Une création de la mission Racine
La mission interministérielle d'aménagement du littoral du Languedoc-Roussillon, dite mission Racine, du nom de son dirigeant Pierre Racine, a été créée le 18 juin 1963 pour mener de grands travaux afin de permettre le développement touristique du littoral méditerranéen du Gard, de l'Aude, de l'Hérault et des Pyrénées-Orientales. La mission est à l'origine de la création de six stations dont deux dans l'Aude : Gruissan et Port-Leucate.
Les opérations lancées concernent
- les infrastructures routières
- la démoustication
- les équipement hydriques, notamment grâce au canal du Bas-Rhône,
- l'assèchement des marécarges
- le creusement des ports
- les boisements
Le projet de Gruissan
Le site de Gruissan était déjà fréquenté depuis le milieu du XIXe siècle. Entre le village et ces chalets en bois, résidences de vacances des Narbonnais, s'étendait un vaste espace marécageux où serpentait un chemin. Elles se reconverties en cabane de pêcheurs et surélevés sur pilotis pour les protéger des coups de mer. Détruits sous l'Occupation en raison de la zone interdite du littoral, un premier lotissement de chalet est reconstruit après-guerre selon un plan d'ensemble de l'urbanise Raymond Coquerel. Ils furent disposés en quinconce et non en ligne pour offrir la vue sur mur au plus grand nombre. Ce fut dans un premier temps le seul secteur à vocation balnéaire mais fréquenté par une population locale.
En 1964, Raymond Gleize, prix de Rome en 1944, est nommé architecte en chef de l'unité touristique prévue à Gruissan, chargé d'en prévoir le plan d'aménagement sur 1 500 hectares soit un espace bien plus grand que les autres stations de la mission Racine. Avec l'architecte Édouard Hartané, ils conçoivent les principaux édifices de la station pendant près de trente années.
Le parti pris a été de dissocier la station touristique du village médiéval. L'unité est donnée par les toitures en voûtains destinées à adoucir le profil des immeubles, à rappeler le relief arrondi du massif de la Clape et à évoquer le rivage sud de la Méditerranée. Gruissan est la seule des stations de la mission Racine à s'implanter en retrait de la plage, permettant la mise en valeur du site pittoresque, au rebours du premier projet, très futuriste en front de mer, publié dans Paris Match le 1er août 1964. La zone boisée de La Clape et les percées sur la nature ouvertes au milieu des compositions urbaines sont une des réussites de la station.
Le programme général théorique prévoyait 42 500 lits à Gruissan. En 1971 n'étaient alors construit que 29% du programme, soit les campings et les villages vacances. Les travaux du port et du coeur de la station commencent en 1973 et la première phase s'achève en 1976. Le port devait être protégé du vent par les reliefs voisins et se rapprocher du village ancien : un avant-port fut donc créé à l'intérieur des terres qui fut creusé à partir de 1968.
Dans le projet, le centre de la station est éclaté, de part et d'autre du port principal, avec également un front de villas "lacustres" sur la plage et un chaînon de 6 "villages" de 5 000 lits au maximum, organisés autour d'un centre commercial, d'un hôtel ou d'un village de vacances et implantés sur le versant abrité du massif de la Clape. Entre ces différents ensembles étaient prévus des espaces tampons : étangs aménagés, surfaces boisées, équipements de loisir.
Le projet de villas lacustres ne fut pas mené à son terme. Seule la partie dédiée au tourisme social aux Ayguades est réalisée. Les raisons financières se sont conjuguées avec la création du Conservatoire du Littoral en 1975 puis la loi Littorale en 1986. La Clape est finalement protégée de toute urbanisation massive et les terrains acquis par la Mission sont revendus au Conservatoire du Littoral.
Le port est aménagé pour ne pas être visible depuis la terre tandis que l'arrivée depuis la mer doit être spectaculaire, grâce à un cheminement progressif à travers l'embouchure, les différents bassins et la perspective (masquée depuis par des constructions ultérieures) sur le village. Pour les bâtiments du port, les architectes imposent surtout un gabarit aux constructions et proscrivent les séries et les répétitions. Les volumes et hauteurs doivent varier sans dépasser les 7 étages et favoriser les décrochements grâce à des loggias ou les arrondis des toitures. Les voûtains caractéristiques de Gruissan permettaient de réaliser des couvertures en béton rapidement et à moindre coût. Leur profil arrondi devait adoucir les lignes et renvoyer aux formes des reliefs voisins.
On retrouve ces caractéristiques sur les lotissements notamment ceux des Romarines rue de la Hune : les Romarines I comportent 68 logements, construits entre 1975 et 1980 (439 IFA 209), les Romarines II en comptent 48 édifiés enter 1978 et 1983 (439 IFA 210) et les Romarines III, 70 logements des années 1979-1982 (439 IFA 211).
Les logements sont petits, avec une moyenne de 30 m2 car une telle superficie semblait se prêter aux modes de vie des vacanciers projetés. Les premiers ventes, en 1974 sont entre 1 600 F et 1 800 F le m2, mais quatre ans plus tard, les prix ont doublé.
Les infrastructures de loisirs sont construites dans un second temps : tennis, capitainerie (1981) et base de voile, minigolfs, voies d'escalades.
La station balnéaire construite par le binôme d'architecte comprend un port de plaisance avec capitainerie, complété par 5 200 logements, un théâtre de plein air de 800 places et une nouvelle mairie. Les architectes ont finalement choisi le principes d'immeubles peu élevés entourés d'espaces publics mêlant piétons et automobiles.
La protection du patrimoine de la mission Racine
La DRAC a lancé fin 2009 une opération de reconnaissance et de labellisation de l' architecture tant décriée des stations balnéaires de la Mission Racine. Après l' examen du dossier de la Grande-Motte début 2010 pour l' ensemble de l' oeuvre de Jean Balladur, la Commission Régionale du Patrimoine et des Sites du 16 novembre 2010 a examiné la labellisation de certains éléments des autres stations : le Cap d' Agde (Hérault), Gruissan (Aude), Port Leucate (Aude), Port Barcarès (Pyrénées-Orientales). A Gruissan, c'est le port avec les immeubles donnant sur le bassin principal avec la capitainerie, qui a été labellisé.