Dossier d’œuvre architecture IA11007254 | Réalisé par
  • dossier ponctuel
abbaye Sainte-Marie de Lagrasse
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Inventaire général Région Occitanie

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Aude
  • Commune Lagrasse
  • Adresse Rive Gauche, 4
  • Cadastre 1831 C 16, 17, 17 bis, 18, 18 bis, 19, 40, 41, 42, 43, 44, 44 bis, 45, 45 bis, 46, 46 bis, 51, 51 bis, 52, 53, 54 ; 2016 C 419, 420, 421, 422, 423, 424, 425, 427, 428, 1618

L’abbaye de Lagrasse apparaît pour la première fois dans les sources écrites le 19 janvier 779, date de sa fondation par Charlemagne qui lui accorda immunité et privilèges (MAGNOU-NORTIER, 1996, p. 3). L’acte indique que l’abbé Nébridius et ses compagnons avaient élevé une église et des bâtiments, mis des champs en culture, planté des vignes. L’abbaye fut brièvement rattachée à Saint-Victor de Marseille à la fin du 11e siècle et jusqu’au début du 12e siècle, sans doute après avoir été rachetée par le comte de Barcelone (en même temps que le comté de Carcassonne) en 1068-1070. Ce rattachement est mal connu et ses raisons restent obscures. Le patrimoine de l’abbaye, resté modeste durant le premier siècle de son existence, s’est accru durant le 10e siècle vers le Roussillon et le diocèse d’Urgel notamment. Au 12e siècle, après avoir renforcé son patrimoine local et régional, l’abbaye de Lagrasse était devenue l’une des plus puissantes du Midi de la France et poursuivait son renforcement par de nouvelles acquisitions en Roussillon et en Cerdagne. La donation de l’église du Saint-Sépulcre de Palera en 1108, Saint-André de Sorède en 1109, Saint-Martin du Canigou en 1114, Saint-Pierre de Galligans et Saint-Félix de Guixols en 1118 place Lagrasse à la tête d’un groupement monastique et au premier rang des abbayes du Languedoc à une époque où ses liens avec les comtes de Barcelone sont particulièrement bons (BLANC, CAUCANAS 2012). Le long abbatiat de Bérenger de Narbonne (1118-1156) correspond à une période de grande stabilité pour Lagrasse qui bénéficiait de l’appui de la papauté. La deuxième moitié du 12e siècle et la première moitié du suivant constituent un siècle de crise pour l’abbaye, en prise à une forte diminution des donations au profit des Templiers et des Cisterciens, à des aliénations de biens et à la contraction de considérables emprunts. La Croisade dite des Albigeois provoqua l’instabilité des domaines de l’abbaye, en particulier par la confiscation d’une partie de ses possessions de la région qui avaient été données en fief à des familles convaincues d’hérésie. Au 13e siècle, les listes de moines comptaient entre 26 et 45 religieux.£L’abbé Auger de Gogenx (1279-1309) est sans doute l’un de ceux qui marquèrent le plus l’abbaye durant le Moyen Âge. Celui-ci fit entreprendre plusieurs campagnes de grands travaux dans l’enclos et ses armes (écartelées en sautoir, d’azur et de gueules) ont été gravées des dizaines de fois sur des bâtiments qui lui sont attribués. Il est notamment à l’initiative de la reconstruction du dortoir et du palais abbatial, comprenant la chapelle de l’abbé dédiée à Saint-Barthélémy. L’abbaye, de même que le bourg, ont connu une période de prospérité durant les 30 ans d’abbatiat d’Auger et même encore sous son successeur Guillaume d’Alzonne (1309-1333). Au 14e siècle, l’abbaye semble encore disposer de ressources importantes puisque de grands travaux sont encore menés, en particulier la réfection totale de la prise d’eau du canal de dérivation de l’Orbieu permettant l’adduction du monastère sous l’abbatiat de Guy du Breuil (1363-1390). La fin du 15e et le début du 16e siècle sont marqués par l’abbatiat de Pierre d’Abzac de la Douze (1465-1501) et de Philippe de Lévis (1502-1537). Ce dernier apporta des remaniements au palais abbatial (construction de la cheminée monumentale dans la salle du premier étage) et fit ériger l’imposante tour-clocher au sud du transept de l’église abbatiale, sur le modèle du clocher de Mirepoix dont il fut l’évêque. L’abbaye fut investie par la congrégation des mauristes en 1663, ce qui provoqua une forte résistance d’une partie des anciens religieux. Les mauristes, réformateurs, sont à l’origine de vastes remaniements à l’intérieur de l’enclos monastique par la construction d’un nouveau cloître et d’une cour d’honneur à l’ouest.£A la Révolution, l’abbaye fut divisée en deux propriétés, dont l’une fut achetée par la famille Berlioz. Cette division subsiste encore de nos jours, avec une partie des bâtiments occupés par une communauté de chanoines depuis 2004 (principalement l’église, le cloître et la cour d’honneur) et l’autre partie appartenant au Conseil départemental de l’Aude (le bras nord du transept de l’église, les bâtiments des moines et le palais abbatial).

  • Période(s)
    • Principale : Moyen Age
    • Principale : Temps modernes
    • Principale : Epoque contemporaine

L’enclos monastique de l’abbaye de Lagrasse a une superficie d’environ 1,9 ha sur la rive gauche de l’Orbieu dans sa configuration actuelle. Les bâtiments monastiques occupent la presque totalité de cet enclos et un espace de plus de 5 ha au sud de l’enclos constitue l’Horte Mage, c’est-à-dire le grand jardin des religieux. L’abbaye actuelle est divisée en deux propriétés depuis sa vente en tant que bien national à la Révolution. La partie publique, au nord-est, appartient au Conseil départemental de l’Aude et comprend les bâtiments les plus anciens. La partie privée, occupée depuis 2004 par une communauté de chanoines, est occupée par l’église médiévale, le clocher moderne et l’ensemble des bâtiments réalisés par les mauristes à la fin de l’Ancien Régime. On accède à la partie publique par les bâtiments situés au nord de l’enclos après avoir traversé l’ancien jardin de l’abbé. Ces bâtiments correspondent à l’ancien palais abbatial, largement repris par Auger de Cogenx (1279-1309) composé de trois ailes principales articulées autour d’une cour intérieure et le long desquelles une galerie en bois permet la desserte au premier étage. Le premier étage est desservi par un escalier monumental en pierre, construit à la fin du 13e siècle. Au nord, la salle d’apparat de l’abbé se situait au premier étage du bâtiment, remaniée par l’abbé Philippe de Lévis (1502-1537) qui la dota de plafonds moulurés et d’une cheminée monumentale finement décorée. L’aile sud du palais est occupée par la chapelle abbatiale sur deux niveaux. Au rez-de-chaussée, la chapelle basse, dite « salle du trésor » probablement en raison de l’importante épaisseur de ses murs, est voûtée en berceau et présente, à l’est, un chœur rectangulaire. Elle conservait jusqu’aux années 1960 deux couches successives de peintures murales à dessins géométriques ou armoriés de la fin du 13e et du milieu du 14e siècle. La pièce est éclairée par des jours oblongs disposés en hauteur, inaccessibles. Au sud, la chapelle basse communiquait avec le reste des bâtiments monastiques par deux portes qui conservent les traces d’un double système de fermeture. Les coussinets à double quart-de-rond superposés en ressaut supportent des linteaux dont un est marqué aux armes de l’abbé Auger. A l’ouest de la chapelle basse, une salle de forme carrée, injustement identifiée comme un vestibule, a une fonction indéterminée. On y accède par un portail de grande dimension timbré aux armes d’Auger, depuis la cour du palais. Son plafond est peint de personnages hybrides ou fantastiques et de motifs héraldiques parmi lesquels les armes de l’abbé Auger sont plusieurs fois répétées. Les fouilles ont mis au jour une portion du canal de dérivation de l’abbaye qui traversait cette pièce et des cuves de tannerie de l’époque contemporaine. La chapelle haute est accessible par un vestibule s’ouvrant sur la galerie de la cour du palais. Ses murs sont recouverts d’un enduit peint à trois registres. Le registre inférieur représente un rideau, le registre central est un bandeau sur lequel sont régulièrement représentées les armes de l’abbé Auger et le registre supérieur un faux-appareil polychrome. La réfection du dallage du vestibule en 2015 a permis de découvrir le calepinage de l’ancien sol qui ressemble fortement à celui de la chapelle haute. Dans le mur est du vestibule, la porte d’entrée de la chapelle Saint-Barthélemy est réalisée en grès de Carcassonne (elle provient sans doute du chantier de la cathédrale de Carcassonne) et porte sur son tympan les armes de l’abbé Auger et une inscription la datant de l’année 1296 : « anno domini MCCXCVI dominus augerius abbas hujus loci fecit istam capellam ad onore sancti bartolomei apostoli ». Les murs de la chapelle haute conserve encore, en mauvais état, des peintures murales. Sur le mur ouest, une représentation du jugement dernier met en scène le Christ trônant sur la partie haute, entouré d’anges et peut-être aussi de Marie et Jean. Dessous, le Christ et onze apôtres sont assis, saint Michel en train de peser les âmes et des scènes de l’enfer et du paradis sont représentées. Sur le mur oriental, on reconnaît difficilement la représentation d’un arbre de vie. Le sol d’origine de la chapelle, carrelage en terre vernissée, est dans un état de conservation exceptionnel. On y retrouve diverses représentations, des scènes de chasse, des animaux, les signes astrologiques, etc.£A l’est de cour du palais, se développe un vaste bâtiment occupé par un cellier voûté en berceau au rez-de-chaussée et le dortoir des religieux au premier étage construit sous l’abbatiat d’Auger. Le dortoir était divisé en neuf travées par une succession d’arcs diaphragmes dont les culots sont désormais dissimulés par la voûte du rez-de-chaussée: le bâtiment d’origine n’était peut-être pas divisé en deux niveaux. Sur une gravure de 1687, un bâtiment en saillie était accolé à l’élévation orientale du dortoir. Le canal de dérivation le traversait, laissant supposer qu’il s’agissait des latrines.£On accède à la partie privée de l’abbaye par la cour d’honneur dont le portail se situe au nord. Cette vaste cour est entourée d’un bâtiment de trois ailes construit par les mauristes et qui accueillait le nouveau palais abbatial. Un escalier monumental au centre de l’aile sud permet de desservir les niveaux supérieurs. Ce nouveau bâtiment a entraîné l’agrandissement de l’enclos vers l’ouest et la destruction d’un petit quartier de maisons particulières dans lesquelles vivaient les officiers de l’abbaye. Le cloître, carré de 32 m de côté environ, a été achevé en 1760. Le réfectoire était localisé au sud du cloître, ainsi que la salle du chapitre, tous deux dans le prolongement de la nef de l’église abbatiale. Cette dernière présente un plan tout à fait particulier. La grande nef et son chœur à chevet plat, d’une longueur de 32 m environ, sont englobés dans un vaisseau plus large formant une sorte d’église à trois nefs. Les bras de transept nord et sud ont une longueur importante, en tout cas disproportionnée par rapport à la nef. Sur un plan de la fin du 18e siècle, ils sont notés comme « petites nefs ». Le bras de transept nord (dans la partie publique) est doté d’un chevet plat de la fin du Moyen Âge, mais les fouilles ont révélé qu’il possédait un chevet à trois absidioles semi-circulaires avec une absidiole centrale plus grande, similaire à celui du bras de transept nord. A l’ouest du bras nord se trouvait la sacristie. Dans la continuité du bras de transept sud, Philippe de Lévis (1502-1537) fit élever un clocher massif qui porte ses armes (élévation est) mais qui ne fut probablement jamais achevé.£Au sud des bâtiments monastiques, le canal de dérivation marque la limite de l’enclos. Il alimentait la laverie et le moulin de l’abbaye situés dans l’angle sud-est de l’enclos. Au-delà du canal, vers le sud, une vaste parcelle correspond à l’Horte Mage, ancien « grand jardin ». L’esplanade orientale, contre le dortoir et le chevet de l’église, était occupée par le cimetière des religieux au Moyen Âge. L’hôpital de l’abbaye était situé au nord de l’enclos, contre l’ancien jardin de l’abbé et face au cimetière paroissial. On ne conserve de cet édifice que son ancienne élévation orientale, intégré à la clôture actuelle de la partie publique de l’abbaye.

  • Statut de la propriété
    propriété du département
    propriété privée

Bibliographie

  • SAINT-AUBIN (Charles-Germain de). L'art du brodeur, 1770, réédité par le Los Angeles County Museum of Art, Los Angeles, 1983. Accessible également sur Gallica

Date(s) d'enquête : 2013; Date(s) de rédaction : 2016
(c) Inventaire général Région Occitanie