Une fondation épiscopale
Dans une lettre du 14 août 1849 adressée à l'aumônier de l'hôpital militaire, Mgr. Laurence, évêque de Tarbes, annonce son intention d'ouvrir à Barèges un hospice civil pour les pauvres. Le 15 août 1850, la commission syndicale du canton de Luz lui cède gratuitement un terrain de 16 ares et les autorisations sont obtenues l'année suivante. En 1852 ont lieu les fondations, rendues difficiles par le terrain en forte pente et le ruisseau voisin. Le gros oeuvre est édifié en 1853 et 1854 sur les plans de l'architecte diocésain Jean-Jacques Latour et sous la houlette de Guillemain, conducteur des Ponts et Chaussées.
Les Soeurs de la Sagesse, qui avaient déjà une maison à Luz, assuraient à Barèges un service auprès des indigents depuis 1853, dans une maison louée pour servir d'hôpital provisoire. Cabane en planches elle comptait une cuisine et deux chambres, une par sexe, avec en tout 12 lits. Pour loger les religieuses, on établit une annexe, également en bois, qui servit à la fois de réfectoire, dortoir, lingerie, parloir. La soeur Marie de saint-Michel, provinciale de Poitier se charge alors des 22 pauvres accueillis dont ceux qui ne peuvent être hébergés dans l'hospice provisoire, se logent dans les mansardes qu'ils trouvent et viennent voir les soeurs pour les repas et les soins. La soeur saint-Florencien, supérieure des Filles de la Sagesse à Luz ouvre la même année une classe où sont admis 30 enfants dont les parents, originaires de Luz viennent travailler à Barèges pendant la saison thermale. Les religieuses prennent possession des lieux dès 1855, alors que les travaux ne sont pas achevés. Lors de leur arrivée le 20 juin, 100 indigents attendent les soeurs alors que l'édifice manque de portes, de fenêtres et même de planchers. Le bâtiment terminé, la structure fonctionne normalement à partir de 1856.
Le projet a été très soutenu par l'évêque de Tarbes et a bénéficié des soins diligents de l'abbé Destrade, aumônier de l'hôpital militaire et du chanoine Lacroix, doyen de Luz. Le montant des travaux, estimé à 12 000 F en 1849, monte à 40 000 F en 1853 ; le décompte final s'élève en 1856 à 62 645 F hors ameublement. L'édifice comporte un bâtiment principal, un bâtiment de dépendance, une chapelle et des latrines. L'hospice bénéficie des largesses impériales : 6 000 F de l'impératrice Eugénie qui donne son nom à la fondation, 12 000 F de la part de Napoléon III. Les fonds sont complétés par des souscriptions (dans le diocèse et au sein de nombreux sites thermaux), attributions de quêtes (notamment celle des Toussaint 1852, 1853 et 1854), organisations de loteries ou de concerts, actions auxquelles l'évêque prend une part active. D'abord propriété personnelle de Mgr. Laurence, il s'en desaissit dès 1853 au profit de l'évêque de Tarbes ou de ses successeurs, mais en fait finalement don, en 1864 à la Maison de Secours de Sainte-Eugénie. La fondation est alors classiquement gérée par une commission qui compte sept membres dont trois de droit (évêque de Tarbes, curé de Luz et maire de Betpouey). Jusqu'en 1863, les soeurs assurant le service à Barèges reviennent passer l'hiver dans le couvent de Luz où elles raccommodent le linge qui sert pendant la saison des bains.
Une plaque commémorative est inaugurée pour le centenaire de l'institution le 15 juillet 1956. Elle portait l'inscription ""Hommage d'admiration reconnaissance à Mgr. Bertrand-Sévère Laurence, évêque de Tarbes, à l'Occasion du Centenaire de la fondation de l'hospice Sainte-Eugénie"".
Un établissement du réseau des Filles de la Sagessse
Les deux maisons, Luz et Barèges sont séparées à cette date conformément au contrat signé entre l'évêque et la congrégation le 29 novembre 1862. L'acte prévoit que les soeurs de Barèges seraient logées, meublées, nourries, blanchies, chauffées et éclairées aux frais de l'évêque qui doit fournir le linge de lit, de table, de cuisine, les tabliers de services ainsi qu'une somme annuelle pour chacune de 170 F. L'évêque désirant rapprocher les soeurs de Barèges les place à Betpouey, distant de 3 km où elles arrivent le 29 octobre 1863 pour assurer la classe et les soins aux indigents. La saison d'hiver est difficile car les soins à domicile sont compliqués par la neige et le logement dans la maison du curé peu confortable. L'hiver 1864 passé à Barèges s'étant avéré également ardu, l'évêque décide d'installer les soeurs d'abord à Séméac où elles sont mal accueillies, puis au monastère de Saint-Savin où elles s'installent le 20 octobre 1867. Le département leur accorde la jouissance gratuite de l'abbaye pendant 20 ans. Le grand jardin permet de subvenir aux besoins des soeurs ainsi qu'à ceux du personnel de l'hospice de Barèges. Les soeurs possèdent une vache et un mulet pour le transport des provisions jusqu'à la station et Betpouey où, à partir de 1869, trois soeurs demeurent en hiver pour instruire la jeunesse et soigner les malades. Ces trois soeurs, dont les conditions d'exercice sont rudes, bénéficient en retour d'un traitement annuel de 500 F. Une classe est ouverte à Saint-Savin en 1868 et la maison de Saint-Savin reste habitée pendant la saison des bains car il y reste en général deux soeurs. Les classes de Betpouey et de Saint-Savin ferment, respectivement en 1898 et 1903, en raison du processus de laïcisation de l'enseignement. Deux soeurs restent néanmoins à Saint-Savin, rejointes en octobre par celles qui assurent pendant l'été le service de l'hospice pendant la saison des bains.
En 1911, suite aux lois de séparation, l'Etat récupère le monastère de Saint-Savin, mais le curé, souhaitant garder les soeurs, leur loue une maison pour abriter les trois soeurs qui y restent pour assurer une garderie, des visites aux malades et prendre soin du linge de l'église. Le curé s'engage alors, dans le traité passé avec l'ordre en 1912, à héberger gratuitement, en hiver, les soeurs qui desservent l'hôpital de Barèges, quel qu'en soit le nombre.
En 1869, Mgr. Laurence avait légué ses meubles personnels et son argenterie à la Fondation. A cette époque, le docteur Achille Buez (op. citée p. 10) affirme que l'édifice sert d'hôtel du 15 juin au 15 septembre, où le séjour est payant, et n'est accessible aux indigents qu'aux marges de la saison, du 15 mai au 15 juin et du 15 septembre au 15 octobre. Trente années plus tard, le Petit Journal indique que l'hospice ne reçoit, du 15 juin au 1er septembre, que des religieuses et des religieux.
En 1859, ce sont 70 malades qui y sont logés et soignés ; l'édifice est passé à 120 lits en 1891.
Les extensions
L'édifice initial a été doté de deux petites extensions latérales, sans doute dès la seconde moitié du 19e siècle car elles apparaissent sur les vues anciennes : celle à l'ouest est représentée sur une lithographie de Victor Petit, avant 1871. La seconde à l'est est plus tardive mais au plus tard de 1903, date d'une carte postale où elle apparaît : ce corps disposé initialement en appentis à été par la suite surélevé d'un étage. Le Journal de Barèges de 1932 indique que l'édifice comporte des dortoirs et des chambres où sont accueillis des pensionnaires. Au début et à la fin de saison, il donne asile à un grand nombre d'enfants indigents.
Deux nouvelles extensions ont été construites en avancé de part et d'autre de la façade, avec un toit terrasse, avant 1945 pour celle située à l'ouest qu'on distingue sur une vue aérienne (remonterletemps.ign.fr). Il existe une photographie où l'extension sud-ouest est en construction (Bèze, p. 23), la statue qui occupe la niche du 1er étage de la travée centrale est encore en place. A cette date, la lucarne du comble de la travée centrale a laissé place à une surélévation.
L'association Rencontres de Barèges et l'hospitalet, 1965-2015
La communauté des Filles de la Sagesse de Barèges-Saint-Savin ferme en 1965 et l'hospice est confié à des laïcs. Monseigneur Théas, évêque de Tarbes et président ès qualité de la Fondation confie en effet sa gestion à un groupe de jeunes gens qui animaient une auberge de jeunesse internationale à Lourdes. La "Maison de secours Sainte Eugénie" est alors rebaptisée "l'Hospitalet" et l'association "Rencontres de Barèges" est créée en 1969 pour en assurer la gestion et l'animation. Alors que l'auberge de Lourdes s'adressait aux grands adolescents et jeunes adultes, l'hospitalet avait pour vocation l'échange des générations. En 1965, il est convenu avec l'évêque que l'équipe menée par Jean Lemanceau (émanation du mouvement Pax Christi) utilise l'hospitalet l'hiver, conformément au voeu du maire de Barèges, Urbain Cazaux, tandis qu'en été, les sœurs de la Sagesse continueraient d'accueillir les curistes. Les religieuses, peu nombreuses et vieillissantes souhaitaient partir et la transition totale vers l'association s'effectue sans heurt.
Lors du premier hiver, l'édifice, qui ne servait alors qu'en été, ne possède aucun chauffage et il faut isoler les canalisations. Les aménagements sanitaires sont sommaires. Entre 1965 et 1970, outre l'aménagement des lieux se déroule la recherche de l'identité sociale du projet. De 1970 à 1975, l'hospitalet précise sa vocation d'accueil, avec notamment un volet artistique, mais aussi l'organisation de stages, d'ateliers, fêtes et rencontres internationales. Le lieu est notamment fréquenté par l'artiste Thomas Gleb et sa femme Maria. Ses tapisseries ornaient plusieurs pièces dont la chapelle, mais également par Claude Brugeilles qui expose dans la chapelle. Les hôtes participaient à l'élaboration de l'offre d'animation en fonction de leurs compétences et centres d'intérêt, mais également à l'entretien des lieux et aux diverses tâches de la vie quotidienne dans une collaboration continuelle. Vie familiale et vie communautaire avaient vocation à s'y conjuguer.
Le 18 août 1986, l'association Rencontres de Barèges (ARB) acquiert l'abbaye de l'Escaladieu pour y perpétuer l'esprit de l'expérience de Barèges. Mais le projet de l'Escaladieu entraîne des difficultés financières et à partir de 1988 un autre axe de développement de l'abbaye, plus touristique, est envisagé par certains membres de l’association. Cela pose des questions d'orientations et crée des dissensions au sein de l'association ainsi que des difficultés financières qui se prolongent dans des actions en justice. Le conseil d’administration de l'ARB s'oppose ainsi à son président Jean Lemanceau. Un nouvelle association Rencontres de l'Escaladieu (ARE) est créée le 24 juin 1989 tandis que l'ARB subit un redressement fiscal en mars 1990. Une ordonnance judiciaire du 28 septembre 1990 confirme la séparation des deux association et le transfert de l'abbaye de l'Escaladieu à l'ARE contre un remboursement de 1 200 000 F de l'Escaladieu à Barèges. Un plan de redressement est établi et l'ARB relancée, l'hospitalet tourne à nouveau et fait l'objet de travaux de mise en conformité pour l'hygiène et la sécurité, mais également aux toitures et d'embellissement.
En juin 2011, la Fondation cède le bâtiment à l'association pour un euro symbolique mais l'association ne peut faire face aux travaux de modernisation et de mise aux normes. L'édifice est finalement racheté par la mairie le 24 novembre 2015. Au moment de l'étude, l'avenir de l'édifice est incertain.