Le 13 août 1872 le conseil de fabrique de Souillac, satisfait des "travaux commandés aux ouvriers sculpteurs de Poitiers" (il s'agit probablement de la chaire à prêcher), décide de leur confier également la réalisation d'un chemin de croix. Le curé est alors chargé de rentrer en relation avec les directeurs de l'atelier Saint-Hilaire à Poitiers, Charron et Beausoleil, pour s'entendre sur la commande. L'ensemble n'est sans doute pas achevé ni posé avant la fin de l'année 1877 puisque le registre des comptes de la fabrique n'enregistre son achat pour 4970 francs que le 19 janvier 1878, complété d'une indemnité de 40 francs due "à M. Patrau poseur du chemin de croix".
L'inventaire dressé le 24 janvier 1906 fait mention sous le n° 4 du chemin de croix, scellé au mur "tout le long des côtés sud et nord", "dont les 14 tableaux sont en pierre avec reliefs". A la fin des années 1960, à l'occasion de travaux de rénovation intérieure de l'abbatiale, le décor et le mobilier néo-médiéval du 19e siècle sont supprimés sans aucun scrupule. Promis à la destruction, le chemin de croix est sauvé et récupéré par un ouvrier, M. Conchard, chez qui il est retrouvé, en Dordogne, après sa mort récente. En 2022 il a été récupéré par la commune de Souillac et entreposé aux ateliers municipaux.
Fondé en 1855 par Jean-Baptiste Bény, prêtre et sculpteur, sous l'impulsion de lévêque de Poitiers, Mgr Pie, l'atelier Saint-Hilaire se spécialise dans lameublement des églises dans le style néo-gothique ou néo-roman du moment et connaît une production considérable durant un demi-siècle. En 1865 il est cédé aux sculpteurs Armand Multon et Amédée Charron. En 1872, l'architecte Adolphe Beausoleil succède à Multon. Chargé de dessiner et d'adapter des modèles de meubles religieux aux édifices auxquels ils sont destinés, Beausoleil s'associe à Charron. Leur collaboration se poursuivra jusqu'en 1897. En 1897, Delphin Pelletier remplace à son tour Charron comme responsable de la sculpture à la tête de l'atelier ; sa collaboration avec Beausoleil prendra fin en 1907. C'est à cette date que l'activité de l'entreprise décline, à la fois en raison de l'évolution de la mode et de la diminution des commandes au lendemain de la loi de Séparation des Églises et de l'État.
Si plusieurs oeuvres de cet atelier ont été à ce jour répertoriées (surtout des autels) et tout particulièrement dans le Sud-Ouest de la France, aucun chemin de croix n'a pour l'instant été identifié d'où l'intérêt à faire protéger au titre des monuments historiques le chemin de croix de Souillac et le réinstaller à son emplacement initial dans l'abbatiale.
Chercheur pour le Département du Lot depuis 2017. Conservateur des antiquités et objets d'art du Lot depuis 2019.