Fillols de la Protohistoire au 13e siècle
L’occupation du territoire de Fillols remonte vraisemblablement à l’époque protohistorique, comme l’indique la découverte à la fin du 20e siècle d’une hache à aileron médian datée du Bronze final II – III. Selon les historiens, cette présence humaine ancienne a pu s’établir non loin du Col de Juell [KOTARBA, CASTELLVI, MAZIERE, 2007, p.387]. De plus, des vestiges d’une exploitation antique du minerai de fer, ont été mis au jour au 19e siècle par des locaux de Fillols, dont un certain M. Pagès. Celui-ci aurait trouvé des creusets d’origine romaine, utilisés pour la fonte du métal. Les creusets sont actuellement conservés dans les réserves de la Société Agricole, Scientifique et Littéraire des Pyrénées-Orientales (Perpignan) [KOTARBA, CASTELLVI, MAZIERE, 2007, p.386]. Ernest Delamont (1830-1881), historien local et auteur de plusieurs ouvrages sur la ville de Prades, atteste également de la présence antique, à travers la mise au jour des « lampes romaines et (des) débris d’amphores (…) journellement retrouvés dans les galeries. Tous ces éléments témoignent ainsi d’une longue période d’occupation, dont les vestiges miniers ont la particularité d’être plus ou moins dispersés au Nord de Fillols (lieux-dits Costes d’Anglada et La Socarrade).
La localité de Fillols apparaît très tôt dans les textes historiques, notamment en 887 sous la dénomination « Fuliols » [BASSEDA, Revue Terra Nostra, Numéros 73 à 80, 1990, p.467]. La bulle du pape Agapet II datée de 950, indique que le lieu de Fillols (« in villa Foliolus), s’inscrit parmi les possessions du monastère de Saint-Michel-de-Cuxa [RAMOS I MARTÍNEZ, PUIGFERRAT I OLIVA, LÓPEZ I GUTIÉRREZ, 1995, p.430]. Cette indication est confirmée en 959, au moment où le comte de Cerdagne, Seniofred, effectue une donation à l’abbaye de Saint-Michel-de-Cuxa, d’un alleu compris dans la villa de « Fullols » [CAZES, Fillols. Revue Conflent. S.d, p.10]. Les limites du territoires mentionnées dans les sources sont le Canigou, la rivière de la Lliterà, le terroir de Gadell (du côté de Corneilla-de-Conflent), ainsi que les lieux-dits Matres et Riu Merder.
Au cours du 10e siècle, les noms employés sont marqués par une voyelle atone en « o » ou en « u », comme c’est le cas entre 918 et 958 avec l’emploi du nom « Folioliis », en 959 (« Foliolum ») et en 968 (« Fulliols ») [PONSICH, Numéro 37, 1980, p.105]. D’un point de vue étymologique, toutes ces dénominations renvoient au latin « Folia » qui désigne le feuillage, complété par le suffixe -eolus [BASSEDA, Revue Terra Nostra, Numéros 73 à 80, 1990, p.467]. Le terme peut également se référer à des bosquets feuillus, ainsi qu’à des fermes ou cabanes à toiture formée par un feuillage. Au 11e siècle, les noms « Foliolus », « Fuliolos » et « Fullols » sont les plus couramment employés. Cette époque est marquée par la première mention de l’église Saint-Félix de Fillols. Elle apparaît en effet en 1025 [PONSICH, Numéro 37, 1980, p.105], avec le terme latin « ecclesiola », qui se rapporte à l’existence d’une petite église. L’édifice apparaît également en 1094, au moment où le comte de Cerdagne, Guillaume Ramon, donne à l’église de Corneilla ses droits comtaux sur l’église de Fillols, à savoir « 4 mesures de vin et 8 de blé » [CAZES, Fillols. Revue Conflent. S.d, p.3]. En effet, cette dernière constituait une dépendance de la collégiale augustine Sainte-Marie. Par ailleurs, l’église est mentionnée une troisième fois en 1097, sous la dénomination « Saint-Félix de Fulols » [PONSICH, Numéro 37, 1980, p.105].
Un second édifice religieux de taille plus réduite, apparaît tardivement dans les sources historiques. Il s’agit de l’église Saint-Pierre, qui constituait à l’époque médiévale le siège d’une prévôté, appartenant à l’abbaye de Saint-Michel-de-Cuxa [MALLET, 2003, p.203]. La première indication connue dans les textes remonte à 1267 [POP, Base Mérimée, 1992, Notice PA00104027], avec la mention du prévôt de Saint-Pierre de Fillols. Pour autant, l’étude architecturale du bâti permet d’identifier deux campagnes de construction, comprises entre les 11e et 12e siècles [MALLET, 2003, p.204]. Tout comme l’église précédente, celle-ci est à nef unique et terminée par une abside semi-circulaire percée d’une unique ouverture à double ébrasement. La nef qui devait être à l’origine couverte d’une charpente, est actuellement disparue.
Au cours de la période médiévale, l’exploitation minière de Fillols est en pleine expansion, en raison de sa détention dès le milieu du 13e siècle par les moines de Saint-Michel-de-Cuxa [IZARD, 2005, p.467]. La sidérurgie constituait en effet une ressource financière non négligeable, permettant l’enrichissement des hommes d’Église. En 1281, l’abbaye confie l’exploitation des mines d’Escaro, Taurinya et Fillols à Arnald de Codalet, procureur royal, associé à deux autres hommes d’affaires. L’analyse des contrats de fermage est intéressante, puisqu’ils indiquent que « la huitième partie du minerai d’argent, de cuivre, de plomb et autres métaux extraits sera au bénéfice des concessionnaires, le reste sera restitué à l’abbaye ».
Fillols du 14e siècle au 17e siècle
Si le recensement des fogatges « feux » n’est pas connu pour le 13e siècle, la période suivante est bien documentée dans les sources historiques. Au cours du 14e siècle, la population diminue très certainement en raison des épisodes de peste. Ainsi, 35 feux sont comptabilisés en 1358, 33 feux entre 1365 et 1370, ainsi que 13 feux de 1378 à 1385 [BATLLE, GUAL, Revue Terra Nostra, Numéro 11, 1973, pp. 13, 15, 20, 23 et 24]. Cette baisse démographique persiste au 15e siècle, avec 6 feux en 1424 et 8 feux entre 1470 et 1490 [BATLLE, GUAL, Revue Terra Nostra, Numéro 11, Prades, 1973, pp. 24 et 27].
Le 14e siècle est également marqué par la réalisation de travaux d’agrandissements, au sein de l’église paroissiale Saint-Félix. L’édifice comprend deux chapelles latérales ouvertes au Nord et au Sud. Celle-ci serait postérieure à la septentrionale, comme l’indique l’abbé Cazes dans son guide touristique de la commune de Fillols [A.D.P.O, BIB15513]. En effet, l’église possédait deux lustres au 14e siècle, dont l’un devait se trouver dans la chapelle Nord. Leur pose a pu être réalisée en 1346, grâce à un lègue de 4 deniers par Guillelme Pebernada, femme de feu Pierre Bernat [A.D.P.O, BIB15513]. A l’intérieur du mur Nord se trouve une grande niche voûtée en arc surbaissé. Son pendant méridional comprend une chapelle voûtée en berceau plein cintre accolée à la sacristie, probablement datées du 16e siècle [POP. Église Saint-Félix. Base Mérimée. 1992. Notice PA00104026]. C’est également au 16e siècle qu’est mentionné l’existence d’un château à Fillols. En effet, lors d’un conseil de guerre tenu en 1554 par le Prince de Conty, il est décidé de raser l’édifice fortifié. L’ordre fut donné au gouverneur de Roussillon, du nom de Sagarre [A.D.P.O, BIB15513]. Selon les sources historiques, le château devait se trouver à l’emplacement de bâtiments qui appartenaient au 20e siècle à la famille Hors, dont le toponyme « La Torre » renvoi directement à son existence. En effet, une rue développée au Sud de la rivière de Fillols, porte actuellement le nom de « Carrer de la Torre ». Par ailleurs, le cours d’eau qui traverse cette zone est appelée ravin del Castelló, ou del Castillon sur le cadastre napoléonien. L’une des habitations situées en bordure de la rue de la Torre, est bâtie sur une motte de terre, constituée de plusieurs terrasses en pierre sèche. Cette configuration pourrait correspondre à l’emplacement primitif du château ; une étude plus poussée mériterait d’être réalisée, afin d’identifier d’éventuels vestiges de fortifications.
Malgré une légère augmentation de la population dans la première moitié du 16e siècle par rapport à la période précédente (12 feux en 1515), le recensement des fogatges fait état de 9 feux en 1553 [BATLLE, GUAL, Revue Terra Nostra, Numéro 11, 1973, p.31]. L’étude de la population effectuée sur le territoire du Conflent au cours des années 1970, ne comptabilise pas les feux présents à Fillols au 17e siècle. Cette période reste en effet très peu documentée pour de nombreuses communes du Conflent, contrairement aux Vigueries du Roussillon et du Vallespir.
Fillols du 18e siècle à nos jours
Le 18e siècle s’inscrit dans une période charnière pour la commune de Fillols, notamment avec la nationalisation de la mine en 1791. Cette dernière est alors exploitée par un fermier du nom de Thomas Cortès, qui réalisa des travaux importants d’épuisement des eaux [A.D.P.O, 165J118]. La population apparaît en nette augmentation, en comparaison aux siècles derniers. En effet, le nombre de feux oscille entre 25 et 22, en 1720, 1730 et 1740, dans la première moitié du siècle [BATLLE, GUAL, Revue Terra Nostra, Numéro 11, 1973, pp.38, 40 et 42]. Le recensement de la seconde moitié du 18e siècle fait état de 150 occupants entre 1770 et 1772, 230 de 1792 à 1793 et 187 en 1799 [BATLLE, Monique, GUAL, Raymond. Revue Terra Nostra, Numéro 11, 1973, pp.46, 50 et 53]. Par la suite, la démographie ne cesse d’augmenter, en raison de la présence d’une nouvelle population essentiellement composée de mineurs. De nouvelles galeries sont ouvertes par des mineurs allemands et des mineurs dits « expérimentés » [A.D.P.O, 165J118]. Ainsi, la commune compte 213 habitants en 1806, 299 en 1841 et 311 en 1851 [BATLLE, GUAL, Revue Terra Nostra, Numéro 11, 1973, p.63].
Au début du 19e siècle, l’industrie minière catalane est convoitée par plusieurs sociétés extérieures. La concession minière de Fillols (3 500 hectares de superficie), considérée comme étant la plus vaste du département, est alors concédée entre 1804 et 1805 au Comité des Mines, fonderies et forges d’Alès [GAVIGNAUD, 1976, p.181]. Outre l’exploitation minière localisée au Nord de Fillols, la concession comprenait également les mines de fer de Taurinya.
Rattachées ensuite aux forges de Montfort et de Gincla dans l’Aude, les mines de la concession se regroupent à partir de 1858 aux hauts-fourneaux de Ria, détenus par Rémy Jacomy [Syndicat Mixte Canigó Grand Site]. Ce dernier prend alors la tête d’une véritable cité industrielle d’envergure, marquée par le développement de trois hauts-fourneaux en 1861 [GAVIGNAUD, 1976, p.181]. A cette date, Rémy Jacomy forme la Société des mines, forges et hauts-fourneaux de la Nouvelle (Aude). Les mines de Fillols prennent alors de l’importance, suite à leur rattachement entre les années 1862 et 1867 à une usine développée au port de La Nouvelle [Syndicat Mixte Canigó Grand Site]. Entre les années 1850 et 1860, le nombre de mineurs actifs dans la mine de Fillols est en nette augmentation ; 5 ouvriers sont comptabilisés en 1859, 40 en 1861, et 97 en 1865 [GAVIGNAUD, 1976, p.184]. L’exploitation s’essouffle ensuite, en raison des querelles qui ont lieu entre les actionnaires de la Société des mines et Rémy Jacomy.
Dissolue pendant un temps, l’exploitation de Fillols est concédée en 1873 à Simon Philippart, pour 2,110 millions de francs [A.D.P.O, 165J118]. Cet industriel belge s’engage alors dans la fondation de la Société anonyme des mines de fer de Fillols en 1875. Grâce à cette dernière, des aménagements d’envergure sont réalisés sur le quartier du Salver (Taurinya), dont un plan incliné fonctionnant à partir d’un système de freins et de rails. Ce plan permettait de descendre le minerai du carreau de la mine à Taurinya (niveau 740), jusqu’au chemin de traînage mécanique (niveau 645) [Panneau signalétique patrimoniale]. La productivité de l’exploitation de Fillols est alors à la hausse, avec un maximum de 213 ouvriers attesté en 1884 [GAVIGNAUD, 1976, p.184]. Cependant, la concurrence des fers « étrangers » et la cherté des transports, entraînent une diminution de l’extraction du minerai catalan, qui atteint alors 25 000 tonnes en 1887, contre 150 000 tonnes en 1882 [GAVIGNAUD, p.184-185]. La concession de Fillols ne compte plus que 130 ouvriers, 4 contre-maîtres, 120 manœuvres et charretiers en 1885, ainsi que 20 ouvriers en 1886 [GAVIGNAUD, p.184-185].
Un regain d’activité est attesté dès les années 1890, notamment grâce à l’intervention de M. Dineur, directeur de la Société anonyme des mines de Fillols. Il obtiendra l’autorisation d’établir une concession de minerai de fer, sur les communes de Vernet et de Casteil, instituée le 15 février 1898 [IZARD, 1997, p.152]. Cette nouvelle dynamique s’accompagne d’un accroissement de la population, avec un maximum de 513 habitants atteint en 1881 [BATLLE, Revue Terra Nostra, Numéro 11, 1973, p.63].
Les recensements locaux font état d’une augmentation constante du nombre d’habitants, jusqu’à la première guerre mondiale (412 en 1906, 432 en 1911 et 332 en 1921) [BATLLE, GUAL, Revue Terra Nostra, Numéro 11, 1973, p.63]. Au début du 20e siècle, l’exploitation de Fillols est confiée à la Société des mines de Fillols, dont le siège est à Paris. Cette dernière demanda par ailleurs le 22 novembre 1900, l’extension de la concession vers le Sud [IZARD, 1997, p.147]. En 1909, l’exploitation est amodiée à la Compagnie des mines, fonderies et forges d’Alès, qui en assure le fonctionnement [Syndicat Mixte Canigó Grand Site]. Stoppée au cours de la première guerre mondiale, l’extraction du minerai reprend progressivement et de nouvelles infrastructures sont aménagées. Un puits sur 60 mètres de profondeur est ainsi creusé en 1921 et un câble aérien est installé en 1929. Ce dernier permettait de relier le puits du carreau de la mine à Fillols à la gare de Ria, pour l’alimentation des hauts-fourneaux du centre et du nord de la France [Syndicat Mixte Canigó Grand Site]. Cette reprise industrielle sera de courte durée, en raison d’une importante crise économique opérée dans les années 1930. En effet, le quartier de Fillols n’est plus exploité, en raison des nombreux coûts d’exploitation et des difficultés que connaît la Compagnie des Mines, Fonderies et Forges d’Alès. Ainsi, l’exploitation de Fillols ne compte plus que 11 ouvriers, 6 mineurs, 3 surveillants et 2 employés en 1931. Par ailleurs, le nombre d’habitants résidants à Fillols est également en baisse (251 en 1931 et 215 en 1936) [BATLLE, GUAL, Revue Terra Nostra, Numéro 11, 1973, p.63]. De plus, la Compagnie déclare le 9 janvier 1936 l’abandon des travaux de concessions de Fillols et de Casteil, dont elle est amodiataire [IZARD, 1997, p.158]. La concession minière de Fillols sera par la suite amodiée à la Société Denin-Anzin, qui l’exploita jusqu’en 1955. A cette date, les gîtes ne permettent plus l’approvisionnement en minerai, entraînant le démantèlement des installations existantes [Syndicat Mixte Canigó Grand Site].
L’arrêt de l’exploitation minière contribua nettement au phénomène de baisse démographique, attestée entre les années 1940 et 1960 (230 habitants en 1946, 238 en 1962 et 187 en 1968) [BATLLE, GUAL, Revue Terra Nostra, Numéro 11, Prades, 1973, p.63]. Par ailleurs, l’Aiguat (inondations) d’Octobre 1940, entraîna de nombreux dommages au sein du village, dont la destruction de la maison du curé. L’eau de la rivière de Fillols alors entrée en crue, menace les habitations qui se trouvent de part et d’autre de la place Set Cases. De plus, la rue de la place se retrouve couverte d’environ 1 m d’eau [CAROL, BARBIER, BIGORRE, 1981, p.80].
De nouvelles habitations de type maison individuelle sont construites à partir des années 1950-1960 en zones Nord-Ouest et Nord-Est, jusque dans les années 1990. Très peu de nouvelles constructions seront réalisées dans les années 2000. Le nombre d’habitants ne dépasse pas les 200 (185 en 2017 et 192 en 2020) [Insee, décembre 2019, p.4], et les grandes tranches d’âge représentatives restent les 45 à 59 ans (27%), les 60 à 74 ans (27 %), ainsi que les 30 à 44 ans (19,5%), comme l’indique les dernières données Insee de 2017 [Insee, 2017].