Rigarda du XIe au XVIe siècle
La formation du village de Rigarda est liée au passage de la Via Confluentana au Nord de celui-ci, antique voie romaine qui permettait de relier la plaine (du côté d’Elne) au Conflent et la Cerdagne. En effet, des traces d’établissements agricoles le long de cette voie datées du Ier siècle avant J.-C. furent découvertes. Rigarda est mentionné pour la première fois en 841 avec l’existence d’une tour appartenant à la seigneurie de Joch, qui permettait de protéger le village ainsi que les villages alentours comme Joch, Espira-de-Conflent et Estoher. Elle fut probablement construite sur les hauteurs de Rigarda, au niveau de l’oratoire Saint-Anne donnant sur la rue de la Costa.
A l’aube de l’an Mil, plusieurs noyaux d’habitations semblent avoir été formés à proximité de la voie romaine, dans le territoire de Rigarda. Le premier noyau correspond au village même de Rigarda mentionné pour la première fois en 969, sous le terme « Rivo Gardano » signifiant « gardien de la rivière », certainement lié à la proximité avec la rivière de Rigarda. D’autres interprétations étymologiques de Rigarda sont données, notamment dès le XIe siècle, avec l’origine germanique « ricard-anum » désignant des établissements ruraux ainsi que le terme « ric » renvoyant au roi et « hardu » à l’idée de la force.
Selon le maire de Rigarda, Monsieur André Josse, le village se serait formé autour de la fontaine Font d’Avall, qui constituait un important point d’eau. Il se serait également établi au niveau de l’ancienne chapelle Saint-Dominique du Xe siècle, située au départ de la rue de la Costa et transformée en habitation au XIXe siècle.
Un second noyau d’habitation portant le nom de Vilella est mentionné en 939 en tant qu’alleu donné au monastère de Saint Père de Rodes par le seigneur Seniofred. Par ailleurs, la famille des Vahuja, branche de la famille d’Urg, possède durant cette période plusieurs biens à Vilella.
L’église de Vilella dédiée à Sainte-Eulalie apparait dans le texte mentionnant Rigarda, où un don de vignes et de constructions fut effectué à l’abbaye de Saint-Michel de Cuxa par la vicomtesse Ermesinda. En 1144, l’église fait l’objet d’une donation au Prieur et à Notre-Dame de Serrabone par l’évêque Udalger, ce qui permis d’étendre la richesse du prieuré.
L’église est reconstruite entre 1150 et 1200 en galets de rivière disposés à certains endroits en opus spicatum. Elle comprend une nef unique, une abside semi-circulaire ainsi qu’un clocher-mur.
Par ailleurs, des vestiges de scories proche de l’édifice indiquent probablement la présence d’un ancien site minier. Quelques vestiges d’époque gallo-romaine ont été retrouvé sur le site par des particuliers dans les années 1970, comme des fragments d’amphores.
De plus, la présence de murs en schistes atteste l’existence d’un village qui se serait formé autour de l’église. Aucune source ne vient mentionner les raisons de l’abandon de ce village. La mention de l’église sans habitations autour sur le cadastre napoléonien de 1831 permet de faire remonter cet évènement avant le XIXe siècle.
Selon le maire de Rigarda, deux autres noyaux d’habitations développés sous forme de Mas ont été construits sur le territoire. Il s’agit du Mas de l’Hort (jardin en catalan), accessible par un pont qui enjambe la rivière de Rigarda et du Mas Saiens, développé au-dessus de l’église de Vilella. Il ne reste actuellement aucun vestige de ces Mas, seulement quelques bâtiments en partie ruinés du Mas de l’Hort.
Au XIIIe siècle, des terres sont louées pour le compte des rois d’Aragon tel que Vilella, comme semble le mentionner des actes de vente. Vers 1393, le roi Joan d’Aragon vend à la famille de Perellos les seigneuries de Glorianes et Rigarda. A cette même date, un capbreu mentionne un second lieu-dit, celui de Vallorera, comme étant compris dans les possessions du prieuré de Marcevol. Ce lieu-dit aussi connu sous le nom de Vallels constitue le troisième noyau d’habitat situé entre Rigarda et Rodès, probablement développé sous la forme d’un castrum sur la colline de Valloreres. Les données recueillis dans les feux royaux indiquent la présence de quatre feux à Vilella en 1385, ainsi que 9 feux à Rigarda. La peste qui ravagea le territoire entre le XIVe siècle et le XVe siècle s’illustre dans les textes, notamment dans un capbreu de 1417 mentionnant un unique chef de famille à Vilella. Il mentionne un second le lieu-dit, celui de Prat de Roma sous la forme « Paret de Roma », paret étant la traduction de mur en catalan. Il est possible que le nom fasse référence à la construction de l’ancienne voie romaine, la Via Confluentana.
C’est également en 1417 qu’est mentionné la tour carolingienne sous le terme de castrum, construite sur un terrain propice aux éboulements. De cette tour, il ne reste plus aucun vestige.
A partir du XVe siècle, le territoire de Rigarda passe sous la domination de plusieurs seigneurs. Le chirurgien et bachelier en médecine de Perpignan Joan Vila prend possession de Rigarda au début du siècle. Il possède par ailleurs d’autres terres comme à Joch, Finestret et Glorianes. Le capbreu réalisé de1416 à 1418 mentionne Joan Vila en tant que châtelain. Si l’existence d’un château à Rigarda n’est pas attestée, le document précise que « l’ensemble des bâtiments est quasiment en ruine, et qu’il n’y a pas à proprement parler de château : simplement un ensemble comprenant des habitations, un jardin, des patis (…) et un pigeonnier, appelé « l’Ostal del Castell ». En effet à cette époque, Rigarda ne semble pas disposer de fortification ni d’église, même si selon le Maire de Rigarda, la famille de Pallarès, l’une des plus riches Rigarda, possédait un habitat de type « maison-forte » au sein du village.
Bernat de Perapertusa hérite de la seigneurie de Rigarda en 1459, qui est alors comprise dans la « Baronnie » de Joch, vicomté qui regroupait les territoires de Rigarda, Joch, Finestret, Rodès et Rabouillet. Les Perapertusa resteront seigneurs de Rigarda jusqu’à la révolution.
Rigarda du XVIIe au XVIIIe siècle :
Jusqu’au XVIIe siècle, la messe de Rigarda s’effectue dans l’église de Vilella. La construction de la nouvelle église en lloses (dalles) permis aux habitants du village de bénéficier d’un lieu de culte beaucoup plus proche de leur lieu d’habitation.
Le projet de construction de l’église dédiée à Sainte-Eulalie et Sainte-Julie de Rigarda est décidé en 1630, sous l’impulsion du perpignanais Francesc Llot, époux d’une riche veuve de Rigarda, qui donna son terrain pour édifier l’église. L’autorisation est accordée le 19 janvier 1630 par Raphaël Llobet, alors en charge de mener les visites canoniques dans le territoire du Conflent. Ce dernier impulsa également le transfert du portail de marbre de l’église de Vilella dans la nouvelle église. La bénédiction de l’église eu lieu en 1644, avec l’organisation de la première messe par Francesc Llot, suivi d’un repas à midi et d’une procession en soirée.
L’inauguration de la chapelle du Rosaire de l’église eu lieu le 11 juin 1647, en présence du Vicomte de Joch, don Antoni de Perapertusa. Afin de marquer cet évènement, Francesc Llot organisa chez lui un festin, où plus de 60 invités au déjeuner et 80 au souper ont été conviés. Un an après, l’église est achevée comme l’atteste la date sur le portail d’entrée. Les habitants de Rigarda ont nettement contribué à la construction de l’édifice, témoignant de l’esprit de solidarité du village.
La façade principale de l’église donnant sur la rue de l’Église est composée d’un portail d’entrée en marbre de l’église de Vilella (date de la fin des travaux gravée sur le linteau), surmonté d’une unique fenêtre en plein cintre. Le faîte comprend une cloche encadrée par une arcade à baie unique. Plusieurs niveaux d’élévation sont visibles sur le clocher tour, correspondants à trois campagnes de construction.
En 1644 ; on dénombre entre 50 et 60 maisons à Rigarda, ce qui correspond à peu près à 250 habitants[1]. Plus de 49 feux (soit environ 50 propriétaires) sont recensés en 1749 et 59 maisons et 8 cortals (bergeries) selon une enquête menée en 1775. Dans cette dernière, 177 propriétaires sont recensés avec seulement 51 habitants au village. Les autres viennent de villages périphériques et notamment de Vinça, ville de taille moyenne qui semble avoir une influence certaine dans l’économie du territoire. Un recensement individuel de 1787 fait état de 297 habitants et celui de 1799 de 277 habitants. Ces données semblent témoigner d’une stabilité démographique, même si beaucoup de décès ont eu lieu entre 1779 et 1785, notamment en 1787 et 1785 avec 22 et 27 décès, probablement à cause de l’épidémie de la « suette ».
Rigarda du XIXe à nos jours :
Selon le recensement de 1856, Rigarda comprend 321 habitants, répartis dans 74 maisons. Les familles sont plus ou moins nombreuses, avec 4 ménages constitués de 1 personne, 13 ménages de 2 personnes, 20 ménages de 4 personnes, 10 ménages de 5 personnes et pour les plus nombreuses 9 ménages pour 7 personnes[1]. La plupart des hommes sont ouvriers et journaliers, seuls 31 sur 165 recensés sont propriétaires de leurs terres et ne résident pas pour la plupart au village.
En 1867, la maison de la famille Nuixa située face à l’église du village sur la Route de Glorianes est achetée par la municipalité, pour transformer l’intérieur en presbytère et en Mairie. L’édifice sera détruit par la suite. L’école de Rigarda a été construite en 1885 à proximité de ce dernier. Jusqu’à la construction de cette école, les enfants allaient à l’école de Joch pour suivre l’enseignement scolaire. Les classes s’effectuaient au rez-de-chaussée, les instituteurs étaient logés au premier étage. La baisse démographique des années 1960 entraine la fermeture de l’école en 1962.
Jusqu’à la fin du XIXe siècle, le cimetière était situé devant l’église. Il est ensuite déplacé hors du village au niveau du lieu-dit El Conjurador. Le cadastre de 1831 permet par ailleurs d’observer l’emplacement exact de l’ancien cimetière, à l’emplacement actuel de la place Major. La bibliothèque située au niveau de cette place a été aménagée dans une ancienne cave. Sa construction est typique du Roussillon, même si sa construction est postérieure à 1830, comme l’atteste le cadastre de 1831 avec l’absence du bâti. L’escalier aménagé sur la droite du bâtiment permettait de mener à l’école.
Jusque dans les années 1930, la population se stabilise autour de 300 habitants. Elle diminue progressivement et décline principalement entre 1968 et 1975. A partir de 1982, le nombre d’habitants augmente avec 144 personnes recensées dans le village ancien, malgré un important vieillissement de la population. Cela est notamment visible avec le nombre d’exploitants par tranches d’âge, avec 15 exploitants de 65 ans et plus, 14 entre 35 et 54 ans et 6 jusqu’à 34 ans. Le nombre de maisons recensées en 1982 est de 118, avec 8 logements vacants, 35 résidences secondaires et 75 maisons principales. Le recensement de la population de Rigarda en 2014 fait état de 632 habitants. Cette hausse démographique est en partie liée à la venue de jeunes familles, à la rénovation du bâti ancien dans le centre et à l’émergence du hameau El Veïnat en direction de Vinça.