Dossier d’œuvre architecture IA34010637 | Réalisé par
  • inventaire topographique, Pays Haut Languedoc et Vignobles
maison, dite maison des évêques
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Inventaire général Région Occitanie

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Pays Haut Languedoc et Vignobles - Pézenas
  • Commune Puissalicon
  • Adresse 1 impasse de la Grappe
  • Cadastre 2024 B 2491 ; 2494  ; 1831 B 168 ; 187 à 189
  • Dénominations
    maison
  • Appellations
    maison des évêques

HISTORIQUE

Les mentions de la maison des évêques dans la documentation historique

Les mentions de la salle des évêques sont plutôt rares dans la bibliographie ; la demeure semble être restée dans l’ombre de la tour romane qui s’élève dans le cimetière communal et du château principal médiéval et Renaissance bâti au sommet du puech. Cet oubli relatif est également sans doute à mettre au compte de son statut privé et de sa transformation en maison vigneronne puis en cave viticole au XIXe siècle.

Les auteurs qui se sont intéressés à l’histoire de Puissalicon rapportent sans exception, quoiqu’avec quelques variantes, la tradition orale selon laquelle la demeure serait une propriété ecclésiastique. En 1866, Clément Coste publie ses Etudes historiques et archéologiques sur quelques communes de l’ancien diocèse de Béziers, comprenant un copieux chapitre sur Puissalicon. Il y fait mention d’un fief possédé par les évêques de Béziers, « depuis avant le XIIIe siècle, dont il reste une maison appelée encore l’Evêché ». Il ne donne pas d’avantage de précisions sur le fief ou la maison. En 1976, Simone Aïn-Sopena publie un ouvrage sur l’histoire de Puissalicon, village dont elle est originaire. Elle mentionne à son tour, au fond de la rue de la Barbacane, « un immeuble qui portait le nom de maison et jardin des évêques [qui] fut dans le temps la résidence d’été des Archevêques de Narbonne », sans plus de détails.

Enfin, dans l’introduction du Cartulaire municipal de Puissalicon (XIIIe-XVIIe siècles), paru en 2001, Philippe Guibert nous apprend que l’Inventaire raisonné des actes de la communauté de Puissalicon, conservé dans ses archives privées, se trouvait dans la « maison des évêques », qu’il suppose être entrée dans le domaine familial suite au mariage de Jean-Denis Guibert avec Marie Claire Emilie Milhaud en 1813. Philippe Guibert rapporte à son tour une information orale selon laquelle l’édifice aurait appartenu à Guillaume de la Broue, archevêque de Narbonne au milieu du XIIIe siècle. Il en déduit que la demeure devait dépendre du patrimoine de l’Eglise, tout en notant qu’elle n’apparaît pas dans « La vente des biens nationaux pendant la révolution dans les districts de Béziers et de Saint-Pons ».

Au milieu du XXe siècle, l’édifice est remarqué par Roger Hyvert, recenseur des Monuments Historiques, lors de son passage à Puissalicon. Ce dernier relaie la tradition orale attribuant la propriété aux archevêques de Narbonne, mais il la met toutefois en doute, les archives de l’évêché de Narbonne ne contenant aucune mention d’une seigneurie ou d’un domaine à Puissalicon. Il formule donc l’hypothèse que la maison a pu appartenir à un prélat de Narbonne ou de Béziers et cite parmi les commanditaires potentiels Guillaume de la Broue, archevêque de Narbonne de 1245 à 1257 et natif de Puissalicon, Pierre de la Jugie, archevêque de Narbonne de 1347 à 1375 et Hugues de la Jugie, évêque de Béziers de 1349 à 1375, qui ont également des liens avec Puissalicon par le biais de leur frère Nicolas, qui achète la seigneurie en 1368. Roger Hyvert cite également le compoix de la commune de 1685, dans lequel l’édifice apparaît sous la rubrique « d’Arnaud de Ribère ». Il est aussi le premier à relever l’intérêt de la charpente de combles médiévale, supportée par six corbeaux sculptés.

La charpente de combles est, en 1977, intégrée au corpus de la thèse pionnière de Jacques Peyron sur les plafonds peints gothiques en Languedoc. L’auteur relève la présence des corbeaux sculptés de figures humaines, qu’il compare au plafond de la maison de la Notairie à Béziers et à un autre ouvrage de charpente à Olonzac (aujourd’hui disparu). Il rapporte également la tradition orale selon laquelle la demeure aurait appartenu aux évêques de Narbonne, ce qui lui semble erroné dans la mesure où la paroisse de Puissalicon était rattachée au diocèse de Béziers. Il précise également que les corbeaux sculptés sont rehaussés de peinture, ce qui a totalement disparu aujourd’hui. À la suite de Jacques Peyron, Christian de Mérindol propose de comparer les corbeaux sculptés de têtes humaines de la maison dite des évêques à Puissalicon avec ceux de la maison de la Notairie à Béziers, supportant un plafond où figurent les armes de l’évêque de Béziers Hugues de la Jugie.

Nous retiendrons de ce panorama que si la tradition orale attribue la propriété de la demeure au domaine ecclésiastique, aucune source d’archives connue à ce jour ne permet de confirmer cette allégation. Notons également que la charpente de comble et ses corbeaux en bois sculptés sont connus des publications scientifiques relatives aux plafonds peints médiévaux du Languedoc méditerranéen depuis les années 1970.

Les mentions de la maison des évêques dans les sources

Comme évoqué précédemment, aucun document ne permet à ce jour de confirmer la tradition orale selon laquelle la demeure aurait appartenu à un prélat. L’unique source médiévale dont nous disposons aujourd’hui qui suggèrerait l’existence d’un second château à Puissalicon consiste en un vidimus de 1438, conservé dans le fonds de la famille Rieux Mérinville (Archives Départementales de l’Aude). Le document rappelle les termes de l’acquisition en 1368 de la seigneurie de Puissalicon par Nicolas de la Jugie, seigneur de La Livinière, représenté par son frère Hugues de la Jugie, évêque de Béziers. La vente comprend un hospicium avec les tours et défense qui en dépendent - il s’agit donc du château principal - les juridictions ainsi que les biens meubles ou immeubles pour la somme de 5920 francs. L’acte mentionne ensuite la vente d'un hospicium, contigu au fortalicium, pour le prix de 40 francs, qui pourrait être la « maison des évêques » ou un édifice antérieur, entièrement rebâti par Nicolas de la Jugie ou l’un de ses frères pour être transformé en une demeure confortable au goût du jour. Si aucun d’eux ne fut inhumé à Puissalicon, la seconde femme de Nicolas de la Jugie, Eléonor de Levis, y réside puisqu’elle y donne naissance à une fille et qu’elle y teste en 1373. À notre connaissance, aucun autre document ne mentionne ce second hospicium.

Il faut attendre la levée du compoix de la commune en 1685 pour trouver la première mention avérée de la demeure. Elle appartient à « M. de Rives, conseiller du Roy, magistrat au présidial de Béziers » et se compose d’une maison de 55 cannes, une étable de 32 cannes, une basse-cour de 76 cannes, un pigeonnier et jardin. Les articles correspondants sont malheureusement en lacune dans les deux compoix antérieurs.

Lors de l’établissement du cadastre napoléonien de la commune, en 1831, la demeure est portée au numéro 188 du plan. La matrice indique que le propriétaire est alors Marie-Jules Bousquet. Le relevé des parcelles mitoyennes (187 et 168 à 171) donne pour propriétaires Louis Henry Gept et Demoiselle Pulchery Guillet. Marie-Jules Bousquet et Louis Henry Gept ont pour point commun d’avoir épousé deux des filles du général Guillet, Irène et Césarine, ce qui indique clairement que la maison des évêques est issue d’un ensemble comprenant plusieurs maisons, cours, bâtiments ruraux et jardins, divisés au début du XIXe siècle entre les héritiers Guillet. Il est fort probable que cette propriété soit entrée dans le patrimoine du général, originaire de Chambéry, par l’intermédiaire de son mariage en 1796 avec Emilie Audibert, dont la famille est installée à Puissalicon et qui s’avère être une descendante de la famille de Rives. Selon toute vraisemblance, la demeure appartient donc aux XVIIe et XVIIIe siècle aux de Rives puis aux Audibert. Ces deux familles comptent plusieurs magistrats et notables dont Ignace Audibert, viguier de Puissalicon en 1725, qui a peut-être été en possession du cartulaire de Puissalicon exhumé au XXe siècle par Philippe Guibert.

Marie-Jules Bousquet et Irène Guillet ont pour fille Marie Emilie Gabrielle Bousquet, qui épouse en 1842 Jean Denis Henri Guibert. C’est donc à cette date – et non pas en 1813 – que la propriété entre dans le patrimoine de la famille Guibert. Le bâtiment appartient au XXe siècle à la famille Boujol.

DESCRIPTION

Situation

L’édifice est construit sur le versant nord-ouest de la colline où se développe le village, en milieu de pente. Le terrain présente une faible déclivité sur les deux-tiers de la parcelle. Le sol est constitué de grès et marnes molassiques du Miocène moyen (Burdigalien-Langhien). La partie bâtie consiste en un immeuble de plan rectangulaire construit au centre de la parcelle, orienté nord-est/sud-ouest.

L’immeuble est construit à l’intérieur de l’enceinte villageoise, dans le quartier de la Barbacane. Il prend place au fond d’une impasse dans un milieu relativement ouvert, le bâti villageois étant plutôt lâche dans ce secteur. Bâti à environ 70 mètres au nord-ouest du sommet de la colline où s’élève le château de Puissalicon, il est toutefois édifié en position dominante. La hauteur de la bâtisse accentue encore l’impression de surplomb particulièrement ostensible depuis la route de Magalas à Puissalicon.

Vue aérienne (la maison des évêques est au premier plan).Vue aérienne (la maison des évêques est au premier plan).Vue générale depuis la rue cave des Consuls.Vue générale depuis la rue cave des Consuls.

L’édifice est bâti à l’intérieur de la seconde enceinte du village, réparée et bâtie en 1363 par les consuls de la communauté, dont la muraille borde le jardin en terrasse au nord de l’édifice. L’immeuble, orienté vers la route de Magalas, se trouve à distance des portes de ville. Il est aujourd’hui uniquement accessible par l’impasse de la Grappe. Une venelle, aujourd’hui condamnée, permettait de relier les bâtiments agricoles édifiés en partie sud et la rue Porte Pérot.

Composition d'ensemble

La vaste bâtisse, de plan rectangulaire, s’étend sur 16,60 mètres de longueur par 9,71 mètres de largeur. Elle se compose de trois niveaux, soit un rez-de-chaussée, un étage et un comble. Une tour carrée de 3 mètres de côté est accolée à l’angle nord-ouest. Le mur gouttereau sud présente des pierres d’attente en partie haute indiquant un parti initial sans doute plus ambitieux, qui aurait augmenté le corps de logis de deux ailes latérales. Il semble que les travaux aient été engagés à l’angle nord-est, où l’on observe une amorce de mur en léger retrait du mur gouttereau nord, percé au rez-de-chaussée d’une porte à arc brisé.

Un escalier rampe sur rampe moderne, partiellement conservé, a ensuite été bâti dans l’angle sud-est de cette aile.

Enfin, des bâtiments agricoles ont été accolés à l’élévation ouest au XIXe siècle.

La parcelle est délimitée au nord et à l’ouest par la rue Cave des Consuls, au sud par le tissu bâti villageois, à l’est par un mur de clôture ouvert par un portail en pierre de taille. Le corps de logis ouvre sur une cour au sud-est et un jardin au nord-ouest aménagé contre le mur d’enceinte fortifié. Le plan cadastral Napoléonien de 1838 indique que le jardin s’étendait au nord par-delà le mur, prenant la forme de parterres en terrasses probablement aménagés au XVIIIe siècle. Les remblais semblent avoir été dégagés au XIXe siècle ou au début du XXe siècle pour la construction de remises rue Cave des Consuls.

Dans la cour se trouve un puits isolé. La cuve circulaire, en pierre de taille, présente un parement en petit appareil réglé d’une qualité remarquable, laissant peu de doute quant à sa datation médiévale. La margelle constituée de blocs de calcaire monolithes ferraillés évoque celle des puits médiévaux de la cité de Carcassonne datés du XIVe siècle (grand et petit puits de la Cité). La partie haute de la margelle pourrait avoir accueilli l’ancrage d’une potence ou de montants verticaux.

Puits de la cour.Puits de la cour.

Matériaux

Les murs sont construits en pierre de plusieurs qualités : calcaire coquillier, grès et marnes jaunes. Ces roches, probablement extraites à proximité du site, correspondent à une formation géologique du Miocène moyen occupant une grande partie de l’actuel territoire communal. Les gisements sont composés de marnes, marnes sableuses, grès, calcaires et grès coquilliers de couleur jaune (m2 carte de Saint-Chinian) et de marnes bleues jaunissant en surface entrecoupées de bancs de calcaires coquilliers parfois gréseux ou calcaires-lumachelles (m2a carte de Pézenas). Les fouilles archéologiques entreprises dans le sol de la maison des évêques révèlent d’ailleurs l’absence de couche naturelle de type paléosol à l’interface du remblai et des marnes, ce qui pourrait indiquer l’existence d’une carrière sur le secteur avant la construction de la seconde enceinte et de l’édifice au XIVe siècle.

Ces pierres ont largement été employées dans les constructions du Bas Moyen Âge jusqu’au XIXe siècle à Puissalicon (ouvrages de fortification, château, maisons, moulin à vent…). Les marnes, très faciles à tailler mais sensibles à l’eau, présentent à plusieurs endroits des altérations importantes.

L’édifice est bâti en pierre de taille et présente un moyen appareil réglé. Les blocs de marnes présentent des dimensions plus importantes et sont séparés par des joints maigres (mortier de chaux). Ils sont majoritairement employés pour les encadrements (fenêtres, portes, cheminées, niches).

Un calcaire fin, dont nous ignorons la provenance, a été employé pour les meneaux, croisillons et linteaux des croisées fig.34-35). La qualité de pierre semble identique à celle des meneaux des baies de l’église paroissiale Notre-Dame, construite en 1337.

Structure

Les murs du corps de logis prennent directement appui sur le substrat marneux.

L’édifice possède un étage carré sur plancher et un étage de combles à surcroît, sur plancher également. La hauteur des niveaux est décroissante : le rez-de-chaussée présente une hauteur de 6,79 m, l’étage carré présente une hauteur de 4 m et l’étage de combles présente une hauteur de 3,84 m sous faîtage et de 2,91 au sommet des murs gouttereaux. La tour nord-ouest est également divisée en trois niveaux. Le rez-de-chaussée est voûté en berceau brisé. La voûte est contrebutée par un contrefort appuyé contre l’élévation ouest.

Les niveaux supérieurs de la tour sont séparés par un plancher. La hauteur des planchers entre le corps de logis et la tour est identique, cependant le faitage de la tour est légèrement plus élevé (4,27 m sous toiture).

Les murs nord et ouest ainsi que les murs de la tour présentent une épaisseur supérieure à celle des murs sud et est). Cette profondeur plus importante semble liée à l’anticipation de l’aménagement des équipements domestiques incorporés (cheminées, niches placards, escalier à vis intramural).

Le toit à deux pans, couvert de tuiles canal, est à faible pente. La couverture a été remplacée dans les années 2010. À cette occasion, la hauteur du faitage a été légèrement surbaissée.

Elévations

Mur gouttereau sud

Vue générale, élévation sud.Vue générale, élévation sud.

L’élévation sud donne sur la cour. Au centre de la façade, en partie basse, un large portail rectangulaire surmonté d’une poutre IPN métallique donne accès à la salle du rez-de-chaussée. Son percement dans la maçonnerie d’origine a détruit le portail primitif en arc brisé, centré sur la façade, dont quatre claveaux sont partiellement conservés et dont on peut encore lire le tracé en partie haute.

Elévation sud, départ de l'arc brisé de la porte médiévale.Elévation sud, départ de l'arc brisé de la porte médiévale.

Le portail est encadré par deux croisées à coussièges surmontées d’un linteau calcaire, dont le meneau et le croisillon ont été supprimés. La cohérence avec la maçonnerie indique que ces deux baies sont synchrones de la construction du mur. Ces croisées sont répétées sur l’élévation nord. La tour et l’élévation ouest en présentent une forme simplifiée, dépourvue de croisillons. Leur forme intérieure possède une embrasure couverte par un cintre segmentaire ainsi que des coussièges biseautés.

Un jour rectangulaire est percé à droite de la façade. Il a probablement été percé à postériori pour éclairer l’escalier construit à l’intérieur de la salle d’apparat au XIXe siècle. On observe un alignement d’opes bouchés à la limite entre le premier et le second niveau, témoignant de l’existence d’une ancienne galerie en bois permettant de distribuer le premier étage. Cet ouvrage de charpente extérieur a probablement permis d’assurer la distribution verticale de l’édifice à l’époque médiévale. En effet, nous n’avons trouvé aucun vestige d’un escalier contemporain de la phase de construction du XIVe siècle.

Le premier étage possède quatre fenêtres rectangulaires percées au XIXe siècle, dont trois possèdent un garde-corps en fonte et deux présentent un chambranle à crossettes avec motifs végétaux. L’ouverture centrale a été aménagée à l’emplacement d’une ancienne porte à arc brisé, décentrée sur la façade. Au même niveau, sur la gauche, un jour rectangulaire biais est conservé.

Elévation sud, baie centrale du 1er étage, tracé de l'arc brisé de l'ancienne porte médiévale.Elévation sud, baie centrale du 1er étage, tracé de l'arc brisé de l'ancienne porte médiévale.

L’étage de comble est percé par deux ouvertures rectangulaires réalisées à postériori. L’une d’elles, à droite, est surmontée d’un linteau en bois et est actuellement bouchée.

Aux extrémités du mur, des pierres en saillie disposées régulièrement sur le tiers supérieur peuvent être interprétées comme des pierres d’attente.

La façade est couronnée d’une génoise à trois rangées de facture récente, probablement mise en place lors de la réfection de la toiture dans les années 2010.

Malgré les différents remaniements, le parti médiéval de la façade sud est donc encore clairement lisible : le rez-de-chaussée s’ouvrait par un portail à arc brisé, centré sur la façade et encadré par deux croisées. L’étage était percé par une porte à arc brisé, communiquant avec une galerie en bois. Le seul autre percement de la façade consistait en une ouverture rectangulaire biaise également située au niveau de l’étage.

Mur gouttereau nord

Vue générale depuis le jardin nord.Vue générale depuis le jardin nord.

L’élévation nord est percée par deux niveaux de croisées rythmés par trois travées. Elles sont toutes équipées de coussièges similaires à ceux des fenêtres de la façade sud (voir supra).

Au rez-de-chaussée, les croisées ont conservé leur meneau et croisillon. Ces fenêtres présentent une variété de calcaire différente de celle des croisées des étages et de la façade sud, dont elles se distinguent également par la hauteur plus importante de leur linteau. Si ces points de divergence peuvent interroger quant à leur authenticité, l’appareil parait n’avoir subi aucune perturbation et leur mise en œuvre parait synchrone de celle du mur. La base des meneaux est ornée d’un motif en forme de cuillère peu courant, rappelant notamment celui des croisées du palais pontifical de Villandraut (Gironde), construit au début du XIVe siècle.

Elévation nord, croisée du rez-de-chaussée.Elévation nord, croisée du rez-de-chaussée.Elévation nord, croisée du rez-de-chaussée, détail du congé en cuillère.Elévation nord, croisée du rez-de-chaussée, détail du congé en cuillère.

Malgré une apparente symétrie, les croisées du rez-de-chaussée et du premier étage sont en léger décalage. Les croisées du premier étage, dont deux sont partiellement murées, sont surmontées d’un larmier reposant sur des consoles sculptées en forme de têtes humaines. Sur la fenêtre de droite, cet encadrement retombe sur la tourelle en encorbellement par le biais d’un décrochement. Les têtes sculptées, traitées en rondeur à l’instar des corbeaux de la charpente de comble, présentent une coiffe symétrique. Les cheveux, ondulés, sont enroulés à hauteur de la nuque.

Elévation nord, croisée du 1er étage, décroché du larmier sur la tour.Elévation nord, croisée du 1er étage, décroché du larmier sur la tour.

L’étage de comble est éclairé par une fenêtre à meneau, sans croisillon, également équipée de coussièges. Ces ouvertures sont reproduites au niveau de l’étage de comble et des étages de la tour. Elles semblent elles-aussi synchrones de la construction du milieu du XIVe siècle.

Des bandeaux saillants moulurés règnent à la hauteur des allèges du premier étage. Ils sont formés, de bas en haut, d’un tore, d’une gorge, d’un tore, d’une petite gorge et d’un listel. Le bandeau d’étage se retourne sur les élévations est et nord de la tour ainsi que, à l’opposé, sur la face nord de l’aile ouest. Le mur se prolonge ensuite vers l’est en adoptant un axe légèrement différent. L’épaisseur du mur est toujours importante, mais la maçonnerie en blocs calcaire est nettement moins soignée et présente de nombreux calages, particulièrement nombreux autour de l’arcade. Ce mur semble s’ancrer a posteriori (XVe siècle ?) sur le mur précédent.

Aile est, élévation nord.Aile est, élévation nord.

Pignon est

Vue générale, élévation ouest.Vue générale, élévation ouest.

Il est percé au rez-de-chaussée et au premier étage par une porte à arc brisé chanfreinée. La porte du rez-de-chaussée est située au centre de la façade bien que légèrement décalée sur la gauche. La porte de l’étage, centrée, est encadrée par deux ouvertures rectangulaires percées a postériori. L’ouverture de gauche communiquait avec un escalier rampe-sur-rampe construit à la période moderne (fin XVIe-XVIIe siècles). Une ouverture rectangulaire a été percée a postériori dans le comble à surcroit.

Trois alignements de trous d’empochement témoignent de l’installation d’anciens planchers dans l’aile est, aujourd’hui en ruines.

Pignon ouest

Vue générale, élévation ouest.Vue générale, élévation ouest.

Le mur pignon ouest comporte deux ouvertures au niveau de l’étage de combles : une fenêtre à meneau sans croisillons à gauche (actuellement murée) ainsi qu’une porte à arc brisé centrale. La partie haute a été remaniée, probablement lors du remplacement de la toiture dans les années 2010. Le rez-de-chaussée conserve les traces d’un coffre de cheminée hors-œuvre qui s’interrompt à hauteur du plancher du premier étage. L’ancienne cheminée a été percée afin de créer une communication avec les bâtiments agricoles accolés au XIXe siècle.

Elévation ouest, vue extérieure de la cheminée et vestiges du coffre.Elévation ouest, vue extérieure de la cheminée et vestiges du coffre.

Le mur est coiffé d’un pignon à gradins en pierre, autrefois surmonté d’une souche de cheminée. Cette composition s’observe dans d’autres maisons médiévales, à l’instar d’une maison située rue de Clermont à Figeac. Un pignon similaire est partiellement conservé sur l’un des murs nord de l’église Notre-Dame de Puissalicon, construite en 1337.

Tour

Tour pigeonnier, élévation nord.Tour pigeonnier, élévation nord.

La tour, coiffée d’un toit à un pan, est percée d’un jour rectangulaire ébrasé au rez-de-chaussée (élévation nord) et de fenêtres à meneau sans croisillons aux étages, d’une forme similaire à celle de l’ouverture éclairant l’étage de comble de la façade nord.

Ouvrages de charpente

Les bois du plancher de séparation entre le rez-de-chaussée et l’étage ainsi que ceux de la charpente ont fait l’objet d’une étude dendrochronologique. Cette étude a mis en évidence l’utilisation exclusive du bois de sapin, largement utilisé aussi bien pour la confection des charpentes que pour celle des plafonds, médiévaux et modernes, en Provence et en Languedoc. Les traces de flottage conservées en grand nombre indiquent qu’ils ont été acheminés par voie d’eau (on observe sur plusieurs poutres les coins qui bloquaient les ligatures chargées de maintenir les grumes en radeau). L’étude dendrochronologique montre une très belle concordance entre les bois prélevés, provenant d’une seule et même phase d’abattage. Elle situe de manière certaine la croissance des arbres sur la période de 1076 à 1322, cette dernière année étant la date post quem.

Les planchers se composent de deux niveaux de poutres portant un solivage (plancher à trois systèmes). Dans l’aula, au rez-de-chaussée, les poutres principales sont au nombre de trois. Elles prennent appui sur des corbeaux superposés en pierre et en bois. Le second niveau de poutre est constitué de deux poutres installées dans le sens de la longueur de la salle et encastrées dans les murs pignons. Elles sont en deux parties, la jonction étant située au niveau de la poutre centrale du 1er registre. Les solives, disposées dans le sens de la largeur, sont quant à elles encastrées dans les murs gouttereaux et sont d’un seul tenant.

Rez-de-chaussée, vue intérieure, plancher à trois registres.Rez-de-chaussée, vue intérieure, plancher à trois registres.

L’ouvrage comportait deux niveaux de cloisoirs : entre le 1er et le 2e registre et entre le 2e et le 3e registre. La présence de clous et d’une bande plus claire à l’extrémité des poutres indique que cette partie était dissimulée par des planches, probablement peintes également. Des vestiges de décor peint sont conservées sur les couvre-joints : pyramides blanches et noir, liseret ocre rouge, frises de points. Quelques closoirs ont été conservés à l’angle sud-ouest de la salle. Aucune trace de peinture n’a pu y être observée.

Le plancher entre les étages supérieurs est également un plancher à trois systèmes et porte des traces de closoir. L’une des poutres conserve des traces de peinture bleue. Le plancher n’est conservé que dans la partie ouest, il a été repris dans la partie est (une poutre moulurée, probablement mise en place au XVIIe siècle, pourrait être contemporaine de la construction de l’escalier rampe sur rampe).

L’emploi de ces structures de plancher constitue un rare exemple en Languedoc méditerranéen d’ouvrages à trois systèmes, typologie très répandue dans les palais édifiés au XIVe siècle par les papes et leurs cardinaux dans le Comtat Venaissin et à Villeneuve-lès-Avignon, mais qui semble absente de l’aire méditerranéenne en dehors de ce secteur avignonnais pour le XIVe siècle. Cet ouvrage de charpente peut à titre d’exemple être comparé aux planchers du Palais des Papes (chambre du Pape, chambre du Cerf, chambre du Camérier, du Petit Palais), de la Livrée Ceccano et de la Livrée de Viviers, demeure du cardinal Gaillard de la Motte (décédé en 1356), neveu du pape Clément V. Ce système se retrouve également de manière anecdotique dans l’actuel département de l’Hérault (Saint-Pons-de-Mauchiens) au XVe siècle et dans le département du Lot (Figeac).

La charpente, au niveau du comble, se compose de trois fermes inégalement espacées. L’entrait est présente un remarquable système de charpente avec retombée suspendue, récemment renforcé par une équerre métallique.

Les entraits reposent sur des corbeaux en bois sculpté représentant des visages masculins et féminins. Ils sont encastrés dans les murs de gouttereaux et s’assemblent grâce à des embrèvements aux arbalétriers, qui supportent les chevrons appuyés sur les dalles de couronnement des murs. Un seul corbeau est en lacune, il aurait été transporté au salon du château haut. Ces pièces sculptées mesurent 24 cm de haut pour 46 à 50 cm de saillie hors du mur et 30 cm de largeur et représentent des figures humaines.

Etage de comble, vue intérieure, corbeau sculpté.Etage de comble, vue intérieure, corbeau sculpté.

Ces corbeaux sculptés ont été rapprochés de deux autres décors héraultais : la maison de la Notairie à Béziers et une maison à Olonzac, dont la charpente de comble a malheureusement complètement disparu. La première en revanche présente des ouvrages de charpente parfaitement conservés, notamment pour leurs décors peints, ainsi qu’un contexte de création bien connu. Nous nous intéresserons particulièrement au plancher faisant la séparation entre le 1er et le deuxième étage, qui présente des corbeaux en bois sculptés de figures humaines semblables à ceux de Puissalicon. Le commanditaire de ce décor ne nous est pas étranger, puisqu’il s’agit du frère de Nicolas de la Jugie, Hugues de la Jugie, qui occupe le siège épiscopal de Béziers 1350 à 1371. Le plafond de la Notairie présente le blason de ce dernier à la place d’honneur, à la suite des armes du roi de France, dans la salle qui semble avoir servi de cour de justice à l’évêque. Les têtes sculptées de Puissalicon et de la Notairie ont clairement été réalisées par des ateliers distincts : les premières se caractérisent par la rondeur de leurs traits et leurs fronts bombés, tandis que les secondes sont anguleuses, les mentons proéminents et les arêtes du nez vives. Néanmoins l’analogie entre les deux décors quasiment contemporains - la datation post quem de la Notairie se situe en 1349 et 1352 - semble évidente, l’un paraissant être une citation de l’autre.

Les ouvrages de charpente de la maison des évêques à Puissalicon ont probablement reçu – ou étaient destinés à recevoir - de riches décors peints à l’image de ceux de la Notairie et de nombreux autres plafonds peints du Languedoc. Jacques Peyron, qui soutient sa thèse en 1977, évoque d’ailleurs des vestiges de peinture sur les têtes sculptées, dont il ne subsiste absolument rien aujourd’hui. Les closoirs ont également disparus, seuls subsistent quelques couvre-joints présentant des motifs géométriques très répandus (bande rouge sur fond blanc encadrée par une frise de pyramides noires, points blancs). Ces motifs sont également observables sur plusieurs plafonds peints de Béziers (hôtel Ajac, hôtel Christol) ainsi qu’au palais des archevêques de Narbonne, signe de leur persistance du XIIIe au XVe siècle.

Distribution intérieure

Toute la superficie du rez-de-chaussée est occupée par une vaste salle de 77 m². Les dimensions de la pièce, l’ostentation du plafond comme la présence d’une cheminée monumentale indiquent qu’il s’agit de l’aula, pièce principale du corps de logis et espace de réception. Sa position en rez-de-chaussée est assez rare pour être soulignée, cette pièce étant presque toujours située à l’étage des maisons médiévales. La pièce, traversante, est largement éclairée par trois travées de croisées à coussièges percées dans les murs nord et sud. Elle est accessible par trois portes à arc brisé chanfreiné : la première se situe au centre de l’élévation sud et donne accès à la cour, la seconde est aménagée dans le mur et donne accès à l’aile orientale, la troisième dans le mur nord donne accès à la tour.

L’aménagement de la salle à l’époque médiévale pose question. En effet, les fenêtres percées dans l’élévation sud sont plus hautes que celles de l’élévation nord. Un dispositif d’estrade a peut-être été mis en place, cependant les fouilles réalisées à l’occasion du diagnostic archéologique ne permettent pas de confirmer cette hypothèse, également mise à mal par la position centrée de la cheminée du mur ouest. Aucune des surfaces de circulation mises au jour lors des fouilles ne semble par ailleurs être en adéquation avec la fonction palatiale de l’édifice. L’étude archéologique n’a en ce sens pu aboutir qu’à des résultats mitigés. Le niveau de circulation initial ayant été abaissé d’une quarantaine de centimètres, il semble probable que les couches initiales aient été entièrement détruites et remplacées par les couches actuelles.

Une grande cheminée incorporée est aménagée dans le mur pignon ouest, épais d’1 mètre. Ce type de cheminée intégrée dans la maçonnerie se retrouve dans plusieurs constructions languedociennes et provençales du XIVe siècle, à l’exemple du Palais de Balène à Figeac, de la tour de l’hôtel Maurand à Toulouse ou du Palais des Papes d’Avignon (Grand promenoir et chambre des Notaires bâtis en 1346). Le foyer est ouvert par un arc segmentaire surbaissé, dont la clé est gravée d’un motif de croix pattée. La cheminée était équipée d’un coffre extérieur en saillie dont on lit encore divers arrachements. Le conduit, en partie hors-œuvre, était sans doute dévoyé, une porte à arc brisé ayant été percée au droit du foyer.

Rez-de-chaussée, vue intérieure, cheminée transformée en porte..Rez-de-chaussée, vue intérieure, cheminée transformée en porte..Rez-de-chaussée, vue intérieure, cheminée, croix pattée gravée sur la clé.Rez-de-chaussée, vue intérieure, cheminée, croix pattée gravée sur la clé.

Un escalier tournant à retours a été aménagé dans l’angle sud-est de la salle pour accéder au premier étage. Il a probablement été construit au XIXe siècle, suite à l’abandon de l’escalier rampe-sur-rampe aménagé dans l’aile est.

L’étage comporte cinq pièces, divisées par des cloisons en torchis et pan de bois. La première, qui occupe le tiers de l’étage, est également équipée d’une cheminée incorporée, de taille plus modeste que celle du rez-de-chaussée. La pièce était accessible par une porte à arc brisé percée dans le mur est et communiquant avec l’aile orientale. Elle était éclairée par une croisée équipée de coussièges percée dans le mur nord. Les deux-tiers restant de l’étage sont divisés par quatre pièces disposées en enfilade. La chambre sud-ouest possède une niche placard. La chambre nord-est est équipée d’une cheminée intégrée et d’une niche placard. Elle donne accès au premier étage de la tour, par le biais d’une porte à arc brisé chanfreiné, ainsi qu’à l’étage de combles. L’accès à ce dernier niveau s’effectue depuis la croisée percée dans le mur nord. Il est nécessaire de monter sur l’appui de la fenêtre pour accéder au petit escalier à vis aménagé dans l’épaisseur du mur.

1er étage, vue intérieure, cheminée intégrée.1er étage, vue intérieure, cheminée intégrée.1er étage, vue intérieure, cheminée et niche placard intégrées.1er étage, vue intérieure, cheminée et niche placard intégrées.

L’étage de combles possède une porte à arc brisé aménagée dans le mur ouest. Une pièce a été aménagée dans l’angle sud-est. Deux fenêtres à meneau sans croisillons sont percées dans les murs est et nord, elles sont toutes deux équipées de coussièges.

L’étage de combles donne accès au dernier niveau de la cour, occupé par un pigeonnier équipé de casiers carrés.

Etage de comble, vue intérieure de la tour, casiers du pigeonnier.Etage de comble, vue intérieure de la tour, casiers du pigeonnier.

Escaliers

Il ne reste aucun vestige de l'escalier d'origine qui permettait d’accéder à l’étage carré. Il est probable que cet escalier ait été extérieur. Dans ce cas, il a pu donner accès à une galerie de bois, dont les opes bouchés ménagés dans le mur gouttereau sud sont encore identifiables.

L’étage de comble est desservi par un escalier à vis en pierre logé dans une tourelle d’angle entre le logis et la tour. Il s’agit d’un escalier intramural dont l’emmarchement n’est que de 55 cm. L’accès s’effectue depuis l’embrasure de la fenêtre voisine, l’entrée ne dépassant pas 40 cm. Ce dispositif, qui permet un gain de place, parait représenter une véritable prouesse technique pour le milieu du XIVe siècle. Les marches monolithes autoportantes sont distribuées autour d’un noyau central.

Elévation nord, escalier à vis en angle.Elévation nord, escalier à vis en angle.Tourelle d'escalier, vue intérieure.Tourelle d'escalier, vue intérieure.

Sans doute à la fin du XVIe siècle ou au XVIIe siècle, un escalier dans-œuvre est construit dans l’angle sud-est (fig.118-119). Il s’agit d’un escalier rampe-sur-rampe à trois volées.

Aile est, vestiges de l'escalier rampe-sur-rampe.Aile est, vestiges de l'escalier rampe-sur-rampe.

SYNTHESE

Essai de phasage des constructions

L’étude du bâtiment montre une grande homogénéité des élévations et des ouvrages de charpente, témoignant d’une seule et même phase de construction pour le corps de logis. Les prélèvements dendrochronologiques effectués sur le plancher du 1er étage et la charpente de comble viennent conforter cette analyse, les bois utilisés provenant d’une seule phase d’abattage. Le terminus post quem de 1322 situe cette campagne de construction dans le second ou le troisième quart du XIVe siècle.

Divers indices donnent à penser que le parti initial prévoyait l’ajout de deux ailes latérales. Ce projet semble avoir été amorcé à l’angle nord-est, puis abandonné subitement, peut-être à la mort du commanditaire. Cet arrêt pourrait expliquer que les sondages archéologiques réalisés en 2023 à l’intérieur du bâtiment n’aient livré aucun niveau de circulation en adéquation avec une utilisation de la salle d’apparat contemporaine à la construction. Le fait qu’aucun vestige de décor peint n’ait été retrouvé dans la salle d’apparat et la relative simplicité de celui conservé sur le plafond abondent également dans ce sens, bien qu’ils aient pu être entièrement détruits. Dans un cas comme dans l’autre, la transformation de l’édifice en bâtiment agricole et l’aménagement de cuves au rez-de-chaussée ont probablement supprimé de nombreuses traces archéologiques.

Il semblerait que le chantier n’ait repris qu’à la fin du XVe siècle ou au début du XVIe siècle. Trois tessons de céramique issus de productions régionales du XVe ou du XVIe siècle, retrouvés dans la couche 1019 à l’occasion du diagnostic réalisé à l’intérieur de la salle pourraient être des reliquats de cette phase d’occupation. L’aile est, destinée à recevoir les ailes de service, pourrait également appartenir à cette phase.

Une nouvelle campagne de travaux est menée au XVIIe siècle. Elle consiste en la construction d’un escalier rampe sur rampe à trois volées à l’angle sud-est, destiné à desservir le premier étage de l’aile est et le premier étage du corps de bâtiment principal. La salle est du premier étage reçoit également un plafond à la française.

Plusieurs encadrements sont ensuite remaniés au XIXe siècle sur les élévations nord et sud. Les volumes généreux de la salle d’apparat, au rez-de-chaussée, prédisposent le bâtiment à être transformé en bâtiment agricole à la période où Puissalicon – à l’instar de l’ensemble du Biterrois – bascule dans la monoculture de la vigne.

Un palais du XIVe siècle sur un modèle avignonnais

La maison des évêques se distingue clairement du tissu urbain de Puissalicon, densément bâti, par son emprise bien plus vaste que celle des autres demeures villageoises. L’absence de ruptures dans les maçonneries, l’homogénéité des formes et des ouvertures, la cohérence entre les maçonneries et les ouvrages de charpente dont les bois proviennent d’une seule et même phase d’abattage témoignent que la construction s’est faite d’un seul jet. Le chantier a probablement été mené rapidement, grâce à des financements abondants et continus qui n’ont pu être supportés que par un commanditaire particulièrement riche et puissant.

L’édifice, d’une qualité de construction remarquable, adopte des formules novatrices qui témoignent d’une excellente connaissance des constructions contemporaines des milieux parisiens et avignonnais : utilisation précoce des croisées, absence d’éléments défensifs, recherche de symétrie dans la composition des façades, mise en œuvre d’un escalier à vis à marches autoportantes, présence d’équipements domestiques - notamment de cheminées intégrées.

L’influence avignonnaise, particulièrement remarquable pour les structures des planchers à trois systèmes, se lit aussi dans la composition d’ensemble et la forme des croisées à coussiège qui rappellent l’architecture des palais urbains – connues sous le nom de Livrées – et maisons de villégiature cardinalices qui fleurissent à Avignon et dans le Comtat Venaissin du temps de la papauté avignonnaise (1309-1378). Il est d’ailleurs probable que le maître d’ouvrage ait fait appel à des ateliers originaires du Comtat Venaissin, a minima pour la réalisation des ouvrages de charpente.

La question du commanditaire

En l’absence de sources actuellement connues éclairant le contexte de la construction, nous ne pouvons que conjecturer sur l’identité du maître d’ouvrage. L’influence avignonnaise parait conforter l’hypothèse d’une campagne de travaux commanditée par un membre de la famille de la Jugie, présente à Puissalicon par l’intermédiaire d’Ermengarde, épouse de Bernard Raymond de Durfort, et bien sûr de Nicolas, qui achète la seigneurie de Puissalicon en 1368. L’hospicium mentionné en marge de la vente pourrait faire référence à un premier bâtiment reconstruit par l’un des membres de la famille de la Jugie. Néanmoins, le fait qu’aucune phase antérieure au XIVe siècle n’ait pu être identifiée à l’issu du diagnostic archéologique met à mal cette hypothèse.

La Maison de la Jugie connaît une ascension fulgurante dans le deuxième quart du XIVe siècle dans le sillage de l’élection au souverain pontificat du cardinal Pierre-Roger, beau-frère de Jacques de la Jugie, qui prend le nom de Clément VI le 7 mai 1342. Jacques de la Jugie et son épouse Guillaumette de Roger eurent sept enfants :

- Nicolas, qui achète en 1350 la seigneurie de Ferrals et de la Livinière, en 1368 Puissalicon et Margon, ainsi que la moitié de la ville d’Auterive et du lieu de Miremond dans le Toulousain puis en 1372 la baronnie de Rieux, Alzonne, Leuc et Ladern ;

- Guillaume, évêque de Béziers (1341-1349), nommé cardinal en 1342 par son oncle Clément VI ;

- Pierre, archevêque de Narbonne et cardinal ;

- Hugues, évêque de Béziers ;

- Elix, qui épouse en 1341 Guy de Puydeval-Marcillac ;

- Ermengarde de la Jugie, mariée en 1341 à Bernard Raymond de Durfort ;

- Germaine de la Jugie ;

- Anne de la Jugie, prieure d’un monastère près d’Avignon.

La plupart séjournèrent régulièrement à Avignon, où Guillaume possédait une Livrée située entre les actuelles rues Felix Gras et Joseph Vernet et où il couronna pape, en 1372, leur cousin germain Pierre Roger de Beaufort sous le nom de Grégoire XI.

L’attribution de la construction de la maison des évêques par un membre de la famille de la Jugie semble également confortée par la tradition orale selon laquelle la demeure aurait été utilisée comme résidence d’été de prélats, Guillaume, Pierre et Hugues ayant tous trois occupés des fonctions épiscopales. Enfin, la parenté entre les corbeaux sculptés de têtes humaines de Puissalicon et ceux de la maison de la Notairie à Béziers, dont le plafond a été commandité par Hugues de la Jugie, vient encore appuyer cette hypothèse.

L’étude du bâtiment montre une grande homogénéité des élévations et des ouvrages de charpente, témoignant d’une seule et même phase de construction pour le corps de logis. Les prélèvements dendrochronologiques effectués sur le plancher du 1er étage et la charpente de comble confortent cette analyse, les bois utilisés provenant d’une seule phase d’abattage. Le terminus post quem de 1322 situe la campagne de construction dans le second ou le troisième quart du XIVe siècle. Divers indices donnent à penser que le parti initial prévoyait l’ajout de deux ailes latérales. Ce projet semble avoir été amorcé à l’angle nord-est, puis abandonné subitement, peut-être à la mort du commanditaire. Il semblerait que le chantier n’ait repris qu’à la fin du XVe siècle ou au début du XVIe siècle. L’aile est, destinée à recevoir les ailes de service, pourrait également appartenir à cette phase. Une nouvelle campagne de travaux est menée au XVIIe siècle. Elle consiste en la construction d’un escalier rampe sur rampe à trois volées à l’angle sud-est, destiné à desservir le premier étage de l’aile est et le premier étage du corps de bâtiment principal. La salle est du premier étage reçoit également un plafond à la française. Plusieurs encadrements sont ensuite remaniés au XIXe siècle sur les élévations nord et sud. Les volumes généreux de la salle d’apparat, au rez-de-chaussée, prédisposent le bâtiment à être transformé en bâtiment agricole à la période où Puissalicon – à l’instar de l’ensemble du Biterrois – bascule dans la monoculture de la vigne.

L’édifice, d’une qualité de construction remarquable, adopte des formules novatrices qui témoignent d’une excellente connaissance des constructions contemporaines des milieux parisiens et avignonnais : utilisation précoce des croisées, absence d’éléments défensifs, recherche de symétrie dans la composition des façades, mise en œuvre d’un escalier à vis à marches autoportantes, présence d’équipements domestiques - notamment de cheminées intégrées. L’influence avignonnaise, particulièrement remarquable pour les structures des planchers à trois systèmes, se lit aussi dans la composition d’ensemble et la forme des croisées à coussiège qui rappellent l’architecture des palais urbains – connues sous le nom de Livrées – et maisons de villégiature cardinalices qui fleurissent à Avignon et dans le Comtat Venaissin du temps de la papauté avignonnaise (1309-1378). Il est d’ailleurs probable que le maître d’ouvrage ait fait appel à des ateliers originaires du Comtat Venaissin, a minima pour la réalisation des ouvrages de charpente.

En l’absence de sources actuellement connues éclairant le contexte de la construction, nous ne pouvons que conjecturer sur l’identité du maître d’ouvrage. L’influence avignonnaise parait conforter l’hypothèse d’une campagne de travaux commanditée par un membre de la famille de la Jugie, notamment Nicolas, qui achète la seigneurie de Puissalicon en 1368, Guillaume, évêque de Béziers (1341-1349), nommé cardinal en 1342 par son oncle Clément VI, Pierre, archevêque de Narbonne et cardinal ou Hugues, évêque de Béziers. Ces derniers séjournèrent régulièrement à Avignon, où Guillaume possédait une Livrée située entre les actuelles rues Felix Gras et Joseph Vernet et où il couronna pape, en 1372, leur cousin germain Pierre Roger de Beaufort sous le nom de Grégoire XI.

  • Période(s)
    • Principale : 14e siècle
    • Secondaire : 19e siècle
  • Murs
    • calcaire moyen appareil
    • grès moyen appareil
  • Toits
    tuile
  • Étages
    1 étage carré, étage de comble
  • Couvrements
    • charpente en bois apparente
  • Couvertures
    • toit à longs pans pignon
  • Escaliers
    • escalier de distribution extérieur : escalier tournant à retours sans jour en maçonnerie
    • escalier dans-oeuvre : escalier en vis sans jour suspendu
  • Techniques
    • peinture
    • menuiserie
    • maçonnerie
  • Représentations
    • représentation figurative, ornement géométrique
  • Précision représentations

    Les croisées de l'élévation nord sont surmontées d'un larmier dont les culots sculptés représentent des têtes masculines et féminines. Les couvre-joints du plafond du rez-de-chaussée présentent un décor peint géométrique (pyramides noires et blanches, liseret ocre, points blancs). Les corbeaux de la charpente de comble représentent des têtes masculines et féminines :

    - n°1 : visage d’homme, front bombé dégagé, la coiffure symétrique cache les oreilles

    - n°2 : tête en mauvais état

    - n°3 : corbeau enlevé et déposé au château de Puissalicon (buste de femme)

    - n°4 : buste de femme

    - n°5 : tête masculine couronnée type saint Louis, cheveux ondulés coupés au carré sur la nuque

    - n°6 : tête d’homme mutilé

  • Statut de la propriété
    propriété privée
  • Intérêt de l'œuvre
    à signaler
  • Protections
    inscrit MH
  • Précisions sur la protection

    Bâtiment médiéval dans sa totalité et puits (cad. B 2491 et B 2494): inscription par arrêté du 23 septembre 2024.

La "maison des évêques" jouit d’une qualité de construction remarquable doublée d’un très bon état de conservation général. L’édifice offre un exemple particulièrement rare – quasi unique dans le secteur – de plancher à trois systèmes et adopte plusieurs formules apparaissant comme novatrices pour le milieu du XIVe siècle (croisées, équipements domestiques incorporés, escalier à vis à marches autoportantes). L’étude du bâtiment montre une grande homogénéité qui s’exprime notamment dans le traitement des ouvertures (portes à arc brisé chanfreiné et arrière voussure segmentaire, fenêtres croisées à arrière-voussure segmentaire équipées de coussièges) et dans la parfaite imbrication des élévations avec les ouvrages de charpente.

  • GUIBAL, F. Analyse dendrochronologique de la maison de la Notairie (Béziers, Hérault). Rapport, Institut méditerranéen de biodiversité et d’écologie marine et continentale, décembre 2020.

  • GINOUVEZ O. Château de l’évêque, rapport de diagnostic. INRAP Midi-Méditerranée, mai 2023.

  • LOPPE et al, Hôtel Christol (Béziers, Hérault), Synthèse historique, Etude archéologique du bâti, rapport final, août 2023.

Documents d'archives

  • AD Aude. Fonds Rieux-Mérinville, château de la Livinière. 2 E 7-9.

    AD Aude : 2 E 7-9
    Château de Puissalicon, 1368 (vidimus de 1438)
  • AD Hérault. Série C : C 77 Lettres du cardinal Dubois, de d'Aguesseau, d'Argenson, d'Armenonville, duc d'Antin, Dodun, de La Vrillière, Le Peletier, d'Ormesson, et minutes des réponses de l'intendant. 1718-1723.

    AD Hérault : C 77
    Demande d'Ignace Audibert en dispense de grades pour gérer l'office de viguier de la justice royale de Puissalicon
  • AD Hérault. Série P ; sous-série 3 P : 3 P 3652. Plan cadastral de la commune de Puissalicon, 1831.

    AD Hérault : 3 P 3652
  • AD Hérault. Puissalicon, matrice du compoix de 1606, tomes 1 et 2, 224 EDT 204 ; 224 EDT 205.

    AD Hérault : 224 EDT 204 ; 224 EDT 205
  • AD Hérault. Puissalicon, "Livre du nouveau compoix terrier" de Puissalicon de 1691. 224 EDT 208.

    AD Hérault : 224 EDT 208
  • AD Hérault. "Pons Tisserand, prieur de Notre-Dame d'Aumelas, comme procureur de noble et puissant seigneur Nicolas de La Jugie, chevalier seigneur des places de la Livinière et Puissalicon, reconnaît avoir reçu des mains de Pierre Rossel, consul de Puissalicon, avec Jean Conas et Bernard Villemagne, la somme de 50 francs d'or bon et de bon poids, en déduction d'une plus grande somme due par la communauté" : acte dressé par Ranulph de Canaux, notaire à Puissalicon (13 janvier 1371). 224 EDT 62.

    AD Hérault : 224 EDT 62

Bibliographie

  • MAHUL. Cartulaire et archives des communes de l'ancien diocèse de Carcassonne. Paris, 1857-1872, V volumes.

    T. IV
  • Le Cartulaire municipal de Puissalicon (XIIIe - XVIIe s.) : transcription de la traduction française de 1680. BARTHES H., GUIBERT P. In : Cahiers de la Société archéologique, scientifique et littéraire de Béziers, 2001, n° 8.

  • BOURIN M. Villages médiévaux en Bas-Languedoc : genèse d’une sociabilité (Xe-XIVe siècles). Paris, L’Harmattan, 1987, 2 vol.

  • BOURIN et al., Images oubliées du Moyen Âge, les plafonds peints du Languedoc Roussillon, collection DUO Monuments Objets. Montpellier, DRAC Languedoc-Roussillon, 2011.

  • BOUTICOURT Emilien. Charpentes méridionales, Construire autrement : le Midi rhodanien à la fin du Moyen Âge. Arles, Editions Honoré Clair, 2016.

  • DE MERINDOL C., La maison des chevaliers de Pont-Saint-Esprit, tome 2, Les décors peints, corpus des décors monumentaux peints et armoriés du Moyen Âge en France, 2000-2001

    DRAC, Occitanie
  • JOFFRE Michel « Notes historiques et généalogiques sur le château et les seigneurs de Puissalicon », Hommage à Jacques Fabre de Morhlon, Mélanges historiques et généalogiques Rouergue - Bas-Languedoc rassemblés par Jean-Denis Bergasse. Albi : Ateliers Professionnelles de l’O.S.J, 1978, p. 311.

  • PEYRON J., Les plafonds peints gothiques en Languedoc, Thèse de 3e cycle de l’Université Paul Valéry, Montpellier, 1977, 2 vol.

    DRAC, Occitanie

Périodiques

  • BEZIAT L. « La famille de la Jugie jusqu’en 1559 », Histoire et Généalogie du Minervois, 2014.

    AD Aude
  • GRAMAIN M. La Communauté de Puissalicon (1250-1350). In : FEDERATION HISTORIQUE DU LANGUEDOC MEDITERRANEEN ET DU ROUSSILLON. Béziers et le Biterrois : XLIIIe congrès (Béziers, 30-31 mai 1970).- Montpellier : Fédération historique du Languedoc Méditerranéen et du Roussillon, 1971.- pp. 165-177 (Actes du Congrès de la Fédération historique du Languedoc méditerranéen et du Roussillon ; 43)

  • SÉRAPHIN G., « Les fenêtres médiévales : état des lieux en Aquitaine et en Languedoc », dans Mémoires de la Société Archéologique du Midi de la France (M.S.A.M.F.), hors-série, 2002 (La maison au Moyen Âge dans le Midi de la France), pp.145-201.

Date(s) d'enquête : 2023; Date(s) de rédaction : 2024
(c) Pays d'art et d'histoire Haut Languedoc et Vignobles
(c) Inventaire général Région Occitanie
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