Campôme de la Préhistoire au 13e siècle
L’installation des premiers habitants sur le territoire de Campôme remonte à la période préhistorique, principalement du Paléolithique Supérieur. En effet, un ensemble de gravures aux motifs géométriques, ainsi que des représentations animales composées d’oiseaux, d’isards et de bouquetins [BASE MERIMEE, 1992, Rocher gravé de Fornols] ont été mises au jour par l’archéologue Jean Abélanet le 9 Janvier 1983, lors d’une campagne de protection des vestiges mégalithiques localisés au plateau du Pla Valenço. La datation des gravures a été établie par Dominique Sacchi, alors chargé de recherche au C.N.R.S et spécialiste des civilisations du Paléolithique Supérieur en Languedoc-Roussillon [CAZES, Revue Conflent. Numéro 133, 1985, p.3]. L’affleurement schisteux qui conserve les gravures se trouve sur le lieu-dit de Fornols, non loin du Pla Valenço et en limite communale entre Campôme et Ria-Sirach. Les figurations laissent apparaitre des avant-trains et arrière-trains d’animaux, ainsi que des têtes de cervidés ou de capridés tournées dans des directions opposées. Il s’agit d’un ensemble de gravures découvertes dans un cadre exceptionnel, en raison de leur présence à l’air libre. De plus, ces dernières constituent les premières gravures Paléolithiques découvertes en Roussillon. Afin de les protéger, un classement au titre des Monuments Historiques a été établi par arrêté du 26 février 2008.
Jean Abélanet a également observé sur le site de Carmajó (771 m d’altitude) situé au Sud du village, des aménagements en terrasses et des murettes en pierre sèche, qui rappellent l’organisation d’un ancien oppidum. L’occupation du lieu pourrait correspondre à la fin du Néolithique ou à l’Age du Bronze, comme en témoigne la mise au jour de tessons de poterie modelée et de deux meules plates en granit [KOTARBA, CASTELLVI, MAZIERE, 2007, p.268].
Enfin, les vestiges archéologiques découverts sur le site de Paracolls lors de fouilles menées en 1989 en une seule campagne et plusieurs sondages, révèlent une occupation ancienne du lieu, très certainement dès l’époque préhistorique. En effet, plusieurs cupules sont présentes au niveau du socle granitique sur lequel le donjon est taillé, ainsi qu’une grande pierre plate à cupules sur le flanc Est, appuyée contre la paroi rocheuse et servant d’abri. Cette pierre pourrait avoir servi de table d’un dolmen, qui aurait pu se trouver à l’emplacement des vestiges du château [BAYROU, 2004, p.325]. L’occupation antique est également attestée, notamment avec la découverte d’un fragment de sigillée sud-gauloise. De plus, une colonne à chapiteau conservée à l’intérieur de l’enceinte et actuellement visible, serait probablement de facture romaine, comme l’atteste l’archéologue Pierre Alessandri, alors en charge des fouilles menées au 20e siècle.
Les sources historiques du 9e siècle évoquent l’existence d’un hameau sur le territoire de Campôme, identifié en 887 sous la dénomination « vilare crosellos » [BASSEDA, Revue Terra Nostra. Numéros 73 à 80, 1990, p.521]. Celle-ci aurait deux origines, notamment du latin « cruce » pour désigner une croix et le rajout du suffixe -ellus, qui se rapporte à de petites croix gravées sur des bornes ou des croisements de chemins. Le latin « crosus » suivit du suffixe -ellus, désigne quant à lui des petites cuvettes creusées par une rivière. Cette dernière origine est la plus probable, en raison de l’emplacement de l’actuel lieu-dit Crouells, développé de part et d’autre de la Castellane au Sud de Campôme. La première mention du village de Campôme date de 901, dont l’étymologie du nom « campus ultimus » traduite par « le champ le plus éloigné » [CAZES, Revue Conflent, 1969, p.17], se réfère à la position géographique du territoire, alors rattaché à la seigneurie de Molitg-les-Bains. A cette époque, la vallée de la Castellane est divisée en territoires étendues, dont les « vilars » (petits hameaux) de Campolime et de Fornols, rattachés à la « villa » de Molitg [ALART, Notices historiques sur les communes du Roussillon, 1868, p.28].
Mentionné pour la première fois en 948 [ALESSANDRI, BAYROU, AAPO, 2001, p.57] sous la dénomination « castrum paracolis », le château de Paracolls, dont les ruines dominent l’ensemble thermal de Molitg-les-Bains, constitue l’un des plus anciens ensembles castraux répertoriés dans les Pyrénées-Orientales. Un réaménagement du château semble avoir été effectué au 11e siècle, sous la descendance de Guifred, comte de Cerdagne entre 1036 et 1095. De plus, le « castrum » de Paracolls est mentionné en 1094 dans le testament de Guillaume-Raymond, afin d’être légué à son fils du nom de Guillaume-Jordà [CAZES, Revue Conflent, 1969, p.18]. En effet, les hameaux identifiés plus haut ainsi que le village de Campôme intégrés dans la vicomté de Fenouillèdes, sont compris au 11e siècle parmi les possessions des comtes de Cerdagne, dont Guifred, fils d’Oliba et fondateur de l’abbaye de Saint-Martin-du-Canigou. Au cours du siècle, Guifred fit la donation de son alleu de Campolime à sa fille Fides et du domaine de la « villa de Fornols » à son quatrième fils, du nom de Bernard [ALART, Bernard. Notices historiques sur les communes du Roussillon, 1868, p.30]. Les comtes exerçaient leur pouvoir auprès de la famille de Paracolls, dont Raymond-Bérenger de Paracols en 1102, qui fut l’un des premiers à se voir attribuer la fonction de vassal. En dehors du territoire de Molitg, les seigneurs de Paracolls exerçaient leur domination jusque dans les terres du Roussillon ainsi qu’en Cerdagne, tel que l’atteste un acte de vente de terrains à Angostrina daté du 13 septembre 1175. La famille resta feudataire du château jusqu’en 1250 [BAYROU, 2004, p.323]. Pour autant, le nom est gardé dans la toponymie locale, comme l’atteste la mention en 1260 du lieu de « Paracollibus » [BASSEDA, Revue Terra Nostra, Numéros 73 à 80, 1990, p.521]. La famille de Fornols était par ailleurs elle-même vassale des Paracolls, malgré le placement du pouvoir de la seigneurie sous la suzeraineté des seigneurs de So, vicomtes d’Evol. Les écrits historiques indiquent les possessions de la famille de So dès le 13e siècle, dont quatre mas à Fornols [CAZES, Revue Conflent, 1993, p.22]. Par ailleurs, l’appellation du lieu-dit Pla Valenço situé au Sud de l’ancien hameau provient du nom de cette illustre famille.
La chapelle castrale de Paracolls dédiée à Saint-Pierre et implantée en retrait du château, apparaît seulement dans les textes en 1299 [ALART, Notices historiques sur les communes du Roussillon, 1868, p.31]. Toutefois, les relevés architecturaux effectués sur l’édifice en 1989 permettent d’identifier un style bien particulier, relatif au roman lombard tardif du 11e siècle.De plus, les fouilles réalisées en 1989 sur le site de Paracolls, ont permis de dégager des restes d’un vaisselier constitué de céramiques vernissées et glaçurées monochromes, de céramiques communes de cuisine et de céramiques polychromes du Levant Espagnol, témoignant d’une occupation relativement longue entre les 13e et 18e siècles [ALESSANDRI, BAYROU, AAPO, 2001, p.57]. Le mobilier mis au jour atteste des relations entre les fournisseurs français et catalans, liés à la position frontalière de Paracolls. En effet, le territoire de Campôme alors intégré dans la région du Fenouillèdes, appartenait jusqu’à présent au roi d’Aragon. Faisant suite à la signature du traité de Corbeil en 1258 entre Jacques Ier d’Aragon et le roi de France Louis IX, les terres du Fenouillèdes se rattachent à la couronne française, fixant ainsi la frontière au sud des communes de Rabouillet et de Sournia.
Campôme au 14e siècle
Les relations franco-catalanes demeurent au 14e siècle, notamment en 1305 où le château de Paracolls est cité parmi les propriétés de Jacques de Majorque. Celui-ci se chargea de nommer les châtelains, dont les Pons de Caramany jusqu’en 1340, puis les Tregura, les Vilanova et les Llupia, qui se voient attribuer le titre de barons de Paracolls [BAYROU, 2004, p.323].
La chapelle Saint-Christophe de Fornols, aussi appelée Saint-Christophe del Bosc (de la forêt) [CAZES, Revue Conflent, 1969, p.18], située au Sud-Est de Campôme, n’est mentionnée dans les textes qu’à partir de 1341 [BAYROU, 2004, p.323]. Cette mention, paraît relativement tardive par rapport au style architectural de l’édifice. En effet, malgré l’important état de ruine dans lequel se trouve la chapelle actuellement, les quelques murs porteurs conservés sont massifs et ne présentent aucun percement susceptible d’apporter de la luminosité extérieure. Tout comme la chapelle Saint-Pierre de Paracolls, l’édifice présente des éléments architecturaux caractéristiques du 11e siècle, comme l’appareillage des murs porteurs conservés en moellons de schiste mêlés à des pierres équarris, ainsi que le traitement des chaînes d’angles harpées. Orientée Ouest-Est, la chapelle comprend une nef unique, terminée par une abside semi-circulaire. Quelques pans de murs subsistent encore, dont une partie de ceux de la nef, qui supportent un voûtement légèrement brisé caractéristique des constructions du 12e siècle [MALLET, 2003, p.191]. Une grande partie de l’édifice s’est effondrée, notamment les murs développés au Nord-Ouest. La partie occidentale présente à l’intérieur des traces d’enduit de ciment, ainsi que les restes d’un encadrement en plein cintre, comprenant des claveaux de granit. L’entrée s’effectuait au niveau du mur méridional, dont il ne reste plus que le montant occidental en pierres de schistes. Ce dernier s’apparente à un départ de voûte, renforcée par un rang de pierres équarries en schiste.
Le clocher-mur, ajouté entre les 13e et 14e siècles au-dessus de la façade occidentale, conserve un arc unique en plein cintre légèrement outrepassé, constitué d’un arceau de plaques de schiste. Le granit a été employé en pierre de taille pour la clé de l’encadrement, ainsi que pour l’un des montants du clocher. Par ailleurs, l’appareil des bas-côtés est en opus mixtum, avec une alternance de pierres équarries et de lloses en schiste. La toiture de la chapelle s’est effondrée en très grande partie dans les années 1960. Toutefois, un tronçon de voûte encore conservé se distingue par un appareil d’origine en schiste, dont les pierres ont été posées de champ. Un creusement circulaire visible dans l’intrados de la voûte, matérialise probablement l’emplacement d’un ancien vase en céramique. Ces derniers ont très bien pu être utilisés pour améliorer l’acoustique de l’édifice.Cette originalité architecturale se retrouve dans des églises aux dimensions relativement modestes, comme c’est le cas pour l’église de Saint-André (vieille) de Baillestavy. En dehors de l’acoustique, les pots pouvaient être employés pour recevoir le croisillon de suspension des lampes de dévotion [CAZES, 1993, p.21]. Plusieurs traces d’enduit au ciment sont visibles sur les murs, notamment à l’intérieur de la nef. Probablement issus de restaurations non achevées, ces traces devaient recouvrir intégralement la maçonnerie. Elles ont par ailleurs été appliquées au niveau du soubassement de l’abside, qui a vraisemblablement été reconstruit postérieurement.
Les premières données concernant le recensement de la population sont connues dès le 14e siècle, grâce à l’étude des fogatges. Le fogatge est réparti en fonction des « feux » (foyers), dont il semblerait qu’un « feu » pouvait comprendre jusqu’à 5 maisons ou familles [BATLLE, GUAL, Revue Terra Nostra, Numéro 11, 1973, p.7]. En 1319, Campôme compte ainsi 8 feux, soit un peu plus de 40 habitants. Le lieu-dit de Fornols apparaît également relativement tôt dans les recensements de la période moyenâgeuse. En effet, 7 feux sont dénombrés entre 1365 et 1370. La population du castrum de Paracolls est quant à elle comptabilisée au côté de celle du hameau de Coma (ancien franc-alleu qui comprenait le village d’Eus et la vallée de Molitg), avec 36 feux [[BATLLE, GUAL, Revue Terra Nostra, Numéro 11, 1973, pp. 16 et 17]. De 1378 à 1385, la population se stabilise avec 8 feux à Campôme, 5 feux à Fornols et 4 à Cruells [BATLLE, GUAL, Revue Terra Nostra, Numéro 11, 1973, pp. 18, 19 et 23]. Cette dernière localité correspond à l’actuelle lieu-dit de Croueill, dont l’habitat semble s’être très tôt formé.
Campôme du 16e siècle au 18e siècle
Aucune donnée démographique n’est actuellement connue pour le 15e siècle, sans doute en raison des ravages causés par les épidémies de peste. Les feux mentionnés seulement au 16e siècle, font état de 4 familles à Campôme et d’un foyer au hameau de Cruells [BATLLE, GUAL, Revue Terra Nostra, Numéro 11, 1973, p.29]. Ce dernier est indiqué pour la dernière fois dans les textes entre 1694 et 1696, avec la mention d’une unique maison. L’absence de données pour le lieu-dit de Fornols, témoigne de son abandon progressif entre la fin du 14e siècle et le 15e siècle.
L’église Sainte-Marie ou église de la Nativité de Notre-Dame située dans le village de Campôme, fut construite en 1671, comme l’atteste la date gravée dans la pierre, de part et d’autre de la porte d’entrée. L’existence d’un premier édifice n’est pas mentionnée puisque la commune dépendait jusqu’à présent de la paroisse de Molitg-les-Bains [CAZES, Revue Conflent, 1969, p.17]. L’église à nef unique, est constituée d’un clocher-mur sur la façade d’entrée et est terminé par un chevet plat flanqué d’un clocher-tour. Un oculus entouré d’un rang de pierres de schiste, surmonte l’entrée principale. Le parvis de l’église a la particularité d’être pavé de galets, formant une croix et laissant difficilement apparaître une date (19e siècle ?). Le clocher-mur est percé par deux ouvertures oblongues en plein cintre, abritant chacune une cloche en bronze. La partie sommitale est à deux pentes et comprend au niveau du faîte une croix en fer forgé.
A cette époque, la chapelle Saint-Christophe de Fornols reste également rattachée à Molitg. L’édifice est cité plusieurs fois, notamment en 1632 et 1688 [PONSICH, Revue Terra Nostra, Numéro 37, 1980, p.97]. C’est à cette dernière date qu’il apparaît sous le nom « hermita de Sant Christofol de Furnols », témoignant de sa transformation en ermitage. Cette reconversion laisse supposer que le hameau de Fornols était déjà abandonné par les habitants [MALLET, 2003, p.190]. (lié aux épidémies de peste du 14e siècle ?). A partir du 18e siècle, la paroisse de Molitg-Campôme se rend en procession à l’ermitage de Saint-Christophe, afin d’y célébrer la messe, les complies et les vêpres [CAZES, Revue Conflent, 1969, p.18]. C’est au cours de cette période que l’ermitage est abandonné, à la suite des lois anticléricales promulguées au cours de la révolution française. Par ailleurs, un écrit de 1738 évoque l’envoi d’une lettre au Monseigneur évêque de l’époque par la paroisse de Molitg, pour « éjecter l’ermite de l’ermitage de Fórnols » (traduit du catalan per traura lo hermita de la ermita de Furnuls) [CAZES, Revue Conflent, 1993, p.22].
Dans la troisième moitié du 18e siècle, les feux recensés sur la commune de Campôme sont rattachés dans un premier temps à ceux de Molitg. En effet, le territoire ne jouit pas encore d’une autonomie administrative complète. Un total de 60 feux est ainsi dénombré pour ces deux communes en 1740. La population passe par la suite à 807 habitants en 1787 et 697 habitants en 1791 [[BATLLE, GUAL, Revue Terra Nostra, Numéro 11, 1973, pp. 42, 48 et 49]. L’état du nombre des familles indigentes de la paroisse de Molitg et Campôme daté du 21 avril 1790, fait mention de 30 familles en situation économique difficile [CAZES, Revue Conflent, 1993, p.28]. En effet, les conditions de vie restent complexes, en raison de la rudesse du climat et de l’isolement géographique. Rédigé par le curé Escape, le document souligne que « dans l’hiver, lorsqu’il fait 3 ou 4 jours de mauvais temps, il y a pour le moins dans la paroisse 20 familles de plus réduites à la dure nécessitée de mendier ». De plus, le nombre d’indigents est susceptible d’augmenter (environ 200) avec la présence des passants, étant donné que « la paroisse se trouve sur le chemin du Languedoc », ancienne voie de communication autrefois suivi par les troupeaux de moutons. A cette époque, l’accès aux soins reste limité. Toutefois, il était possible aux habitants de Campôme et notamment les indigents, de prendre gratuitement les eaux de l’établissement thermal de Molitg. Ce dernier, construit en 1785 sous l’impulsion du marquis de Llupia, propriétaire du site et seigneur de Molitg, est en effet édifié à l’emplacement de sources dont les propriétés thérapeutiques sont reconnues depuis l’époque médiévale [ANGLADA, Traité des eaux minérales et des établissements thermaux du département des Pyrénées-Orientales, 1833, Tome 1, p.240].
Sous la révolution française, Campôme devient une commune à part entière, comme l’atteste les recensements de la fin du 18e siècle (296 habitants entre 1792 et 1793, 301 habitants entre 1798 et 1799 [CAZES, Revue Conflent, 1993, pp.50 et 52]). De plus, le château de Paracolls et son hameau sont désormais compris au sein du territoire communal [BASSEDA, Revue Terra Nostra, Numéros 73 à 80, 1990, p.521]. Par ailleurs, c’est à cette époque que le nom de la commune est francisé, avec l’ajout d’un accent circonflexe sur le « o » tonique. À la suite de la période révolutionnaire, le découpage du territoire communal entraîna plusieurs tensions entre localités, notamment en 1791. Le 13 mars de la même année, les habitants de Campôme sont attaqués par les habitants de Molitg ; afin d’y remédier, les Campômois sont aidés de 100 hommes de Mosset, qui avec leurs 12 fusils, réussirent à faire fuir les Molitjaires [SARDA, 2000, p.10]. De plus, le Directoire du District de Prades annonce le 9 juin 1792 que l’entretien d’un des ponts qui sépare Molitg à Campôme, sera désormais à la charge de Campôme, étant donné qu’il « n’a pas pu obliger la municipalité de Molitg à continuer à entretenir le pont sur la rivière qui sépare les deux communes car elle ne retire aujourd’hui aucun avantage ». En effet, il semblerait que la fréquentation du pont soit particulièrement concernée par la population de Campôme. Enfin, la nouvelle délimitation territoriale ne prend pas en compte la forge dite de Campôme active entre les 15e et 19e siècles [NOËLL, 1996] et située sur la commune de Mosset, pourtant rattachée historiquement au territoire étudié dans ce diagnostic. A la fin de l’époque moderne, l’église Sainte-Marie de Campôme est agrandie, avec l’adjonction de deux chapelles latérales, dont la méridionale en 1760 [CAZES, Revue Conflent, 1993, p.15]. Le 8 décembre de la même année, la chapelle ainsi que l’autel de Saint-Isidore reçoivent leur bénédiction d’affectation au culte, par le curé de Molitg.
Campôme au 19e siècle
Le clocher-tour de l’église Sainte-Marie fut construit en 1858 [CAZES, Revue Conflent, 1969, p.18], grâce à des contributions pécuniaires ainsi que divers travaux d’hommes et d’animaux (mulets ou bœufs) [SARDA, 2000, p.12]. Ces contributions ont été rendues possible grâce à plusieurs membres de familles originaires de Campôme, dont les noms ont été inscrits sur les pierres du clocher. Parmi les noms des familles citées dans les archives de la commune conservées aux archives départementales, figurent les Lavila, Laguerre, Cassoly, Sarda, Porra, Vergès, Signé ou encore Rousse. Au total, 65 signatures ont pu être recueillies pour la construction du clocher [A.D.P.O. 2 Op 624]. Le coût global de cette partie de l’église est à l’époque estimé à 2 730 francs, dont 1 589 francs ont pu être obtenus par souscription [SARDA, 2000, p.12].
De plan carré et agencé sur quatre niveaux, le clocher-tour vient flanquer le chevet plat. Il se distingue par la présence de trois fines ouvertures quadrangulaires sur la face Nord-Ouest. Le dernier niveau séparé des précédents par un bandeau en brique locale, est percé d’ouvertures en plein cintre à encadrement de cayrous. Sur l’une de ces ouvertures (face Ouest) se trouve un cadran d’horloge daté de 1867, remplaçant celui qui avait été installé en 1859. L’horloge permettait de donner une heure précise pour les temps d’arrosage, notamment pour le partage des eaux des canaux d’irrigation. Enfin, le clocher est surmonté d’un couronnement en briques rouges, dont les formes rappellent des denticules décoratifs. La terrasse supérieure comprend en son centre un campanile en fer forgé, abritant deux cloches. L’intérieur de l’église conserve à l’Ouest de l’entrée un escalier balancé, à rampe débillardée sur bois, marches en brique et nez de marche en bois. Cet escalier permet d’accéder à une tribune à rambarde sculptée en bois. Un espace aménagé dans le mur Est de la nef pourrait correspondre à un ancien débarras ou pièce de stockage de matériel (agricole ?). Le sol est en terre battue et les murs sont maçonnés en moellons de granit. L’espace conserve une toiture caractéristique des bâtiments agricoles, avec une toiture en appentis maintenue par des solives en bois. L’accès à la sacristie s’effectue au Nord-Est, par une porte constituée de panneaux taillés en pointe de diamant. Cet espace comprend une niche en plein cintre creusée et éclairée par une fenêtre centrale, ainsi qu’un ancien évier taillé dans du granit. La sacristie conserve également l’ancien mécanisme de l’horloge en métal. En dehors de la pièce aménagée à droite de l’entrée principale, tous les plafonds et murs sont recouverts par un enduit. Les retables sont en bon état de conservation mais restent menacés par des infiltrations d’eau, notamment au niveau du retable du Christ.
L’analyse démographique du 19e siècle permet de constater une augmentation progressive de la population, par rapport au siècle dernier. Plus de 300 habitants sont ainsi comptabilisés entre 1806 et 1861, avec un pic de 365 habitants en 1836 [BATLLE, GUAL, Revue Terra Nostra, Numéro 11, 1973, p.59]. Le 19e siècle est également marqué par un épisode pluvieux intense, causant la destruction en 1814 de nombreuses terres, ainsi que d’un ancien pont, qui permettait d’accéder aux terres agricoles de la rive gauche de la Castellane. Le pont a donc été reconstruit entre 1817 et 1819, à la demande de la commune de Campôme.
Le taux d’illettrisme étant très important à cette époque, la nécessité de scolariser les enfants s’est avérée primordiale. Un premier instituteur est nommé en 1812 (Etienne Castre, de Mosset), mais aucun bâtiment scolaire municipal n’est prévu pour la tenue des classes. Jusqu’à la fin du 19e siècle, l’école se tient dans des maisons, dont l’une d’entre elles aurait été une école privée tenue par des sœurs vers 1870 [SARDA, 2000, p.19]. La décision de construire un bâtiment scolaire est actée en 1879, afin d’accueillir 60 élèves et d’intégrer une salle de mairie. Un devis descriptif dressé le 22 Janvier 1879 par un ingénieur civil du nom de Mamon, prévoit la construction de la nouvelle école sur un terrain échelonné en gradins sur la rive droite de la Castellane. Il est également fait mention de cours, prévues d’être « exposées au Midi et toujours en plein soleil » [A.D.P.O. 2 Op 623]. Les travaux de réalisation de l’école ont été confiés à l’entrepreneur François Bourreil, originaire de Catllar. L’ensemble est édifié en 1882, sur un terrain acheté aux familles Combaut et Fabre, pour la somme de 15 496 francs et 40 centimes [SARDA, 2000, p.19].
Enfin, c’est au 19e siècle qu’est amorcé le désenclavement de la vallée de la Castellane, jusqu’à présent accessible par l’ancien chemin royal de Prades, qui passait à Catllar et suivait le long de la rivière principale. En 1878, une nouvelle voie est tracée de Prades jusqu’à Mosset et facilite ainsi l’accès au village de Campôme. La voie est prolongée en 1892, afin de pouvoir accéder plus facilement au Col de Jau [SARDA, 2000, p.14].
Campôme du 20e siècle à nos jours
Au 20e siècle, plusieurs travaux sont effectués sur l’école, dont l’exhaussement d’une partie du local scolaire existant, pour l’aménagement du maître. Un premier étage sera donc construit en 1907, au niveau du corps de bâtiment principal [A.D.P.O. 2 Op 623]. De plus, le rez-de-chaussée qui comprenait des caves, est réaménagé afin d’installer une cuisine avec cheminée et une salle à manger pour l’instituteur. Quatre chambres sont intégrées au premier étage, dont deux seront chauffées. Les travaux réalisés sous la conduite d’un architecte de Prades (Jourda ?), ont également consisté à refaire la toiture de la salle de classe avec les matériaux d’origine, ainsi qu’à installer une canalisation avec tuyaux en fonte pour alimenter une borne fontaine placée dans la cour de l’école (existante ?). Par ailleurs, le canal d’arrosage présent derrière l’édifice permettait d’arroser des « lieux d’aisances » (cours ?). En 1930, des travaux sont à nouveau menés, dont le remplacement du plancher en 1930 et très certainement l’adjonction de l’aile Ouest. L’architecture de l’école-mairie est marquée par un traitement néoclassique des volumes et des baies des façades. En effet, l’édifice comprend un corps principal de bâtiment à sous-sol, rez-de-chaussée, étage carré et comble, ainsi que deux ailes en rez-de-chaussée qui l’encadrent de part et d’autre. Les ouvertures sont pour la plupart ordonnancées et se composent d’un arc surbaissé enduit à crossettes.
La baisse démographique à Campôme amorcée à la fin du 19e siècle, n’a pas cessé de progresser tout au long du 20e siècle. En effet, l’exode rural et montagnard entraine des déplacements importants de populations vers les plaines, qui délaissent les campagnes reculées. Ainsi, 276 habitants seront recensés en 1901, 206 en 1921, 131 en 1936, 146 en 1946 et 104 habitants en 1968 [BATLLE, GUAL, Revue Terra Nostra, Numéro 11, 1973, p.59]. Cette diminution est également expliquée par l’impacts des guerres successives, qui n’ont pas épargné la population du monde rural.
Pour autant, le 20e siècle est marqué par plusieurs projets de modernisation, dont l’aménagement des axes routiers. En effet, la jonction routière située entre l’église Sainte-Marie et l’intersection de l’entrée du village (actuelle D14A), est aménagée en 1910 par le département [SARDA, 2000, p.15]. De plus, l’ancien chemin de Mosset est restructuré à la fin des années 1920 (actuelle route de Brèzes), afin de relier le village au Sud du village de Mosset. Ces travaux sont accompagnés d’une modernisation des réseaux, dont l’installation du réseau électrique en 1929 de l’éclairage public en 1930 et l’adduction d’eau potable en 1959.
Jusqu’à la fin du 20e siècle, la population vivait essentiellement de l’agriculture, grâce aux jardins individuels qui permettaient de s’alimenter en fruits et légumes. Les pommes de terre, ainsi que les choux et les haricots blancs sont alors les légumes les plus consommés. Les aliments essentiels tels que les épices, sel et café étaient stockés dans les épiceries, dont celle de la famille Cassoly (fermée après la seconde guerre mondiale) et celle de Léontine Salies, qui resta ouverte jusqu’en 1968 [SARDA, 2000, p.24]. La charcuterie est bien présente dans l’alimentation ; les cochons familiaux sont nombreux et font l’objet chaque année d’une fête traditionnelle « al matança dal porc » (tuaille du cochon), qui consistait à abattre les animaux pour ensuite préparer divers repas culinaires (saucissons, boudins, pâtés, etc.). Le vin était également de production locale, avec des vignes étendues entre le lieu-dit de Falgueres et le plateau de Fournous. De plus, plusieurs champs d’oliviers sont à cette époque cultivés, notamment aux lieux-dits de Paracolls et de Croells. Cueillies en Septembre puis séchées au cours de la période hivernale, les olives étaient pressées dans les moulins d’Ille-sur-Têt ou de Millas, afin d’obtenir de l’huile. Cette production continua d’être exercée jusqu’à la fin des années 1960. Les arbres fruitiers ont été plantés tardivement, dont les pommiers vers 1930 et les abricots du Roussillon après la seconde guerre mondiale. En essor dans les années 1960, la culture de la pêche fut une production dominante du territoire. L’ensemble de cette production était acheminé vers la coopérative fruitière de Catllar, active jusqu’aux années 1990.Enfin, l’économie locale était surtout marquée par la production de céréales (blé et seigle principalement), implantées sur les collines, notamment au plus près des cortals. Cette activité allait de pair avec l’élevage, notamment de caprins et ovins dès le début du 19e siècle . Au Printemps, les chèvres partaient en transhumance jusque dans les hauteurs de Mosset (Col de Jau). Le village possédait également plusieurs troupeaux de vaches, dont la production de lait constituait un complément économique non négligeable auprès des plus pauvres.
Selon le recensement de la population en vigueur à compter du 1er janvier 2020, la commune de Campôme fait état de 115 habitants [INSEE, décembre 2019, p.10]. En diminution nette depuis les années 1990 (121 personnes recensées), la démographie s’est toutefois stabilisée au 21e siècle, avec une petite augmentation au cours des dernières années (106 en 2007, 113 en 2012 et 111 en 2017) [INSEE]. La population est essentiellement vieillissante, comme l’atteste les données de 2017 faisant état de 22,5% des 60 à 74 ans, contre 12,6% des 30 à 44 ans, 18,9% des 15 à 29 ans et 7,2 % des 0 à 14 ans. Cependant, la part d’adulte compris entre 45 et 59 ans reste supérieure, avec 25,2% [INSEE, 2017]. Enfin, la part des ménages étudiée selon la catégorie socioprofessionnelle des habitants, est majoritairement constituée de retraités (45,5%), suivie des professions intermédiaires tels que ceux relatifs à la santé, l’enseignement et le travail social (27,3%). Les artisans commerçants et chefs d’entreprises représentent 18,2% et les agriculteurs exploitants une faible part, estimée à 9,1% en 2017 [INSEE, 2017].