Dossier d’œuvre architecture IA66003459 | Réalisé par
  • inventaire préliminaire, diagnostic patrimonial
Présentation de la commune d'Arboussols
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Inventaire général Région Occitanie
  • (c) Communauté de communes Conflent Canigó

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Canigou-Conflent
  • Commune Arboussols

Arboussols-Marcevol des origines au XIe siècle

L’occupation du territoire d’Arboussols-Marcevol remonte à la période Protohistorique, avec l’implantation d’un oppidum sur le Roc del Moro. Ce dernier situé au Nord-Est de la commune présente en effet des vestiges de cabanes en pierres sèches en son sommet, datées de la fin du Ier âge du Fer (KOTARBA, CASTELLVI, MAZIERE, carte archéologique de la Gaule, 2007, p. 586). De plus, plusieurs scories de fer probablement datées de l’époque antique ont été découvertes, non loin du prieuré de Marcevol, du cortal (grange) Camp dels Pardals (commune d’Arboussols) et de la chapelle Sainte-Eulalie. Si la datation de ces scories semble complexe, le caractère dispersé de ces déchets de forge témoigne d’une activité antérieure au Moyen-Age.

La mention première du village d’Arboussols (Arbussols en catalan) est faite en 950, sous la dénomination latine « Villa Arbussolas » dans la liste des dépendances de l’abbaye de Saint-Michel-de-Cuxa (BASSEDA, 1990, p. 305). En 958 et 968, les noms successivement employés sont « Arbutiolam » et « Arbuzolos », puis « Erboçolos » au XIe siècle. La toponymie pourrait se rapporter à un petit arbre ou bosquet désigné sous le terme « Arbutus », ou encore à un arbousier (arbousiers nains par rapport à l’emploi du « s » ?), du latin « Arbuteus ».  

Le hameau de Marcevol désigné en 1011 sous le terme de « villa Marceval » (BASSEDA, 1990, p. 305), appartient à cette époque à l’abbaye citée plus haut (Revue d’Ille et d’Ailleurs, 1987, p. 24). Plusieurs terres de Marcevol sont données à l’abbaye, notamment par un certain Ramou à son entrée comme religieux dans l’abbaye en 1088 (ALLART, Cartulaire Roussillonnais, 1880, p. 99). C’est également en 1011 qu’est mentionnée la chapelle Sainte-Eulalie d’Arboussols, dans la bulle papale de Serge IV (CAZES, Revue Conflent, 1967, p. 166. Située à 1,500 km au Nord du village, cet édifice du premier art roman de style lombard se caractérise par la présence d’arcatures décoratives sur la partie extérieure de l’abside

D’autres sens étymologiques ont été attribués à Marcevol, dont le nom domanial « Marcius » ou « Marisius », le terme latin « vallis » pour désigner une vallée ou encore de la base pré-latine « Vol-Bul » qui se réfère à un torrent raviné (BASSEDA, 1990, p. 504). Le nom catalan Marxívol désignant l’ellébore, une plante de la famille des Renonculacées bien présente sur le territoire, est celui qui se rapproche de l’appellation actuelle. Le domaine « Alodem Vultraria » qui se rapporte à l’actuelle lieu-dit Llussanes (présence d’un mas), est mentionné au XIe siècle en tant que territoire rattaché à la paroisse de Marcevol (Revue d'Ille et d'Ailleurs, 1987, p. 11). Il est actuellement situé sur la commune de Tarerach à la frontière avec Arboussols. Par ailleurs, deux dolmens (dont celui de « la Barraca ») en dalles de granit conservés au Nord du lieu-dit et à une centaine de mètres l’un de l’autre, témoignent d’une occupation ancienne du site.

L’église paroissiale Notre-Dame des Escaliers de Marcevol apparait pour la première fois dans les sources historiques en 1088, où un dénommé Raymond donne à l’abbaye de Saint-Martin du Canigou un alleu, situé à proximité de la « vigne de Sainte-Marie » (CAZES, Revue Conflent, 1967, p. 156). Elle est de style lombard, tout comme la chapelle Sainte-Eulalie d’Arboussols, avec l’extérieur de l’abside décorée de lésènes et de trois rangs d’arcatures aveugles en plein cintre.

Arboussols-Marcevol du XIIe siècle au XIIIe siècle

La dénomination « Marcevol » apparait entre les XIIe et XIIIe siècles, au côté de « Marceval », « Marcevoll » et « Marcivol » (BASSEDA, 1990, p. 503). Son église paroissiale a la particularité d’avoir été fortifiée probablement dès le XIIe siècle (Monnier, Dossier de pré-inventaire, 1975), avec une enceinte encadrant toute la partie Sud constituée d’un appareillage de moellons à joints secs.

Le 24 janvier 1129, l’église paroissiale fait l’objet d’une donation au Saint-Sépulcre de Jérusalem, alors dépendant du monastère Sainte-Anne de Barcelone (DURLIAT, 1958, p. 31), par l’évêque d’Elne Pierre. L’acte mentionne un espace protégé autour de l’église, qui était délimité par des croix gravés (CATAFAU, 1998, p. 412). L’enceinte fortifiée de forme carrée et au Sud de l’église correspond certainement à l’espace protégé, même si le manque de sources historiques à ce sujet ne permet pas d’émettre des certitudes. De plus, elle fut probablement construite à cette époque, afin de protéger les hommes et les animaux en cas d’agression extérieure, notamment des pillards des Grandes Compagnies du Guesclin qui semaient la terreur dans les territoires voisins.  Cette donation eu lieu peu de temps avant la fondation de l’église prieurale Sainte-Marie de Marcevol (CAZES, 1967, p. 159), localisée au Sud du hameau.

Les chanoines du Saint-Sépulcre dont la règle suivie est celle de Saint-Augustin, s’établirent ainsi au prieuré, seul édifice de l’ordre dans le Conflent et le Roussillon (Revue d'Ille et d'Ailleurs, 1987, p. 14). Cette distinction fit du hameau de Marcevol une seigneurie prieurale. Si la date précise de la fondation même du prieuré est inconnue, il est certain qu’il fut fondé après l’an 1128, comme l’atteste l’archiviste Bernard Alart dans son Cartulaire Roussillonnais (ALLART, 1880, p. 93). En 1142, alors que l’église est toujours en construction, Bernard d’Arboussols indique dans son testament daté du 7 novembre de la même année s’être fait chanoine du « Monestir de Marcevol ». Ce dernier mentionne le lègue fait au monastère de la dîme qu’il percevait sur le territoire d’Arbussols, les moulins de la paroisse Sainte-Eulalie d’Arboussols et sur la chapelle Saint-Sauveur (actuelle église paroissiale Sainte-Eulalie et Sainte-Julie). Le monastère perçoit également des propriétés sur les territoires de Marcevol et Arboussols, qui appartenaient jusqu’à présent à l’abbaye de Saint-Michel-de-Cuxa (ALLART, 1880, p.10), ainsi qu’à l’abbaye de Saint-Martin-du-Canigou. L’abbé de ce dernier vendit au prieuré le 7 mars 1182 « les biens que Saint Martin possédait dans la ville et au terme de Marcevol, jusqu’à la ville d’Arboussols » (GARRIGUE, 2017, pp. 26-27). Ces échanges terriens et économiques participent pleinement à l’essor du monastère, qui affiche sa mainmise sur les villages d’Arboussols et de Marcevol.

L’enceinte fortifiée autour de l’église de Marcevol a été qualifiée de forcia, dans un document de 1242 qui évoque la donation de terres, d’un cellier et de deux maisons par le chevalier Bérenger de Corbiac, son épouse Bruna et leur fils Udalger, à Raymond Derantiga et son épouse Fine (GARRIGUE, 2017, pp. 26-27).

De plus, la liste des fortalesas (terme catalan pour désigner une fortification) qui recense au XIIe siècle les forteresses du Conflent, mentionne le hameau de « Marcivol » en 1243. Cette liste confirme la présence de fortifications dès le Moyen Âge à Marcevol, notamment au prieuré et au niveau de l’église paroissiale (ALART, Géographie Historique du Conflent. BIB 5182). .[1]. La construction des fortifications est liée au contexte historique, où jusqu’au traité de Corbeil en 1258, les territoires des Fenouillèdes et de Perapertusès appartenaient au roi d’Aragon. A cette date, Jacques Ier cède à la France les terres françaises qu’il possédait ; le territoire d’Arboussols situé à la limite des Fenouillèdes devient alors un village frontalier[2].

Grâce aux fogatges (feux en catalan), il est possible de connaitre le nombre de familles présentes sur le territoire, à partir du XIIIe siècle. Selon le recensement de la population en 1282 indiquée dans la revue Terra Nostra, Marcevol compte 25 familles et une communauté religieuse[3]. Cette date correspond à un procès entrepris par les villageois de Marcevol contre le prieur Jaume, accusé d’accaparer leurs biens. Selon la liste constituée à cet effet, le hameau fait état de 27 chefs de familles, soit environ 130 personnes (Revue d’Ille et d’Ailleurs, 1987, p. 24).

Arboussols-Marcevol du XIVe siècle au XVe siècle

Au début du XIVe siècle, l’autorité supérieure sur le territoire concernant les droits de haute et moyenne justice reste le roi, tandis que la justice simple était rendue par le chevalier Pere d’Illa et le prieur de Marcevol (GARRIGUE, 2017, p. 29). Le prieuré de Marcevol en plein apogée au cours de ce siècle, dispose de nombreux biens et terres sur tout le Conflent, dont certains ont été légués par les habitants. C’est le cas en 1382, ou Joan Miron de Saint-Paul-de-Fenouillet lègue au prieuré 57 biens-fonds sur le territoire de Rabouillet (ALART, Volume XVI, p 96). De plus, les chanoines de Marcevol ont depuis 1381 pris la tête de l’administration de l’hôpital d’Illa (Ille-sur-Têt) (Revue d'Ille et d'Ailleurs, 1987, pp. 16-17), confirmant ainsi son rayonnement.

En 1371 est mentionné le pèlerinage de Santa Creus, qui donnait lieu à un rassemblement le 3 Mai au prieuré de Marcevol (CAZES,Revue Conflent. Numéro 4 1961, p 29). Il consistait à célébrer la fête de la Santa Creus à travers une procession, qui partait le 2 Mai de Vinça jusqu’à Marcevol en empruntant un ancien chemin muletier, où il fallait arriver avant deux heures de l’après-midi. Les goigs (chants religieux catalans) étaient chantés depuis l’église paroissiale Notre-Dame des Escaliers afin de célébrer un miracle survenu à Marcevol.

En effet, la mère du pape Lin (successeur de Saint-Pierre) alors en pèlerinage au hameau, aurait bénéficié de la protection de la Vierge contre un violent orage. De plus, le sac de farine qu’elle transportait aurait été épargné de l’eau (Revue d'Ille et d'Ailleurs, 1987, P. 26). Des indulgences pouvaient être accordés aux pèlerins, seulement si le 3 Mai tombait un vendredi.

Le cloître du prieuré de Marcevol aujourd’hui disparu apparaît dans les sources historiques en 1429, avec le rassemblement des habitants d’Arboussols pour prêter serment à Barthélemy de Vall-Llebrera, nouveau prieur de l’église (CAZES, 1967, p. 161). Des corbeaux de pierre situées en alignement de la façade Sud de l’église du prieuré pourraient correspondre à l’emplacement d’une ancienne galerie claustrale (CAZES, 1967, p. 40).

En 1430, la dépendance au monastère Sainte-Anne de Barcelone est confirmée par la bulle du pape Célestin II, mentionnant les maisons de l’ordre en Europe (DURLIAT, 1958, p. 31). C’est à cette époque que les armes de Marcevol sont adoptées (actuelle blason de la commune d’Arboussols-Marcevol) ; elles représentent la croix patriarcale (emblème des chanoines réguliers du Saint-Sépulcre), un pied d’ellébore en tant que symbole du village et le corbeau, attribut de la famille de Corbiac, bienfaitrice du prieuré. Elles ont en effet été données par le sceau employé par la communauté des prêtres de Vinça (CAZES, 1967, p. 163).

Le seigneur de Corbiac joua un rôle important à Marcevol, puisque c’est lui qui prélevait le champart (taxe que les paysans devaient au seigneur) sur toute la partie Sud-Est du territoire. Il appartenait à une riche famille, qui résidait à Vinça depuis 1242.

Au XVe siècle, le prieuré de Marcevol décline progressivement, pour causes religieuses et économiques. En effet, plusieurs conflits ont lieu au début du siècle entre les chanoines et le prieur et le nombre de représentants diminue fortement, qui ne sont plus que cinq en 1410 ; le prieur Francesc Talamanca, les chanoines Francesc Rossell et Pere Colomer, ainsi que le prêtre-bénéficier Bartomeu Pelos (Revue d'Ille et d'Ailleurs, 1987, p. 17). La direction de l’hôpital d’Ille-sur-Têt est confiée au prêtre de la ville Guillem Nomays en 1424, suite à plusieurs plaintes faites contre les chanoines du prieuré.

De plus, l’édifice tombe peu à peu en ruines, probablement à cause du tremblement de terre de 1428, qui aurait détruit une grande partie, notamment la partie Nord de l’église. Par ailleurs, une note faite en 1476 de la communauté ecclésiastique de Vinça, indique que le prieur Nicolas Ferrer se retire de ses fonctions, face à « l’abandon (du) monastère en ruines, l’église sans voûte et la servitude de la Cure de Marcevol » (VIDAL, 1888, p 192). Ce retrait est également lié au rattachement du prieuré à l’ordre de Saint-Augustin à partir de 1460, rattachant ainsi le prieur à l’abbaye de Valbonne (CAZES, 1961, p. 29). Le prieur réside désormais à Rome, où le pape délégua au prieuré de Marcevol un chanoine de Barcelone.

Le hameau de Marcevol compte quatre feux entre 1470 et 1490 contre douze feux entre 1365 et 1370 (BATLLE, GUAL, 1973, p 27), témoignant d’une diminution nette de la population, en même temps que le déclin du prieuré.

Suite à la dissolution de l’ordre du Saint-Sépulcre en 1482 et le transfert des biens à l’Ordre des Hospitaliers de Saint-Jean-Baptiste (actuel ordre de Malte), le prieuré de Marcevol passe sous l’autorité de la communauté Saint Julien de Vinça, par une bulle du pape Sixte IV datée de 1483 (DURLIAT, 1958, p. 31). Chargée d’assurer la célébration de l’office, la communauté de Vinça prend possession du lieu (église et bâtiments ecclésiastiques) le 31 octobre 1484, peu de temps après le décès du dernier prieur Pere Renart. La communauté des prêtres de Vinca entrepris des travaux de reconstructions dans l’édifice, notamment des voûtes des trois nefs de l’église prieurale, reconstruites après 1496 (DURLIAT, 1958, p. 31).

Arboussols-Marcevol du XVIe siècle au XIXe siècle

 La période du XVIe siècle est très peu documentée sur le hameau de Marcevol, en dehors de la population recensée. En effet, Marcevol compte 4 feux en 1515, contre 3 feux à Arboussols (BATLLE, GUAL, 1973, p 28). Des données concernant le pèlerinage de Santa Creus au XVIIe siècles sont attestées, notamment en 1680, où plus de 11 000 pèlerins furent recensés. Il attira entre les XVIIe et les XVIIIe siècles de nombreux pèlerins de tout le Conflent, mais également de la Cerdagne, des Fenouillèdes et du Vallespir (Revue d'Ille et d'Ailleurs, 1987, p. 30).

Selon l’état des biens-fonds de Marcevol dressé en 1775 (Archives départementales des Pyrénées-Orientales, C. 1951), le hameau compte 9 familles (environ 50 habitants), représentées par Baptise Saleta, Jacques Coupet, Jean Coupet, Pierre Coupet, Bonaventure Macari, Pierre Lafont et Pierre Fabre. La communauté des prêtres de Vinça jouit de plusieurs propriétés sur le territoire, dont 30 journaux de terres labourables (Revue d'Ille et d'Ailleurs, 1987, p. 31). De plus, certains habitants de la commune voisine de Vinça possèdent quelques biens à Marcevol, principalement des journaux de vignes. Par ailleurs, la commune d’Arboussols compte beaucoup plus d’habitants que Marcevol au XVIIIe siècle, avec 19 chefs de familles en 1730, 16 feux en 1740 et 117 habitants en 1787, contre 59 à Marcevol (BATLLE, GUAL, 1973, p 32, 42, 47).

Avec la confiscation des biens du clergé à la révolution française, l’ensemble du prieuré de Marcevol est vendu en 1791 au sieur Perraud à Paris pour 25 000 livres et est transformé en propriété agricole, pour la vigne et l’élevage. Cet évènement marqua l’arrêt de la mainmise de la communauté des prêtres de Vinça sur le hameau, et s’accompagna d’un important déclin de la population. Entre 1792 et 1793, Marcevol ne compte plus que 43 habitants, contre 137 à Arboussols

Le rattachement de Marcevol à la commune d’Arboussols le 30 janvier 1822 (GARRIGUE, 2017, p 62) ne permis pas au hameau de retrouver sa population d’autrefois, qui tomba peu à peu en ruine. Pierre Vidal, archiviste de la ville de Perpignan aux XIXe et XXe siècles, décrit en 1880 l’état de désolation du hameau. Il explique en effet qu’il « serait difficile d’imaginer une vue plus désolée que celle de ce village, composé de quelques maisons à peine recrépies et de murs en ruine, dont l’aspect misérable est encore assombri par une immense quantité de pierres que les habitants retirent des champs et élèvent en murs, pour séparer leurs propriétés ou abriter leurs demeures. Une vieille église domine ces décombres, et l’on dirait que sa plate-forme crénelée résiste seule au milieu d’une masse de ruines que la guerre viendrait d’opérer ».

Jusqu’en 1866, l’enseignement scolaire est donné par le curé d’Arboussols et aucune mention d’école n’est attestée (Revue d’Ille et d’Ailleurs, 1987, p 33). C’est avec l’institutrice Catherine Selve nommée en 1865, qu’une première école apparait à ArboussolsUn changement de local s’effectue quatre ans plus tard, à l’emplacement de l’actuelle habitation n°1 rue de l’Église.

Arboussols-Marcevol du XXe siècle à nos jours

 Le chemin vicinal ordinaire n°1 entre Arboussols et Marquixanes (actuelle D35) fut créé en 1901, afin de désenclaver les communes situées sur la rive droite. Son aboutissement nécessitait de construire un nouveau pont sur la Têt à la sortie Nord de Marquixanes, afin de remplacer une ancienne passerelle en bois, qui avait été détruite par les inondations. Dans ce sens, le nouveau pont sur la Têt construit à partir de 1900 fut inauguré le 9 octobre 1904 (Revue d’Ille et d’Ailleurs, 1987, p 94).

Au début du XXe siècle, la population diminue sur la commune d’Arboussols-Marcevol, notamment à cause de la première guerre mondiale. En 1906 elle compte 202 habitants[3], contre 189 en 1911. Au cours de la guerre, onze hommes (la plupart des agriculteurs) y laissèrent la vie ; Aubert Ernest, Aubert Jules, Aubert Eugène, Delclos Joseph, Baillette Antoine, Garrigue François, Lafont Julien, Lafont Justin, Selve Gaudérique, Macary Firmin et Marty Jean (GARRIGUE, 2017, p 73). Le monument aux morts d’Arboussols réalisé à partir des plans de l’architecte Naudo de Prades, fut érigé devant le nouveau cimetière en 1927, en l’honneur des disparus de la Grande Guerre.

L’école d’Arboussols fera l’objet de travaux de réparations au XXe siècle, suite au constat de délabrement effectué à la fin du siècle dernier. Abandonnée en 1930, un logement appartenant à la veuve Lafont est cédé afin d’y intégrer les locaux de l’école. La nouvelle école reste en bon état jusque dans les années 1960, où des infiltrations d’eau provenant de la toiture menacent la qualité de l’enseignement. En 1965, l’établissement scolaire n’est plus en fonction et les locaux sont entièrement dédiés à la Mairie.

Le projet de création d’une distillerie coopérative à Arboussols a été porté dès le 15 décembre 1931, par des membres de plusieurs Communes du Conflent réunis à cet effe. Par courrier en date du 12 mai 1935 du Ministère de l’Agriculture adressé au Président de la coopérative de vinification, l’autorisation de débuter les travaux de construction de la cave est accordée[3]. Les travaux commencés en 1934, s’achèvent un an plus tard.

Le prieuré de Marcevol fut racheté en 1972 par un particulier, avec la volonté d’en faire un lieu culturel. C’est pourquoi, la création de l’Association du Monastir de Marcevol, la même année, permis d’entreprendre des travaux de restauration et de mise en valeur de l’édifice. La restauration s’est opérée de 1972 à 1987, avec trois grandes phases de travaux.

 Entre 1972 et 1975, ces derniers ont concerné le dégagement des greniers et des rez-de-chaussée pour les transformer en espaces habitables, à nettoyer l’église qui avait servi de chèvrerie pendant un temps, ainsi qu’à restaurer et à remettre en service le four à pain. La grande salle Sud-Est a quant à elle été construite au cours de ces années. Enfin, la bretèche du rempart Ouest a été restaurée et la partie supérieure du rempart Est remise en état.

Les premiers chantiers de fouilles consistant à rechercher des fondations de l’absidiole Nord ont été organisés lors de la seconde campagne de restauration, entre 1975 et 1980. Cette campagne est aussi marquée par la réfection des façades Nord de l’église (réfection des arches du campanile) et l’amélioration des conditions d’hébergement. De 1980 à 1987, un caveau destiné à la vente de produits locaux est aménagé dans la salle capitulaire du XIVe siècle. De plus, des ouvertures qui avaient été percées dans la façade Sud ont été bouchées, en dehors d’une porte qui donne accès à une vue panoramique sur le Canigou.

Le hameau de Marcevol s’est doté à partir de 1994 d’un Golf, implanté au Nord et à l’Ouest, avec le prieuré en tant que limite Sud-Ouest (GARRIGUE, 2017, p. 75). Propriété du SIVM (Syndicat intercommunal à vocation multiple) de la Désix, il fut aménagé en parallèle de la construction d’un Club House et d’un restaurant. Le nombre d’inscrit étant relativement faible à la fin des années 1990, un projet de complexe golfique avec un parcours à dix-huit trous est proposé par la société écossaise « Corinthian Scotland Limited » en 2004. Face à ce nouveau projet et pour en empêcher sa réalisation, l’Association de Protection du Site de Marcevol est créée. Cette dernière enclencha de nombreuses procédures, malgré la volonté de la commune d’Arboussols de vendre le site golfique en 2005 à la société EASSDA France SAS, pour un montant de 160 000 euros[3]. Un an plus tard, la société dépose un permis de construire pour la réalisation d’un village golfique, au côté du projet de nouveau complexe.

Après de multiples conflits entre l’Association de Protection du Site de Marcevol, la société EASSDA France SAS et la municipalité en place à Arboussols, le projet ne voit finalement pas le jour. L’Association souhaite désormais s’orienter vers un projet écologique, notamment en relation avec le prieuré de Marcevol.

Non loin du Roc del Moro se trouve la Chambre des Certitudes, une œuvre d’art contemporaine réalisée par l’artiste allemand Wolfgang Laib. Il s’agit d’un espace creusé artificiellement dans la roche, de 3,5 m de haut, 2 m de large et 7 m de profondeur. Les parois ont entièrement été recouvertes de cire d’abeille, appliquée directement puis lissée à la flamme et au fer à repasser. Cette œuvre est issue de la volonté de l’artiste de créer un espace organique, au milieu d’un environnement entièrement naturel. L’évolution démographique de la commune d’Arboussols-Marcevol entre 2011 et 2016 indique un vieillissement de la population, avec environ 10 % de 15 à 29 ans et 30% de 60 à 74 ans. Selon le recensement de la population en vigueur à compter du 1er janvier 2019, Arboussols-Marcevol fait état de 117 habitants.

  • Période(s)
    • Principale : Moyen Age, Temps modernes, Epoque contemporaine

Le cadre naturel

 Paysage, activité économique et patrimoine vernaculaire

 La commune d’Arboussols (à laquelle est rattaché Marcevol depuis 1822) localisée dans le Bas-Conflent, a une superficie de 1405 hectares et son territoire est délimité au Sud par Vinça, au nord par le Coll de Guers (822 m), à l’Ouest par le pic de Bau (1025 m d’altitude) et à l’Est par le Roc del Moro (775 m), qui présente des vestiges préhistoriques d’un ancien oppidum.  Les deux hameaux qui constituent la commune ont été construits sur la rive gauche de la Têt sur un territoire granitique, séparés entre eux par le correc (ravin en catalan) de la Coma de Pedrís et de la Font del Guit.

 De plus, la délimitation entre les deux localités avant le rattachement de Marcevol à Arboussols en 1822, s’est traduite par la construction d’une frontière en pierres de granit, encore visible actuellement.

Le paysage constitué de roches granitiques est compris dans le massif primaire de Quérigut-Millas, et suit la faille développée à proximité du plateau de Montalba au cours du Miocène Moyen (Revue d’Ille et d’Ailleurs, 1987, p 9). L’action de l’érosion par les cours d’eau a entrainé la formation de chaos granitiques, soit un entassement de gros rochers au niveau des pentes.

L’agriculture, l’élevage (particulièrement des ovins) et la viticulture ont longtemps constitué les principales ressources des hameaux. Au XVIIIe siècle, Marcevol fait état de 6 bœufs, 94 chèvres et 360 ovins (Revue d’Ille et d’Ailleurs, 1987, p. 31). De nombreux prés autour des hameaux d’Arboussols et de Marcevol marquent encore le paysage, témoins de l’importance accordée à l’élevage jusqu’au XXe siècle.

Les vignes représentent plus de 90% des terres cultivées, si l'on en croit le témoignage d'un habitant du village, au côté du blé qui devient la principale culture au début du XXe siècle. L’état des biens-fonds du hameau de Marcevol dressé en 1775 et cité plus haut indique que les vignes occupent 138 journaux, soit 49 hectares, contre 92 journaux (environ 33 hectares) pour les terres labourables. Au XIXe siècle, le vin produit était acheminé à dos d’âne ou d’hommes sur les anciens chemins muletiers, en direction des communes voisines dotées d’une gare, comme celle de Marquixanes. Un dessin réalisé au XXe siècle par Germain Macary, originaire du village d’Arboussols, donne un aperçu du transport du vin à cette époque.

 Un grand nombre de terrasses (feixes en catalan) en pierre de granit pour la culture de la vigne mais également de l’olivier sont conservés. Les oliviers qui se trouvaient dans des terrains beaucoup plus pentus que les vignes, ont été remplacés par des arbustes méditerranéens comme le chêne vert. Le ciste à feuille de laurier et la bruyère arborescente ont quant à eux colonisés les anciennes terrasses de vignes.

Jusqu’à la construction de la cave coopérative vinicole en 1935, le pressurage de la vendange s’effectuait à travers un pressoir communal, qui était partagé entre tous les habitants. De plus, le vin était stocké dans les caves de particuliers. Plusieurs ventes de vin provenant de ces caves ont été signalées au début du XXe siècle, comme celle de Joseph Marty, qui vendit en 1904 120 hectolitres de vin, à 12 francs l’hectolitre.

Si l’attrait touristique de la commune d’Arboussols-Marcevol est possible grâce aux nombreuses visites faites sur le prieuré, le golf créé en 1994 se devait de porter un nouvel élan économique sur le territoire. Il comprenait un practice, un putting-green ainsi que neuf trous d’initiation, totalisant ainsi environ 32 hectares. Le restaurant construit au Nord de Marcevol fonctionnait au côté d’une piscine et disposait d’une salle de réception, où des noces, banquets ou encore des repas d’affaires y étaient organisés. Le golf à neuf trous ferma en 2004, pour des raisons politiques mais également hydrauliques, où la problématique du manque d’eau n’avait pu être résolue.Le bâtiment du restaurant ainsi que la piscine ont été vandalisés en 2014 et sont actuellement en état d’abandon. Les ouvertures ont été murées par la municipalité, suite aux actes de vandalismes.

Aménagements et constructions en pierres sèches

Jusqu’au XXe siècle, les principales voies de communication pour le transport des marchandises sont des chemins muletiers, aménagés par l’homme. C’est le cas de l’actuelle boucle des deux oratoires, qui constituait à l’origine deux chemins distincts entre Marcevol et Vinça. Il s’agit de l’ancien Chemin d’Arboussols à Vinça et du Chemin de Marcevol à Vinça, dont le cadastre napoléonien de 1812 indique les tronçons (annexe 16). Ces chemins étaient empruntés par les paysans pour se rendre sur leur terre, mais également par les bergers avec leurs troupeaux de chèvres et de mulets (PASSARRIUS, CATAFAU, MARTZLUFF, 2009, p 219). Le transport des marchandises (céréales, vins etc.) s’effectuait directement à dos d’âne, principalement au XIXe siècle. L’aménagement des routes au siècle suivant dont les actuelles D 35 et D13, a entrainé une modernisation des moyens de transport, avec l’apparition des charrettes.

Ces anciens chemins ont été aménagés avec des pierres locales, dont l’empierrement est constitué d’une alternance de pierres plantées de chant (face la plus étroite de la pierre) et de dalles. Certains endroits conservent des traces de passage de charrettes, qui ont emprunté les chemins au côté des routes citées plus haut.

Le Chemin de Marcevol à Vinça était emprunté lors du pèlerinage de Santa Creus entre les XVe et XXe siècles (PASSARRIUS, CATAFAU, MARTZLUFF, 2009, p 223). La procession qui partait le 2 mai à 11h30 depuis Vinça, traversait l’ancien pont de Nossa pour rejoindre le chemin en direction de Marcevol. L’oratoire Notre-Dame, visible le long de cet ancien chemin muletier et indiqué sur le cadastre napoléonien, atteste de l’importance accordée au bornage religieux. En effet, celui-ci servait principalement de station lors du pèlerinage (PASSARRIUS, CATAFAU, MARTZLUFF, 2009, p 223).

 De nombreuses constructions en pierres sèches de types cabanes (orris en catalan) sont visibles sur le territoire d’Arboussols-Marcevol. Il s’agit d’abris de formes semi-circulaire ou quadrangulaire, qui permettaient aux paysans et aux animaux de s’abriter, ainsi que d’entreposer du matériel agricole. Le terme orri provient à l’origine du mot latin Horreum, qui signifie grenier, réduit. Il apparait au Xe siècle, pour désigner une cabane de berger en pierre sèche, où l’on conservait dans un premier temps le lait et le fromage. Au XXe siècle, plusieurs casots pour la viticulture sont construits sur le territoire d’Arboussols-Marcevol. Le terme catalan désigne une cabane, qui sert également à stocker l’outillage et à s’abriter. Ces casots sont construits en pierres locales, liées à du mortier de chaux. Certains d’entre eux ont fait l’objet de remaniements, notamment au niveau des portes d’entrées.

Matériaux de construction

 Le granit est la principale roche locale utilisée dans la construction du bâti d’Arboussols-Marcevol. En effet, la commune est comprise dans le plateau granitique de Montalba, formé de nombreux chaos. Cette roche permet d’élaborer des constructions de bonne stabilité, et nécessite une technique spécifique d’édification. Elle est systématiquement employée pour les cabanes et orris, ou les joints sont généralement secs. Le granit a été employé pour l’édification des habitations, dont certaines reposent directement sur des affleurements rocheux.

L’architecture est composée d’un appareillage de moellons de granit, disposés de manière irrégulière et liés à du mortier de chaux. De nombreuses modifications de façades ont été effectuées au cours du XIXe siècle, notamment avec l’inclusion de brisures de terre cuite. De plus, dans le cadre des constructions de type fortification, l’appareillage est plus ou moins régulier, avec la disposition en opus spicatum des pierres employées.

L’habitat traditionnel comprend des ouvertures surmontées d’un linteau en bois, ainsi que d’un arc de décharge cintré. Ce dernier, formé de pierres de granit disposées en rang, est principalement positionné au-dessus de la porte d’entrée. Les appuis des fenêtres peuvent être en cayrous, notamment pour les anciens cortals, ou encore en granit équarri pour les constructions rénovées.

Des pierres de provenances plus ou moins lointaines ont été employées dans la construction de l’église Sainte-Marie de Marcevol. La façade Ouest est en effet maçonnée en granit mais également en tuf travertin, roche calcaire qui pourrait provenir de la carrière del Pedrar située non loin du site. De plus, différents types de marbre ont été employés pour la réalisation du portail d’entrée de l’église Il s’agit du marbre rose de Villefranche-de-Conflent, et de marbres probablement issus des carrières de Baixas et de Céret. Selon une étude réalisée en 2009 sur les carrières de marbre en Roussillon, le linteau fendu du portail a certainement été réalisé dans du marbre griotte, qui est une roche de couleur rouge sombre striée de calcite blanche. Ce type de marbre proviendrait de carrières du hameau de Belloc, situé sur la commune de Villefranche-de-Conflent[ (PASSARIUS, CATAFAU, MARTZLUFF, 2009, p. 266)

Forme urbaine

 Implantation du bâti

 Les vestiges de scories de fer retrouvés à proximité de l’église Sainte-Eulalie au Nord d’Arboussols témoignent d’une activité humaine sur le site certaine. Cet édifice joue très certainement le rôle d’église paroissiale au XIIe siècle, et reste beaucoup moins important que la chapelle Saint-Sauveur (actuelle église paroissiale Sainte-Eulalie et Sainte-Julie). De ce fait, le village primitif d’Arboussols aurait été implanté jusqu’au XIIe siècle autour de l’église Sainte-Eulalie, puis déplacé par la suite à son emplacement actuel Cependant, aucun chemin de passage ne semble indiqué sur le cadastre napoléonien, contrairement au village d’Arboussols qui apparait au côté des plus anciens chemins de communication. De plus, le défrichage des terres effectué par le monastère de Saint-Michel-de-Cuxa, alors suzerain ecclésiastique du territoire d’Arboussols jusqu’à la révolution, concerna essentiellement entre 950 et 1011 les terres situées autour de l’actuelle église Sainte-Eulalie et Sainte-Julie du village (GARRIGUE, 2017, p. 30).

La présence d’un cimetière mentionné dans les sources historiques du XIIe siècle et indiqué autour de l’ancienne église Sainte-Eulalie sur le cadastre napoléonien, peut expliquer la présence d’un premier pôle urbain, même si en dehors des vestiges de scories, aucun élément archéologique relatif à l’habitat n’a été retrouvé. Malgré le statut de chapelle de l’actuelle église Sainte-Eulalie et Sainte-Julie jusqu’à la période révolutionnaire, la plupart des habitations sont déjà au XVIIe siècle situées sur le village actuel, d’après un capbreu (registre foncier en catalan) daté de 1601 et 1602. De plus, le cimetière de l’église Sainte-Eulalie ne semble plus en fonctionnement à partir du XVIIe siècle[.

Un second cimetière est attesté au centre du village d’Arboussols, autour de l’église Sainte-Eulalie et Sainte-Julie, comme l’indique sa mention sur le cadastre napoléonien Lors des travaux effectués en 1865 consistant à la création du nouveau porche de l’église, le cimetière est encore à son emplacement initial. En effet, un croquis de Georges Macary réalisé à cette année laisse apparaitre le cimetière. Cependant, l’espace situé devant le porche n’est plus compris dans le cimetière ; l’aménagement de la place de l’Église date probablement de cette époque. Le cimetière actuel fut construit à l’extérieur d’Arboussols en 1926 afin de répondre aux problématiques hygiénistes et d’aérer le tissu urbain.

Le bâti d’Arboussols est implanté de part et d’autre de l’église Sainte-Eulalie et Sainte-Julie. Cette dernière a été construite au point le plus haut et sur des rochers en granit, notamment au niveau du chevet. Le noyau central se caractérise par une faible largeur des rues, qui convergent toutes vers l’église. Il s’agit des rues de l’Église, des Quatre Cantous, d’En Serres et de la Fount. La morphologie de ces rues visible sur le cadastre actuel correspond à celle du XIXe siècle, comme l’atteste le plan napoléonien de 1812. De plus, les actuelles places du Presbytère, de la Fontaine et de la Mairie situées à l’extérieur du noyau central sont déjà formées. Au XIXe siècle, les îlots d’habitations développés autour de l’église ne sont pas totalement construits. En effet, de nombreuses parcelles sont indiquées avec les lettres P et T, relatives à la présence de pâtures et de terres labourables. Ces dernières sont généralement situées en façade arrière des habitations. Par la suite, certaines parcelles destinées à l’agriculture ont été remplacées par des cours intérieures disposées au centre de plusieurs maisons, dont celle du n°8 rue de la Tramontane où se trouve un four à pain.

L’extension périphérique de la commune d’Arboussols amorcée dans les années 1970 et 1980 concerne toute la partie Nord. Celle-ci s’est réellement urbanisée dans les années 1990 et 2000, avec la construction d’un habitat de type pavillonnaire. 

La formation du hameau de Marcevol est probablement liée à la naissance des celleres entre le XIe et le XIIe siècle. En effet, les cellers sont des anciens celliers et caves qui permettaient d’abriter et de conserver les denrées alimentaires, situés à proximité de l’église paroissiale. Leur construction est liée au développement d’un espace sacré autour de l’église paroissiale Notre-Dame-des-Escaliers et délimité par des croix gravées, comme l’atteste l’acte de 1129. Cet espace devait permettre de sécuriser les hommes et les biens ; aucune violence ne devait être faite à l’intérieur, sous peine d’exclusion de la communauté de l’église (CATAFAU, 1998, p. 412). Le principe de protection est encadré juridiquement par la Paix de Dieu actualisée en 1173, visant à contrôler et à limiter les conflits existants entre les autorités laïcs et ecclésiastiques, ainsi que les pillages faits auprès des caves et des greniers paysans[2].

La délimitation par des croix gravées se rapproche du modèle de la cellera, espace sacré défini dans un rayon de trente pas autour de l’église et incluant le cimetière. La mention de ces croix gravées à Marcevol reste beaucoup plus rare que celle des trente pas. De plus, l’espace sacré semble restreint par rapport aux celleres du Conflent développées au XIIe siècle. En effet, il concerne l’église et la partie à ciel ouvert au Sud délimitée par l’enceinte fortifiée. La parcelle apparait entièrement bâtie sur le cadastre napoléonien, ce qui laisse supposer que toute la partie Sud devait être couverte à l’origine.

A l’époque médiévale, le noyau central des celleres qui comprenait l’église paroissiale, s’accompagne le plus souvent du cimetière. Or à Marcevol, aucun cimetière n’est présent autour de l’église Notre-Dame-des-Escaliers et les sources historiques ne témoignent pas de son existence. Il fut en effet construit au plus près du prieuré, en face du portail de l’église. Son emplacement est resté le même jusqu’à aujourd’hui, comme l’atteste la comparaison entre le cadastre napoléonien et le cadastre actuel.

Malgré la présence de deux plaques funéraires datées du XIIIe siècle sur la façade de l’église du prieuré, aucune tombe médiévale n’a été identifiée lors de l’étude archéologique menée par le Pôle Archéologique Départemental et la Direction Régionale des Affaires Culturels en 2015 (GARRIGUE, 2017, p. 109). Le bâti de Marcevol s’est développé de manière linéaire, le long de l’actuelle rue Notre-Dame de les Grades et de la Route de Tarerach (actuelle D35C). Toute la partie Ouest à la route est la plus ancienne. Elle concerne des habitations mono-orientées sur rue, qui occupent pour la plupart des petites parcelles, au côté de quelques emprises bâties plus importantes. Des traverses permettent de relier les deux principaux axes de communication. Les habitations tombées en ruines lors de la désertion du hameau au début du XIXe siècle sont encore visible sur le cadastre napoléonien. Il s’agit de celles développées à l’Est et au Nord de l’église Notre-Dame-des-Escaliers. De plus, certaines habitations ont fait l’objet de division ou de regroupement de parcelle, comme l’indique la comparaison du cadastre avec l’état actuel du parcellaire. Dans les années 1960, une grande partie des habitations de Marcevol est encore en état de ruine. Les clichés aériens pris à cette époque viennent confirmer ce constat. De 1974 à 1980, l’installation au hameau des membres de l’Association du Monastir de Marcevol donne un premier élan dans le processus de restauration du bâti. En effet, plusieurs habitations font l’objet de rénovation, parallèlement à la construction de nouvelles maisons à l’Est de la Route de Tarerach.

Fortifications

Les vestiges de fortifications sur le territoire d’Arboussols-Marcevol datent des XIIe, XIIIe et XIVe siècles. A Marcevol, l’église paroissiale Notre-Dame des Escaliers aurait été fortifiée entre les XIIe et XIVe siècles, dont la partie Sud-Est est conservée. Au-dessus de la porte de l’enceinte, deux imposantes pierres en saillie correspondent à un encorbellement de mâchicoulis, qui permettait de défendre l’église et de protéger les hommes et les animaux en cas d’agression extérieure, notamment des pillards des Grandes Compagnies du Guesclin qui semaient la terreur dans les territoires voisins. De plus, c’est au cours du XIVe siècle que le roi d’Aragon donna l’ordre à de nombreux villages de fortifier les enceintes. Le prieuré de Marcevol fut un haut lieu symbolique et religieux, mais également un édifice destiné à la protection du territoire. Sa situation est en effet stratégique, sur une terrasse qui surplombe la vallée de la Têt. C’est au cours de l’apogée du monastère, soit entre les XIIIe et XIVe siècles que l’édifice fut entouré en partie Sud, Ouest et Est d’une enceinte fortifiée. A l’Ouest, la partie fortifiée se distingue de l’entrée principale, avec une maçonnerie constituée de pierres équarries disposées en opus spicatum. Ce parement délimite les bâtiments conventuels développés perpendiculairement à l’église, probablement édifiés lors de la première phase de construction du prieuré (Revue d’Ille et d’Ailleurs, 1987, p. 19). Il possède à l’extérieur très peu d’ouvertures, en dehors d’une porte en plein cintre et d’une fenêtre quadrangulaire. La partie supérieure conserve les vestiges d’une bretèche qui devait s’accompagner d’un chemin de ronde, témoin de la construction d’une enceinte défensive. De plus, la façade conserve deux meurtrières à droite de la porte en plein cintre.

La délimitation Sud des bâtiments réservés à l’habitation est de même typologie que le prolongement Ouest. Elle dispose de plusieurs archères en partie basse, qui présentent une fente appareillée en pierres de taille, contrastant ainsi avec le reste du parement. Ces archères seraient beaucoup plus anciennes que celles de la partie Ouest ; elles dateraient en effet du XIIe siècle, selon la notice de repérage des Monuments Historiques effectuée en 1975. La façade Est comprend également des archères, restaurées dans les années 1970.

Le prieuré fortifié de Marcevol pouvait communiquer par un système de signaux au château de Joch (rayon de 6 km), siège de l’administration du Conflent aux Xe et XIe siècles, avec Rigarda (6 km), Finestret (6 km), Estoher (6 km), la tour de Goà (19 km), Rià (12 km) et Cirach (12 km) (DE POUS, 1981, p. 51). A Arboussols, les traces de fortifications ne sont pas attestées dans les sources historiques, à l’exception des vestiges d’une tour à signaux de type farahon, identifiée au Sud du village. Ce modèle généralisé aux XIe et XIIe siècles et étudié par l’archéologue Anny de Pous, désigne une tour à signaux qui permettait d’alerter les châteaux comtaux du Conflent et du Roussillon en cas d’attaques ennemies. Le signal d’alerte pouvait être donné de nuit ou en plein jour sur la plateforme de la tour (la paille était brulée puis mouillée pour faire de la fumée de jour). Le farahoner s’occupait d’allumer la botte de paille (rostoll en catalan) sur la plateforme.

D’après Anny de Pous, la tour à signaux d’Arboussols pouvait directement communiquer avec le prieuré de Marcevol (1 km), le château de Joch (6 km), ainsi qu’avec le château de Sant Esteve de Pomers (9 km) et la tour de Goà (17km). Sa transformation en grange probablement entre la fin du XVIIIe siècle et le début du XIXe siècle complexifie l’analyse des vestiges. Malgré l’absence de données correspondant à d’éventuelles traces de fortifications à Arboussols, certains éléments repérés sur le terrain permettent d’émettre des hypothèses sur l’existence d’un système de protection. En effet, les rues structurantes du centre ancien (d’en Serres et de l’Église) conservent des éléments en saillie de murs d’habitations, dont une roche de granit grossièrement taillée, qui pourraient correspondre à des emplacements de portes fortifiées. De plus, le bâti développé au niveau de la rue d’en Serres se distingue par un parement de forme arrondi, avec un renforcement de la partie basse.

Typologie de l’habitat

 Jusqu’à la première moitié du XXe siècle, l’habitat d’Arboussols-Marcevol est lié à la fonction agricole et à la société rurale qui caractérise le territoire. L’architecture est plutôt modeste, notamment dès le Moyen-Âge, avec le modèle du manse ou borde qui désigne une ferme rurale, dont l’archiviste Jean-Augustin Brutails en dresse la typologie. Il s’agit d’une habitation qui comprenait l’étable au rez-de-chaussée. La famille loge au-dessus, « dans une vaste pièce dallée de pierres branlantes, noire, enfumée, mal éclairée par d’étroites ouvertures que l’on bouche, quand le froid est intense et que les rafales sont trop fortes, au moyen de tampons de foin » (BRUTAILS, 1891, p. 32).

L’habitat médiéval n’a pas été conservé sur la commune d’Arboussols, malgré le resserrement de certaines habitations dans les rues du centre ancien. La rue d’En Serres concentre un bâti qui présente une faible largeur sur rue, ordonnancé sur deux ou trois niveaux. La façade principale possède deux travées de baies, avec des ouvertures qui ne sont pas axées. 

Au côté de cet habitat modeste, de nombreuses remises agricoles caractérisent l’architecture rurale à Arboussols-Marcevol. Principalement développées entre la fin du XVIIIe siècle et le XIXe, elles sont désignées sous le terme de cortal en catalan. Ces remises qui servaient d’étable, de grange ou de bergerie, ont une typologie bien spécifique, avec la présence d’un rez-de-chaussée qui permettait d’abriter les animaux, et d’un étage supérieur pour le stockage des denrées alimentaires ainsi que le foin pour les animaux. Les cortals ont par la suite été reconverties en habitations, avec la transformation de l’entrée principale en porte d’entrée ou de garage et de l’ouverture supérieure en fenêtre. Celle-ci a par ailleurs été condamnée à certains endroits. Le foin pour les animaux pouvait être hissé de façon manuelle à l’aide d’une fourche, mais également à l’aide d’une poulie métallique, dont l’habitation n°3 rue d’En Serres en conserve un exemplaire en façade principale.

Certaines granges sont situées dans le prolongement de la partie habitable, comme c’est le cas pour le bâti de la rue de l’Église. L’actuelle habitation n°8 formait au XIXe siècle un unique corps de bâti avec l’habitation n°6, actuellement en état de ruine. Cette dernière présente une entrée avec un linteau droit caractéristique des entrées de grange, malgré un important remaniement de la façade. La partie destinée à l’habitation (actuelle n°8), devait très certainement abriter une cave au rez-de-chaussée et les pièces à vivres à l’étage. En effet, la plupart des habitants possédaient essentiellement au XIXe siècle une cave privative pour le stockage du vin.

Les habitations n°2 et 4 développées au niveau de la Place de la Fontaine d’Arboussols ont une importante volumétrie, qui se distingue du bâti groupé autour de l’église. Il s’agit de modèles de maisons-granges, qui regroupaient jusqu’à la moitié du XXe siècle les fonctions domestiques et agricoles. Le rez-de-chaussée abrite la cave et l’écurie, tandis que l’étage supérieur est destiné aux pièces à vivre. Ce type d’habitat se caractérise par un volume cubique, dont la partie arrière suit l’inclinaison naturelle de la pente. Toutes les façades présentent un important remaniement, avec des ouvertures qui ne correspondent plus à l’état d’origine. Un dessin de Germain Macary réalisé au début du XXe siècle permet de connaitre la typologie du bâti avant la réfection des façades. Les portes étaient cintrées ou à linteau droit et suffisamment larges pour le passage des animaux. Au premier étage, les fenêtres ont des volets et sont également surmontées d’un linteau.

Seule la façade Sud de l’habitation n°4 de la Place de la Fontaine conserve des encadrements d’ouvertures caractéristiques de l’habitat traditionnel, malgré la condamnation de plusieurs fenêtres. L’ordonnancement sur deux niveaux n’a pas été gardé pour l’habitation n°2, avec le rajout d’un étage à la fin du XXe siècle.

Au Nord-Ouest de la commune d’Arboussols, le cortal Pardals est un des rares exemples de grange isolée, comprise dans une exploitation agricole plus importante que celles du centre du village. Il s’agit d’une construction antérieure à la première moitié du XIXe siècle, comme l’atteste sa mention sur le cadastre napoléonien (annexe 42). Le cortal est un bâtiment unique élevé sur plan rectangulaire, qui comprend deux niveaux. Le rez-de-chaussée abritant l’étable est accessible par une grande porte en bois à lames verticales, qui conserve en partie droite une ferrure métallique. Des petites ouvertures de type fenestrou sont intégrées dans le soubassement de la façade principale.

Plusieurs remaniements ont été effectués sur la façade principale, notamment le murage d’une fenêtre au mortier de ciment. Le premier étage servait probablement à engranger le fourrage, à partir de l’unique fenêtre quadrangulaire conservée.

Les restaurations faites sur le bâti du hameau de Marcevol dans les années 1970 et 1980 ont été réalisées dans le respect de la typologie de l’habitat traditionnel et de la trame urbaine médiévale. En effet, les habitations du hameau sont protégées au titre des abords de l’église inscrite à l’Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques. Tous les travaux projetés sont soumis à déclaration préalable, avec l’avis obligatoire de l’Architecte des Bâtiments de France.

Les habitations les plus anciennes situées au plus proche de l’église Notre-Dame des Escaliers sont à deux étages, avec une toiture en appentis. La porte d’entrée est latérale et désaxée par rapport aux ouvertures de l’étage. Ces dernières sont quadrangulaires et de petite taille.

 Le bâti ruiné a été restauré en prenant en compte ce modèle, comme c’est le cas pour l’habitation n°3 Traverse du Pape Lin. Elle conserve en façade principale les supports d’un séchoir (restauré ?), qui permettait la dessiccation des fruits afin de les conserver. Il s’agit de deux pierres plates situées de part et d’autre d’une fenêtre au premier étage.

L’état des biens-fonds du hameau de Marcevol dressé en 1775 indique le nombre de maisons au nombre de 13, ainsi que 7 cortals. Ces derniers constituaient des dépendances aux habitations et regroupaient les caves, granges ainsi que les écuries. Les dépendances sont accolées au corps de bâti principal et situées à l’arrière de celui-ci ou dans le prolongement. Enfin, l’habitat traditionnel de la commune d’Arboussols-Marcevol est marqué par la conservation de quelques fours à pain, dont l’usage individuel s’est généralisé à la révolution française. Ceux visibles depuis l’extérieur peuvent être de forme semi-circulaire et reposer sur d’imposants piliers maçonnés, ou encore quadrangulaires.

L’intérieur du foyer est composé de briques réfractaires, généralement noircies par les flammes. Au n°1 Place de la Fontaine, la cendre du four à pain était recueillie dans une petite ouverture rectangulaire, afin de la réutiliser pour le nettoyage du linge.

Bibliographie

  • p. 586
  • GARRIGUE, Jean-Pierre. Arboussols & Marcevol. Deux villages, une histoire. Éditions Les Presses Littéraires. 2017.

  • VIDAL, Pierre. Étude historique sur le prieuré de Marcevol de l’ordre des chanoines du Saint-Sépulcre. Bulletin de la Société Agricole, Scientifique et Littéraire des Pyrénées-Orientales. Tome 29. 1888, p 192.

  • PASSARRIUS, Olivier, CATAFAU, Aymat, MARTZLUFF Michel. Archéologie d’une montagne brûlée, Massif de Rodès, Pyrénées-Orientales. Coll. Archéologie Départementale, Pôle Archéologique Départemental. Éditions Trabucaire. Canet. 2009, p 266.

  • BRUTAILS. Jean-Auguste. Étude sur la condition des populations rurales du Roussillon au Moyen-Age [en ligne] Paris, 1891, p 32.

Périodiques

  • Revue d’Ille et d’Ailleurs, Un village, une histoire : Vallestavia (Baillestavy), L’hereu just et, La révolte des Angelets. Numéro 9. Janvier 1988.

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Date(s) d'enquête : 2019; Date(s) de rédaction : 2021
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