Sur le plan cadastral de 1814, la vaste parcelle D 1427, située à l’ouest du hameau Lardaillé, au lieu-dit « Bois de Beaulieu » est vierge de toute construction. Comme le mentionne l’état des sections (3P773, tableau indicatif des propriétaires, non daté), cette parcelle est une « coupe du bois impérial », non imposable. Il s’agit vraisemblablement d’un bien confisqué à l’abbaye de Beaulieu (Ginals) et vendu comme bien national après la Révolution, en l’an II ou III (1792-1793 ou 1794-1795). Mention de la 6ème à la 25ème coupe du bois impérial.
En 1822, Clément Cambe (1802-1859), fils du propriétaire du château de Cornusson (Parisot) et percepteur des contributions civiles à Caylus est déclaré propriétaire de ces parcelles de bois D 1427 et 1428 (matrice cadastrale 3P774, fol. 94).
Il est le commanditaire de la maison (D 1427) construite en « 1833 » d’après la date inscrite sur le linteau de la porte. Cette « nouvelle construction » comprenant 14 ouvertures n’est déclarée dans la matrice cadastrale que 5 ans plus tard, en 1838. (AD82, matrice 3P774, 1822, f. 94).
Clément Cambe et son épouse Julie Louise de Lacontrie Perdrix font également construire aux lieu-dit « La place », à 1,5 km au nord de cette propriété du bois de Beaulieu plusieurs maisons sur les parcelles C 734, 746. La propriété est appelée « Saint-Hippolyte ». L’origine de ces appellations de « Saint Edmond » et « Saint-Hippolyte » renvoient aux prénoms d’aïeux de la famille Cambe et de Lacontrie Perdrix.
La fille de Clément Cambe, Marie Cambe (1836, Caylus-1914) épouse de Théophile Durieu (1827-1880), notaire à Caylus, hérite du domaine appelé « de Saint-Edmond » en 1881. D’une superficie de 40 hectares « en nature de terres labourables, prés, friches, bois et pâtures et de toutes les dépendances », la propriété est estimée à 40000 francs dans l’acte de succession du 30/09/1881 (Pagès notaire à Saint-Antonin, acte n°473). Sa sœur Marie-Louise Cambe, épouse Turlan héritera quant à elle du domaine de Saint-Hippolyte, beaucoup plus vaste.
Quelques années plus tard, Marie Cambe semble engager des travaux à Saint-Edmond. Une « construction nouvelle » achevée en 1886 (matrice 1882, 3P778, cahier des augmentations-diminutions), parcelle 1427 est déclarée en 1889 avec 3 ouvertures. Il est difficile de savoir de quel bâtiment il s’agit. Puis, en 1890 est mentionnée une « addition de construction », la maison comprendra 15 ouvertures (matrice 1882, 3P778, c. 288) pouvant correspondre à l’ajout qui se développe perpendiculairement à la façade postérieure, à l’arrière du logis. Toutefois rien ne le confirme.
À cette période (dénombrement 1891, 6M148), 8 personnes vivent et travaillent à Saint-Edmond : Marie Cambe, son fils Joseph Durieu (1876-1941, Montauban) alors âgé de 15 ans et le personnel de maison : un précepteur Etienne Pézard, une fille de chambre Marceline Durand, une cuisinière Eulalie Bès, une servante Marie Bès et deux cultivateurs ouvriers : Félix Donnadieu et Alexandre Mèche.
Après son mariage à Villefranche-de-Rouergue (12) en 1905, Joseph Durieu et son épouse Mathilde Cardonnel de Fronrozal vivent à Saint-Edmond avec Marie Cambe et une domestique (dénombrement 1906, 6M216). Il semblerait, d’après la tradition orale, que des difficultés financières aient incité la famille à vendre la propriété en 1912 (dans la matrice de 1911). Le jeune couple part à Montauban où Joseph deviendra directeur de la banque Courtois.
Le tombeau des familles Cambe-Durieu-Turlan a été photographié par Paul Faur (AD82, 22Fi713) notaire et photographe amateur, confrère du notaire Théophile Durieu. Il se trouve au cimetière de Caylus. Paul Faur a réalisé d'autres clichés au domaine de Saint-Edmond[1].
Le docteur Linon et les métairies
L’acquéreur de Saint-Edmond mais également du domaine de Saint-Hippolyte est Antoine Linon (1860, Montdoumerc - 26 mars 1933, Caylus), médecin à Caylus et maire de cette commune, élu en 1902 (conseiller municipal dès 1896). Il sera conseiller général du canton de Caylus de 1907 à 1913 (son portrait dans : G. Miquel, G. Sicart « Le canton de Caylus en Tarn et Garonne – Un siècle en image 1900-2000 », vol. 2, 2003).
Le docteur Linon, exerce et réside à Caylus, route nationale, aujourd’hui n°39 et 41 avenue du père Huc. En 1896, quatre ans après son mariage, il y vit avec son épouse Marie-Louise Bes (mariage à Caylus le 9 juin 1892), leurs deux filles Anne-Marie et Béatrix, les parents de Marie-Louise : Louise et Jules Bes (négociant) ainsi que deux domestiques et une bonne (dénombrement 1896, 6M155).
Une photographie de Paul Faur (AD 82, 22Fi533) permet de voir, sur la terrasse de toit de la maison Caylusienne, un homme et deux fillettes qui regardent le défilé militaire : le docteur Linon, Anne-Marie et Béatrix ses filles.
D’après la tradition familiale, le docteur Linon a récupéré le matériel médical du docteur Daudibertières Léopold de Caylus.
Saint-Edmond, l’une des propriétés du docteur à Ginals, est gérée par le fermier Jean Ramond et sa famille. Elle comprend deux maisons dont une est toujours déclarée, dans la matrice cadastrale de 1911, avec 15 ouvertures. Une grange et un hangar apparaissent dans la matrice de 1913 (matrice 1913 propriétés non bâties, 3P781, c. 612, 613).
Durant cette période le docteur Linon roule dans une automobile de marque « pilain », immatriculée le 28 mai 1913 (AD 82, 1438W195 : Registre des immatriculations des véhicules, janvier 1908-décembre 1915).
Il a également acheté à la famille Cambe/Durieu le vaste domaine voisin de Saint-Hippolyte de 90 hectares, au lieu-dit La place (1814 C 734). C’est le métayer Antoine Delpech qui y travaille (dénombrement 1911, 6M240).
Béatrix Linon, l’une des deux filles du couple Linon-Bes hérite de Saint-Edmond en 1935. L’autre fille Anne-Marie Linon (née 8/11/1893) épouse Claude Coppin le 9 octobre 1922. Leur fille Claude (Antoinette Julienne) Coppin née le 6/08/1923 à Caylus, est mise au monde par son grand-père le docteur Linon. Ce sont les enfants de Claude Coppin (épouse Delerue) qui héritent du domaine de Saint-Edmond.
Aujourd’hui, la propriété appartient toujours à cette famille. La dépendance qui abritait également le logement des métayers a été restaurée en 2015 et 2024 et n'a plus aujourd'hui de fonction agricole.
[1] Voir annexe iconographique IA82119258