Le village d'Estoher aurait été construit sur un grand crassier d'époque antique (carte archéologique de la Gaule, Paris. 2007), correspondant à la partie Sud-Ouest, où de nombreuses scories de fer ont été découvertes. De plus, l'occupation antique est attestée par la mise au jour de fragments d'amphores italiques datant du 1er siècle avant J.-C.
La première mention connue d'Estoher remonte à 879 (CATAFAU, Aymat. 1998, p 340), sous la dénomination Astovere, d'origine germanique. L'église Saint-Etienne du village est également citée à la même date, puisqu'une assemblée y est organisée en son sein pour réunir des actes de propriété de l'abbaye d'Eixalada, alors emportée un an plus tôt. D'après un acte de 962, Estoher aurait pu être une villa (grande exploitation rurale), comme le suggère la mention d'un legs d'une vigne à Saint-Michel-de-Cuxa par la comtesse Ava.
Le village de Llech est mentionné dans le territoire d'Estoher en 848 (PONSICH, Pierre. 1980, p. 104) avec la présence dune église dédiée à Sant Salvador (Saint-Sauveur). Un document de 958 ne situe pas exactement l'emplacement du village, mais plutôt les points culminants alentours comme le Roc de la Collada. Un second village apparait dans les textes dès le Xe siècle ; il s'agit de celui de Seners, sous le terme « villa Senaria » (PONSICH, Pierre. 1980, p. 104). Cette appellation fait référence à la présence d'un ancien domaine d'origine germanique, très certainement habité durant le Moyen-Age. Sa chapelle dédiée à Saint-Jean actuellement conservée, est mentionnée en 1204 ; Pierre de Domanova la tient en tant que fief, pour le compte de Guillaume de Castelnou, tout comme l'église Saint-Etienne d'Estoher (IA66004558). Il y aurait eu au sein du village un four à tuiles, des celliers, ainsi qu'un cimetière.
Le seigneur et prieur de l'église Sainte-Marie d'Espira-de-Conflent, détenait les droits seigneuriaux comme le prélèvement de la dîme et du cens d'Estoher jusquau XIIIe siècle. Il transmet ses droits en 1271 à Pierre Jean d'Estoher, même si les droits étaient également partagés avec le monastère Sainte-Marie de Serrabone (PONSICH, Pierre. 1980, p. 104). En effet, il est mentionné dans un document de 1320 la vente de revenus détenus par le monastère à un habitant d'Estoher.
Le terme de « castro » indiqué dans cette vente donne une indication sur le modèle de formation du village, regroupé autour de l'église. Cette dernière a fait l'objet de travaux de remise en état en 1334 et 1395 (mention sur des legs testamentaires).
La seigneurie dEstoher est vendue par la suite à la famille Fenouillet au XIVe siècle. A cette époque, une importante baisse démographique est attestée dans les villages de Seners et de Llech à cause d'une épidémie de peste. Seners comptait encore 13 feux en 1358 puis 6 feux en 1385, confirmant les ravages causés par la maladie. Le village fut abandonné à la fin du XIVe siècle.
Le village de Llech apparait encore au XVe siècle, au côté d'une forge hydraulique (Le fil du Fer, 2016, p.58) détenue par l'abbaye de Saint-Michel-de-Cuxa, dont le rayonnement sur le Conflent témoigne de l'importance. Par ailleurs, le sacristain de l'abbaye, Blasc Amalrich, évoque dans un document de 1465 la mise en demeure du fermier de la forge, afin qu'il paye « sept quintaux de fer » dus à l'abbaye.
Un acte de vente dun terrain à bâtir au XVe siècle (CATAFAU, Aymat. 1998, p 340) mentionne la localisation de l'église Saint-Etienne d'Estoher dans la forsa, enceinte seigneuriale très certainement fortifiée. Le cimetière primitif est également indiqué, à proximité de ce terrain. L'église est de nouveau mentionnée sur des legs testamentaires en 1404, 1409 et 1431, au sujet de travaux de rénovation. La reconstruction totale de l'église est décidée en 1580, avec un financement possible grâce à un emprunt de 500 livres du village auprès d'un habitant de Saint-Marsal (dans les Aspres) et à un leg de 10 livres.
Au XVIe siècle, la forge de Llech semble affermée par Michel Brenuch à un marchand génois du nom de Baptiste Gentil (Le fil du Fer, 2016, p.58), qui possédait plusieurs forges dans les Pyrénées-Orientales. Elle est également mentionnée en 1633, avec l'achat par le forgeron de deux ânes qui appartenaient à des paysans de Joch et de Sahorle.
Après avoir eu plusieurs appellations (Astovero en 961, Astoerium en 1163), le nom Estoher est adopté au XVIIe siècle. A cette époque, il est fait mention du cimetière en tant que lieu de rassemblement de la population, des consuls et du bayle (berger). L'achèvement des travaux de l'église a eu lieu au XVIIe siècle, comme l'indique linscription « 5MAG1601 » (5 mai 1601), visible sur une plaque en marbre à droite de l'entrée principale.
Au XIXe siècle, la population d'Estoher fait état denviron 530 habitants vers 1800, de 280 vers 1918 et de 134 habitants vers 1959. Le village de Llech comprend quant à lui 9 personnes en 1896, témoignant des ravages de diverses maladies comma la peste. Malgré cette baisse, la forge de Llech est encore en fonctionnement au XIXe siècle, comme l'indique sa mention dans les textes sous plusieurs noms ; forge de Los Masos, forge de Mitja-Ribera ou forge d'Estoher. Il semblerait que cette forge ait fermé pendant un certain temps, puisqu'il est question en 1820 d'implanter une forge à la catalane au lieu-dit Mitja-Ribera ; sa localisation est précisée au niveau de la jonction entre les ravins del Salze et de Prat Cabrera, telle qu'elle se présente par ailleurs sur le cadastre napoléonien. L'autorisation d'implantation fut accordée à Jean Pons, le maître de forges (Le fil du Fer, 2016, p.58). Deux ans plus tard, l'Inspecteur des mines vient en visite sur le site de la forge ; selon son expertise, elle ne semble pas correspondre au modèle de la forge ariégeoise (repris du modèle de la traditionnelle forge catalane), qui pouvait produire jusquà 40 quintaux métriques de fer par semaine. En effet, celle de Llech ne pouvait en produire que 25.
La découverte de scories de fer au niveau de la rue de la Placette vers 1950 lors de travaux d'adduction d'eau confirme la présence dune activité métallurgique à l'emplacement même du village (carte archéologique de la Gaule, Paris. 2007, p. 184). La partie d'Estoher concernée a dans ce sens été appelée la Ferreria, en relation avec l'existence d'un ancien crassier antique.
La baisse démographique d'Estoher est liée à l'abandon progressif de l'activité minière sur le territoire au début du XXe siècle, qui assurait au village une activité économique certaine.
Le nombre d'habitants dans les années 2000 a eu des fluctuations, malgré une baisse progressive attestée ; Estoher fait état de 158 habitants en 2010, de 155 habitants en 2011 (Atlas toponymique de Catalogne Nord. 2015, p 349) et de 152 habitants en 2015 (INSEE).