Une exploitation antique des sources
La fréquentation du site des Bains d'Arles (ancien nom du bourg) est attestée à l'époque gallo-romaine par différents vestiges et il semble que la présence d'eau chaude explique la permanence de l'habitat. En 1845, lors de travaux menés par Antoine Puiggari, officier du génie pour améliorer le débit, sont découvertes des inscriptions sur des feuilles de plomb qui mélangent le latin et une langue locale et invoquent les divinités des eaux, les Kantas Niskas (lettre d'A. Puiggari à son oncle Pierre datée du 24 juin 1845). D'après Pierre Ponsich, le terme de "Kantas Nikas" signifierait "brillantes jeunes filles". C'est peut-être par mémoire et par consonance que l'église construite sur place au IXe siècle aurait été dédié à Saint-Quentin, dédicace unique à ce saint dans le Roussillon (Ponsich, 1952, p. 228-229). En 1868 les plombs font l'objet d'une note du commandant Ratheau mentionnant les fouilles récentes exécutées par Péligot (Congrès archéologique de France, XXXVe session, 1869, p. 218). On identifie une autre piscine romaine ainsi qu’un aqueduc creusé en partie dans la roche vive, pour amener les eaux froides du Mondony.
Lors de la crue de 1940, une vingtaine de blocs gravés bien antérieurs, estimé à 800 av. J.-C., ont été mis au jour, peut-être enterrés après le capitulaire de Charlemagne en 789 interdisant les vœux et offrandes païens aux fontaines. Ils indiquent l'ancienneté et la continuité de l'occupation du site. Les thermes antiques sont alors abandonnés jusqu’en 778.
Le site des thermes serait connu à l'époque latine sous le nom d'Arulae, désignant de petits autels, sans doute près des sources, qui auraient été détruit à l'époque paléo-chrétienne. Les premiers thermes construits par les Romains au 1er siècle de notre ère, sont probablement détruits en 406.
L'Anonyme de Ravenne au VIIe siècle, guide de voyageurs, propose un itinéraire dans le Roussillon : "Narbonne, Combusta, Ruscinone, Aquae Calidae, Pyreneum". Aquae Calidae (eaux chaudes) est la forme romaine des Escaldes, site thermal en place dès l'époque romaine. Mais cela pourrait plutôt renvoyer aux Bains d'Arles (Amélie-les-Bains) à proximité de la route entre Ruscino (Château-Roussillon sur la commune de Perpignan) et le Perthus (Pyreneum).
En 778, un groupe de moines bénédictins, dirigés par l’abbé Castellan, fonde une église aux Bains d’Arles, dans les ruines des thermes antiques. Elle est dédiée à saint Quentin. Le 17 septembre 820, Louis Ier le Pieux accorde l’immunité à Castellan. La population s’organise autour de l’abbaye et un village se crée. Les moines restaurent les griffons, canalisent les sources. En 832, Castellan meurt.
La bonne réputation des eaux
Durant la période médiévale, peu d’informations concernent l’exploitation des sources. Les bains sont communs aux deux sexes, ce qui ne convient pas à la morale. De plus, aux bains d’Arles, une piscine est réservée aux lépreux. L’utilisation des eaux par les malades engendre des problèmes d’hygiène et un risque de contamination.
Toutefois, à la fin du XIVe siècle, la reine Yolande, épouse de Jean 1er d’Aragon, effectue un séjour aux bains d’Arles dans l’espoir de guérir de sa stérilité. La réputation de ces eaux sont maintenues intactes jusqu’au XVIIe siècle. Le village est alors composé de quelques chaumières groupées autour des thermes. Les thermes et l’église Sain-Quentin sont propriétés des moines.
Le 26 mai 1605, Henry IV crée la surintendance générale des bains et fontaines minérales du royaume, exprimant ainsi un intérêt pour le thermalisme. De fait, le patrimoine thermal est amélioré afin de soigner les malades. Mais sous Louis XIII, les thèses de médecines ne relèvent pas encore de la science.
En 1712, les thermes deviennent propriété de la commune. Colbert s’intéresse au thermalisme et fait distiller toutes les eaux minérales qui se trouvent dans les provinces pour connaître leurs différentes qualités et savoir à quoi elles sont propres. Les analyses chimiques se multiplient, ainsi que les publications de traités et de notices sur les eaux des Bains d’Arles. En 1756, Carrère publie le traité des eaux minérales du Roussillon et note la présence de glairine aux Bains d’Arles. Cet intérêt de la science pour les eaux entraîne une amélioration des thermes en 1781.
A la fin du XVIIIe siècle, les installations romaines sont toujours en place à Amélie : l'intendant du Rousillon Louis-Hyacinthe Raymond de Saint-Sauveur décrit en 1779, lors de leur réaménagement un bassin rectangulaire mesurant environ 50 pieds du 26 (soit 15, 3 m sur 8). Des gradins sont installés sur les deux grands côté et sur le petit côté du fond. Le bassin est divisé en deux parties inégales par un mur : un tiers est dévolu aux bains des militaires tandis que les deux autres sont destinés au public. Il signale, dans les grands côté, la présence de niches qui auraient abrité des statues ainsi que des renfoncement carrés. Le bassin est couvert d'une voûte en berceau, en plein cintre, percée d'une large ouverture carré permettant un éclairage zénithal. Au nord, sont aménagés quatre cabinets de bains particuliers ainsi que deux étuve (Frenay, 1987, p. 11) L'intendant fait construire un bassin supplémentaire pour les militaires, découpe la piscine en 5 baignoires qui restent connues pendant plus d’un siècle sous le nom de bains de l’intendant.
Un arrêté du 5 mai 1781 invite les intendants à étudier les sources, protéger les griffons, et surtout, assurer que les malades soient reçus dans de bonnes conditions. A cette époque le bain est fixé à 12 sous, la boisson à 3 sous par jour avec gratuité pour les pauvres et les habitants de la commune.
Les Bains d’Arles sont alors un petit village de dix-neuf foyers. Anglada termine un essai sur la nature, les vertus et les usages des eaux thermales des bains d’Arles. Il conclut à la nature sulfureuse des eaux. Mais la révolution est peu propice à la publication d’études scientifiques.
En 1813, la commune vend les thermes à Pierre Hermabessière pour la somme de 19 323 F, qui réalise d’importantes améliorations dans les années 1830. Dès 1832, il demande la création d’un hôpital militaire aux Bains d’Arles.
L’ouverture de la concurrence
Entre 1838 et 1842, le Docteur Pierre Pujade (salarié d'Hermabessière dans les années 1820) entreprend la construction des thermes Pujade qui fait concurrence aux thermes Hermabessière, d'autant plus que les deux ne se s'apprécient pas (Frenay, 1987, p. 103-107).
Pierre Hermabessière fils, docteur en médecine, succède à son père en 1840 et procède à de nombreuses améliorations des bains romains : il réaménage les logements, fait reprendre la distribution des eaux, améliore la qualité de la nourriture proposée. Il fait placer 24 cabines de bains sous la voûte romaine, équipées de baignoires en marbre dont 12 possèdent les appareils pour les douches variées et les bains de vapeur. Le nombre de baigneurs qui fréquentent l'établissement passent de 285 (pour 3 114 bains et 1742 douches) en 1833 à 499 en 1839 (5 119 bains et 3 531 douches) auxquels il faut ajouter 1 050 bains donnés à des militaires (Notice sur les eaux thermales sulfureuses d'Arles-les-Bains, 1840).
En 1855, les logements comportent 57 chambres meublées convenablement complétées par une salle à manger, un salon de compagnie doté de journaux, livres et piano. Les installations sont alors adaptés à l'exploitation hivernale grâce au chauffage de l'établissement et de ses dépendances au moyen de l'eau thermale qui est entre 40° et 60°.
En 1863, Isaac Pereire rachète les thermes romains, après la mort du docteur Hermabessière en 1862, et les modernise. A cette date, les deux bains d'Amélie les Bains génèrent un revenu qui s'élève à 3 990 F aux thermes Pujade et 4 300 F aux thermes Hermabessière. Ils sont dépassés par Moligt (revenu de 7 183 F) et par Vernet dont les deux bains conjugués ont un revenu de 6 725 F (AD 66 M n. 848, cité par Frenay, 1987 p. 106).
En 1902, la façade des thermes romains est modifiée, et la société Pereire crée la terrasse annexe au café-restaurant des thermes.
Les "restes des thermes romains dans l'établissement thermal" ont été classés en 1905 sans que ces restes ne soient précisés. La grande salle romaine conserve sa voûte en brique ponctuée de niches. Les recherches archéologiques ont mis au jour dans une salle voisine deux puits hexagonaux voisin, en béton aggloméré, sans doute des bains d'étuve, ainsi que plusieurs grandes baignoires (2 m sur 3 m) en marbre blanc précédées d'un bassin rectangulaire (La Gaule thermale, 1908). Des cabinets et une petite piscine de 10 m sur 4 complétaient l'équipement de cette salle, richement décorée de placages en marbre.
En 1940, les thermes romains sont vendus à la société immobilière des thermes Pujade.
L’aiguat, où la fin d’une époque
Les inondations de 1940 à Amélie et Palalda marquent durablement le paysage et freine les activités liées au thermalisme. Le bilan est de 23 morts et 200 sans-abris. La gare et le chemin de fer sont emportés, ainsi qu’un grand nombre de villas, hôtels, le casino. La reconstruction est lente et douloureuse.
En 1954, les thermes romains deviennent une simple annexe des thermes Pujade : la piscine dite romaine est utilisée et la grande salle romaine désaffectée.
Les thermes romains sont consolidés, dégagés et modernisés entre 1972 et 1978. La campagne est dirigée par l’architecte des Monuments Historiques, Michel Hermite. La grande salle romaine devient une salle d'attente et de repos : elle est dégagée de tous les habillages et cloisonnements qui l'encombraient et masquaient son appréhension générale. La galerie du XIXe qui en faisait le tour est alors détruite, tout comme les fermes métalliques qui étayent la voûte. La restauration a conservé les parements anciens, laissé apparente autant que possible les brèches montrant le matériau du gros œuvre, limiter les reprisses au strict nécessaire pour conforter les maçonneries.
En 1977 l’ensemble des établissements thermaux Pujade et romains sont achetés par la Chaîne thermale du Soleil, qui exploitent aujourd’hui encore les sources thermales d’Amélie-les-Bains.
Les vestiges antiques
Les vestiges antiques conservés comprennent deux salles juxtaposées : la grande salle romaine et la piscine dite romaine.
La grande salle romaine est une vaste salle romaine voûtée en plein cintre. Une salle plus vaste encore était occupée, en son centre, par une piscine. Le pavé est en petites briques (arêtes de poisson) reliées par un ciment très fin. Des cabinets, situés à différents niveaux, communiquaient entre eux. L'un d'eux renfermait une baignoire en marbre blanc. Quelques traces de tuyaux ont été conservées. Usage général de placages en marbre blanc. Le bâtiment ancien se trouvait réuni par une voûte cylindrique à un autre bâtiment dont l'emplacement est en partie occupé par une église du 12e siècle. L'eau thermale qui alimentait le bain vient de la montagne voisine qui conserve des murs de soutènement renversés et quelques fondations autour de la source.
D'après l'historiographie du site, les relevés de fouilles du XIXe siècle et les observations archéologiques récentes, l'établissement antique devait s'étendre autour des constructions actuelles. Il existait à cet endroit un monastère paléo-chrétien installé par Castellan dans les anciens bains thermes romains en 778. Le sarcophage en marbre blanc orné d'un chrisme (Ve siècle) conservé depuis le XIXe siècle sur le parvis de l'abbatiale d'Arles-sur-Tech proviendrait de la nécropole de ce monastère. En 1835 ces vestiges sont décrits par l'historien Henry (Henry, 1835, p. 38-40).
La piscine dite romaine a été très remaniée à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle.