AD Hérault. Série S ; sous-série 7 S : 7 S 194. Barrages d'usines et d'irrigation sur le Rhônel.
Extrait d'une demande des sieurs Delpon, Bruguière et Boissière, fabricants de draps, pour la construction d'un barrage sur le Rhônel servant à dériver l'eau nécessaire à l'alimentation de leur teinturerie (21 avril 1856) :
« Les soussignés Delpon, Bruguière et Boissière, négociants associés pour la fourniture des draps propres à l'habillement des troupes, domiciliés à Clermont de l'Hérault, ont l'honneur d'exposer qu'ils possèdent à Clermont sur le ruisseau du Rhonel un établissement où se trouvent un atelier de teinture et un lavoir à laines, que depuis un temps immémorial, ils jouissent du droit de prendre les eaux du dit ruisseau pour l'alimentation de leurs ateliers au moyen d'une prise d'eau établie en amont du pont situé sur la route impériale n°9, que par suite des dernières crues cette prise d'eau ayant été détruite, ils se voient dans l'impossibilité d'user de leurs droits et qu'ils éprouvent une grand préjudice. Mais comme le barrage si il était rétabli à l'endroit où il existait offrirait des inconvénients, ils viennent vous prier, Monsieur le Préfet de leur accorder, non seulement l'autorisation voulue par la loi de relever ou rétablir le barrage ancien, mais bien celle de la changer en le portant en aval du dit pont. Ce barrage serait appuyé sur les deux pieds droits du pont précité et aurait un mètre de hauteur. Ce changement, vous le comprendrez aisément, Monsieur le Préfet, a pour but d'amener plus directement et sans préjudice pour personne, les eaux dans l'usine des exposants, et d'éviter ainsi toutes les oppositions que pourraient soulever leur demande si tant est que l'on pût être fondé à faire opposition à l'exercice des droits acquis depuis longues années. Ce barrage est indispensable à l'usine des exposants et c'est avec la plus entière confiance qu'ils viennent s'adresser à vous, certains qu'ils sont de l'intérêt que vous portez et de la protection que vous accorderez à une industrie qui fait la principale richesse du pays. »
Extraits d'une pétition des maitres tanneurs, contre la demande de construction d’un barrage formulée par Delpon et Cie, dans laquelle il est fait mention d’une usine de teinturerie en aval du pont du Rhonel ayant appartenu à M Bernard et achetée par Delpon et Cie (1856) :
« Depuis quelques années MMr Deplon, Bruguière et Boissière sont devenus acquéreurs d'une usine de teinturerie ayant appartenu à Mr Bernard située en aval du pont de la fontaine sur lequel passe la route impériale n°9 de Paris à Perpignan et y ont établi une fabrique de draps, une teinturerie et un lavage de laines. […] en 1836 le 28 décembre le précédent propriétaire de l'usine Delpon, Bruguière et Boissière ayant demandé l'autorisation de conduire dans son réservoir, à travers le ruisseau du Rhonel et au moyen d'un aqueduc en pierre et en bois, une source qu'il possédait de l'autre côté du dit ruisseau, cette autorisation lui en fut refusée de peur sans doute de laisser établir un mauvais précédent et la faculté d'amener la source chez lui fut donnée à Mr Bernard seulement au moyen d'un aqueduc à syphon construit en terre cuite recouvert en maçonnerie, ce qui exclut toute idée de barrage même en terre. »
« Si ces messieurs sont autorisés à lâcher quand bon leur semble leurs eaux salies et colorées provenant de leur lavage de laines et de leur teinturerie, s'ils peuvent impunément jeter dans le lit du ruisseau leur pastel ou résidus colorant qui vont à droite et à gauche, salir, tacher ou déprimer les marchandises qui se trouvent dans les usines de tannerie qui existaient bien avant la leur, les tanneries cesseront aussi bientôt d'exister ».
« Autrefois, avant de lâcher leurs eaux sales une fois par semaine, les prédécesseurs de messieurs Delpon, Bruguière et Boissière devaient prévenir les usines qui étaient en aval de la leur, cet avertissement était donné à son de trompes et à jour déterminé, il n'y avait par conséquent, peu ou presque pas d'inconvénient, aujourd'hui il font vider leur réservoir à volonté, sans s'occuper des intérêts qu'ils froissent gènent ou compromettent. Autrefois, le pastel ne pouvait être jeté dans le lit du ruisseau qu'à l'état liquide, leur écoulement était par conséquent rapide et ne portait aucun préjudice. Aujourd'hui ces pastels, résidus de teinturerie, sont jetés à l'état solides et séchés et délayés continuellement et insensiblement par l'eau qui coule à travers ou à côté, ils la colorent sans cesse et la rendent impropre à la fabrication des peaux.[...] Autrefois les pastels étaient mis en tas en état solide et étaient emportés pour engrais, ne devrait-il pas être de même aujourd'hui dans l'intérêt de tous ? »
Extrait du rapport de l'ingénieur du service hydraulique concernant la demande des sieurs Delpon, Bruguière et Boissière en autorisation de reconstruire, sur un autre point du Rhônel, le barrage servant à alimenter leur teinturerie (10 février 1857) :
« Le Rhônel, dans la traversée de la ville de Clermont, sert à la fois à l'approvisionnement et à l'évacuation d'un très grand nombre d'établissements industriels et surtout de tanneries, ses eaux sont complètement insuffisantes pour ces divers usages pendant la majeure partie de l'année, et cet inconvénient est encore augmenté par l'incurie souvent même le mauvais vouloir avec lequel les intéressés se servent des eaux sans se préoccuper le plus souvent des usagers inférieurs autrement que pour porter le plus de préjudice possible à des industries rivales. Comme il n'existe d'ailleurs aucun règlement spécial de police, qu'on n'exerce aucune espèce de surveillance, le lit du Rhonel n'est en réalité qu'un cloaque infect rempli d'immondices de toute sorte dont les riverains se servent comme de matériaux pour construire des retenues mobiles au moyen desquelles ils se disputent, pendant l'été, un filet d'eau sale et fétide. Un tel état de choses ne saurait qu'être nuisible à la prospérité de l'industrie, car il est impossible que des eaux aussi mal aménagées puissent donner de beaux produits ; à ce point de vue comme à celui de l'hygiène publique, il serait donc très à désirer qu'on prit des mesures pour assainir ce foyer d'infection. […] En réalité les demandeurs se trouvent à l'entrée de la ville, ils reçoivent les eaux du Rhônel presque propres, alors qu'elles n'ont servi qu'à alimenter l'usine supérieure du sieur Maistre. Une chaussée mobile ou trainée de vase et de gravier leur permet depuis très longtemps de dériver les eaux et de les conduire par un petit canal en bois longeant la culée du pont de la route impériale n°9 dans leur atelier situé sur la rive gauche du ruisseau où ils s'en servent pour la teinture et le lavage des laines. »
Photographe prestation Fish Eye dans le cadre de l'étude du patrimoine industriel du département de l'Hérault de 2011 à 2013