En 1838, le terrain situé à Pièce Ronde appartenait à Elie Benoit (ADT, 3 P 967, parcelle C 741), l’un des principaux fabricants de draps à Labastide-Rouairoux et domicilié au n° 11 de la même rue (voir IA81013191). Une fabrique de draps y est déclarée au cadastre comme construction nouvelle en 1864 par son successeur, Camille Benoit, lui aussi fabricant (ADT, 3 P 968, registre des augmentations et folio 46). Il s'agit très certainement du corps de bâtiment rectangulaire situé au centre de l'usine actuelle que l'on peut dater de cette période, et qui constituait la première "usine bloc". La maison voisine associée à l'usine (parcelle AC 230) a probablement été élevée à la fin du 19e siècle par la famille Benoit ; elle est représentée sur un plan de Labastide-Rouairoux de 1892 (ADT 5 M 16/167).
La famille Benoit garde l'usine jusqu'au début des années 1920, puisqu'en 1922 Elie Benoit fils la vend à Jean Barthès, industriel (ADT, 3 P 970, case 69). Jean ou Pierre Jean Barthès (1874-1942) est un industriel du textile au parcours remarquable. Il entre à l’âge de 18 ans dans la grande usine du Moulin Gau ou Manufacture Alba La Source à Payrin où il apprend le tissage et la fabrication de draps (Notice généalogique de la famille Barthès par Pierre Nappez, 2023). En 1899, il quitte Payrin pour venir travailler à Labastide-Rouairoux dans les Etablissements Barthe (13 boulevard Carnot, IA81013173). Là, il gravit tous les échelons pour finir associé. En 1920, il crée un fonds de commerce de fabrication et de vente de tissus sous le nom Manufacture de draperies Pierre Barthès, inscrite au registre du commerce sous le n° 273. C’est donc pour développer cette activité qu’il fait l’acquisition de l’usine du 8 rue Gambetta (qui offre des possibilités d’extension) ainsi que d’un atelier de tissage existant au 50 boulevard Carnot et d’un autre au n°33 du même boulevard (juste en face).
Le site a été largement agrandi entre les années 1930 et 1950 (AP Sartiss, plans). En 1932-1933, les extensions prennent place de chaque côté de la fabrique initiale : un tissage à l’est et et un bâtiment à un étage à l’ouest, dont le rez-de-chaussée abrite la salle des matières et le premier étage, des ateliers (fonction non précisée). Puis, en 1947, les agrandissements se poursuivent à l’arrière du site avec la construction d’une vaste salle destinée à l’ourdissage (ADT 1290 W 34, permis de construire, 1946). À cette époque, et à la suite d'un partage, l’entreprise est contrainte de quitter les locaux qu’elle occupait au n°50 boulevard Carnot (détruits) et au n°33 boulevard Carnot (maison familiale des Barthès ?) « où se trouvaient jusqu’à présent les bureaux, un atelier de femmes, le magasin de pièces et le magasin matières » de la société. En 1953-1954, deux nouvelles extensions sont construites à l’avant du site : des entrepôts, une salle de rentrayage à l’étage et des bureaux sont ajoutés côté rue Gambetta. L’escalier principal de l’usine (bâtiment d’origine) est vraisemblablement reconstruit à cette époque. Les plans des deux premières campagnes de travaux (1933 et 1947) sont réalisés par Charles Veaute (IA81013675), architecte à Mazamet. Les plans des années 1950, non signés, ont probablement été dressés également par Charles Veaute. L'usine comprenait en outre les expéditions, les contrôles et visites des pièces (1er étage) et l’échantillonnage (2e étage). L'ensemble des étages étaient desservis par trois monte-charges. La filature, la teinturerie et l'usine d'apprêts se trouvaient à Lacabarède (sur le site de la Plazède pour les deux derniers).
Dans les années 1950, l'usine est la propriété des fils de Pierre, les frères André et Jean Barthès, à la tête de la SARL Manufacture Pierre Barthès. A cette époque, l'atelier de tissage compte vraisemblablement 10 métiers Diederichs et 6 métiers Dornier (plan daté de 1932 mais les mentions se rapportant aux métiers pourraient être plus tardives). Alors que l’entreprise connaît des difficultés financières, l’usine est occupée par les ouvriers à la fin de l’année 1969. Ils sont alors 290 travailleurs répartis entre les sites de Labastide et de Lacabarède. La liquidation est prononcée le 15 janvier 1970, suivie de licenciements massifs. L’affaire et les bâtiments de Labastide sont repris par la SA Filature et tissage J. L. Marmor (1974-1977) qui devient, à la suite d’un nouveau dépôt de bilan accompagné de nouveaux licenciements (1977), la Société nouvelle des Filatures et tissages Marmor (1978-1983). Dirigée par un négociant grossiste en tissus (J-L. Marmor), son activité était principalement tournée vers le tissage de tissus de laine pour l'habillement féminin, vendus aux confectionneurs français et étrangers (antenne commerciale et direction à Paris). Jean-Pierre Fabre rachète le site en 1984 et y installe la SARL Tissage dite SARTISS (1984-2023). A cette époque, l'usine est équipée d'une dizaine de métiers à tisser avec ratières pour la réalisation d'une variété de gammes, dont des tissus en coton, polycoton, lin, laine avec motifs. Ces dernières années, l'entreprise ne travaille plus que le coton élasthanne pour la fabrication de tissus unis. En décembre 2023, son fils arrête l’activité textile et revend le parc des machines (3 bobinoirs, 2 ourdissoirs et 1 ourdissoir pour les fausses lisières, 14 métiers à tisser, 1 visiteuse, 1 enrouleuse, 1 échantillonneuse) ainsi que les bâtiments. À la date de la fermeture, la société employait 3 personnes (un mécanicien, un tisserand et un employé polyvalent ourdisseur/tisserand). Les bâtiments abriteront, en 2024, de nouveaux usages (stockage, atelier de mécanique, photovoltaïque).
Photographe prestation Fish Eye dans le cadre de l'étude du patrimoine industriel du département de l'Hérault de 2011 à 2013