Dans le cadre du Programme d’Orientation Interrégionale (Poi) Massif Pyrénées 2014-2020, le programme européen TCV-PYR (Thermalisme Culture Villégiature Pyrénées) financé par les fonds FEDER – Région Occitanie s'est déroulé de 2017 à 2021. Porté par l’Université Toulouse-Jean Jaurès en partenariat avec les Universités de Pau et des Pays de l’Adour et Perpignan-Via Domitia, ainsi que les services régionaux d’Inventaire d’Occitanie et de Nouvelle-Aquitaine, il consiste en deux axes fondamentaux constitués par une opération d’inventaire sur le versant nord du massif pyrénéen, sur lequel s’appuie un volet de valorisation culturelle à l’attention du grand public et des acteurs publics et privés du territoire.
L'opération d'inventaire :
L’ opération d’inventaire vise en priorité à l’étude du patrimoine bâti et immatériel généré par l’activité du thermalisme. En ce qui concerne le patrimoine bâti, au-delà des établissements thermaux, déjà connus mais nécessitant un approfondissement des recherches, il prend en compte tout type de constructions et d’aménagements réalisés dans le contexte de la villégiature thermale, en particulier les équipements destinés au public (casinos, théâtres, thermes, buvettes, parcs et jardins, promenades, hippodromes), les infrastructures facilitant l’accès aux stations thermales (ponts, passerelles, voies routières et ferroviaires, gares), sans oublier l’architecture domestique (hôtellerie, pensions de voyageurs, villas, maisons, immeubles de rapport). Il s’agit de recenser prioritairement les stations historiques – notamment celles de la route thermale de Napoléon III – mais aussi des centres dédiés aux eaux curatives plus modestes accueillant une patientèle d’origine locale comme les Bains de Secours ou la source de Camou-Cihigue dans les Pyrénées-Atlantiques. En fonction de l’histoire et de l’insertion urbaine des sites concernés, cette opération nécessite dans certains cas une approche topographique, c’est-à-dire exhaustive, – pour une agglomération exclusivement dévolue au thermalisme comme les Eaux-Bonnes et les Eaux-Chaudes – et, dans d’autres configurations, une approche thématique et donc sélective – lorsque la commune implique un habitat sédentaire et s’est développée dans d’autres domaines économiques à l’instar de Bagnères-de-Bigorre. Si le cadre chronologique s’insère essentiellement à l’époque contemporaine (XIXe et première moitié du XXe siècle) coïncidant avec l’âge d’or des villes d’eaux, les archives, la documentation et les observations de terrain peuvent amener à étendre ces limites temporelles vers les périodes antérieures ou postérieures dès lors où elles sont liées aux problématiques du thermalisme et de la villégiature.
L'organisation opérationnelle de l'enquête
L’ inventaire du patrimoine bâti et paysager fait l’objet d’une répartition territoriale entre les trois ingénieurs de recherche rattachées aux universités du projet qui oeuvrent en collaboration avec les services régionaux d’Inventaire correspondants: l’université de Pau (laboratoire EA 3002 – ITEM) traite des Pyrénées-Atlantiques et d'une partie des Hautes-Pyrénées; l’université de Toulouse (UMR FRAMESPA) étudie la partie orientale des Hautes-Pyrénées, la Haute-Garonne et l’Ariège; l’université de Perpignan (laboratoire EA 7397 – CRESEM) se concentre sur l’Aude et les Pyrénées-Orientales. Un chercheur du service de l'inventaire de la région Occitanie est intervenu en soutien pour traiter certaines stations (Bagnères-de-Luchon, Barèges, Salies-du-Salat, Argelès-Gazost, Labarthe-Rivière) et permettre de couvrir le corpus dans le temps imparti par le programme. Pour compléter ces travaux, le patrimoine paysager à grande échelle est étudié par les géographes et urbanistes du laboratoire GEODE de l’université de Toulouse qui s’intéressent notamment à l’évolution des paysages, aux modèles urbains et à la gestion des risques environnementaux, tandis que l’équipe du CRESEM de l’université de Perpignan apporte son expertise dans les domaines de l’archéologie et de la littérature, concernant notamment les thermes antiques et les récits de voyageurs anglophones. Le patrimoine culturel immatériel, incombant à l’université de Pau, fait l’objet d’un inventaire nécessairement sélectif sur l’ensemble de la chaîne des Pyrénées françaises. Des usages curatifs liés aux plantes médicinales jusqu’aux danses ossaloises, aux transhumances ou aux feux de la Saint-Jean, il est consacré aux pratiques toujours vivantes qui suscitent un sentiment d’identité et de continuité pour la population pyrénéenne et qui ont été observées par les curistes et les touristes fréquentant les stations thermales au cours de leur histoire. En plus de traiter prioritairement du thermalisme et de la villégiature, le programme européen TCV-PYR sinterroge plus globalement les enjeux et les problématiques impliqués par l’exploitation touristique des zones de montagne.
Un projet de valorisation
Le volet de valorisation culturelle passe par le développement d’outils numériques spécifiques: La médiation, essentielle dans ce programme, consiste en premier lieu en la mise en accès public de l’ensemble des notices (Architecture, Mobilier et Illustration) saisies dans les bases de données de l’Inventaire général. En parallèle, le laboratoire LIUPPA de l’université de Pau mène des expérimentations numériques dans le but de concevoir un site Internet dédié et des applications pour tablettes et smartphones à l’attention du grand public – en particulier, touristique mais aussi scolaire – ainsi que des opérateurs publics et privés concernés par le patrimoine et l’histoire de la villégiature thermale. Cette tâche implique de rassembler en un instrument commun les données de l’inventaire du patrimoine bâti et paysager et celles du patrimoine culturel immatériel, dont les fiches inventaires sont saisies d’après une méthodologie différente dans d’autres bases de données spécifiques. A terme, les outils développés par les informaticiens offriront au grand public une visualisation de l’ensemble des notices en lien avec la géolocalisation.
La valorisation du patrimoine est au service d’objectifs pluriels:
Le programme européen TCV-PYR vise tout d’abord à enrichir la connaissance sur le patrimoine et l’histoire du thermalisme moderne, en réalité assez lacunaire, voire méconnue ou altérée dans certains cas. Les contenus scientifiques produits dans le cadre de cette opération offriront en outre des éléments de valorisation aux acteurs publics et privés des territoires liés au thermalisme, en activité ou non. Ainsi ces apports substantiels pourront-ils alimenter aussi bien les travaux des aménageurs et des urbanistes, les projets des collectivités territoriales, les actions de conservation et de protection du patrimoine que la médiation touristique et culturelle par le biais d’expositions, de visites commentées et autres animations à destination du public. Il vise in fine à ce que la population locale et les édiles se réapproprient l’histoire souvent oubliée ou incomplète de leur territoire dans des perspectives à la fois culturelles, pédagogiques, techniques, touristiques et économiques.
Cadre géographique
Les édifices pris en compte par le projet TCVPYR relèvent du versant français du massif et des contours définis par la loi Montagne actualisée le 28 décembre 2016. Quelques sites en bordure de massif (Gan dans les Pyrénées-Atlantiques, Foncirgue en Ariège) sont à la frontière de ce contour et ont été pris en compte par souci de cohérence scientifique.
Les sites thermaux recensés sur le versant français des Pyrénées en zone de montagne sont au nombre de 66. Ce décompte concerne tous les niveaux d’aménagements, des simples bassins à Mérens (Ariège), des petits bains assez éphémères comme à Pédéhourat (Pyrénées-Atlantiques) aux stations illustres en prenant également en compte les projets embryonnaires comme Saint-Girons-les-Eaux (Ariège). Les sites actuels du thermoludisme, héritiers d’une exploitation plus anciennes des eaux minérales relèvent également du corpus. La carte des Eaux minérales de la France, réalisée par Eugène Jacquot pour l’Exposition Universelle de 1889 s’appuie sur le recensement effectué par le service des mines en 1883 et comptabilise 59 sites de sources hydrominérales dans les Pyrénées françaises, en laissant de côté quelques eaux ferrugineuses, très répandues.
Les six départements qui s’échelonnent le long des Pyrénées possèdent tous de tels sites : douze en Ariège et dans Pyrénées-Orientales, quinze dans les Hautes-Pyrénées et dans les Pyrénées-Atlantiques, sept en Haute-Garonne et cinq dans l’Aude. Au-delà de cette répartition administrative quelques remarques peuvent être formulées sur leurs implantations. Hormis le site excentré à l’ouest de Cambo-les-Bains (Pyrénées-Atlantiques), les sites thermaux se situent entre la vallée d’Aspe et la vallée du Tech dans les Pyrénées-Orientales soit sur les deux-tiers orientaux de la chaîne pyrénéenne qui correspondant à la haute chaîne primaire et leur répartition minérale dessinent des parallèles correspondant aux mouvements géologiques. Cette répartition des sites prend plus de sens lorsqu’on prend en compte les principales vallées pyrénéennes et leurs vallées affluentes. Les sites des Pyrénées-Atlantiques se rassemblent ainsi essentiellement en vallées d’Aspe et d’Ossau. La vallée de l’Aude concentre les stations du département éponyme qui s’échelonnent entre basse et haute vallée, mais comprend aussi les petites stations ariégeoises de Carcanières et d’Usson-les-Bains (commune de Rouze). Ces deux derniers sites et celui d’Escouloubre dans l’Aude forment un groupe assez compact, sur une étendue d’environ 3,5 km². Dans les Pyrénées-Orientales les stations se répartissent majoritairement entre la vallée de la Têt (6 stations) et celles du Tech (3 stations) de part et d’autre du massif du Canigou.
C’est dans la zone de la haute chaîne primaire, à la limite des roches cristallophylliennes et des terrains paléozoïques que se concentrent les eaux à dominante sulfurées sodiques qu’on ne trouve en France que dans les Pyrénées et en Corse. On observe de telles eaux dans 27 stations pyrénéennes qui se trouvent dans la partie la plus élevée et la plus méridionale de la chaîne, à la naissance des vallées. Ces sources ont pour autre particularité d’être toutes des sources d’eau chaude, la température atteignant 79 ° au Graus d’Olette et 77° à Ax-les-Thermes. Quatre d’entre elles dont trois sont tempérées, assez voisines entre vallée d’Ossau et vallée de de l’Adour, ont de façon équivalente une part sulfurée et chlorurée sodiques. Deux sites sont uniques : Salies-du-Salat, au cœur du piémont dans la vallée de la Garonne, est la seule station pyrénéenne à exploiter une eau chlorurée sodique ; Le Boulou possède un source bicarbonatée sodique de même type que celles du Massif Central, composition corrélative d’une provenance volcanique