Dossier d’œuvre objet IM34010202 | Réalisé par
  • recensement des peintures murales
Plafond du château des archevêques de Narbonne
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) RCPPM
  • (c) Inventaire général Région Occitanie

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Hérault
  • Commune Capestang
  • Adresse rue du château
  • Cadastre 2022 K2 1198

Daté du XVe siècle, à Capestang, le plafond peint du château des archevêques de Narbonne, s’il est connu des initiés depuis longtemps, n’est accessible au public depuis seulement quelques années. Un centre d’interprétation permet de comprendre le contexte historique qui a permis l’élaboration de ce programme iconographique aussi subtil que merveilleux, pourtant situé dans un « simple » lieu de villégiature, non pas dans le siège archiépiscopal, mais dans une petite ville active dont l’archevêque était le seul seigneur .

D’un plafond peint dans un village languedocien…

2 En 1956, l’abbé Giry avait publié une première étude sur « La salle haute du château de Capestang  (...)

3 La restauration de la façade sud du château de Capestang (www.culture.gouv.fr/content/download/4592(...)

3Depuis la fin des années 1970, un très petit nombre de personnes connaissait l’existence de ce plafond de Capestang2. Il avait eu son heure de célébrité au xixe siècle, dont témoignent les relevés du grand architecte Revoil, restaurateur, entre autres, du Palais des papes. Il fut inscrit à l’Inventaire en 1956, classé monument historique en 1981, mais pour les habitants du village, il était principalement le Foyer rural. On identifiait à peine le château qui l’hébergeait comme ayant appartenu aux archevêques de Narbonne. L’un des murs d’enceinte du château avait disparu sous le ciment du « marché couvert », d’où émergeait une tour que l’appareil et les meurtrières dataient du xiiie siècle. Qu’était cette salle obscure, presque inaccessible depuis que l’escalier, qui avait été un beau gradin de pierre dans la cour, en avait été récemment démonté ? La façade médiévale avait eu, sans nul doute, belle figure avec ses hauts arcs à mâchicoulis, avant d’être rongée par les injures du temps et du vent marin3. Elle se prolongeait inexplicablement dans une longue et riche bâtisse du xixe siècle. Et il y avait quelque chose d’anormal à la jonction des deux façades (fig. 2).

Fig. 2 : Façade méridionale du château des archevêques de Narbonne à Capestang (Hérault)

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Photo Marc Kérignard. © Service connaissance inventaire du patrimoine région Occitanie

4En effet, la maison bourgeoise avait englobé deux travées de la salle d’apparat des archevêques. Une acrobatique reptation par-dessus deux faux plafonds permit de découvrir deux nouvelles poutres et leurs closoirs rutilants. Tout était à comprendre, non seulement dans ce décor dont la somptuosité passée était évidente, mais dans l’histoire du bâtiment et de cette vaste salle devenue grenier. Une poutre du plafond portait les armes de l’archevêque Jean d’Harcourt : on pouvait donc le dater du milieu du xve siècle. Mais les armes de l’archevêque Bernard de Fargues sur le décor des murs, en alternance avec les armes de France, renvoyaient à la première moitié du xive siècle et révélait que la salle avait été d’abord une immense aula sur arcs diaphragme, avant que Jean d’Harcourt ne la fît découper en trois salles, dont une salle d’apparat, et couvrir d’un plafond plan et peint (fig. 3).

Fig. 3 : Vue d’ensemble de la charpente du château des archevêques de Narbonne à Capestang (Hérault),

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Photo Georges Puchal. © RCPPM

4 Philippe Bernardi, « Décor et support : quelques éléments de terminologie relatifs aux charpentes (...)

5Une nouvelle équipe municipale élue en 2001 prit les choses en main, avec l’aide de la DRAC, du conseil général de l’Hérault et de l’Europe. Une minutieuse étude d’archéologie monumentale permit de comprendre les étapes de la construction de cet ensemble complexe qui s’ordonnait en une vaste enceinte à tours circulaires. Puis celle des mauvais traitements qu’il subit et auxquels le plafond de Jean d’Harcourt résista, même si l’espace qu’il couvrait fut transformé et malmené. Impossible de ne pas faire partager au public les rouges somptueux, le dessin délicat des volutes végétales et des rubans colorés ni les saynètes que portaient les planchettes glissées entre les solives, planchettes qu’on savait à peine nommer : métopes, parédals, ais d’entrevous, bugets ? Au risque de blesser les oreilles méridionales, Philippe Bernardi, rappelant leur fonction structurelle autant que décorative, demanda qu’on s’accordât désormais à les désigner comme des « closoirs4 ».

6Le plafond du château des archevêques eut désormais sa vie propre au rythme des visites. Un centre d’interprétation attenant au château a l’ambition de faire comprendre, dans un mouvement de zoom, que les archevêques de Narbonne étaient de richissimes prélats, que Capestang avait été une ville médiévale prospère, que les archevêques avaient, les uns après les autres, contribué à édifier le château, avant qu’il ne rétrécisse au fil des évolutions de l’histoire et du changement des manières de vivre de l’élite. Des visiteurs venus de pays lointains témoignent sur le livre d’or de leur surprise et de leur fascination. Et la « Légende de l’étang », un son et lumière projeté tout l’été sur le mur de la collégiale à un public massé sur la grande place du village, transforme pour tout un chacun ce décor en un conte.

  • Période(s)
    • Principale : 4e quart 15e siècle
  • Dates
    • 1493
    • 1494

Le premier étage du bâtiment ouest est composé de deux salles contiguës d'environ 20 m de long pour 7 m de large couvertes par deux plafonds peints. Ils sont composés au total de sept poutres, dont deux poutres de rives, qui s'encastrent dans les murs selon une orientation ouest-est. Elles supportent six travées de quatorze solives avec arêtes chanfreinées et rainures sur la face inférieure. Les solives semblent être d'un seul tenant et filer sur la longueur des deux salles. Des closoirs sont insérés en biais entre les solives et concentrent la majorité du décor peint. Initialement, les deux plafonds possédaient 180 closoirs, dont il ne subsiste aujourd'hui que 125. Des couvre-joints et des chanfreins complètent le décor et viennent recouvrir les interstices des planches en formant des caissons. Ils sont peints de motifs géométriques et végétaux réalisés au pochoir identiques à ceux conservés au rez-de-chaussée du bâtiment nord du château.

Les poutres des plafonds présentent des profils et des caractéristiques hétérogènes qui pourraient correspondre à différentes transformations opérées au cours des siècles. Pour les besoins de l'étude, un numéro a été attribué à chaque poutre selon une lecture nord-sud du plan des plafonds.

Dans la première salle, la poutre de rive nord (poutre I) est composée de deux sections qui se rejoignent et prennent appui sur un corbeau en pierre. Elle possède un décor composé de cimaises et de moulures accompagné de rainures sur la face inférieure. Cette poutre se trouve devant une autre poutre beaucoup plus fine, partiellement visible à l'angle est de la salle. Elle s'encastre dans le mur est, nettement repris. Fortement dégradée, cette poutre suit la forme du mur nord et supporte deux closoirs peints. Il semble par conséquent que l'emplacement actuel de la poutre de rive résulte d'une modification ultérieure du plafond, avec potentiellement un déplacement de celle-ci dans une volonté de cloisonner la salle.

L'angle nord-ouest de la première salle est marqué par une poutre coupant quatre solives en biais et reposant en partie sur la poutre de rive nord. L'autre extrémité de la poutre s'encastre dans le mur ouest qui est recouvert d'un épais enduit. Cette poutre se distingue du reste du plafond par son absence de décor et en adoptant un profil barlong. Plusieurs closoirs se situent parallèlement à l'axe de la poutre et ne reposent de fait sur aucun élément de charpente. Ils semblent par conséquent difficilement remplir leur rôle structurel. Le même montage est visible dans l'angle sud-ouest de la seconde salle et laisse supposer une réalisation contemporaine. Au regard de l'emplacement des closoirs et des profils des poutres, il semblerait que celles-ci aient fait l'objet de modifications qui restent toutefois difficiles à déterminer.

La poutre II a un profil oblong avec un décor mouluré constitué de cimaise clouée en partie supérieure, partiellement arrachées sur sa face sud. Les arêtes ont été débitées de façon irrégulière et des traces d'arrachement sont notables sur la face inférieure de la poutre. Elles peuvent se justifier par le cloisonnement de la salle à cet endroit. Deux closoirs ont également disparu sur la face sud suite à la mise en place d'une cheminée dont l'âtre est toujours conservé.

La poutre III présente un profil carré avec cimaises clouées en partie supérieure et arêtes vives. Compte tenu de sa découpe, il est possible que cette poutre ait été changée. Toutefois, la présence d'un épais enduit sur les murs ouest et est empêche d'étudier plus amplement cette hypothèse. Actuellement, les murs ne présentent aucune trace pouvant attester du changement de la poutre.

La poutre IV reçoit la cloison qui sépare les deux salles. Elle a un profil oblong avec cimaises en partie haute et moulures en partie basse. L'extrémité est conserve un décor prismatique fortement altéré.£Dans la seconde salle, les poutres V, VI et VII présentent une certaine unité. Elles ont toutes un profil oblong avec cimaises et moulures sur les faces latérales et décor prismatique sur les extrémités est. Les extrémités ouest semblent toutes avoir été modifiées a posteriori. Ces changements pourraient se justifier par les transformations réalisées sur le mur ouest. D'autres critères propres à chaque poutre témoignent des remaniements qu'a connus la salle. L'appui ouest de la poutre V a dû être renforcé au niveau du mur par la mise en place de renforts en métal au-dessus de la baie en plein cintre en raison de l'agrandissement de celle-ci. La poutre VI a fait l'objet d'un déplacement comme en témoigne les traces conservées sur les solives. Selon Jacques Peyron, il serait contemporain du cloisonnement de la salle. Néanmoins, il est difficile de comprendre la raison de celui-ci. Il semble qu'il ne puisse être justifié par une volonté d'obtenir une pièce plus grande au sud de l'actuelle seconde salle au vu du faible écart qu'il existe entre l'emplacement d'origine de la poutre et son emplacement actuel. Ce déplacement aurait par ailleurs conduit au remaniement de l'ordre initial des closoirs. L'appui ouest de la poutre VI a également été consolidé par un renfort en bois fiché dans le mur, probablement en raison du déplacement de celle-ci. Des traces d'arrachement sont visibles sur sa face inférieure et peuvent se justifier par la présence d'une ancienne cloison. La poutre de rive sud (poutre VII) se compose de deux sections qui s'encastrent selon une enture droite le tout reposant sur un corbeau en bois. Elle supporte une poutre formant un pan coupé dans l'angle sud-ouest de la salle et possédant les mêmes caractéristiques que celle conservée dans l'angle nord-ouest de la première salle.

Ces deux plafonds devaient initialement faire partie d'un ensemble plus vaste de plafonds décorés, peints et moulurés au sein du château. Néanmoins, une étude comparative reste limitée en raison des multiples remaniements et de l'état fragmentaire des autres charpentes. Il est toutefois possible d'identifier plusieurs critères en commun qui laisseraient envisager la réalisation de plusieurs plafonds à la même date, à savoir des poutres aux profils oblongs avec cimaises et moulures sur les faces latérales et décor prismatique sur les extrémités. La présence de couvre-joints et de chanfreins peints sur plusieurs plafonds permet également d'étayer cette hypothèse.

Le décor ne se limite pas aux peintures des closoirs, mais il est aussi porté par un ensemble raffiné de planchettes, baguettes, moulures, quarts-de-rond, joints et faux-joints qui, en outre, adoucissent les angles et construisent une géométrie subtile. Décor végétal de volutes lotus et de vignes sur les planchettes ; plus fines les diverses baguettes sont agrémentées de tores ou de pyramides.

Il n’y a en revanche, pas la moindre trace de pigments sur les merrains. Sur le plancher lui-même, l’unique décor des parois est le quadrillage des joints et faux-joints, décorés.

  • Catégories
    peinture, menuiserie
  • Matériaux
    • bois, peint, polychrome
  • Iconographies
    • armoiries
    • portrait
    • animal
    • animal fantastique
    • hybride
    • saint
    • putti
  • Précision représentations

    Les closoirs reçoivent un décor peint d'une grande richesse iconographique où l'héraldique occupe une place importante. Le seigneur de Pomas, Antoine Rabot, y fait représenter les armoiries des puissants de son époque auxquels il doit rendre hommage. Une attention particulière est accordée au roi, Charles VIII, mais surtout à sa famille et à sa descendance dont les armes sont présentes à plusieurs reprises sur les deux plafonds, soulignant ainsi la pérennité du pouvoir dynastique. A travers ces peintures, le commanditaire, issu d'une famille récemment anoblie, met en avant son ascension sociale et son intégration au sein des pouvoirs religieux et politiques locaux. A côté de ces écus, figurent les armes des Rabot accompagnées de leur entourage et suivies des alliances contractées par la famille. Elles se situent à côté de closoirs où se développe un décor de grenades et d'œillets rouges, symboles d'union et de fécondité. Celle-ci est explicitement évoquée par une Annonciation qui occupe une place centrale au sein du plafond de la seconde salle. Ce thème iconographique rare dans les plafonds peints accentue alors l'importance accordée à la religion par le commanditaire auxquels participent la présence de plusieurs saints et d'objets utilisés dans la liturgie eucharistique. Ces closoirs côtoient un riche bestiaire où se mêlent animaux réels, tels que chien et cerf, et hybrides dont le traitement rigide contraste avec les nombreux portraits marqués par une expressivité saisissante. Les portraits souvent de trois-quarts se démarquent de la production contemporaine locale et témoignent d'une influence italienne aussi visible dans la représentation d'enfants et de putti jouant. Les peintures des plafonds du château de Pomas constituent un décor prestigieux témoignant de préoccupations stylistiques nouvelles.

  • Inscriptions & marques
    • armoiries
  • Précision inscriptions

    Le seigneur de Pomas, Antoine Rabot, y fait représenter les armoiries des puissants de son époque auxquels il doit rendre hommage. Une attention particulière est accordée au roi, Charles VIII, mais surtout à sa famille et à sa descendance dont les armes sont présentes à plusieurs reprises sur les deux plafonds, soulignant ainsi la pérennité du pouvoir dynastique.

  • Statut de la propriété
    propriété de la commune
  • Intérêt de l'œuvre
    À signaler
  • Protections
    classé au titre immeuble, 1981/12/23
  • Précisions sur la protection

    Plafond peint au premier étage et salle correspondante (cad. A 1113) : inscription par arrêté du 16 novembre 1987

  • Référence MH

Bibliographie

  • Le plafond peint est-il un espace marginal ? L’exemple de Capestang dans : Plafonds peints médiévaux en Languedoc.- Actes du colloque de Capestang, Narbonne, Lagrasse.- 21-23 février 2008.- Perpignan : Presses Universitaires de Perpignan, 2009.- 249 p. : ill. ; 25 cm

    Centre de documentation du patrimoine, Montpellier : (Lang) B 9372
    p. 67-98
  • CLARINVAL, Sophie. Le plafond peint du château de Capestang en Languedoc, 2001. mémoire de maîtrise d'histoire de l'art, Université Paul-Valéry, Montpellier III

    centre de documentation du patrimoine, Montpellier : VII 7539 (1) (2) (3)
Date(s) d'enquête : 2019; Date(s) de rédaction : 2022
(c) Inventaire général Région Occitanie
(c) Association Internationale de Recherche sur les Charpentes et Plafonds Peints Médiévaux