelone, du petit royaume de Majorque en faveur de son dernier-né, Jacques. Afin d'affirmer l'existence d'un royaume contesté, Jacques II de Majorque (1276-1311) s'attacha à le doter de tous les signes extérieurs de l'Etat, entre autres d'une série de résidences luxueuses édifiées dans les principales villes. Perpignan fut la première à bénéficier de cette fièvre bâtisseuse qui fut une constante des trois souverains de Majorque jusqu'en 1349. La somptuosité des constructions fut inversement proportionnelle à la puissance et à la solidité de leur état. Après l'annexion du royaume de Majorque, Perpignan perdit son rôle de capitale et la résidence royale se transforma peu à peu en place militaire que les souverains fortifièrent régulièrement au cours des siècles. Louis XI fit construire un boulevard et une citadelle en direction du sud en direction du sud, qui furent restaurés en 1494 par les rois catholiques. En 1538, Charles Quint entoura le vieux palais médiéval d'une citadelle que son fils Philippe II doubla peu de temps après par une nouvelle enceinte. Cet ensemble massif aux puissants murs de brique enserre encore le vieux palais médiéval.

La construction du palais

Avant son accession au trône de Majorque, alors qu'il administrait ses futurs états au nom de son père, l'infant Jacques entreprit de construire sur une colline qui dominait Perpignan et portait de façon prémonitoire le nom de Puig del Rey (colline du roi) un château bâti ex nihilo. Cette circonstance libéra les architectes royaux de toute contrainte, leur permettant de réaliser une œuvre moderne et parfaitement adaptée aux besoins d'un royaume de la fin du 13e siècle. Trois personnages paraissent liés au chantier mais on ignore la part que chacun prit dans l'avancement de l'oeuvre. On doit attribuer à Maître Raimond Pau, lapicide, qualifié dès 1274 de « Magister operis castri Perpiniani », la conception d'ensemble du palais et les premiers travaux. Si le nom de Maître Pons Descoyl, architecte préféré de Jacques 1er, n'est jamais associé dans les textes à la construction du palais, son style se retrouve cependant dans maintes parties, en particulier dans la chapelle, et il est difficile d'imaginer que Jacques 1er, qui lui confiait les chantiers les plus importants de son royaume, n'ait jamais fait appel à lui au cours des travaux. Enfin, Bernard Quer, responsable des œuvres royales des comtés de Roussillon et de Cerdagne sous le règne de Sanche (1311-1324) et de Jacques III de Majorque (1324-1349), intervint à plusieurs reprises au palais royal de Perpignan jusqu'en 1347. Cet ensemble en apparence cohérent fut pourtant édifié assez lentement et subit des transformations tardives. La première campagne de travaux dura jusqu'en 1285. A ce moment, le palais ne comptait pas encore d'étage puisque la chambre du roi, où reposait Jacques II, malade et alité, se trouvait au rez-de-chaussée : le souverain put en effet échapper à son frère le roi d'Aragon lors du siège de 1285 en empruntant l'égout qui passait sous sa chambre que le maître d'oeuvre, opportunément présent, ouvrit en cassant le dallage. En raison du conflit avec l'Aragon, les travaux furent interrompus ou ralentis pendant quelques années. De cette première campagne datent les murs d'enceinte, les salles du rez-de-chaussée et la tour de l'Hommage flanquant au centre l'aile d'entrée, construits en galets de rivière avec chaînage d'angle en pierre de Baixas, et comportant des fenêtres larges en brique et d'autres, étroites, encadrées de pierres de taille.

Les travaux reprirent vers 1295 avec la construction des chapelles, terminées vers 1309, et, à partir de 1300, avec celle des appartements royaux dans l'aile de fond de cour, puis celle des ailes à gauche et à droite de la cour. Dans les maçonneries de cette deuxième campagne, les galets de rivière alternent avec des assises de brique. Un calcaire tendre a été utilisé pour les piliers et le parement intérieur des chapelles, ainsi que pour les baies géminées en plein cintre à modénature gothique. On ne sait à quelle date prit fin cette deuxième campagne, mais l'on estime que Jacques II vit le palais quasi terminé avant sa mort en 1311, son fils Sanche se contentant d'achever ce qui devait l'être, peut-être en utilisant exclusivement la brique. Les modifications commencèrent avec Jacques III, qui ajouta les deux tourelles quadrangulaires au milieu des faces nord et sud et les quatre tourelles d'angle.

  • Période(s)
    • Principale : 4e quart 13e siècle, 1er quart 14e siècle

Texte d'Henri Pradalier dans Le Guide du patrimoine en Languedoc-Roussillon

La distribution du palais

Les quatre ailes répondent à des besoins différents. L'aile d'entrée était réservée à la justice, celle de gauche à l'administration, celle de droite à la diplomatie et à l'apparat, l'aile de fond, de loin la plus importante, à la famille royale et à Dieu.

La partie centrale de l'aile d'entrée, au rez-de-chaussée s'ouvre sur la cour par un vestibule à trois grandes arcades, flanqué de salles aux destinations inconnues. A l'étage, la même ordonnance se répète, où une loggia s'ouvre par six arcades. De là, il est possible de pénétrer dans la tour de l'Hommage, qui comptait plusieurs salles voûtées superposées. Cet ensemble porte le nom de Palais Blanc. Là se trouvait le trône : les souverains y donnaient audience et s'adressaient aux barons et au peuple massés dans la cour.

Au rez-de-chaussée de l'aile gauche, consacrée à l'administration royale, on doit imaginer des bureaux, tandis qu'à l'étage les textes laissent soupçonner la présence de salles plus ou moins solennelles où travaillaient le roi et les principaux officiers du royaume. C'est là que se trouvaient la salle romaine, la salle de cour de Rome, la salle de l'Ysop, la salle des bougies, la salle de la garde-robe à l'extrémité est de l'aile, près des appartements du roi.

L'aile droite offre des dispositions plus simples. Au rez-de-chaussée, un vaste espace aujourd'hui sans cloison abritait les cuisines du palais et, au 15e siècle, un moulin à farine. Leur présence s'explique par la fonction de la vaste salle du premier étage : la salle de Majorque. Occupant la totalité de l'étage tant en largeur qu'en longueur, elle est la grande salle d'apparat du palais, destinée aux fêtes solennelles et aux réceptions officielles d'ambassadeurs ou de souverains. Largement éclairée sur ses longs côtés par des fenêtres à coussièges, elle se termine par une immense cheminée qui servait à chauffer la salle elle-même mais aussi à réchauffer les plats apportés du rez-de-chaussée par un minuscule escalier en vis logé dans l'épaisseur du mur. La salle fut couverte d'une charpente sur arcs-diaphragmes, à l'image de ce qui se pratiquait dans les grands palais contemporains catalans ou languedociens.

Les rois de Majorque donnèrent à l'aile de fond une ampleur solennelle. Sa façade est occupée par deux galeries superposées ouvertes sur la cour. On monte à la galerie supérieure par deux grands degrés plaqués contre les ailes de droite et de gauche. Cette galerie supérieure comptait à l'origine douze arcs brisés et, au centre, un arc en plein cintre. Au 15e siècle, les arcades du côté gauche furent remplacées par des piliers sans caractère qui détruisirent l'équilibre de l'ensemble. Les deux grandes arcades centrales soulignent l'importance du bâtiment qu'elles précèdent : deux chapelles superposées.

Extérieurement, les chapelles gardent un aspect massif et, par leur saillie, participent d'ailleurs à la défense du front postérieur. Consacrée à Marie-Madeleine, la chapelle basse, de plan rectangulaire, se termine par une abside polygonale dont les pans latéraux s'appuient sur deux trompes d'angle. Comme dans tous les édifices gothiques du Midi, les baies n'occupent pas la totalité des murs, ce qu'aurait pourtant permis la technique de la croisée d'ogives utilisée pour le voûtement. On a établi de fausses fenêtres sur les pans coupés de l'abside dont l'espace, normalement réservé aux vitraux, a été peint. Derrière l'abside fut aménagée une petite sacristie de laquelle on pouvait accéder à la chapelle haute.

Consacrée à la Sainte-Croix, celle-ci est plus haute, plus décorée et plus longue que la chapelle basse. Elle offre un plan identique et des dispositions analogues. Les fenêtres restent modestes et les fausses fenêtres à peintures se retrouvent à l'abside. Dans les murs latéraux sont aménagés des renfoncements qui permettaient au roi et à la reine de venir assister au culte depuis leurs appartements. On remarque là encore l'importance de la peinture murale au détriment du vitrail, les grandes surfaces murales favorisant l'art du peintre et non celui du verrier. Un faux appareil et des grecques aux couleurs vives sont peints sur les murs, et la voûte d'ogives est piquetée d'un semis d'étoiles sur fond bleu. Les retombées de la voûte s'arrêtent sur des consoles sculptées (détériorées) qui représentaient les évangélistes et des anges. L'une d'entre elles, à l'angle sud-ouest, et la clé de voûte représentant le Noli me tangere permettent cependant de juger de la qualité des sculpteurs influencés par l'art français. L'existence de deux chapelles superposées souligne la parenté de conception avec la Sainte-Chapelle de Paris. A Perpignan comme à Paris, la chapelle basse servait au personnel du palais, la chapelle haute aux souverains. De même, un collège de chanoines desservait les deux chapelles qui abritaient aussi des reliques importantes.

Le reste de l'aile du fond s'ordonne de part et d'autre des chapelles en deux ensembles agrémentés chacun d'un patio : à gauche, les appartements du roi ; à droite, ceux de la reine. Les salles de l'étage étaient réservées aux souverains. Le logis du roi comptait à l'angle nord-est la salle royale, décorée d'écus peints aux murs et surmontée d'une terrasse, la chambre du Conseil, une salle à manger. Des galeries de bois permettaient de circuler autour du patio à hauteur du premier étage. Une coursière discrète, passant devant la façade de la chapelle haute, mettait en communication le logis du roi et celui de la reine. Là aussi, autour du patio sur lequel donnait une loggia, s'ordonnaient une salle à manger, un palau, la chambre de la reine et son arrière-chambre.

Le palais s'intégrait à un environnement dans lequel les rois de Majorque avaient voulu joindre l'utile à l'agréable. Ainsi la reine pouvait-elle accéder par des ponts mobiles lancés sur le fossé à son verger planté d'orangers et de vignes, situé au sud, entre le bois du roi et le grand pré du château. De même, le profond fossé entourant le palais ajoutait à sa fonction défensive l'agrément d'une ménagerie : le repas des lions, des ours et des loups, auxquels on jetait des chèvres vivantes, était un divertissement apprécié de la cour. La totalité de la colline abritait de quoi satisfaire le goût de la nature et les besoins de la cour. Une oliveraie offrait ses ombrages, mais aussi les fruits nécessaires à la fabrication de l'huile. Un bois de jujubiers et une figueraie abritaient lapins et paons. L'eau pour arroser cet ensemble était tirée du canal de Thuir par une noria. Sur les pentes raides du puig, au nord, était élevé le bétail qui servait à nourrir la cour ainsi que les fauves des fossés.

Par son plan, sa structure, son décor, son organisation rationnelle, son environnement, le palais des rois de Majorque annonçait avec une avance incontestable sur le reste de l'Europe chrétienne les dispositions des grands palais princiers et royaux du 14e siècle. Jacques II avait su apprécier et imiter les constructions militaires que les conquêtes paternelles lui avaient révélées.

Bibliographie

  • PEROUSE DE MONTCLOS, Jean-Marie (dir.). Le guide du patrimoine Languedoc-Roussillon. Paris : Hachette, 1996 (col. Guides du patrimoine), 623 p.

Date(s) d'enquête : 1996; Date(s) de rédaction : 2018
(c) Inventaire général Région Occitanie
PRADALIER Henri
PRADALIER Henri

Maître de conférences à l'université de Toulouse-le-Mirail

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