Labbaye de Lagrasse apparaît pour la première fois dans les sources écrites le 19 janvier 779, date de sa fondation par Charlemagne qui lui accorda immunité et privilèges (MAGNOU-NORTIER, 1996, p. 3). Lacte indique que labbé Nébridius et ses compagnons avaient élevé une église et des bâtiments, mis des champs en culture, planté des vignes. Labbaye fut brièvement rattachée à Saint-Victor de Marseille à la fin du 11e siècle et jusquau début du 12e siècle, sans doute après avoir été rachetée par le comte de Barcelone (en même temps que le comté de Carcassonne) en 1068-1070. Ce rattachement est mal connu et ses raisons restent obscures. Le patrimoine de labbaye, resté modeste durant le premier siècle de son existence, sest accru durant le 10e siècle vers le Roussillon et le diocèse dUrgel notamment. Au 12e siècle, après avoir renforcé son patrimoine local et régional, labbaye de Lagrasse était devenue lune des plus puissantes du Midi de la France et poursuivait son renforcement par de nouvelles acquisitions en Roussillon et en Cerdagne. La donation de léglise du Saint-Sépulcre de Palera en 1108, Saint-André de Sorède en 1109, Saint-Martin du Canigou en 1114, Saint-Pierre de Galligans et Saint-Félix de Guixols en 1118 place Lagrasse à la tête dun groupement monastique et au premier rang des abbayes du Languedoc à une époque où ses liens avec les comtes de Barcelone sont particulièrement bons (BLANC, CAUCANAS 2012). Le long abbatiat de Bérenger de Narbonne (1118-1156) correspond à une période de grande stabilité pour Lagrasse qui bénéficiait de lappui de la papauté. La deuxième moitié du 12e siècle et la première moitié du suivant constituent un siècle de crise pour labbaye, en prise à une forte diminution des donations au profit des Templiers et des Cisterciens, à des aliénations de biens et à la contraction de considérables emprunts. La Croisade dite des Albigeois provoqua linstabilité des domaines de labbaye, en particulier par la confiscation dune partie de ses possessions de la région qui avaient été données en fief à des familles convaincues dhérésie. Au 13e siècle, les listes de moines comptaient entre 26 et 45 religieux.£Labbé Auger de Gogenx (1279-1309) est sans doute lun de ceux qui marquèrent le plus labbaye durant le Moyen Âge. Celui-ci fit entreprendre plusieurs campagnes de grands travaux dans lenclos et ses armes (écartelées en sautoir, dazur et de gueules) ont été gravées des dizaines de fois sur des bâtiments qui lui sont attribués. Il est notamment à linitiative de la reconstruction du dortoir et du palais abbatial, comprenant la chapelle de labbé dédiée à Saint-Barthélémy. Labbaye, de même que le bourg, ont connu une période de prospérité durant les 30 ans dabbatiat dAuger et même encore sous son successeur Guillaume dAlzonne (1309-1333). Au 14e siècle, labbaye semble encore disposer de ressources importantes puisque de grands travaux sont encore menés, en particulier la réfection totale de la prise deau du canal de dérivation de lOrbieu permettant ladduction du monastère sous labbatiat de Guy du Breuil (1363-1390). La fin du 15e et le début du 16e siècle sont marqués par labbatiat de Pierre dAbzac de la Douze (1465-1501) et de Philippe de Lévis (1502-1537). Ce dernier apporta des remaniements au palais abbatial (construction de la cheminée monumentale dans la salle du premier étage) et fit ériger limposante tour-clocher au sud du transept de léglise abbatiale, sur le modèle du clocher de Mirepoix dont il fut lévêque. Labbaye fut investie par la congrégation des mauristes en 1663, ce qui provoqua une forte résistance dune partie des anciens religieux. Les mauristes, réformateurs, sont à lorigine de vastes remaniements à lintérieur de lenclos monastique par la construction dun nouveau cloître et dune cour dhonneur à louest.£A la Révolution, labbaye fut divisée en deux propriétés, dont lune fut achetée par la famille Berlioz. Cette division subsiste encore de nos jours, avec une partie des bâtiments occupés par une communauté de chanoines depuis 2004 (principalement léglise, le cloître et la cour dhonneur) et lautre partie appartenant au Conseil départemental de lAude (le bras nord du transept de léglise, les bâtiments des moines et le palais abbatial).
- dossier ponctuel
- (c) Inventaire général Région Occitanie
Dossier non géolocalisé
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Aire d'étude et canton
Aude
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Commune
Lagrasse
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Adresse
Rive Gauche, 4
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Cadastre
1831 C 16, 17, 17 bis, 18, 18 bis, 19, 40, 41, 42, 43, 44, 44 bis, 45, 45 bis, 46, 46 bis, 51, 51 bis, 52, 53, 54 ;
2016 C 419, 420, 421, 422, 423, 424, 425, 427, 428, 1618
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Dénominationsabbaye
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VocablesSainte-Marie
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Période(s)
- Principale : Moyen Age
- Principale : Temps modernes
- Principale : Epoque contemporaine
Lenclos monastique de labbaye de Lagrasse a une superficie denviron 1,9 ha sur la rive gauche de lOrbieu dans sa configuration actuelle. Les bâtiments monastiques occupent la presque totalité de cet enclos et un espace de plus de 5 ha au sud de lenclos constitue lHorte Mage, cest-à-dire le grand jardin des religieux. Labbaye actuelle est divisée en deux propriétés depuis sa vente en tant que bien national à la Révolution. La partie publique, au nord-est, appartient au Conseil départemental de lAude et comprend les bâtiments les plus anciens. La partie privée, occupée depuis 2004 par une communauté de chanoines, est occupée par léglise médiévale, le clocher moderne et lensemble des bâtiments réalisés par les mauristes à la fin de lAncien Régime. On accède à la partie publique par les bâtiments situés au nord de lenclos après avoir traversé lancien jardin de labbé. Ces bâtiments correspondent à lancien palais abbatial, largement repris par Auger de Cogenx (1279-1309) composé de trois ailes principales articulées autour dune cour intérieure et le long desquelles une galerie en bois permet la desserte au premier étage. Le premier étage est desservi par un escalier monumental en pierre, construit à la fin du 13e siècle. Au nord, la salle dapparat de labbé se situait au premier étage du bâtiment, remaniée par labbé Philippe de Lévis (1502-1537) qui la dota de plafonds moulurés et dune cheminée monumentale finement décorée. Laile sud du palais est occupée par la chapelle abbatiale sur deux niveaux. Au rez-de-chaussée, la chapelle basse, dite « salle du trésor » probablement en raison de limportante épaisseur de ses murs, est voûtée en berceau et présente, à lest, un chur rectangulaire. Elle conservait jusquaux années 1960 deux couches successives de peintures murales à dessins géométriques ou armoriés de la fin du 13e et du milieu du 14e siècle. La pièce est éclairée par des jours oblongs disposés en hauteur, inaccessibles. Au sud, la chapelle basse communiquait avec le reste des bâtiments monastiques par deux portes qui conservent les traces dun double système de fermeture. Les coussinets à double quart-de-rond superposés en ressaut supportent des linteaux dont un est marqué aux armes de labbé Auger. A louest de la chapelle basse, une salle de forme carrée, injustement identifiée comme un vestibule, a une fonction indéterminée. On y accède par un portail de grande dimension timbré aux armes dAuger, depuis la cour du palais. Son plafond est peint de personnages hybrides ou fantastiques et de motifs héraldiques parmi lesquels les armes de labbé Auger sont plusieurs fois répétées. Les fouilles ont mis au jour une portion du canal de dérivation de labbaye qui traversait cette pièce et des cuves de tannerie de lépoque contemporaine. La chapelle haute est accessible par un vestibule souvrant sur la galerie de la cour du palais. Ses murs sont recouverts dun enduit peint à trois registres. Le registre inférieur représente un rideau, le registre central est un bandeau sur lequel sont régulièrement représentées les armes de labbé Auger et le registre supérieur un faux-appareil polychrome. La réfection du dallage du vestibule en 2015 a permis de découvrir le calepinage de lancien sol qui ressemble fortement à celui de la chapelle haute. Dans le mur est du vestibule, la porte dentrée de la chapelle Saint-Barthélemy est réalisée en grès de Carcassonne (elle provient sans doute du chantier de la cathédrale de Carcassonne) et porte sur son tympan les armes de labbé Auger et une inscription la datant de lannée 1296 : « anno domini MCCXCVI dominus augerius abbas hujus loci fecit istam capellam ad onore sancti bartolomei apostoli ». Les murs de la chapelle haute conserve encore, en mauvais état, des peintures murales. Sur le mur ouest, une représentation du jugement dernier met en scène le Christ trônant sur la partie haute, entouré danges et peut-être aussi de Marie et Jean. Dessous, le Christ et onze apôtres sont assis, saint Michel en train de peser les âmes et des scènes de lenfer et du paradis sont représentées. Sur le mur oriental, on reconnaît difficilement la représentation dun arbre de vie. Le sol dorigine de la chapelle, carrelage en terre vernissée, est dans un état de conservation exceptionnel. On y retrouve diverses représentations, des scènes de chasse, des animaux, les signes astrologiques, etc.£A lest de cour du palais, se développe un vaste bâtiment occupé par un cellier voûté en berceau au rez-de-chaussée et le dortoir des religieux au premier étage construit sous labbatiat dAuger. Le dortoir était divisé en neuf travées par une succession darcs diaphragmes dont les culots sont désormais dissimulés par la voûte du rez-de-chaussée: le bâtiment dorigine nétait peut-être pas divisé en deux niveaux. Sur une gravure de 1687, un bâtiment en saillie était accolé à lélévation orientale du dortoir. Le canal de dérivation le traversait, laissant supposer quil sagissait des latrines.£On accède à la partie privée de labbaye par la cour dhonneur dont le portail se situe au nord. Cette vaste cour est entourée dun bâtiment de trois ailes construit par les mauristes et qui accueillait le nouveau palais abbatial. Un escalier monumental au centre de laile sud permet de desservir les niveaux supérieurs. Ce nouveau bâtiment a entraîné lagrandissement de lenclos vers louest et la destruction dun petit quartier de maisons particulières dans lesquelles vivaient les officiers de labbaye. Le cloître, carré de 32 m de côté environ, a été achevé en 1760. Le réfectoire était localisé au sud du cloître, ainsi que la salle du chapitre, tous deux dans le prolongement de la nef de léglise abbatiale. Cette dernière présente un plan tout à fait particulier. La grande nef et son chur à chevet plat, dune longueur de 32 m environ, sont englobés dans un vaisseau plus large formant une sorte déglise à trois nefs. Les bras de transept nord et sud ont une longueur importante, en tout cas disproportionnée par rapport à la nef. Sur un plan de la fin du 18e siècle, ils sont notés comme « petites nefs ». Le bras de transept nord (dans la partie publique) est doté dun chevet plat de la fin du Moyen Âge, mais les fouilles ont révélé quil possédait un chevet à trois absidioles semi-circulaires avec une absidiole centrale plus grande, similaire à celui du bras de transept nord. A louest du bras nord se trouvait la sacristie. Dans la continuité du bras de transept sud, Philippe de Lévis (1502-1537) fit élever un clocher massif qui porte ses armes (élévation est) mais qui ne fut probablement jamais achevé.£Au sud des bâtiments monastiques, le canal de dérivation marque la limite de lenclos. Il alimentait la laverie et le moulin de labbaye situés dans langle sud-est de lenclos. Au-delà du canal, vers le sud, une vaste parcelle correspond à lHorte Mage, ancien « grand jardin ». Lesplanade orientale, contre le dortoir et le chevet de léglise, était occupée par le cimetière des religieux au Moyen Âge. Lhôpital de labbaye était situé au nord de lenclos, contre lancien jardin de labbé et face au cimetière paroissial. On ne conserve de cet édifice que son ancienne élévation orientale, intégré à la clôture actuelle de la partie publique de labbaye.
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Statut de la propriétépropriété du département
propriété privée
- (c) Inventaire général Région Occitanie
Bibliographie
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SAINT-AUBIN (Charles-Germain de). L'art du brodeur, 1770, réédité par le Los Angeles County Museum of Art, Los Angeles, 1983. Accessible également sur Gallica