Les bains de Canaveilles se situent à une centaine de mètres sous la route nationale 116, sur la rive gauche de la Têt. Culminant à 700 mètres d’altitude, les bains de Canaveilles sont aujourd’hui à l’abandon et appartiennent à la commune.
Prémices de l’exploitation des eaux
Près des sources de Thuès et de Canaveilles, les moines d’Eixalada construisent un monastère dédié à St André en 846. L’utilisation des eaux est attestée dès lors. La crue de la Têt survenue en 868 détruit le bâtiment, que les moines reconstruisent à St Michel de Cuxa en 868. L’exploitation des eaux est abandonnée pendant plusieurs siècles.
Au XVIème siècle, des bassins troglodytiques sont édifiés, destinés aux bains. Anglada les mentionne en 1833 dans son ouvrage . Aucun bâtiment en élévation n’apparait sur le cadastre ancien de 1824. Un premier établissement modeste voit le jour en 1844, sous l’impulsion du propriétaire des sources, Jean Pierre Carrère, cultivateur à Canaveilles. Il construit des logements et 5 baignoires en ardoise (ADPO- 3E555/59). Lors du décès de Carrère en 1856, l’établissement est vendu à Cyprien Gallarde, cabaretier à Olette. L’acte de vente comprend un inventaire qui mentionne un jardin, les sources, un terrain et tous les biens meubles. La création d’un chemin entre l’établissement et la route nationale facilite l’accès. Le nouveau propriétaire améliore et agrandit l’établissement. Il remplace les baignoires en ardoise par des baignoires en marbre. Dès lors, l’établissement prend de l’envergure.
Autorisation d’exploitation et développement de l’activité
Les bains de Canaveilles prennent le nom de Graus de Canaveilles (ROSENSTEIN/BARNADES, p.80.) en 1862, et reçoivent une mention honorable par le jury de l’exposition de Perpignan, car ils font partie des premiers établissements thermaux des Pyrénées-Orientales. Mais le propriétaire n’a toujours pas l’agrément d’exploiter les sources en bains, douches et boissons . Après une lutte vaine auprès du ministre de tutelle pour utiliser les eaux en bains, douches et boissons, Gaillarde cède l’établissement des Graus de Canaveilles à Jacques Bigorre (ADPO-3E55), négociant à Olette, le 19 aout de la même année. Le professeur Filhols procède à l’analyse des quatre sources principales, et établi qu’il est nécessaire de construire deux réservoirs d’eau pour le service des baignoires et des douches. Bigorre obtient l’autorisation d’exploiter les eaux de Canaveilles le 28 mai 1868. Une crue de la Têt survenue en 1876 endommage les installations et le petit bâtiment primitif. Bigorre construit alors un établissement plus grand.
Lors du décès de Jacques Bigorre le 29 avril 1901, Son fils Antonin hérite de l’établissement thermal. Il poursuit son exploitation tout en préservant ses intérêts, en particulier face à un risque de pollution des eaux qui pourraient résulter de l’exploitation minière du cuivre. Mais lors du décès de son épouse en 1929, il met son établissement en vente. Il décède à son tour en 1931 à Olette. Leurs filles héritent de l’établissement, décrit comme suit dans l’acte notarié : « un établissement comprenant un corps de bâtiment comportant deux constructions juxtaposées communiquant entre elles par une galerie extérieure. La construction est élevée de trois étages sur un rez-de-chaussée avec terrain attenant. (…) Au rez-de-chaussée, quatre baignoires en marbre noir et l’installation des salles de douches. Au premier étage, sept baignoires en marbre blanc. Dans la salle à manger, une grande table d’hôtes et trois petites tables, trente chaises ? Dans une autre salle, deux tables et six chaises. Dans la cuisine, une cuisinière, une batterie de cuisine, un garde-manger des tables de marbre dix chaises, des bancs, un service de table. Dans chacune des huit chambres, un lit en fer avec sommier et matelas une table de nuit et une table de lavabo. Au deuxième étage, dans les neuf chambres, même garniture sauf dans deux qui contiennent deux lits. Au troisième étage, neuf chambres avec la même garniture, sauf trois qui contiennent une paillasse. ». Dans ce descriptif de 1931, on note les différents niveaux de confort proposés aux baigneurs.
Le relais de l’Infante
Les héritières de Bigorre ne poursuivent pas l’exploitation de l’établissement, qui reste fermé jusqu’en 1941. Marcel Pancerra s’en porte acquéreur, mais au sortir de la guerre, il ne peut investir dans les rénovations qu’il avait projetées. Il entreprend des rénovations moins ambitieuses et apporte un caractère singulier à l’établissement, entre 1955 et 1959. Il crée le relais de l’Infante, un relais gastronomique, dans l’ancien établissement thermal. Dans l’Indépendant du 8 juillet 1959, la description des bains de Canaveilles, après des années de fermeture, a un goût de renaissance. On décrit un style renaissance espagnole. Quarante chambres modernes sont aménagées avec chacune un cabinet de toilette particulier. Les murs ocres en nid d’hirondelle s’harmonisent avec les briquettes rouges. Le blason des anciens seigneurs de Canaveilles figuresur un écusson en bois sculpté, un lévrier noir bondissant avec un collier rouge sur fond or (THUILLARD, 1959). En 1961, une plateforme est aménagée au-dessus de la piscine afin de facilité le stationnement des véhicules. Le président Vincent Auriol déjeune au relais de l’Infante en 1961, lors d’une cure à Vernet-les-Bains.
Lors du décès de Marcel Pancera en 1974, son épouse cède l’hôtel au couple Branislav Stefanovic et Monique Garnier en 1978. Mais le 5 avril 1984, le relais de l’Infante est en proie à un incendie qui ravage l’ensemble du bâtiment. Depuis lors, le bâtiment est à l’abandon et la nature investit les lieux. L’eau continue toutefois de couler aux fontaines et buvettes. La commune de Canaveilles est désormais propriétaire des lieux depuis une dizaine d’années.