Catllar des origines au 12e siècle
L’occupation du territoire de Catllar est très ancienne, en raison de la découverte dans les années 1970 de trois sépultures datées du Néolithique, par l’archéologue Jean Abélanet [LE FIL A SOI, N°32, décembre 2002, p.9]. Celles-ci sont localisées sur le site de Les Costes, dans les hauteurs de Saint-Jacques de Calahons et en limite géographique entre les communes de Catllar, Molitg-les-Bains et Eus (Ouest du Roc de la Rondola). Il s’agit de constructions caractéristiques du culte préhistorique dolménique, notamment pour deux tombes qui correspondent à la typologie du dolmen.
C’est également en zone frontière et à l’Est du territoire (Serra Mitjana), que fut identifié un troisième dolmen à péristalithe (pierres dressées autour du tumulus) dans les années 1990. L’édifice actuellement en très mauvais, a probablement été construit ou réutilisé à l’âge du bronze ancien, entre 1800 et 1500 avant J.-C.
Par ailleurs, un mégalithe de type menhir taillé dans du granit est conservé au lieu-dit La Terme, à l’Ouest du Mas Riquer. Il s’agit vraisemblablement d’une construction datant du Néolithique ou de l’Âge du Fer [SRA,avril 2010].
La première mention connue de Catllar remonte au 10e siècle, avec l’indication dans les sources historiques de la « villa Castellani » ou encore du nom « Castellanum » [BASSEDA, 1990, p.378]. Il pourrait s’agir d’un domaine rural, portant le nom de son possesseur, comme cela est récurrent à l’époque médiévale. En effet, aucun vestige d’époque romaine n’a été mis au jour sur le territoire de Catllar, et l’hypothèse de l’installation d’un châtelain, fondateur d’une villa médiévale n’est pas à écarter .
Au 10e siècle, le territoire de Catllar a la particularité d’être formé de plusieurs domaines ou hameaux, développés de part et d’autre d’édifices religieux. En effet, un acte de donation d’un certain Bernard, fils de Guantà daté de 948, évoque la cession de l’église Saint-André à l’abbaye de Saint-Michel-de-Cuxa [PONSICH, 1956, p.51]. Il évoque également parmi les nouvelles possessions du monastère la cella de Catllà , qui correspond à l’église Sainte-Marie de Riquer. Celle-ci constitue alors le centre d’un domaine carolingien, comprenant une ferme au côté de l’édifice.
Les possessions de l’abbaye sont confirmées en 968 dans le privilège du pape Jean XIII, qui évoque l’église Sainte-Marie au côté de l’église dédiée à Saint-André [CAZES, 1977, p.23]. De plus, le privilège mentionne l’existence de la chapelle-ermitage Saint-Jacques de Calahons, unique vestige d’un des hameaux de Catllar. Le domaine est indiqué sous la dénomination « Casalone », issue du terme latin « Casale », renvoyant lui-même au nom catalan « Casa » (maison, hutte). Les limites géographiques de Catllar et plus particulièrement du hameau, sont également indiquées dans le document, avec la mention « in ipsa Petrafita et alia parte in ipsa archa de Casalono ». L’existence de monuments mégalithiques est ainsi déjà attestée ; le terme « Petrafita » renvoi en effet à une pierre dressée, tandis que l’« archa » (du latin « Arca »), fait référence à l’ancienne tombe sous forme de dalles entassées , visible sur le site de Les Costes (Arca de Calahons)[BASSEDA, 1990, p.380]. Deux autres hameaux existants au 10e siècle sont actuellement disparus ; il s’agit de la « villa de Torrente » qui selon les sources historiques, pouvait se trouver à proximité d’un torrent, ainsi que de l’alleu d’Interrivus, probablement localisé au confluent de la Castellane et de la Têt (à l’Est du Mas Riquer) au cours du haut Moyen Âge.
Enfin, le hameau de Les Illes, également disparu, est le dernier lieu-dit mentionné dans les textes, notamment en 1011 (« Villa Insulae »). Sa toponymie renvoie à la présence de terrains cultivés en bordure d’un cours d’eau. Celui-ci est bien existant, puisqu’il s’agit du ruisseau ou correc de Les Illes, dont le tracé apparaît sur le cadastre napoléonien de 1810 dans les hauteurs de la chapelle Saint-Jacques de Calahons.
Dans le troisième quart du 11e siècle, Bernard, fils de Seniofred, fait rebâtir la cella afin de la constituer « en propre et perpétuelle habitation de moines, indépendante de l’église de Saint-André » [PONSICH, 1956, p.51]. De nombreuses protestations furent émises, notamment de la part de Pierre Ysarn, détenteur du fief de l’église de Saint-André. L’affaire est alors portée devant l’évêque d’Elne, Raymond d’Ampuries, qui conseilla aux membres de l’église paroissiale d’obtenir des vignes en bénéfice et de recevoir des indemnités, dont quarante sols de deniers pour Pierre Ysarn. Par ailleurs, il fut spécifié qu’aucun membre du clergé ni bâtisseur du site ne soit désigné seigneur de l’église Sainte-Marie, en dehors des moines et de l’abbé de Saint-Michel-de-Cuxa.
Le nouvel édifice fut donc consacré le 5 avril 1073 par l’évêque d’Elne [CAZES, 1969, p.29]. Si la configuration initialement connue de l’église semble remonter au 11e siècle, Plusieurs transformations ont été faites aux siècles suivants, notamment au 12e siècle. L’église orientée Ouest-Est, comporte une nef unique recouverte par une charpente apparente, divisée en quatre travées et trois arcs diaphragmes en plein cintre. Selon l’historien Jean-Auguste Brutails, la charpente aurait pu remplacer une voûte en berceau avec doubleaux, comme l’atteste la présence de contreforts.Cependant, l’archéologue Pierre Ponsich explique dans son étude consacrée à l’église Sainte-Marie de Riquer, que les contreforts devaient certainement servir à soutenir la poussée d’un autre type de voûte, certainement supérieur au voûtement en plein cintre.
Il pourrait en effet s’agir d’une voûte brisée, dont l’usage est généralisé dans l’architecture du 11e siècle. Par ailleurs, la présence des contreforts et d’une charpente reposant sur des arcs diaphragmes semble plutôt correspondre à la période de consécration de l’église. Le système de voûtement en plein cintre actuel correspondrait quant à lui à une construction postérieure (12e siècle ?). L’abside semi-circulaire et en cul-de-four, est percée de trois fenêtres à ébrasement. Elle est ornée à l’extérieur par des arcatures et quatre bandes lombardes, caractéristiques du premier art roman méridional.
Le clocher-mur qui s’élevait à l’origine au-dessus du chœur, a été certainement reconstruit au 12e siècle à son emplacement actuel, dans le prolongement de la façade occidentale. En effet, celle-ci se terminait uniquement par un mur-pignon. Actuellement, le clocher-mur comprend deux arcades en plein cintre, surmontées d’un crénelage et d’une croix latine reposant sur un socle.
L’emplacement de l’entrée primitive a également été modifiée ; celle-ci s’ouvrait initialement au Sud par une porte à linteau droit, qui conserve des enduits et peints à fresques (12e siècle) au niveau de l’arc en plein cintre à intrados ainsi que du tympan. Le décor central du tympan représente la Vierge à l’Enfant assise dans une mandorle, avec un ruban blanc portant une inscription en lettres bleues difficilement déchiffrable. Deux anges tiennent la mandorle d’une main et balancent de l’autre main un encensoir, de part et d’autre de la Vierge. Un ruban peint en rouge sépare le tympan de l’intrados de l’arc, lui-même décoré d’une représentation biblique. Il s’agit de l’Agnus Dei auréolé, situé dans un médaillon ocré et encadré d’un contour blanc. Ce dernier comprend également une inscription tracée en lettres bleues. Le médaillon est porté par deux anges nimbés, dont les corps étirés suivent la courbe de l’arc. Ces peintures se rapprochent du style roussillonnais du 12e siècle, notamment avec les traits de visage (regard oblique, arête du nez et sourcils prononcés). Le rapprochement avec les peintures de Saint-Martin de Fenollar est par ailleurs fait par Marcel Durliat. Malgré la difficulté à identifier les écritures et le caractère effacé de certaines formes, les peintures sont en assez bon état de conservation. Elles ont par ailleurs été reprises par le restaurateur Jean Malesset en 1957, qui reconstitua les enduits de la partie basse du tympan [Les cahiers de Saint-Michel de Cuxa, Juin 2014, p 193].
L’église paroissiale Saint-André est remaniée au cours des 11e et 12e siècles, comme l’atteste les vestiges de la porte d’accès, de l’abside (actuelle chapelle du Christ) et du clocher dans la partie Sud. La porte d’entrée en plein cintre à claveaux de granit, comprend un linteau droit remanié et un tympan semi-circulaire, orné d’une croix grecque inscrite dans un cercle. De plus, elle est prolongée par le mur roman de la nef, terminée par l’abside demi-circulaire surélevée postérieurement. Le clocher-tour de plan carré et construit de biais, jouxte l’abside au Sud. D’une hauteur de 16 m, il se divise en trois parties, dont la partie basse est décorée de bandes lombardes, issues de la tradition du premier art roman méridional. Tout comme le mur Sud, l’appareil est en pierre de taille (granit). Il fut cependant recouvert par un crépi à la fin du 19e siècle [CCRP, 2005]. Le mur Nord de l’abside conserve un appareil probablement daté du 11e siècle, matérialisé par de faux-joints tracés à la truelle. Tout comme l’église Sainte-Marie de Riquer, cette technique destinée à donner un aspect de plus grande régularité des moellons, est caractéristique des églises pré-romanes. La lecture du mur Nord permet de distinguer la partie du 11e siècle, des remaniements effectués postérieurement, dont ceux de l’abside au 12e siècle [PONSICH, 1956, p.59].
Catllar du 13e siècle au 16e siècle
Au 13e siècle, l’existence d’une fortification à Catllar est attestée dans les sources historiques, notamment dès 1268 [CAZES, 1969, p.27]. Il semblerait que le village médiéval se soit en effet formé autour de son église paroissiale, qui constituait à l’époque le noyau urbain. C’est également à cette époque que la chapelle de Saint-Jacques de Calahons située dans les hauteurs Nord du village est mentionnée. Elle apparaît en effet en 1225, lors de la donation faite par l’abbé de Saint-Michel-de-Cuxa d’un terrain en friche situé en bordure de l’édifice, au prieur Jaume de Calahons ainsi qu’aux frères et sœurs du lieu [FOSSA, inventaire des archives de Cuxa]. S’il est actuellement difficile de connaître l’emplacement exact d’un cimetière rattaché à la chapelle-ermitage, l’existence de celui-ci est attestée dans un document daté de 1545 .
Entre les 14e et 17e siècles, la chapelle est considérée comme étant le siège d’un prieuré dépendant de Cuxa. Cette mainmise du monastère est également confirmée à travers les mentions de plusieurs moines, ayant bénéficiés de la prévôté de l’édifice, dont frère Antich Amat Torres, prévôt de Saint-Jacques de Calahons de 1605 à 1633 [JUST, 1860, p.78]. Au 17e siècle, la chapelle est identifiée sous le terme « Hermita de Sant-Jaume de Calahons », notamment en 1688 [TOSTI, MARQUIÉ, 1996, p.39].
Les données concernant la population à l’époque médiévale sont connues dès le 14e siècle, notamment grâce à l’étude des fogatges (foyers). En 1365, Catllar compte 26 feux, soit environ plus d’une centaine d’habitants [BATLLE, GUAL, 1973, p.16]. Les ravages des grandes pestes ainsi que de l’invasion de bandes armées en Conflent à la fin du siècle entraînent une baisse démographique, avec 16 feux en 1378. Ce nombre de feux est mentionné dans les sources historiques du 15e siècle, notamment en 1424. Au 16e siècle, la population est en essor, malgré une diminution progressive dans la deuxième moitié du siècle (21 feux en 1553, contre 36 feux en 1515. Cette stagnation démographique est en partie liée à la supériorité du nombre de décès, par rapport à celui des naissances. Enfin, un capbreu (registre foncier) en date de 1568 et conservé aux Archives Départementales de Perpignan, mentionne 18 chefs de familles à Catllar, dont plusieurs d’entre eux sont omniprésents dans le village jusqu’au 17e siècle, tels que les Bertran, Delseny, Vidal, Cambo, Vernis et Riquer [A.D.P.O. 3E.19/1186].
L’agriculture est à cette époque facilitée par l’irrigation de plusieurs canaux, tel que le Rec de Dalt (ou Rec de Catllà), dont la première mention date de 1569 [A.D.P.O. 36. EDT.1]. Celle-ci concerne l’autorisation de construire une resclosa (prise d’eau) à partir de la Castellane dans les hauteurs de Molitg, afin d’arroser le village. L’un des embranchements de ce canal fut par ailleurs conduit au cœur même de Catllar. Il est mentionné dans le cartell de la visite apostolique de Jacques d’Agullana, daté de 1586 et connu grâce à la conservation d’une copie datée de 1740 [CAZES, 1964, p 127]. Le compte-rendu explique que « les fabriciens ont 15 jours pour faire arranger le ruisseau qui longe le cimetière, c’est-à-dire pour l’écarter le plus possible du cimetière de façon à ne pas inonder les sépultures ». Ce document permet de connaître l’emplacement approximatif du canal, non loin du cimetière qui était alors situé au niveau de l’actuel place de la République.
Catllar du 17e siècle au 19e siècle
Contrairement au siècle précèdent, le 17e siècle est marqué par un rebond démographique, en raison d’un taux de naissance supérieur à celui des décès, malgré les différentes phases épidémiques. En effet, la commune compte 96 chefs de familles en 1671, dont ceux précédemment cités [A.D.P.O. 3E.19/1189].
La graphie « Catllar » employée dès 1628 pour désigner le village, se révèle être une forme étymologique incorrecte, en raison du renvoi à la forme latine primitive « Castellanum », qui ne désigne pas une fortification mais plutôt le nom d’une personne. Pour autant, la présence d’une muraille à Catllar est attestée au 17e siècle, comme l’indique la mention de sa reconstruction en 1661 [A.D.P.O. 53 J 67]. En effet, le séquestre de Saint-Michel-de-Cuxa, François de Montpalau, ordonna aux consuls de détruire la muraille jugée en mauvais état, afin d’en édifier une nouvelle . Pour autant, les vestiges conservés et précédemment cités, laissent penser à une reconstruction sur de l’existant, plutôt qu’à une construction totale.
Les principales transformations de l’église Saint-André sont réalisées au 17e siècle, avec la construction d’un nouvel édifice, perpendiculaire à la nef et l’abside des époques antérieures. L’autorisation est accordée le 11 Mars 1661, par Dom François de Montpalau, sequestrador de l’abbaye de Saint-Michel-de-Cuxa [CCRP, 2005], qui chargea les consuls de Catllar de détruire l’église romane.
Sur le pilier gauche du sanctuaire figure la date 1662 correspondant au début des travaux, ainsi que sur une plaque gravée en granit à l’angle extérieur Sud-Ouest. Cette plaque mentionne l’inscription « A.I.B. 1662 », probablement relative à la date du 1er Avril 1662 ou à « l’Année 1662 de la Bienheureuse Incarnation » (du latin « Anno Incarnationis Beatae ») [CAZES, 1969, p.21].
Au 18e siècle, la population se stabilise dans un premier temps, avec 110 feux recensés entre 1720 et 1740, soit un total d’environ 450 habitants [BATLLE, GUAL, 1973, p.38 et p.42]. Après une courte phase de baisse démographique (403 habitants en 1787 ), le nombre de foyers augmente à la fin du siècle, notamment entre 1798 et 1799 avec 483 habitants. Plusieurs sources historiques témoignent de la pauvreté des villageois, comme c’est le cas dans une supplique datée de 1775, adressée au viguier du Conflent. Ce document fait état de la destruction de nombreuses vignes du territoire à la suite d’un orage de grêle, ayant entraîné une pauvreté de plus en plus profonde. En effet, il explique au nom de la commune que « les habitants de Catllà sont fort pauvres (…), ils ne possèdent dans la pluralité que des vignes, des vignes mauvaises…et ce sont précisément ces vignes qui ont le plus souffert. Tous les habitants et bien tenants ont souffert, mais la plus grande partie est pour les pauvres gens, privés du bien de leur unique produit, et ils ne sauront même comment faire pour gagner un morceau de pain à leur famille [A.D.P.O., 1C. 1920].
De plus, le curé de Catllar fait état en 1790 de 20 familles pauvres, qui représentent 58 habitants, soit un peu plus du dixième de la population totale. La plupart de ces habitants sont recensés en tant que brassiers, soit des ouvriers agricoles qui vivent majoritairement de l’agriculture avec la vigne et de l’élevage. Un état des biens fonds dressé en 1775 permet de connaître la proportion des terres cultivables entre les populations pauvres et les plus aisés. La vigne, qui représente 252 journaux sur le territoire, est partagée en 162 journaux pour les brassiers contre 90 pour les privilégiés. Toutefois, les terres arrosables ou « regatius » destinées aux cultures horticoles, sont estimées à 37 journaux pour les non privilégiés, sur un total de 154 journaux de terres. Par ailleurs, les trois propriétaires les plus riches détiennent un total de 37,000 livres, contre 125 livres pour les plus pauvres. Parmi les propriétaires aisés, l’abbaye de Saint-Michel-de-Cuxa possède au 18e siècle 10 journaux de terres labourables, 8 journaux de prés et 2 journaux de vignes [TOSTI, MARQUIÉ, 1996, p.22]. Les particuliers les plus riches sont issus de familles déjà connues aux siècles précédents, tels que les Bertran, Vilar ou encore Pallarès. Plusieurs d’entre eux exercent la profession d’avocat à Prades, dont les Vilar qui détiennent au 18e siècle 28 journaux de terres labourables, 2 journaux de près, 10 vignes ainsi qu’un moulin à papier.
Catllar du 19e siècle à nos jours
Au cours du 19e siècle, l’élevage constitue un réel complément à l’activité viticole et permet aux habitants de produire du fromage ou encore la fabrication du cuir. L’élevage ovin et caprin et fortement représenté, comme l’atteste une enquête réalisée auprès des maires en 1802. Celle-ci mentionne en effet la présence de 900 moutons ou brebis ainsi que de 300 chèvres. Les autres animaux sont faiblement représentés, dont 60 porcs, 14 chevaux, ânes et mulets, ainsi que 9 bovins [TOSTI, MARQUIÉ, 1996, p.26].
Cette période est marquée par les débuts de la modernisation, notamment avec l’instauration de l’école publique. C’est dans ce sens qu’au début du siècle le Maire de l’époque, Monsieur Paul Bertran, décide de nommer un secrétaire chargé des actes d’état-civil, également désigné pour exercer la fonction d’instituteur. En effet, le taux d’illettrisme se révèle particulièrement en hausse à cette époque. Le Maire propose le poste à un officier de santé du nom de Philibert Dalbies, qui se retrouve uniquement rémunéré dans le cadre des tâches administratives. Une délibération municipale datée de janvier 1801, mentionne qu’il est prévu que le nouvel engagé reçoive « chez lui les enfants des habitants de la commune qui voudront bien les faire enseigner, à charge pour les parents de payer par mois au dit Dalbies ce qu’ils conviendront entre eux pour chaque enfant, vu que la commune n’a aucune ressource pour faire une somme fixe à un maître d’école [A.D.P.O., 2 Op. 809].
Un premier local possédé par un certain Saleta est loué en 1836, afin d’accueillir les élèves et le maître. Suite à la volonté de la municipalité d’acquérir un bâtiment en 1838, une maison d’habitation appartenant à Mademoiselle Rose Vernet, est achetée en 1842. Il s’agit d’un édifice situé sur la place de la République (0C 91) et contiguë au presbytère (0C 94). Le rez-de-chaussée servait de Mairie, tandis que le premier étage de salle de classe et le second de logement pour le maître. Très vite, les locaux sont jugés insalubres, comme l’atteste l’architecte départemental, qui décide de construire un nouveau bâtiment scolaire. En effet, « la maison d’école est tombée dans un état de dégradation qui ne permet plus à l’instituteur de l’habiter qu’à la condition d’être perpétuellement exposé aux accidents les plus graves (…). Plusieurs planchers, notamment celui de la cuisine, sont sur le point de s’effondrer . Face au non engagement de la municipalité qui refuse d’effectuer des travaux de réparations, un arrêté préfectoral en date du 16 janvier 1854 interdit l’exercice de l’école et celle-ci est supprimée le 1er juin 1861. En novembre de la même année, des travaux sont entrepris afin de rouvrir le local. Toutefois, ces travaux se révèlent insuffisants, tel que l’atteste l’inspecteur d’académie, expliquant que « les élèves et le maître ont été refoulés au premier et au deuxième étage, où ils n’ont qu’une salle d’école irrégulière et insuffisante, une chambre et une cuisine » [A.D.P.O., 2 Op. 817].
Suite au conseil municipal de février 1864, le Maire de Catllar, Alexandre Picon, propose donc de vendre une de ses maisons pour servir d’école. La décision est prise en 1865 et la vente effective en 1868. Malgré le refus de l’inspection académique en raison de la non-conformité du bâtiment, la maison de Monsieur Picon devient école de garçons. Par ailleurs, celle destinée aux filles occupait vers 1869 l’ancienne école, après avoir été installée dans l’ancien moulin à huile de la rue d’en Haut. A nouveau, les deux édifices scolaires se révèlent vétustes et non adaptés à l’accueil des élèves.
Une délibération de mars 1879 souligne que « les dégradations qui se produisent dans ces deux édifices ont pris de telles proportions que celui qui est destiné aux filles est devenu (…) inhabitable et que l’institutrice se serait vue dans la nécessité d’abandonner son poste s’il ne s’était trouvé dans la commune une famille qui lui a généreusement offert un asile momentané ». De plus, « les marches de l’escalier qui conduit à la salle d’école des garçons sont usées, vermoulues et en grande partie détruites. Les murs mitoyens se désagrègent et tombent sérieusement en ruine » [TOSTI, MARQUIÉ, 1996, p.59].
Ainsi, la construction d’un nouveau groupe scolaire est actée en 1879, le long de la Route Nationale de Prades. Afin de financer cet investissement, les deux anciennes écoles sont vendues aux enchères et plusieurs solutions fiscales sont adoptées, comme la suppression du salaire du garde-champêtre et le prélèvement d’un droit sur les extraits des registres de l’état-civil [A.D.P.O., 2 Op. 809]. Le groupe scolaire inauguré en 1885, sera par la suite agrandie par l’adjonction d’un nouveau bâtiment au Sud. Il accueille actuellement les locaux de l’école maternelle et primaire.
Au 19e et 20e siècles, les édifices religieux que sont l’église paroissiale Saint-André, l’église prieurale Sainte-Marie de Riquer et la chapelle-ermitage Saint-Jacques de Calahons font l’objet d’importants remaniements.
L’église Saint-André a bénéficié de plusieurs travaux de réparations, en raison de son état de délabrement. En effet, le desservant de Catllar indique dans une lettre adressée au Ministre de la justice et des cultes à Paris en date du 22 juillet 1843, être « frappé de l’état de dégradation où se trouve l’église Saint-André » [A.D.P.O. 4 V 17]. La voûte est fragilisée, notamment en raison de l’infiltration des eaux pluviales. De plus, les moellons qui ont servi à la construction sont à découvert et le carrelage est dégradé. En raison du coût élevé des travaux porté à 2, 333. 33 francs par l’architecte du département, la commune de Catllar sollicita la Préfecture des Pyrénées-Orientales pour la prise en charge financière des travaux, ainsi que les habitants eux-mêmes. Plusieurs propriétaires terriens se sont en effet engagés à fournir gratuitement leur service (maçonnerie, labourage etc.), tandis que les plus aisés ont apporté une participation financière en argent. De plus, un certain Laurent Jaulet, céda un terrain privé à la paroisse pour la somme de 300 francs, à la suite de la démolition de sa maison en 1855 [CCRP, 2005]. Celle-ci visible sur le cadastre napoléonien, était adossée contre le mur méridional de l’église, entre les deux portes d’entrée. Un nouveau bâtiment sera par ailleurs reconstruit à la fin du 19e siècle (parcelle 0C 89) en retrait de l’église paroissiale, ouvrant ainsi l’ancienne cellera à l’Ouest. Cet édifice pris par ailleurs la fonction de boulangerie au 20e siècle, comme l’atteste la présence d’une cheminée en briques contre le mur Est. Au 19e siècle, la sacristie apparaît détériorée par l’humidité et menace la conservation du mobilier liturgique. De ce fait, une nouvelle est construite en 1865 au côté opposé de l’existante, sur un terrain appartenant à l’église.
Probablement vendue comme bien national à la révolution française, la chapelle-ermitage Saint-Jacques de Calahons devient au 19e siècle la propriété de la famille Vernet-Denis de Catllar, dont Thérèse Vernet qui l’hérita de son père. La famille reste le principal bénéficiaire du site jusqu’en 1898. Cette date est en effet inscrite sur une plaque, intégrée dans le mur de la chapelle latérale droite. Par ailleurs, l’édifice est déjà en 1858 « une chapelle privée jouissant de tous les privilèges attachés aux chapelles privées du diocèse », comme l’indique l’ouvrage Ermitages du diocèse de Perpignan, écrit en 1860 par Louis Just. A la fin du siècle, la chapelle-ermitage est peu fréquentée, certainement en raison de son important état de détérioration. Par manque de moyens financiers, la famille Vernet cède l’édifice au chanoine Guillaume Vernis, qui lui-même le concéda à l’abbé Raymond Vidal (prêtre-vicaire de Prades)[TOSTI, MARQUIÉ, 1996, p.40].
Des travaux de restaurations sont donc entrepris en 1899, par l’entreprise de maçonnerie Bourreil de Catllar. La réfection s’accompagne de la construction de la sacristie, des deux chapelles latérales ainsi que de la transformation du toit tel qu’il se présente actuellement. Lors de la réalisation de ces travaux, deux squelettes en bon état de conservation son mis au jour dans le sol de la chapelle-ermitage. Cette découverte, qui permet d’attester l’existence d’un ancien cimetière en ce lieu, a par ailleurs fait l’objet d’un article paru dans l’Indépendant, le 13 novembre 1898.
A la fin du 19e siècle, le prieuré de Riquer est transformé à de nombreuses reprises, notamment en dépendance agricole. La chapelle est alors divisée en deux parties par une cloison, avec une séparation nette entre le rez-de-chaussée destiné à l’écurie et le niveau supérieur, tout juste aménagé pour le stockage du fourrage. Trois portes vont être percées, tandis que la porte méridionale est condamnée. Par la suite, des cuves à vin sont installées au côté de tonneaux en bois, dont les photographies prises dans les années 1980 par l’archéologue André Signoles, permettent de visualiser l’état de délabrement du lieu. En effet, lors du rachat dans les années 1960 de la chapelle, des granges et de la maison mitoyenne par les familles Jaulent-Baus, l’édifice est totalement à l’abandon. De nombreux travaux de restauration seront ainsi réalisés, grâce à l’impulsion de l’Association culturelle Notre-Dame de Riquer, engagée dans des actions de protection et de valorisation du site, comme l’organisation des Rencontres Culturelles de Riquer, visant à faire découvrir de nombreux musiciens actifs en France et à l’International.
Les restaurations sont entreprises dès 1992, avec la réfection de la charpente ainsi que de la toiture en lloses de l’église. De plus, la porte primitive méridionale est dégagée en 1995 et à nouveau ajourée, avec l’installation d’une nouvelle porte en bois. Les éléments présents depuis la transformation de l’édifice en grange sont supprimés, dont la cuve en béton (1999). Enfin, les ouvertures de la façade occidentale sont remplacées par des portes en chêne, et les vitraux réalisés par Gérard Milon entre 1999 et 2000. Par ailleurs, des décorations ont été sculptées à la main par des compagnons, dont les poutres à tête de chat de la tribune.
La sériciculture qui marque l’architecture Catllanaise des principales rues du centre ancien, est une des principales activités exercées au cours du 19e siècle. Toutefois, plusieurs maladies développées sur les vers à soie au cours du siècle toucheront durement cette activité, dont la muscardine ou encore la flacherie. Grâce aux travaux de recherches menés dans les années 1860 par Louis Pasteur, l’activité est relancée sur tout le territoire roussillonnais et les terres du Conflent. En 1869, l’élevage exercé dans 54 communes par 324 magnaniers permet de produire 14,0007 kilos de cocons, équivalent à un rendement estimé à 32 kilos par once (ancienne unité de masse). L’activité se concentra par la suite sur quelques communes, notamment à Catllar, qui devient à la fin du 19e siècle la troisième localité à faire travailler un grand nombre d’éducateurs de ver à soie (61, contre 125 et 84 pour Millas et Latour-de-France). En 1899, environ 2098 graines sont mises en incubation, ce qui représente un nombre important par rapport à la taille de la commune. Cependant, la production de cocons reste relativement faible, comme c’est le cas en 1900 où une graine produit généralement en tout 4768,5 kilos de cocons, soit un rendement de 62 kilos par once, contre plus de 70 kilos pour certaines communes voisines. Ces données témoignent du rôle économique de la sériciculture à Catllar, exercée en complément des faibles revenus d’une grande partie de la population locale.
De nombreux cocons produits à Catllar furent achetés par les fournisseurs d’œufs eux-mêmes, notamment en raison de leur qualité. Plusieurs récompenses ont été décernées par la commission départementale de sériciculture auprès de la population, comme c’est le cas en 1888. Au début du 20e siècle, de nombreux éducateurs sont récompensés, notamment 11 en 1900 et 18 en 1910. De plus, les comptes-rendus de visite effectués par la commission départementale de sériciculture, témoignent de « la bonne tenue des éducations de ce petit centre séricole » [TOSTI, MARQUIÉ, 1996, p.51]. Les éducations sont « bien régulières, bien conduites, le matériel bien entretenu, les locaux propres et en bon état ». Par ailleurs, « tous les cocons provenant de ces éducations vont au grainage (et) peu suivent le chemin de la filature ».
Entre les 19e et 20e siècles, de nombreuses épidémies de choléras recensées causent le décès de plusieurs habitants, entrainant ainsi une baisse démographique. En 1886, 532 habitants sont recensés, contre 607 personnes en 1861 [BATLLE, GUAL, 1973, p.60]. Ces épidémies, accompagnées d’une endémie typhoïdique, sont en partie mises en cause par la sériciculture, en raison de la malpropreté des maisons transformées en magnanerie. Un arrêté municipal a dans ce sens été pris en 1897, par le Maire Hyppolyte Freixe, expliquant qu’il est « interdit d’une façon absolue de déposer des détritus de vers à soie dans le territoire de Catllar à une distance moindre de 200 mètres de toute habitation même isolée, aux jardins situés aux lieux dits les Basses et les Planes, où se trouvent les sources alimentant les fontaines de la commune » [TOSTI, MARQUIÉ, 1996, p.72]. Malgré les diverses interdictions formulées par la municipalité, l’épidémie sévit encore au début du 20e siècle.
De nouvelles mesures sont prises, dont la fermeture des citernes et puits, l’interdiction de déposer des déchets, ainsi que de « jeter les animaux morts dans les mares, rivières, abreuvoirs, gouffres ou de les enterrer au voisinage des habitants » [TOSTI, MARQUIÉ, 1996, p.72]. En effet, la pollution de l’eau est très certainement la principale raison des diverses maladies recensées à Catllar.
Les fontaines et les abreuvoirs permettaient à la fois de s’approvisionner pour la consommation personnelle, de faire la lessive ou encore de servir de point d’eau pour les animaux. C’est le cas de la fontaine de la Muraille, qui se situait à l’origine au niveau de l’angle Nord-Est d’une magnanerie (0C 100). Elle a par la suite a été reconstruite à son emplacement actuel au 20e siècle, par l’association Els Amics de Catllà. Une autre fontaine édifiée en 1853 et située au niveau de la rue d’en Haut, avait également plusieurs fonctions. Elle fut par la suite refaite dans les années 1930, par l’entrepreneur Catllanais Michel Bourreil.
Si la construction d’un lavoir public est attestée en 1879, celui qui est actuellement conservé se trouve en contrebas de l’ancienne promenade du curé. Il fut construit au début du 20e siècle, puis agrandi dans les années 1970 par la réalisation d’une fontaine. Celle-ci remplace par ailleurs la « font Grosse », qui était considérée comme la plus ancienne fontaine du village.
En dehors des épidémies liées à la malpropreté des eaux, la crise du phylloxéra touche durement la vigne à la fin du 19e siècle, comme l’atteste l’une des vignes du lieu-dit Montcamill, affectée en 1878 [TOSTI, MARQUIÉ, 1996, p.78]. Malgré l’utilisation de plants américains pour stopper la propagation, la vigne décline progressivement, notamment dans la première moitié du 20e siècle, où 91,70 hectares de vignes sont comptabilisés en 1925, contre 102,53 hectares de vignes en 1914 [TOSTI, MARQUIÉ, 1996, p.78]. La vigne disparaît progressivement au profit de l’arboriculture fruitière, représentée par les pêchers et abricotiers, ainsi que par les pommiers, cerisiers et poiriers. La forte production de fruits, dont celles des fraises dans les années 1930, amène la création d’un marché d’approvisionnement général pour les fruits et légumes, qui se tient alors sur la place du village. Cette production s’essouffle à la fin du siècle et se réduit essentiellement à la culture du pêcher ; Catllar ne comptabilise plus que 89 exploitants en 1954, 39 en 1970 et 32 en 1988.
Enfin, le 20e siècle est marqué à Catllar par une série de tensions politiques, entre les forces politiques de gauche et de droite. Ces dissidences se traduisent dans la vie quotidienne des habitants, notamment lors des fêtes. La Saint-Sébastien était en effet réservée aux « Blancs », tandis que le dimanche des Pasquetes (fête traditionnelle du mois d’avril) était fêté par les « Rouges » [TOSTI, MARQUIÉ, 1996, p.69].
Tout au long du 20e siècle, plusieurs Maires aux idéologies différentes ont marqué l’histoire de Catllar, dont le Maire modéré Jean Marc de 1912 à 1919, ou encore les socialistes André Bernard (1929-1931) et Jean Rous (1931-1935). La commune passe à droite entre 1935 et 1941, sous les mandats d’Ange Carboneil et de Barthélémy Vernet. A la Libération, le Maire Michel Grau (1944-1951) est élu sur une liste de gauche, tout comme son successeur Vincent Gueyne (1951-1959) [TOSTI, MARQUIÉ, 1996, p.70]. Parallèlement aux divisions politiques, les effets de la promulgation de l’église et de l’Etat entraînent la vente du presbytère en 1907, ainsi que l’interdiction des processions dès 1904.
Selon le recensement de la population en vigueur à compter du 1er janvier 2020, la commune de Catllar compte 786 habitants [INSEE, décembre 2019, p.15], soit 400 de plus par rapport à la fin des années 1960. Dans les années 2000, la population se stabilise, tout en augmentant progressivement ; 693 personnes sont recensées en 2007, 716 en 2012 et 771 en 2017 . Comme de nombreux villages du Conflent, la population est essentiellement vieillissante, avec 24,4% de 60 à 74 ans, suivi de 19,5% de 45 à 59 ans en 2017. Le taux d’enfants de 0 à 14 ans reste supérieur (16,3%) par rapport aux 15-29 ans (10,1%) et 30-44 ans (14,8%).
En dehors de la part des retraités estimée en 2017 à 61%, les employés représentent la catégorie socioprofessionnelle la plus élevée (15,3%), par rapport aux artisans, commerçants, chefs d’entreprise (8,4%), ouvriers (5,6%), ou encore aux professions intermédiaires (2,8%).