Dossier d’œuvre architecture IA11009447 | Réalisé par
Chabbert Roland (Contributeur)
Chabbert Roland

Chercheur associé à l'inventaire général en 2002.

Chercheur à l'inventaire général depuis 2008.

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  • opération ponctuelle
Théâtre municipal Jean Alary
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Inventaire général Région Occitanie

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Aude
  • Commune Carcassonne
  • Adresse 6 rue Courtejaire
  • Cadastre 2022 BM1 326

L’histoire du théâtre Jean Alary est liée à celle de l’ancien couvent des Jacobins, construit à la fin du 16e siècle sur l’emplacement du théâtre actuel. Confisqué à la Révolution et vendu comme Bien national, le couvent devient propriété de particuliers. Benoît Faral, l’un des acquéreurs, décida de transformer ce qui était auparavant l’église du couvent en salle de spectacle. Il confia la transformation à l'architecte toulousain Jean-François Champagne dont le projet prévoit que la scène et les dépendances soient installées dans le chœur de la chapelle des Augustins.

En 1843, Casimir Courtejaire (1795-1887) acheta l’ensemble des bâtiments à André Hertz. Dernier propriétaire de l'établissement, il le légua à la Ville en 1874 avec son matériel et ses décors. Toutefois, l’ampleur des dépenses pour procéder à la réparation des sièges et à l’aménagement de la scène de ce lieu de divertissement étaient considérables : il resta sans entretien pendant plusieurs décennies de sorte que la Dépêche du Midi le décrit dans les années 1930 comme menaçant ruine.

Carcassonne, comme toutes les communes de plus de 10.000 habitants, est obligée par la loi Cornudet du 14 mars 1919 de se doter d’un Plan d’aménagement, d’embellissement et d’extension (PAEE). Elle en profite donc pour doter la ville basse d’un nouvel établissement, mais il faut attendre une dizaine d’années supplémentaires pour que le Conseil municipal rende officielle le 9 juillet 1929, la décision de construire un nouveau théâtre, à l’emplacement de l’ancienne salle de spectacle, et, pour qu’il soit plus spacieux, de faire l’acquisition  de deux immeubles voisins qui seront détruits.

De tous les projets mis au concours, c’est celui de Raymond Esparseil (1876–1966), de Carcassonne, qui est retenu. Cependant la difficulté du chantier dans un quartier ancien et fréquenté ne pouvait pas être confiée à un simple ingénieur civil et l’administration lui demanda de s’adjoindre un collaborateur spécialisé. Esparseil s’associe donc à l’architecte parisien Marcel Oudin (1882–1936) dont la réputation n’est plus à faire : il avait été choisi pour construire le pavillon des Magasins Réunis au Village Français de l'Exposition internationale des arts Décoratifs en 1925 et était surtout connu pour avoir bâti des cinémas un peu partout en France. Il maîtrise parfaitement la technique du béton précontraint, qui consiste à armer le béton avec des aciers très fortement tendus, ce qui confère à l'ensemble des caractéristiques de résistance particulière. Ainsi, la salle de spectacle pourrait-elle disposer d’un grand espace sans poteaux. Ce type de réalisations, qui exigent un savoir-faire si particulier, ne s’est vraiment développé qu’après la Seconde Guerre mondiale. Utilisé dans les années 1930 à Carcassonne, il fait du théâtre un ouvrage novateur par sa technicité. C’est l’entreprise Fiorio de Limoux qui fut chargée en outre son exécution, des études de béton armé.

Le chantier dure de 1933 à 1935 et les décors sont confiés à plusieurs artistes. Ainsi, la fresque qui orne le foyer, intitulée « La Symphonie pastorale », est l'œuvre Jean-Noël Garrigues (1889-1952), formé dans l’atelier de Laurens. Malgré son allusion à la partition de Beethoven, elle reste l’une des rares décorations publiques de l'artiste encore en place. Gustave-Louis Jaulmes (1873-1959), grand prix de Rome, décorateur et peintre réalise le décor du grand escalier et celui du cadre de scène avec des références à Erato et Terpsichore.

Une attention spéciale a été portée au système de chauffage, élaboré par la maison Garric de Carcassonne et l'éclairage fut aussi soigneusement étudié. Le jeu d’orgue et le rhéostat qui permettait de régler l’éclairage, encore conservés, ont été installés par les établissements Clémançon sur un modèle qui équipait la salle de spectacle du paquebot Normandie.

Inauguré le 8 juillet 1935  avec une conférence de Paul Valéry, le théâtre de Carcassonne fut conçu et construit en un temps record avec des techniques très novatrices pour l’époque puisqu’elles ne seront réellement employées à grande échelle qu’après la Seconde guerre mondiale.

  • Période(s)
    • Principale : 1ère moitié 20e siècle
  • Dates
    • 1935, daté par source
  • Auteur(s)
    • Auteur : architecte attribué par source
    • Auteur : architecte attribué par source
    • Auteur : peintre attribué par source
    • Auteur : peintre attribué par source
    • Auteur :
      Fiorio
      Fiorio

      l’entreprise Fiorio est basée à Limoux

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      entrepreneur de maçonnerie attribution par travaux historiques
    • Auteur : entrepreneur attribué par travaux historiques
    • Auteur :
      établissements Clémançon (1892 - 1970)
      établissements Clémançon

      Les établissements Clémançon, constitués en société anonyme sous le nom de « Compagnie générale de travaux d’éclairage et de force » en 1892, ont pour origine une société d’éclairage fondée au début du XIXe siècle rue Lamartine (alors rue Coquenard), à Paris.

      En 1828, l’entreprise spécialisée dans l’éclairage scénique Clémançon invente les « jeux d’orgues », alignement de tuyaux et de vannes de gaz destinés à alimenter les projecteurs. Elle en équipe l’Opéra Garnier, qui ensuite, en 1883, passe au tout-électrique, toujours avec Clémançon.

      Son développement s’accélère à partir des années 1880 lorsque le petit-fils du fondateur, Edouard Clémançon, commence à s’intéresser à l’électricité. Son premier grand chantier est celui du remplacement progressif des équipements au gaz des théâtres par des installations électriques, rendu obligatoire en 1887 après l’incendie de l’Opéra Comique. A Paris, ses premières installations sont celles des théâtres de la Renaissance, de la Porte Saint-Martin, de l’Ambigu et des Folies Dramatiques. Viennent ensuite la plupart des théâtres parisiens, des cinémas tels le Grand Rex, ainsi que de nombreuses salles de province et de l’étranger. Dans un grand nombre de cas, la société se voit également confier le service et l’entretien des installations. La compagnie joue également un grand rôle dans l’électrification de l’éclairage public, tant en France qu’à l’étranger (telle l’avenue de la Liberté à Lisbonne), dans celle des moyens de transport (tramway de Lyon, métropolitain de Paris), ainsi que dans la réalisation de grandes manifestations internationales (Expositions universelles de Paris en 1900, de Buenos Aires en 1910…). Plus tard, les progrès techniques lui permettront d’élargir encore son domaine de compétence à l’éclairage d’ambiance, à l’éclairage décoratif (monuments), à la réalisation de spectacles son et lumière ou encore à l’équipement des salles d’aéroports civils et militaires grâce au système B.M.A., mis au point en 1956 pour permettre une meilleure lecture sur les écrans radar. En 1927 enfin, Clémançon se lance dans le chauffage électrique industriel alors en plein essor et commence également à diversifier ses activités de fabrication, s’intéressant notamment à la lustrerie. A la fin des années 1960, la compagnie comptait 900 ingénieurs, cadres, employés, agents de maîtrise et ouvriers, deux agences délocalisées (Bordeaux et Montpellier) et deux filiales (Société française Octopus et Société anonyme des anciens établissements A. et L. Vivant). Ses activités se répartissaient alors en quatre départements : travaux (installations générales d’électricité) ; théâtre-éclairage (éclairages scéniques et spéciaux) ; chauffage-produits finis (chauffage électrique industriel et régulation) ; fabrications (études et recherches, constructions électriques et électromécaniques).

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      entrepreneur attribué par source

Le théâtre occupe l’angle formé par les rues Courtejaire et Voltaire. La façade principale, rue Courtejaire, est presque transparente ; de même, l’angle avec la rue Voltaire avec son pan coupé est largement ouvert sur l’entrée. Ainsi, le passant est invité à apercevoir au-delà de l’élévation les décors de l’entrée et du foyer.

Les colonnes monumentales de l’entrée, l’absence totale de décor extérieur, le revêtement de travertin qui capte la lumière naturelle et conduit le regard vers la corniche saillante donnent à l’édifice toute sa verticalité. Seuls la loggia en encorbellement et les balcons du foyer, en légère saillie, donnent une ligne de fuite horizontale parallèle à la rue. Il en va de même dans la salle avec les redents verticaux qui dessinent le cadre de scène et séparent les loges d’avant-scène des balcons horizontaux sans aucun décor. Les garde-corps des loges reprennent même la modénature des balcons qui ouvrent sur la rue.

Comme dans la plupart des réalisations de la même époque aucun décor n’est superflu et l’on privilégie la richesse des matériaux plutôt que l’abondance ornementale. Ainsi, une discrète frise de staff court elle tout autour des caissons du plafond de l’entrée. Les murs du grand escalier sont recouverts de plaques de marbres colorés : Skyros oriental, noir veiné espagnol, portor ou encore vert des Alpes. Ils contrastent avec les marches en pierre de taille ou les parties supérieures. Ordre, couleur et géométrie : l'essentiel du vocabulaire Art déco est présent. est largement ouvert sur la rue par trois travées vitrées au rez-de-chaussée comme à l’étage et séparées par des piliers de section rectangulaire, montant de fond, dont les embrasures sont revêtues de marbre brocatelle violette. L’étage s’affirme par la présence de trois balcons convexes à balustres droits en encorbellement sur un rang de cannelures. L’élévation d’angle est traitée avec force et simplicité, entièrement évidée, elle est rythmée par quatre colonnes montant de fond jusqu’à l’étage d’attique, au niveau duquel l’angle est abattu. Trois balcons forment entre les colonnes une bordure tréflée. L’étage d’attique est sobrement éclairé par des oculi disposés au droit des travées inférieures, u

Pour la structure, l’architecte et l’ingénieur ont utilisé des « cadres porteurs », principe architectonique qui consiste à solidariser les éléments secondaires à une structure principale généralement de plan rectangulaire qui constitue ainsi le squelette du bâtiment. Ainsi, ont-ils conçu la structure du foyer avec plusieurs cadres que l’on devine entre les baies qui ouvrent sur la rue et accroché les hourdis rampants des balcons de la salle à ces éléments porteurs avec des consoles solidaires des cadres. La structure, savamment étudiée pour tenir compte des poussées et des usures des matériaux, fut d’abord construite en ferraille puis noyée dans le béton. Une fois terminé, il a suffit de construire une cloison de séparation entre la salle et le foyer.

L’espace au-dessus du plateau, qui abrite plusieurs niveaux, est conçu de la même manière. Plusieurs éléments porteurs monumentaux ont été régulièrement placés dans le prolongement du cadre de scène sur toute la profondeur du plateau et les planchers intermédiaires sont  suspendus à la traverse supérieure de chaque cadre qui supporte ainsi la charge des étages qui lui sont attachés.

De même une attention spéciale a été portée au système de chauffage, L’air extérieur est purifié de ses poussières en passant par des filtres à bain d’huile, et maintenu à une hygrométrie constante à 60% grâce à des rampes de pulvérisation d’une eau chauffée par deux chaudières qui alimentent les batteries de la centrale. Elles utilisaient à l’époque un combustible peu employé, le fioul, léger, aujourd'hui remplacé par le gaz naturel. Un réseau de gaines en plâtre sur un châssis métallique distribue l'air traité en partie haute de la salle, tandis qu’en partie basse, un autre réseau récupère l’air de la salle pour le conduire à la centrale de traitement d'air. Là, une partie est recyclée, l'autre remplacée par de l'air extérieur. Ce système sophistiqué reste invisible. Seuls les éléments de staff soigneusement sculptés au-dessus des loges de l’avant-scène permettent de soupçonner la présence du système de climatisation.

L’éclairage fut aussi soigneusement étudié. Partout dans la salle comme au foyer, on a privilégié un éclairage indirect diffusé par des appliques décoratives en forme de vasques en métal ou de conques en céramique. Dans la salle, l’éclairage d’origine a été modernisé, ce qui a fait disparaître la coupole lumineuse qui ornait son plafond, mais sur le plateau, le jeu d’orgue et le rhéostat qui permettait de régler l’éclairage ont été conservés.

  • Murs
    • béton béton armé
    • marbre
  • Toits
    ciment en couverture
  • Étages
    3 étages carrés
  • Élévations extérieures
    élévation ordonnancée
  • Escaliers
    • escalier dans-oeuvre : escalier à double révolution en maçonnerie
  • Techniques
    • peinture
  • Statut de la propriété
    propriété de la commune
  • Intérêt de l'œuvre
    à signaler
  • Protections
    inscrit MH, 2002/07/02
  • Précisions sur la protection

    Le théâtre en totalité (cad. BM 326) : inscription par arrêté du 2 juillet 2002

  • Référence MH

Bibliographie

  • Olivier Liardet, Théâtres à l'italienne en Occitanie, collection Duo, Drac Occitanie, 2022, 102 p. ISBN : 978-2-11-167717-3.

    pp. 58-61
  • Roland Chabbert, Le théâtre Art déco de Carcassonne sur les ruines gothiques dans Le PAtrimoine en Occitanie, n° 22, août 2022.

    pp. 60-67

Périodiques

  • La technique des travaux (revue mensuelle des procédés de construction moderne) 12e année, n° 11 novembre 1936

    cité de l'architecture
    pp. 587 à 596
  • J. Poux : Un bel ensemble d'architecture contemporaie : le théâtre municipal de Carcassonne dans "La Dépêche du Midi" 13 février 1936.

  • Claude Marquié, La construction du théâtre municipal dans "La Dépêche du Midi", 13 novembre 1998.

Date(s) d'enquête : 2002; Date(s) de rédaction : 2016, 2023
(c) Inventaire général Région Occitanie
Chabbert Roland
Chabbert Roland

Chercheur associé à l'inventaire général en 2002.

Chercheur à l'inventaire général depuis 2008.

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