• étude d'inventaire
hôtel des Trésoriers de France
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Inventaire général Région Occitanie

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Montpellier centre - Montpellier
  • Commune Montpellier
  • Adresse 5 rue des Trésoriers de France
  • Cadastre 1977 HN 46
  • Dénominations
    demeure
  • Appellations
    Hôtel des Trésoriers de France

Résumé. Elevé pratiquement a novo vers 1448 par l'architecte Simon de Beaujeu pour Jacques Coeur, grand argentier du royaume. Acquis et rénové en 1632 par les trésoriers de France, puis remanié une nouvelle fois pour la même administration à partir de 1676 par l'ingénieur de La Feuille, inspecteur du canal des deux mers, assisté du maçon Antoine Arman. Achat, à la vente des biens nationaux, par François-Xavier de Lunaret, conseiller à la cour royale de Montpellier, rénovations diverses pendant les trois derniers quarts du 19e siècle.

L'hôtel de Dame Urbaine puis de Jacques Coeur : La première mention connue du fonds sur lequel est édifié l'hôtel des Trésoriers de France, apparaît dans le compoix de l'année 1429 qui le désigne comme étant la propriété d'une " madona Hurbana ", veuve d'un Urbain en lequel il faudrait reconnaître Urbain Grimoard de Senhoret, juge de la " Part Antique ", conseiller au Consulat et propre frère du pape Urbain V. Le fonds unissait alors les deux parcelles portées au cadastre contemporain sous les numéros 46 et 47 et résultait sûrement d'une opération de remembrement, car les anciens rôles de taille situent dans cette région de l'île un "passatge ", une venelle, qu'il est impossible de localiser avec une absolue certitude, mais dont les puits de lumière de l'hôtel des Trésoriers semblent jalonner le parcours et perpétuent peut être le cheminement. Cette venelle se poursuivait d'ailleurs dans l'île voisine du Consulat, où divers indices archéologiques permettent encore d'en reconstituer le tracé. Le document fiscal de 1429 s'attarde à décrire les deux éléments dont est composé le fonds de Dame Urbaine : l'un sur lequel celle ci a sa demeure et que le compoix dénomme " l'ostal gran " ; et l'autre, qu'il appelle 11 le petit ostal ", et qu'il dit se trouver tout en ruines, façe à l'église paroissiale Sainte Foy - depuis chapelle des pénitents blancs blancs. En tout, ces deux superbes parcelles traversantes totalisaient une superficie de près de 1900 m2.

On ignore à quelle date et dans quelles circonstances précises Jacques Coeur devint l'acquéreur de ce fonds : aucune trace de la transaction n'est parvenue jusqu'à nous et le compoix de 1448, dans lequel devrait s'en trouver mention, omet de signaler le " local " et son nouveau propriétaire : aussi bien au cours d'une de leurs délibération relatives à la réfection du nouveau compoix, les Consuls montpelliérains avaient-ils trouvé à propos d'exempter de la taille les biens de ce considérable personnage, bienfaiteur potentiel de leur ville : il est donc normal que celui ci ne figure pas sur la liste fiscale. Seule est signalée dans le compoix de 1448, tout à fait indirectement et seulement à titre de confront, " lo estable de mossen l'argentié " : or cette étable, comprise dans la liquidation des biens de Jacques Coeur après la disgrâce de celui ci en 1454, fut mise en vente et acquise pour 110 livres par un bourgeois montpelliérain, Philibert de Nèves. La liste des mutations de propriété, complète depuis cette transaction, permet d'identifier l'emplacement de cette étable avec la parcelle n° 47 du cadastre contemporain.

Quant à " l'ostal gran " de Dame Urbaine, mis en vente au même moment que l'étable pour 825 livres il fut d'abord retiré des enchères pour être proposé à nouveau et, cette fois, pour la somme considérable de 1000 livres : " pour ce que la Grant maison qui fut dudit cuer ... n'estait mise à prix que 825 livres, qui n'estoit pas prix raisonnable, par l'advis de Monseigneur de Carcassonne et autres commissaires je l'ay mise pour le Roy à 1000 livres " dit le journal de Jean Dauvet, liquidateur des biens de l'Argentier.

" La Grant maison que Jacques Cuer avait " déclare un peu plus loin le manuscrit de Dauvet, " a esté délivrée au Procureur du Roi comme dernier enchérisseur soit à Jehan Forestié, Seigneur de Vauvert, ennemi juré de Jacques Coeur, l'un des artisans les plus acharnés de sa perte que l'on trouve mentionné quelques années plus tard, au compoix de 1470, comme étant le propriétaire de la maison - reçue sans doute du monarque à titre de gratification pour ses bons services dans l'affaire de l'Argentier.

Dés lors la liste des mutations de propriété, sans lacune jusqu'à nos jours, permet, sans aucun doute possible, d'identifier la demeure avec la parcelle n° 46 du cadastre contemporain : et c'est sur elle qu'est édifié l'hôtel des Trésoriers de France. Cette identification, conforme aux assertions des historiens les plus anciens notamment d'Aigrefeuille - ne peut donc faire l'objet d'aucun doute et la controverse lancée en 1899 par l'historienne Louise Guiraud ne repose en réalité que sur une interprétation fautive du compoix de 1448 dans lequel l'érudite, ayant pris la partie pour le tout a voulu voir l'hôtel de Jacques Coeur dans ce qui n'était que son étable : l'examen de la médiocre voisine aurait pu éviter cette bévue et la confuse discussion qui s'en est suivie.

Enfin le nom de Forestié ne se trouve en aucune façon dans le compoix de 1445 où Louise Buiraud prétend l'avoir lu. Jacques Coeur fit-il procéder à des travaux sur sa demeure montpelliéraine ? certainement, et ce sont encore les papiers du procureur Jean Dauvet qui documentent cette campagne : un changement de parti étant intervenu en 1448 sur le chantier de la Grande Loge des marchands - pour lors en construction (voir cette notice) - Jacques Coeur y fit prendre des encadrements de baies devenus sans usage pour les mettre à sa propre maison : quant aux linteaux dit le journal du procureur, " et autres pierres d'icelles croisées, qui furent taillés selon le devis et premier marchié, ( ils ) furent portés en l'ostel du dit Jacques Cuer, en ceste dicte ville, et là en fut emploié partie".

Après Jehan Forestié, c'est sa fille, " Dame de Monsauren ", comme le désigne le compoix - ou de Monsoreau -, qui possède l'hôtel que se transmettent à sa suite ses héritiers, jusqu'à l'acquisition de la demeure, vers 1550, par Simon de Fizes, sieur de Sauve et gouverneur de la place de Montpellier.

Vers la fin du XVIe s l'immeuble passe par le jeu des alliances matrimoniales, à Jean des Ursières, seigneur de Castelnau, lui aussi gouverneur de Montpellier, et sous lequel la demeure prend le nom, peu usité dans cette ville, de " chastel " de Castelnau, probablement suggéré par l'ampleur du parti architectural, dont la grande vue urbaine de la cosmographie Universelle de Sébastien Muïnster, donne un aperçu avantageux.

L'hôtel des Généraux, puis des Comptes. En 1480 cependant, l'immeuble avait déjà perdu sa fonction exclusive d'hôtel particulier et nous savons par les compoix que, dès cette date, une partie en était louée par la cour des Aides dont le nom s'attacha à la demeure longtemps après le déménagement de cette juridiction au " palais " : la vue de Sébastien Muînster, en 1544, donne encore la maison pour celle des " Généraux ". A leur place pourtant s'était établie, au moins depuis 1523, la Cour des comptes qui conserve ses bureaux dans l'immeuble jusqu'à une date indéterminée. Les Trésoriers de France, enfin, choisissent à leur tour de louer les mêmes locaux en 1606. Après une courte éclipse pendant la décennie de 1520 au cours de laquelle les Trésoriers ont leur siège à Béziers puis à Pézenas, ils regagnent Montpellier et, en 1632, délibèrent d'acquérir le " chastel " de l'héritière de Castelnau, Yolande des Ursières : l'acte de vente, conclu pour 21000 livres, comprend, outre l'hôtel, un jardin situé à l'abri des courtines de l'enceinte, dans l'île voisine des pénitents blancs.

L'hôtel des Trésoriers de France. L'immeuble tel que le reçoivent les trésoriers n'est pas parfaitement adapté aux besoins de la compagnie et plusieurs travaux s'imposent d'urgence pour raccommoder ses parties les plus vétustes ; l'année même de l'acquisition de l'hôtel, Simon Levesville, " maître des ouvrages royaux en la sénéchaussée et gouvernement de Montpellier "est prié de dresser le devis des réparations nécessaires ". Il ne s'agit dans ce document daté du 27 novembre, que de changer des portes, vitrer des croisées, abattre des cloisons, curer un vieux puits afin de le remettre en service etc : le propos est de consolider la bâtisse, l'assainir et améliorer ses distributions ; en aucun cas d'en modifier le parti d'ensemble ni d'en changer l'esthétique. Aucun document ne nous indique dans quelles conditions ces travaux furent réalisés, ni même s'ils le furent.

En 1676 une rénovation général de la vieille demeure, devenue paraît-il d'une vétusté alarmante, s'impose à nouveau dont le roi, aurait donné l'ordre. Paul Alexis de la Feuille, sieur de Merville, " inspecteur pour le roi aux ouvrages du canal de la communication des deux mers, en Languedoc", est commis à l'exécution d'un devis : le document, achevé le 15 juin 1676, est agréé par l'Intendant de la province et les travaux sont baillés à prix fait et adjugés selon la procédure habituelle de la " moins dite ", pour 11 000 livres, à Antoine Armand, " entrepreneur et architecte de Montpellier, " suivant la double titulature que lui donnent le procès verbal de l'adjudication ( 24 juillet 1674 ) puis le contrat de bail ( 19 août). Ce dernier stipule que l'entrepreneur devra commencer le chantier par la démolition de la vieille vis de l'escalier et son remplacement par un escalier à trois volées suspendues, en cage ouverte, avec sa façade à trois ordres superposés et son couvert en forme de dôme. Cet escalier devant distribuer le seul étage noble, un " petit degré à vis " ajouré d'arcs rampants sur un puits de lumière a aménager au dos de la grande cage, est prévu dans le même chapitre du contrat. Ce dernier stipulait encore que les travaux devraient être livrés achevés dans les douze mois : quatre ans et huit mois plus tard le chantier s'éternisait encore. A la demande de l'entrepreneur, inquiet des dépassements au devis intervenus à la demande des trésoriers pendant le cours des travaux, une vérification générale des ouvrages est ordonnée et Alexis de la Feuille, commis par ordonnance de l'Intendant du 12 avril 1688, pour procéder aux formalités d'usage. Le Procès verbal, rédigé par l'inspecteur royal, met en regard sur deux colonnes les articles du devis et la description des ouvrages accomplis : un seul, sur les quatre chapitres que comportait le devis, a été effectivement réalisé, le premier auquel était astreint Armand, le grand escalier. Encore le document nous apprend-il que les proportions initialement prévues pour cet escalier ont été considérablement amplifiées en cours d'ouvrage et que la superficie de la cage, d'abord projetée de 30 cannes carrées, a été portée en réalité à 45 cannes carrées. C'est apparemment en ces augmentations que sont passées les 2038 livres de dépenses que les comptes de l'inspecteur font apparaître en sus des 6000 livres auxquelles avait été initialement évaluée la construction de l'escalier. La Feuille donne ensuite un état détaillé de plusieurs menus ouvrages non prévus au devis et réalisés à la demande des trésoriers comme étant nécessaires à l'amélioration de leur maison : percements des portes dans l'appartement du Doyen, escaliers secondaires devant relier les bureaux aux appartements de flbnction des étages, cloisons ou cheminées etc. Les exigences de la commodité ont pris le pas sur le décorum : ces dépenses supplémentaires se montent à 1178 livres et la Feuille doit constater que les 584 livres encore intacts pour atteindre le montant de l'adjudication, ne pourront suffire à l'accomplissement du reste du contrat. Ce dernier prévoyait encore de transférer l'entrée principale de la demeure " de la petite rue fort étroite et tout à fait incommode " où elle se trouvait jusqu'alors pour la placer du côté opposé, au levant, du côté de l'ancienne église Sainte Foy, " où les aborts sont aizés "; de faire sur cette façade une grande porte monumentale et d'ouvrir un passage à travers le corps d'entrée pour gagner la cour. Un autre chapitre du devis prévoyait encore de réparer l'appartement du doyen. Un dernier chapitre enfin, concernait la réfection du corps de logis " du côté de l'ancienne entrée, sur la petite rue ". Sous cette nomenclature anodine, c'est en réalité la rénovation complète de la demeure qui était programmée et sa réédification en un somptueux " palais des Finances " d'un goût entièrement moderne. On manque d'informations textuelles sur la suite de l'entreprise qui, l'escalier achevé et les façades de la cour harmonisées, tourna court.

En 1685, on procède à de nouveaux travaux de sous oeuvre dont l'entrepreneur est, encore, Antoine Armand. Puis en 1705 s'ouvrent de nouveaux chantiers confiés cette fois à Béléze ( ? ) " maître plâtrier " de la ville. Le contrat de bail mentionne la " nécessité pressante " de ces travaux. Il comporte deux chapitres : réfection complète du plafond de la cage d'escalier devant former fausse voûte en arc de cloître ; et consolidation de la charpente du couvert : " sera miz un chaciz au pourtour du dôme ... arresté par quatre équières de fer aux quatre quoinz ... pour retenir l'écartement de la charpente ".

Les années 1730 - 1731, voient de nouveaux travaux, de peu de conséquence, dans la demeure : notamment l'on transporte la chapelle jusque là " scituée au rez de chaussée de la rue dans un endroit si peu convenable ... dans l'une des salles du 1er étage ". Le Grand plan certain de 1734 la montre dans son emplacement primitif. De plus l'on enlève a quelques fenêtres sur la rue leurs " meneaux de pierre de taille qui oste le jour ". L'adjudicataire de cette campagne est Jacques Desfours.

Le dôme de la cage d'escalier avait déjà donné quelques inquiétudes en 1705 - soit 25 ans à peine après sa construction. Plus graves paraissent celles qu'il se remet à susciter en 1737. A cette date le syndic des Trésoriers représente à l'Intendant que " le poids de cet édifice afaissoit si fort le mur de la façade construit sur huit colonnes qu'il l'avoit fait sortir de son aplomb " ( ce qui peut encore se vérifier aujourd'hui ) "et qu'il ne serait point prudent de le réparer dans la même forme ". De Bernage, l'Intendant, commit donc deux architectes, Etienne Giral et à nouveau Jacques Desfours pour dresser devis des travaux. L'expertise des deux hommes justifie amplement toutes les craintes : le dôme disent-ils " a été anciennement constitué d'une forme piramidale reanfflée vers sa baze, d'une si foible charpente composée de plusieurs courbes qui ne sont liées que par les lattes où sont clouées les tuiles et par les listeaux intérieurs qui forment le vieux platfonds, de sorte que cette construction est si peu solide, et même si peu en uzage dans ce païs à cause des grands vents extraordinaires qui y régnent que MM les Trésoriers furent obligés il y a environ vingt cinq à trente ans " (en fait, on l'a vu, en 1705), " d'y faire faire au dessous une seconde charpente ". Depuis lors, déclarent les experts " le couvert n'a pas laissé de se dégrader insensiblement parce que ces sortes de couverts ne sont pas en usage et que nos ouvriers n'ozent pas y aller pour les réparer ". Ils proposent donc de le supprimer et de le rétablir " suivant l'uzage ordinaire du paîs " soit : " en deux pentes ". Pour ce faire ils proposent de remonter les quatre murs de cage, " de former un frontispice " en façade sur cour et un pignon sur le mur opposé " pour accompagner les deux pentes qu'on doit donner au nouveau couvert ". Ce qui fut en effet réalisé.

L'hôtel de Lunaret. Déclaré bien national, après la dissolution de la compagnie, la maison est mise en vente en 1791, et acquise par François Tandon, négociant. Elle est vendue à nouveau en 1826 par Jean Jacques Tandon fils du précédent, et achetée par Rose Belmont, épouse de Aphrodise François Xavier de Lunaret, conseiller à la cour Royale de Montpellier.

Aussitôt installé dans le vieil hôtel des Finances, Lunaret entreprend dès 1826, de porter le grand escalier jusqu'au second étage, en lui ajoutant trois volées droites supplémentaires et un palier : l'architecte est Noël Nanquette et Jean Joseph Daras, ou Darac, " Maître maçon patenté à Montpellier ", l'entrepreneur. On peut noter dans le devis de ces travaux le souci de traiter les nouveaux ouvrages en conformité avec ceux de 1676 fut-ce au prix de quelques tricheries techniques : " le palier du second étage... sera construit en charpente ... son plafond en plâtre blanc formera un demi berceau, il imitera autant qu'il sera possible la coupe et le platfond du dessous du palier du premier étage ".

La seconde grande entreprise de Lunaret, sous la conduite du même architecte et avec la participation du même entrepreneur fut ensuite - 1826 à 1829 - de remanier l'entière façade orientale de la maison, du côté de sainte Foy et d'y faire reporter la grande entrée de la maison - comme l'avait rêvé naguère Alexis de La Feuille. Après 1833, Lunaret acquiert une maison mitoyenne de la sienne, la maison Lescure, dont l'une des façades, aveugle, dresse l'une de ses élévations sur la cour des trésoriers, face au grand escalier, et l'autre suit l'alignement de la façade occidentale de l'hôtel. Le conseiller s'emploie à rénover ces façades pour les mettre en harmonie avec le reste de la maison.

Les entreprises de Lunaret connaissent une assez longue pause au terme de laquelle le Conseiller se lance dans de nouvelles rénovations : pavage du grand escalier et réfection de son plafond sur les dessins, classiques encore, de l'architecte Margouirès en 1870 ; création d'une allée d'entrée, de style troubadour cette fois, dans le quartier occidental de la maison, toujours sur le dessin de Margouires lequel propose dans les mêmes années les projets non réalisés d'un oratoire néogothique, à créer sur le ponceau reliant l'hôtel à la chapelle des pénitents blancs. Dans les appartements c'est encore aux styles historiques que sacrifie Lunaret en commandant en 1867 à la maison Vireben de Toulouse une énorme cheminée de staff à sujets et devises inspirés du siècle de Jacques Coeur et divers décors que les documents du temps certifient de " style renaissance ". Madame de Lunaret une fois veuve poursuit l'oeuvre d'embellissement du défunt conseiller et fait placer une cheminée et divers décors de plâtre de " style moyen âge " sur les dessins de l'architecte Jules Février.

L'héritier du Conseiller et de Rose Belmont, Léon de Lunaret, mort sans descendance, lègue la demeure en 18... à la Société archéologique de Montpellier. La maison Lescure nouvellement acquise par Lunaret avait une autre façade sur la rue des Trésoriers de France. Lunaret la fit mettre en harmonie avec le reste de sa maison, et reproduire la modénature des haies et prolonger les bandeaux de division d'étapes - Le dessin de cette réfection existe, mais il est sans date et sans signature ( Nanquette ? )

En 1834, J.J.Darrac, le maçon patenté dont Lunaret ne cesse plus de s'attacher les services, s'engage à faire la réparation à la portion de maison acquise par Madame de Lunaret des héritiers de Adhémar Labaume, et située rue des Trésoriers de France.

L'escalier ne sera totalement achevé qu'en 1876-1878. C'est alors que, sur des dessins de Margouirès, architecte à Montpellier, Lunaret commande à la Maison Noël Estève - spécialisée sous l'enseigne de ND de La alette dans la vente d'articles religieux et comme telle en relation avec des marbriers d'Italie - le revêtement de sol en marbre d'Italie pour paver le rez de chaussée, le repos et le grand palier de l'escalier. Du même Margouirès existent encore les dessins préparatoires datés aussi de 1878 pour les motifs de fleurons en plâtre décorant le plafond de la cage. Au même moment - et avec le même architecte - Lunaret s'intéresse un temps au projet d'aménager un oratoire ayant regard à l'intérieur de la chapelle des pénitents blancs avec laquelle Lunaret possède une chambre mitoyenne, sur le ponceau franchissant la rue Jacque Coeur - Divers dessins de Margouirès pour une chapelle de style troubadour, conservés dans les archives de Lunaret, se rattachent peut être à ce projet.

En 1878-79, Margouirès dessine encore le porche dans oeuvre, lui aussi de style troubadour, qui commande l'entrée de l'hôtel du côté de la rue des Trésoriers de France - Au contraire de la chapelle, dont- les dessins sont demeurés sans suite, ce projet a été exécuté.

La rénovation de la salle à manger date des années 1867 : la pièce maîtresse du décor est une imposante cheminée avec " encadrement, colonnes et statues suivant dessin " oeuvre de la Maison Virebent et frères, 4 rue Fourbastard à Toulouse, qui fut "livrée en même temps que quatre couronnements de porte, à fleurons crochets et armoiries, dans un style assorti rappelant le XVe siècle, en staff probablement comme l'est aussi la cheminée. C'est Jacques Coeur, ancien occupant présumé de la maison qui fournit le motif de la décoration : les phylactères entrelacés avec les figures accostant la cheminée portant les devises du grand argentier : en bouche close n'entre mouche etc, et ses armoiries.

La même manufacture livre l'année suivante une autre grande cheminée, mais cette fois de " style Renaissance", ainsi qu'un " chambranle et son décor " : ce sont probablement là les éléments du décor du petit salon adrtenant à la salle à manger, depuis appelé chambre de la Reine : il s'y trouve un portrait d'après Rubens de la reine Marie de Médicis commémorant paraît-il un séjour de la souveraine dans cette maison.

Madame de Lunaret poursuit l'oeuvre de son mari en procédant à l'aménagement du grand salon en 1883 - 1884. Ici le clou du décor est une grande " cheminée en staff se composant de pieds droits ... traverse avec écussion aux armes de Madame la Comtesse, au-dessus de la traverse galerie de onze niches, pinacles, colonnes et nervures entre ; dans ces niches, figures représentant des guerriers hommes d'armes, pages etc ... onze modèles différents ... armature de fer " - comme accessoires, il y a la porte d'entrée du salon, " de style Louis XII ". Le tout est l'oeuvre de Houguenade, sculpteur, et fils ( 14 rue des Apennins à Paris ). D'après les dessins de Jules Février architecte ( 3 rue de la terrasse, Paris-Monceau ) - du même architecte et de la même année existe le projet d'un décor peint " en style moyen âge " pour le plafond d'une des pièces de l'hôtel Lunaret - le même salon, peut-on croire, auquel était destinée la cheminée.

En 1884 c'est au style Louis XVI que sacrifie la comtesse de Lunaret : Henri Van den Broucke successeur, tapissier, s'engage à livrer à l'hôtel un salon Louis XVI composé de 8 fauteuils, 4 chaises, un canapé etc ... Du même moment date peut être la cheminée, elle aussi Louis XVI, dont nous est parvenu le dessin et qui a été effectivement construite pour l'un des salons ouvrant sur la terrasse de l'hôtel, du côté de la rue Jacques Coeur. On ne sait de quand exactement datent la cheminée et les lambris du " salon de compagnie " dont les dessins préparatoires, signés Galinier ainé, nous sont parvenus.

Enfin il y a lieu de signaler plusieurs dessins de style néoclassique datables des années 1820-1830 de cheminées, encadrements ou peintures de baies conservés dans les archives de la famille de Lunaret qu'on semble pouvoir rendre encore à Galinier.

La Demeure médiévale - En dépit des profonds remaniements qu'eut à subir l'immeuble en cours des campagnes des 17 et 19e siècles, il subsiste suffisamment d'éléments pour restituer les principales dispositions de la demeure telle qu'elle se présentait avant les interventions des Trésoriers de France. Plusieurs baies à croisées, presque intactes, portant leur modénature caractéristique du milieu du 15e siècle, permettent de restituer ses alignements médiévaux notamment sur la petite rue en Bocador, au couchant ; sur la rue opposée, façe à la chapelle des pénitents ; et sur ce qui paraît être la venelle qui traversait l'île et que citent quelques vieux compoix.

Sur la cour des vestiges de baies, également du 15e siècle définissent aussi les alignements primitifs inchangés jusqu'à nous. Les très beaux plafonds de bois de plusieurs salles du rez de chaussée et de l'étage noble, datables eaux aussi du 15e siècle donnent d'autres indications sur la répartition des salles à l'intérieur de l'hôtel.

Le passage sur rue, reliant l'hôtel à l'ancienne église sainte Foy, est contemporain lui aussi des éléments précédents comme l'attestent ses baies et son plafond de bois, ainsi que les substructions de la tour octogonale où était la " grand vis " et que l'on observe encore dans les caves de l'immeuble. Toutes ces indications permettent de voir que "l'Ostal" primitif, se composait comme aujourd'hui de deux "quartiers" opposés sur deux rues, que séparait une "grande basse cour" centrale, souvent signalée par les textes anciens. Sur cette dernière s'ajourait la tour d'escalier laquelle, s'il faut en croire la gravure de la cosmographia universalis, constituait par sa hauteur l'un des points forts de la silhouette urbaine : elle était amortie d'un crènelage ou d'un feston de motifs en forme de pinacles et coiffée d'un toit en pavillon pyramidal. Le Devis des réparations de 1632 mentionne deux " galleries " hautes, attenantes à la tour d'escalier : selon toute apparence, c'est sur de semblables galeries - loggias ou coursières - que s'effectuait, suivant la mode du temps, la distribution du corps de logis le plus éloigné de la vis.

Ce schéma, sûrement très commun à Montpellier à la fin du Moyen âge, a laissé peu de témoins intacts dans cette ville : cette indication textuelle en est d'autant plus précieuse. La demeure médiévale peut avoir eu, aussi, la terrasse qu'elle possède toujours au levant : le devis de 1632 la signale. Parmi les dispositions intéressantes de la maison on peut enfin citer la considérable hauteur du rez-de-chaussée, surtout dans le quartier ouest de l'hôtel, dont une partie au moins était probablement voûtée à l'origine. Cette proportion est caractéristique des élévations montpelliéraines les plus anciennes.

L'entreprise de 1676. La structure analytique du devis de La Feuille ne laisse pas apparaître l'ambition et la largeur du dessein architectural ; le parti d'ensemble n'est jamais clairement énoncé. De fait, le propos des trésoriers, tel qu'on peut du moins le restituer à partir de ce texte, avait été de reprendre la bâtisse dans sa totalité, d'en effacer toute trace d'esprit gothique, de lui donner une apparence "conforme à la Dignité du lieu", c'est à dire soumise aux règles impérieuses de l'uniformité, de la régularité et de la symétrie - concepts constamment invoqués au fil des 42 pages du document. Ce dernier est l'un des premiers conservés, dans la littérature locale du genre, à manifester l'émergence de ce qu'on pourrait appeler un sentiment classique de la forme, et à référer les interventions projetées aux grands principes des textes théoriques contemporains. Plusieurs croquis anonymes relatifs aux travaux envisagés par le devis, éclairent le propos de celui ci. L'un d'eux montre la façade du levant : deux ailes symétriques présentant leur pignon sur la rue accostant la terrasse ; des balustres bordent celle ci ; dans l'axe, s'ouvre une porte sur l'ordre de laquelle le devis hésite encore entre l'ionique et le dorique, qui devrait être surmontée " par une vouste (buste) du roy et trophée d'armes, pour décorer dignement le lieu " : le dessin évoque absolument la composition d'une maison à corps de portique, modèle auquel l'architecte se réfère évidemment.

Sur le même feuillet, au dessous du précédent croquis, paraît une façade ; c'est celle du corps d'entrée, côté cour cette fois. Le devis commente le même parti de symétrie qui s'y exprime : " mettre la croisière du premier étage au dessus de la porte pour empêcher une difformité choquante ; comme aussi seront refaits et placés de simétrie les trois croisières du second estage de même manière que celles du dessous pour la décoration de toute la façade ". Dans le même esprit de régularité le rédacteur du devis s'applique à corriger la "difformité d'un angle saillant" correspondantvà l'opposé de la façade de l'escalier, au mur mitoyen d'un sieur Roux : l'architecte préconise ici de créer deux fenêtres aveugles en conformité avec la modénature des autres " pour faire la simétrie aux deux croisières " de la travée voisine. Toutes les élévations sur la cour doivent être mises au même niveau et leurs percements régularisés. Même projet quant à la façade du couchant, dont l'architecte prévoit de convertir les fenêtres à croisées en italiennes et qu'il prétend conformer à la modénature des autres élévations.

Sur tous ces chapitres seul le programme de la cour fut en fait réalisé. Ces travaux non documentés eurent probablement lieu dans les dernières années de la décennie de 1670 dans la lancée des travaux de l'escalier. Quant aux façades sur rue elles conservèrent leur caractère archaïque jusqu'au 19e siècle : d'Aigrefeuille en 17... décrivant le bureau des Trésoriers comme " un vieux bâtiment gothique " dénonce clairement l'échec de la campagne de la Feuille.

Le Grand escalier. D'Aigrefeuille, il est vrai, rachète aussitôt son appréciation en évoquant le Grand escalier, " un chef-d'oeuvre de l'art " écrit-il : ce doit être un escalier appareillé " à trois rampes " déclare le devis, " suspendu à voutte par dessous ... faittes en demi berceau " : à la réalisation, l'exécutant a subsitué le berceau segmentaire au demi berceau au-dessous des volées comme au-dessous du grand palier. "Au rencontre des plans seront faits des trompes ou vouttes en arc de cloistre " ajoute le devis, en effet rigoureusement suivi sur ce point : c'est le parti même de l'hôtel de Manse construit peu auparavant et auquel le devis de La Feuille se réfère expressément au chapitre de la serrurerie, la rampe des trésoriers devant être " de même façon que celle de Monsieur de Manse, à l'exception qu'elle sera faitte plus forte, clause en effet respectée à l'exécution. Le constructeur présumé de l'ouvrage cité en modèle, Jacques de Manse, était trésorier de France. Tout incline donc à lui attribuer un certain rôle dans le choix du parti de l'hôtel des Finances, et peut être aussi dans celui de l'entrepreneur, car les détails techniques de la stéréotomie, dans l'un et l'autre ouvrages, se ressemblent de manière troublante. Comme à l'hôtel de Manse, l'architecte des Trésoriers traite la cage d'escalier comme un espace de transition, d'un statut mixte, participant à la fois du dedans et du dehors : elle forme à soi seule un corps entier de la demeure, de même largeur que la cour et entièrement ouvert sur elle à deux niveaux : l'escalier étant suspendu, rien ne recoupe cet espace qui prolonge et continue sans obstacle celui de la cour sous le couvert de la toiture.

Des fenêtres, en tout point identiques à celles des façades sur cour s'ajouraient, avant les travaux de Lunaret, à l'intérieur de la cage d'escalier, accentuant le caractère ambivalent de ce volume : ce trait existe aussi à l'hôtel de Manse. Ce traitement de l'espace, mis à l'essai dans plusieurs autres compositions montpelliéraines ou nimoises de la même décennie et de la fin de la décennie précédente, trouve dans les deux hôtels de Manse et des Trésoriers sa première interprétation classique et plus proprement encore dans le second de ces ouvrages, d'où sont bannies toutes les surcharges décoratives du premier, ses licences quant au traitement des ordres ainsi que la division rythmique en grandes et petites travées, qui donnent à la façade de Manse son savoureux accent maniériste. La composition des Finances se distingue enfin de son modèle par l'ampleur de ses dimensions, appropriée au programme d'architecture officielle qui est le sien, ainsi que par le troisième niveau, d'ordre composite, qui le couronne.

La lecture comparée du devis et du procès verbal de vérification de chantier de 1680, fait apparaître un certain nombre de variantes intéressantes entre la première idée de l'escalier des Trésoriers et la réalisation finale. Initialement, la cage avait été prévue moins large et seulement quatre colonnes, plus deux demi colonnes latérales, devaient suffire à supporter l'entablement de chacun de ses deux niveaux bas - Au second étage, seule la travée centrale devait être accostée de pilastres et couronnée d'un " frontispice " chargé en amortissement de deux paires de vases. Les " armes du roi " effectivement réalisées, puis remplacées, sous Lunaret vraisemblablement, par une fenêtre devaient contribuer à mettre en évidence cette travée centrale de la composition. Un balustre de pierre - comme à Manse - était prévu pour border le palier de l'étage noble et un faux balustre devait garnir l'intervalle des pilastres du second étage. Encore La Feuille se réservait-il la possibilité, en cours de chantier, de " changer le couronnement de la fassade au dessus de la corniche du second ordre ... pour y poser des statues sur un fronton ou autrement ".

Quelque chose de la première version de l'escalier montpelliérain a vu sa réalisation dans celui de l'Hôtel de ville de Beaucaire, oeuvre due à la collaboration de l'architecte nîmois, Jacques Cubizolle, et de l'inspecteur royal La Feuille : la cage n'occupe pas la largeur entière de la cour, d'où résulte un effet spatial bien particulier, sans nul rapport avec celui de l'escalier montpelliérain ; et aux deux niveaux inférieurs on compte seulement quatre et deux demi colonnes, au lieu de six au Trésoriers.

La cage de l'escalier des Finances était coiffée d'un dôme dont malheureusement il ne nous est parvenu aucune représentation ancienne, mais qui paraît avoir comporté un brisis. Une " fleur de lis double " en bois de peuplier revêtu de plomb doré, d'une toise de hauteur, en amortissait le faîtage : la création d'un tel couvert, à Montpellier, en 1676, paraît sans précédent. Les pavillons à brisis de l'hôtel du président Desplans, aujourd'hui détruit, sont plus tardifs, puisque la bâtisse n'a été édifiée qu'en 1682. Le Dôme de l'escalier des Finances était de plus revêtu de tuiles vernissées noires, dont l'effet devait être d'évoquer l'ardoise des toitures des édifices contemporains parisiens. A l'instigation de La Feuille, les toitures de l'hôtel de l'Evêché à Nîmes avaient également reçu un revêtement de tuiles émaillées de gris et, à Beaucaire encore, l'Inspecteur des ouvrages royaux avait imposé un dôme couvert d'ardoise, qu'il fallut abattre en 1704 comme étant peu adapté au climat venteux de la vallée du Rhône. D'autre part la technique constructive de la charpente du dôme montpelliérain paraît avoir été gravement défectueuse et il semble ressortir des expertises du XVIIIe siècle comme des clauses du devis, qu'elle ne comportait par d'entraits !

L'architecte et l'entrepreneur. Il est impossible de faire la part exacte des apports de La Feuille et de ceux d'Antoine Armand dans l'ouvrage des Trésoriers. On sait, à Beaucaire, que l'Inspecteur intervient pour faire ouvrir le second niveau de la façade de l'escalier, pour faire ôter les quatre noyaux initialement prévus aux angles des volées ou ordonner le couvert absurde que l'on sait : il se contente de modifier le parti proposé par l'architecte du Consulat, l'influençant pour lui donner une coloration plus conforme, à ses yeux aux modèles nationaux : il n'est pas l'auteur du dessin. De même, aux trésoriers, La Feuille semble influencer plutôt que conçevoir réellement : la composition qu'il prend à son compte en signant le devis, n'est que le développement d'un type local que les maîtres d'oeuvre languedociens contemporains sont en train d'élaborer. D'autre part la construction comporte dans son détail des défectuosités caractéristiques des techniques locales contemporaines : des cartouches décoratifs masquent les raccords du limon dans ses retours gauchis ; les corniches des fenêtres forment de disgracieuses rencontres avec l'entablement de la façade d'escalier etc ... L'inspecteur n'exerce qu'un pouvoir très relatif sur l'exécution et n'a cure de censurer ces fautes ; d'ailleurs le devis donne les prescriptions les plus vagues quant au détail de l'appareil et de la stéréotomie recommandant, par exemple, de traiter les " voûtes " de l'escalier " avec gros quartiers, mais sans s'attarder au détail de la coupe et renvoyant l'appareilleur aux bonnes règles de son art : curieusement aussi le devis laisse t'il passer un nombre très élevé de tournures dialectales ( " carra ", pour façe, ou façade ; " carrettes et jeassants ", pour carreaux et boutisses etc ... ) qui semblent trahir une collaboration étroite avec les praticiens locaux.

Lunaret et le projet de 1676. Cent cinquante ans après l'entreprise inachevée de La Feuille, c'est son projet que reprend, sans y presque rien changer, A.F.X de Lunaret : comme l'avait voulu l'Inspectuer royal, il reporte la grande entrée à l'Est de la Demeure. Lunaret connaît en effet le projet de 1676 et un portefeuille lui ayant appartenu conserve le dessin par lequel l'architecte du 17e siècle avait exprimé son projet pour le quartier oriental de la maison, avec son corps médian et ses deux ailes accostant la terrasse. Telle est la forme que donne en effet le Conseiller à cette partie de la maison, en mettant une modénature conforme aux canons des années 1820 et substituant à la grande entrée unique initialement projetée, trois grandes arcatures égales dont une contenant la porte d'entrée.

L'attribution à Jean Troy n'a jamais été contestée. Elle repose sur des recoupements de sources encore inédites sur lesquels il convient de faire le point. Le procès-verbal de réception des travaux de rénovation effectués à l'hôtel des Trésoriers de France, dressé en 1680, comprend au chapitre des augmentations apportées au devis initial, l'exécution d'un tableau et de son cadre destinés à la décoration du plafond de cage du grand escalier, le tout estimé pour 204 livres. Le document ne mentionne ni l'auteur ni le sujet de la peinture, mais précise cependant que celle-ci est composée de six figures. C'est elle apparemment que met en cause le devis des réparations effectuées au dôme en 1705 : le plafond que l'on refait alors doit être adapté aux mesures du tableau. (Par la suite, les sources relatives aux réfections ultérieures du "couvert" de la cage d'escalier, en 1737 et 1826 omettent d'en faire mention).

D'autre part, on conserve un état des sommes payées pour les réparations faites au bureau de MM les Trésoriers de France". Ce document fait allusion à un mandement du mois de mars 1680 ce qui permet de situer sa rédaction aux alentours de cette date. Le nom de Jean Troy y figure : l'artiste est gratifié de 105 (ou 165 ?) livres pour un travail qui n'est malheureusement pas spécifié mais qui ne peut s'identifier qu'avec le "tableau du milieu du plafond" du procès-verbal de 1680 : en effet, les autres règlements dont cet "état" fait acte ne concernent que des ouvrages compris dans ce procès-verbal.

La différence entre le chiffre mentionné dans le premier document et celui indiqué par le second, doit être mise au compte du cadre et probablement comprise dans les 123 livres versées au doreur Pouville dont le nom figure immédiatement à la suite de celui de Troy. La définition sommaire du tableau avec ses six figures, le nom de Troy, la date (entre 1676-1680) conviennent indubitablement au présent tableau. Ce dernier s'est trouvé décorer le plafond de la cage d'escalier des Trésoriers jusqu'à sa récente dépose en 1977 et paraît avoir été monté à cette place au moment de la réfection de l'escalier par Lunaret en 1826.

A ce tableau doivent être rattachées trois oeuvres conservées au musée Atger : un dessin et deux peintures.

Le dessin est une première pensée pour notre composition, à la plume et à l'encre brune sur papier (H 018 X 1 016), accompagné de la mention manuscrite : de Troy Monspelliensis fecit. Il appartenait à la collection Atger et a fait partie de la donation à la faculté de médecine en 1822.

Quant aux deux peintures, elles représentent respectivement : Pandore enlevée dans l'Olympe par Mercure et Vulcain et : le Temps et la Justice découvrant la Vérité. Les deux oeuvres sont de format circulaire (0,90 de diamètre), toutes deux évidemment composées dans le dessein d'un décor plafonnant. Elles sont exécutées à l'huile sur deux fragments d'une toile grossière, découpés dans une peinture plus ancienne ayant porté un décor de "verdures". L'exécution grasse directement appliquée sur un tel support, également gras, explique le très mauvais état et l'apparence disgracieuse des deux peintures. Cette médiocre qualité a incliné R. Mesuret à rejeter les deux oeuvres du catalogue de Jean Troy. Or elles sont toutes deux d'origine relativement ancienne et leur attribution à Troy s'est transmise par Jean Bastieu, leur premier possesseur connu, à Khunholtz auquel le collectionneur en fit don (avant 1830) pour être annexée au fonds du musée Atger. De plus, la seconde des deux oeuvres présente de nombreuses variantes par rapport au tableau de l'hôtel des Trésoriers de France : les figures y sont moins nombreuses et la composition n'y est pas complètement arrêtée. Ces divergences ne paraissent pas caractéristiques d'une copie ou d'une dérivation. Sans le donner formellement pour une étude préparatoire, il convenait de rappeler les données susceptibles d'étayer une telle hypothèse. D'autre part, le premier des deux tableaux est une dérivation évidente d'une composition de même sujet exécutée en 1658 par Lebrun pour le plafond du cabinet des Sciences de l'hôtel de La Bazinière à Paris, (et non un pastiche, comme le pense Mesuret du Temps enlevant la Vérité de Nicolas Poussin) (Thuilier 1974. Catal. n° 129) ; le modèle de Lebrun est aujourd'hui perdu, mais nous le connaissons par une esquisse passée dans le commerce (exposée en avril-juin 1975 à la galerie Joseph Hahn de Paris. Catalogue n° 13). Si l'attribution des deux oeuvres à Jean Troy s'avérait exacte on aurait une indication intéressante sur les préliminaires du tableau des Trésoriers et l'on pourrait préciser de façon éclairante les sources et les modèles d'inspiration de la première activité montpelliéraine de l'artiste.

Quadrilatère à cour centrale. Dans l'état initial la maison comportait une cour de service et un jardin arrière : la première a été convertie en puits de lumière au 17e siècle et le second en terrasse au cours de la même campagne. le coeur de la composition est la cour avec son grand degré du 17e siècle ouvert en forme de portique à colonnes libres aux deux niveaux inférieurs, à pilastres au dernier niveau.

1 Situation. Parcelle traversante cad. 1977 n° 47 comportant un dénivellé d'une rue à l'autre, racheté dant l'allée d'entrée par deux volées d'une demie douzaine de marches chacune, à l'Est. C'est cette configuration qui explique la présence de la terrasse, élément assez peu habituel de la demeure montpelliéraine à l'est.

2 Composition d'ensemble. Voir note de synthèse " l'hôtel de Dame Urbaine " et " l'hôtel des Trésoriers de France"

3 Matériaux. Le devis de 1676 donne quelques précisions sur le matériau utilisé dans la cage d'escalier et sa façade. Dans l'ensemble, l'appareilleur utilise les matériaux prescrits : la pierre de Saint Jean dans " l'ordre dorique ", et la pierre de Saint Génies, plus propre à la sculpture dans " l'ordre corinthien " et dans " l'ordre composite ". Cependant le devis n'exige cette dernière pierre au dernier étage que pour les parties sculptées et omet curieusement d'indiquer le matériau à employer aux autres parties de ce niveau. L'appareilleur a donc usé de cette omission pour utiliser des éléments de remploi de nature diverse dans cette partie de la construction pour laquelle il n'était lié par aucune servitude. Il s'ensuit un caractère d'extrême négligence dans la mise en oeuvre de cette partie qui contraste avec la relative "propreté" des autres niveaux. Sur ces derniers on n'observe en effet que de rarissimes malfaçons : un joint montant dans l'ordre dorique traverse un triglyphe ; une liaison approximative du chambranle des portes, etc ... Au niveaux inférieurs, chaque support est formé de deux éléments en délit (sans compter base et chapiteau). Les entablements sont traités en deux assises chacun : une assise basse unissant architrave et frise ; une assise haute, formant la corniche. L'assise basse est composée de trois linteaux (rez de chaussée) ou platebandes (au premier étage), et d'éléments formant sommiers correspondant un à un à chacun des supports ou couples de supports. Au rez-de-chaussée, un monolithe forme le linteau. Le joint montant au contact du sommier coïncide avec le bord extérieur du triglyphe - sauf en un cas où le joint coupe le triglyphe, négligence unique et remarquable. A l'étage l'élément principal est une plate bande coupée en trois pièces : l'élément central et un clef à crossettes. Au troisième niveau, les assises sont discontinues et les joints montants ne coïncident pas avec les changements de plan du parement (pilastres) mais tombent au hasard. On note à ce niveau quelques tasseaux.

La Demeure médiévale - En dépit des profonds remaniements qu'eut à subir l'immeuble en cours des campagnes des 18 et 19e siècles, il subsiste suffisamment d'éléments pour restituer les principales dispositions de la demeure telle qu'elle se présentait avant les interventions des Trésoriers de France. Plusieurs baies à croisées, presque intactes, portant leur modénature caractéristique du milieu du 15e siècle, permettent de restituer ses alignements médiévaux notamment sur la petite rue en Bocador, au couchant ; sur la rue opposée, façe à la chapelle des pénitents ; et sur ce qui paraît être la venelle qui traversait l'île et que citent quelques vieux compoix. Sur la cour des vestiges de baies, également du XVe siècle définissent aussi les alignements primitifs inchangés jusqu'à nous. Les très beaux plafonds de bois de plusieurs salles du rez de chaussée et de l'étage noble, datables eaux aussi du XVe siècle donnent d'autres indications sur la répartition des salles à l'intérieur de l'hôtel.

Pour un ouvrage aussi délicat que la stéréotomie de l'escalier on s'attendrait à trouver dans les termes du devis des indications précises sur la coupe des éléments comme cela devient de règle courante dans la rédaction de ce genre de textes dès la dernière décennie du 17e siècle. Or, on ne trouve dans ce document que les indications les plus vagues concernant la mise en oeuvre. Celles, par exemple, concernant l'exécution de " l'ordre dorique " lequel doit être fait avec gros quartiers comme le travail le requiert ", ou celle concernant le demi berceau des volées de l'escalier à traiter lui aussi, sans autre précision, avec " gros quartiers "... " le tout bien proprement taillé ".

De toute évidence, le mot " travail " dans la formule " comme "le travail le requiert " renvoie à la spécialité de l'appareilleur et implique une relative autonomie de son activité par rapport à l'architecte."Le travail " ( ou " l'art ", comme disent d'autres prix fait. ), c'est l'activité de l'appareilleur avec sa déontologie propre à laquelle le maître d'oeuvre n'a pas encore de part. Il n'a aucun dessin de coupe à fournir à l'appareilleur et l'on n'assiste pas encore à cette surveillance pointilleuse qui deviendra d'usage peu d'années plus tard.

Structure. Corps occidental : un étage, plus étage de combles (à surcroit). Corps oriental : rez de chaussée + mezzanine + étage noble et terrasse + étage de combles, caves voûtées (voûtes sans intérêt, plein cintre etc).

Plafonds de bois, y compris au rez de chaussée - peut-être jadis voûtés ?

Couvertures. Toits à 2 versants et tuile ronde.

Distributions. Au grand escalier en premier étage est annexée une petite vis secondaire montant au dernier étage. La distribution d'une pièce à l'autre se fait par enfilades - l'organisation des pièces d'origines plusieurs fois bouleversée n'offre pas de parti clair.

Le devis de 1676 nous apporte quelques indications sur le logis du Doyen au premier étage de l'immeuble il formait un T majuscule : sa hampe correspondait au corps d'entrée et sa traverse formait d'une part l'aile gauche sur terrasse ajourée du côté de la rue Jacques Coeur et, d'autre part le corps ajouré sur cour formant le vis-à-vis de la grande cage,d'escalier. Ce logis était constitué d'un salon, d'une grande chambre, d'une petite chambre à coucher ajourée sur la cour, d'une autre chambre ajourée sur la terrasse à laquelle le devis proposait d'annexer, en hors oeuvre et directement élevée sur la plate-forme de la terrasse, une garde-robe et un cabinet - sans compter un " privé ". Entre la rédaction du devis initial et celle du devis modificatif, que nous verrons tout-à-l'heure, il se peut que cette distribution se soit trouvée remaniée, puisque le second document fait allusion au petit salon et à la bibliothèque du doyen dont ne parle aucunement le premier texte. Toujours est-il que toutes ces pièces étaient en enfilade. Au rez-de-chaussée le doyen jouissait en outre d'une écurie et d'une remise (côté rue Jacques Coeur). Il semble aussi que le doyen ait également en jouissance du second étage où le devis modificatif localise le second logis du doyen. Le document ici analysé apporte un grand nombre d'informations précieuses sur la manière d'habiter à cette époque, information qu'il conviendra d'étudier dans le cadre d'une analyse de la demeure privée.

  • Murs
    • calcaire
    • moyen appareil
  • Toits
    tuile creuse, tuile en écaille
  • Étages
    2 étages carrés
  • Couvrements
    • voûte d'ogives
  • Élévations extérieures
    élévation ordonnancée
  • Escaliers
    • escalier dans-oeuvre : escalier tournant à retours avec jour suspendu, sur voûte, cage ouverte
  • État de conservation
    restauré
  • Techniques
    • ferronnerie
    • sculpture
  • Représentations
    • ordre antique
  • Précision représentations

    ordres antiques;garde-corps de fer forgé du grand degré

  • Statut de la propriété
    propriété privée
  • Protections
    classé MH, 1931/03/11
  • Référence MH

IMP: 20221109_POP_01 ;

Annexes

  • Documentation
Date(s) d'enquête : 1987; Date(s) de rédaction : 1994
(c) Inventaire général Région Occitanie
(c) Montpellier Méditerranée Métropole