Le territoire d'Espira-de-Conflent a très certainement eu une occupation préhistorique, comme l'atteste la découverte dune hache polie (BLAIZE et collab, Revue d'Ille et d'Ailleurs, 1989, p. 8) près des lieux-dits El camp de la Llosa et El camp de la Peralada. Les noms de ces lieux-dits rappellent les constructions mégalithiques de cette période observées dans le Conflent, la Llosa se référant à la présence dune dalle (probablement dun dolmen) et la Peralada à une pierre couchée.
Le village apparait pour la première fois dans les textes en 981 (ALART, Cartulaire Roussillonnais. Volume 1, p 315), avec la mention des biens de « In villa Asperi », possédés par l'église de Saint-Génis-des-Fontaines. Le terme « Asperius » utilisé au 10e siècle pour désigner le village est lié au nom d'un domaine qui aurait appartenu à un certain Asperius. De plus, dès lAn Mil, une grande partie des terres d'Espira-de-Conflent appartient aux vicomtes du Conflent, comme le mentionnent les actes des archives de léglise d'Urgell (BLAIZE et collab, Revue d'Ille et dAilleurs, 1989, p. 11). Le territoire d'Espira était alors compris dans le domaine dEstoher, une commune voisine, selon un acte de 984 conservé aux archives d'Urgell. Une charte de 1011 mentionne par ailleurs que l'abbaye de Saint-Michel-de-Cuxa possède des terres à Espira-de-Conflent, puis que, plus tard, cest le cas du le prieuré de Corneilla-de-Conflent.
L'église prieurale Sainte-Marie d'Espira semble avoir été fondée en 1091, afin daccueillir des religieux du prieuré de Serrabone, jugé trop vétuste (Borallo, 1939). Elle est mentionnée avec certitude en 1145, dans un acte relatif à la donation de dîmes de léglise, par le prieur de Serrabone à l'archidiacre d'Elne (CAZES, 1977, p 54.).
Le territoire d'Espira appartient à la famille d'Urg dès le 12e siècle et devient par la suite propriété royale. En 1165, le roi d'Aragon donne Espira en fief à Père de Domanova, dont l'église apparait sous le terme de domum dans un document des archives départementales des Pyrénées-Orientales (CAZES. Notre-Dame dEspirà de Conflent. 1975, p 3). Un certain Pierre Ysarn aurait construit cet édifice, ce qui semble correspondre à la première période de remaniement de léglise au XIIe siècle. Le document mentionne également l'autorisation donnée à Pierre de Domanova dédifier des fortifications. Celles-ci correspondent au castrum (ALART, Cartulaire Roussillonnais. Volume 1, p 66), espace fortifié qui permet de protéger léglise et le bâti.
L'église est en effet entourée dun enclos prieural qui forme une enceinte fortifiée dès le 12e siècle, où venait s'accoler les bâtiments ecclésiastiques, et le cimetière devant l'église. Cet enclos est mentionné dans un document de 1190 (BLAIZE et collab, Revue d'Ille et d'Ailleurs, 1989, p. 11), indiquant le projet de construire à l'intérieur de l'espace fortifié une habitation pour Joan de Vallespir et sa femme.
Par l'alliance de la fille de ce dernier à Guillem de Canet, le domaine est transmis à Guillem Bernat d'Avinyo. Au côté de la seigneurie, le rôle ecclésiastique est confirmé par la présence du prieur de l'église, dont Ramon de Palau, qui fut le premier mentionné dans les textes en 1190 (BLAIZE et collab, Revue d'Ille et d'Ailleurs, 1989, p. 14).
Le hameau de Lavall, compris dans les terres d'Espira est mentionné dans les textes en 1264, sous le terme « la Vall de Spira » (PONSICH, Terra Nostra, Numéro 37, p 104). Par ailleurs, l'emplacement de l'église de Saint-Etienne del Prat de la Vall est indiqué à Lavall dans un document daté de 1298 (CAZES, Notre-Dame d'Espirà de Conflent. 1975, p 23).
Les capbreus (registres fonciers) de 1384 (ALART, Cartulaire Roussillonnais. Volume 15, p 589) et de 1388 (ALART, Cartulaire Roussillonnais. Volume 3, p 250) qui mentionnent les possessions du prieuré d'Espira et de celui de Corneilla-de-Conflent, indiquent la présence de deux « hospicia » : vastes demeures avec dépendances dans le hameau de La Vall. Les « hospicia » de Berenguera Puig et de Jaume Mir étaient situés lun à côté de l'autre.
La famille Cadell, dont l'un des premiers représentants Bernat Cadell de Puigcerdà, s'installe à Espira-de-Conflent dès la fin du 13e siècle. A cette époque, le terme de « castro » apparait dans les textes, notamment en 1300 lorsque le pouvoir de rendre la justice est attribué par le roi Jaume de Majorque au seigneur Pere Cadell (ALART, Cartulaire Roussillonnais. Volume 3, p 120). Cette mention vient infirmer la présence dun espace fortifié à Espira.
Les Cadell portent dès le 14e siècle le titre de « donzell », qui leur donne une position importante au sein de la noblesse.
L'église dédiée à Saint Esteve del Prat est mentionnée en 1307 dans le testament du seigneur d'Espira Pere Cadell, qui évoque le souhait de la permanence dun prêtre dans l'édifice (ALART, Cartulaire Roussillonnais. Volume 3, p 12). Les capbreus du 14e siècle permettent de connaitre approximativement le nombre des habitants, à partir du recensement des chefs de famille d'Espira. Ceux de 1384 et de 1388 évoqués plus haut, recensent environ 100 habitants. Ce faible nombre est lié aux nombreuses épidémies de pestes à l'époque, ayant entrainé une nette diminution de la population.
Aux 14e et 15e siècles, le village prend la dénomination Espiranell, qui est un diminutif permettant de le différencier du village d'Espira-de-l'Agly. Le canal du Llech est mentionné pour la première fois au 14e siècle (BLAIZE et collab, Revue dIlle et dAilleurs, 1989, p. 5) pour l'irrigation des terres du Pla situées autour d'Espira.
En 1554 (BLAIZE et collab, Revue dIlle et dAilleurs, 1989, p. 15), 25 chefs de familles sont mentionnés dans un capbreu de Joan-Père Cadell, seigneur d'Espira. Même si quelques riches familles viennent s'illustrer au côté du seigneur, la plupart de la population est composée d'agriculteurs et d'ouvriers agricoles (brassiers), qui vivent à lextérieur de la partie prieurale. Le cimetière d'Espira est déplacé au 16e siècle en dehors de l'enclos prieural à l'entrée du village, pour y rester jusqu'au 20e siècle.
C'est très certainement au cours du 16e siècle que le château d'Espira fut construit à lintérieur même de l'enclos prieural. Sa construction est certainement liée à l'affaiblissement de la paroisse, alors dépendante de l'évêque d'Elne. Elle reprit ses fonctions d'église paroissiale au 17e siècle, gérée par le prieur Pere Nicolau, qui s'occupa par ailleurs de mener la restauration du mobilier tel que le maître-autel. Les retables ainsi que les panneaux sculptés de l'église datent principalement de la fin du 17e siècle et du début du 18e siècle. La propriété du château fut remise en cause au 17e siècle, par le prieur Joseph Morer. Ce dernier contesta en effet l'appartenance du château au seigneur de l'époque, Joan de Terreros, qui, semble-t-il, ne possédait aucun document le confirmant. Par ailleurs, c'est à cette époque qu'est mentionné un portale fortalicii, une maison-forte isolée au milieu de terres agricoles par un donzell d'Espira-de-Conflent (CATAFAU, 1998, p 334). Celle-ci peut faire allusion au château le « Casteillas », situé au nord du village.
A partir du 18e siècle, la seigneurie d'Espira-de-Conflent est confiée à Pierre-François-Ignace Bon de Cruilles, de Santa-Pau de Biure, de Margarit et marquis d'Aguilar, qui fut le premier maire de Perpignan. A la fin de ce siècle, le village fait état de 300 habitants (BLAIZE et collab, Revue d'Ille et d'Ailleurs, 1989, p. 21), dont la plupart sont des agriculteurs.
C'est au 19e siècle que Vincent Vergès, riche propriétaire d'Espira, acheta une partie du château pour en faire sa demeure, une grange du village ainsi que plusieurs terres. La famille Sobraquès du hameau de Lavall ainsi que la famille Clos achètent le reste du château. La prison seigneuriale existe toujours, comme en témoigne sa mention sur une reproduction du plan cadastral du village de 1831. Le presbytère de l'église Sainte-Marie dEspira fut quant à lui acquis par la famille Paillès. En affermage par le maire Gaudérique Pallès, il fut cédé à la République en 1801. Par la suite, son fils vendit le presbytère à la commune en 1839. A cette époque, une partie servie à la fois de mairie et de salle de classe.
Cette dernière jugée trop petite pour assurer les cours, un projet de construction dune école fut pensé en 1885.
La délibération datée de cette même année (BLAIZE et collab, Revue d'Ille et d'Ailleurs, 1989, p. 34) juge en effet que « la salle d'école ( ) est très défectueuse au point de vue de l'hygiène (et) trop petite pour contenir les enfants en âge de fréquenter l'école ». Construite sur une parcelle qui appartenait à Joseph Pallès-Llobet, les plans de cette école ont été réalisés par l'architecte Aymar de Sournia, tandis que le mobilier tel que les tables par Louis Ribes, menuisier d'Estoher. Une borne-fontaine fut par ailleurs installée à l'école vers 1929. En fonction de 1889 à 1969, l'ancienne école abrite désormais la mairie d'Espira.
En 1898 fut mis en œuvre le projet fontinal d'Espira, consistant à la réalisation dun réseau d'eau potable. La fontaine de la place Major est ornée d'une statue en fonte représentant une nymphe, réalisée par les fonderies de Tusey dans la Meule. L'hygiène se devait dêtre importante, avec l'interdiction stricte pour les animaux de basse-cour de se trouver dans le bassin de la fontaine. L'abreuvoir en granit pouvait être utilisé par les chevaux, à condition d'être attachés par un licou (CAZES, Notre-Dame d'Espirà de Conflent. 1975, p 23).
Le réseau d'eau potable a été amélioré en 1959 avec la construction du château deau au hameau de Lavall et de la station dépuration vers les années 1980.
Détérioré au 20e siècle et effondré en 1909, le clocher-tour de l'église a été remplacé par un second clocher-tour sur le côté Ouest de léglise. L'emplacement primitif est connu des documents iconographiques, comme le tableau d'Espira peint en 1890 par Etienne Terrus ou encore les cartes postales anciennes.