Caunes se trouve à 2 km au nord de lancien chemin de lEstrade daxe est-ouest qui suit le pied de la Montagne Noire et reliait dès lAntiquité les mines du Cabardès et Narbonne et desservait de nombreuses villae et autres sites doccupation. Au niveau de Caunes, il reste matérialisé par la limite avec la commune de Laure-Minervois et il était encore représenté sur le cadastre de 1827. Le territoire de Caunes a révélé plusieurs sites doccupation antique. Le site du Cros, 2 km au nord-est, apparaît comme un habitat perché avec enceinte, occupé pendant le Bronze final et le 1er âge du Fer et abandonné au début du 6e siècle avant notre ère. Le site de Villerembert, à 2,5 km à louest du bourg, a livré du matériel des dernières décennies du 2e siècle avant notre ère. Entre 1 et 2 km en amont du bourg, il existait aussi de nombreuses grottes de la vallée de lArgent-Double (OURNAC, p. 246-247). Parmi elles, la grotte de Buffens a livré du mobilier de lâge du Bronze final et du début de lâge du Fer, mais aussi des 5e et 6e siècles. Il pourrait sagir dune occupation « liée à des activités pastorales à la rencontre de deux secteurs anciennement complémentaires, la plaine et le causse », mais des études complémentaires seraient nécessaires alors que la fonction du site ne peut pas encore être clairement déterminée (BAUDREU, RANCOULE, 2010, p. 13-23).£Un acte de 791 émanant de Magnarius, comte de Narbonne cite des témoins indiquant que les limites de la villa de Caunes, appelée villa Buffentis, étaient les mêmes que « du temps des Goths » (Histoire Générale de Languedoc, t. II, pr. 57-58), dont le royaume fut supprimé en 711. Une église dédiée à saint Geniès, martyr dArles au milieu du 3e siècle, est mentionnée dans cet acte. Cest la plus ancienne évocation dun lieu de culte en pays dAude et si le territoire de la villa était rattaché à cette église, elle pourrait donc dater de lépoque gothique (GRIFFE Élie, Histoire religieuse des anciens pays de lAude : des origines chrétiennes à la fin de lépoque carolingienne, Picard, Paris, 1933, p. 223-224). Durant le Moyen Âge et jusquau début de lépoque contemporaine, léglise paroissiale de Caunes, située extra muros à 125 m au nord du bourg, était dédiée à saint Geniès. Lhypothèse avancée par quelques érudits locaux selon laquelle le terme villa renvoie à lexistence dun village à la fin du 8e siècle, localisé juste au nord du bourg actuel, sur les lieux-dits Terralbo et Casserot, où pourtant aucun vestige na été retrouvé à lexception de léglise Saint-Geniès désormais disparue, est hasardeuse. Peut-être y avait-il un habitat dispersé dans les limites de la villa car, malgré tout, il y avait quelques hommes en 791 pour témoigner et en 802, un certain Pinaud travaillait les terres de la villa Rissellum qui appartenait aux religieux et se trouvait 4 km au sud de labbaye (Histoire Générale de Languedoc, t. II, pr. 64). La charte de fondation de labbaye de Caunes accordée par Charlemagne à Anian, premier abbé et compagnon de Benoît dAniane, est datée de 794 (Histoire Générale de Languedoc, t. II, pr. 58-59).£La ville de Caunes et ses habitants napparaissent dans les sources que dans le deuxième tiers du 12e siècle. La première fois en 1136, Roger Ier Trencavel sengageait à respecter limmunité du monastère et à nexercer aucune violence dans les fortifications de la ville (Gallia Christiana, t. VI, instr. p. 36). Lacte est passé dans le monastère, en présence de plusieurs témoins, parmi lesquels des religieux et des habitants de la ville. Dans un texte de 1149, les hommes et les femmes de la villa de Caunis rachetaient à labbaye un droit quelle percevait injustement pour 1200 sous melgoriens, en présence de Guillaume de Saint-Félix, viguier de Carcassonne, et de Roger Ier Trencavel (DOAT, ms 58, f° 279-281 v). Les plus anciennes maisons conservées seraient contemporaines de cette époque : cinq maisons pourraient avoir été construites dès le début du 12e siècle.£Après lexécution à Caunes dun évêque cathare vers 1226, le dominicain Ferrier installa le tribunal de linquisition dans la ville de 1237 à la fin des années 1250. Le choix de Caunes pour implanter ce qui devint sans doute le principal tribunal de lInquisition de la région pouvait être lié à plusieurs facteurs : sa position géographique, au cur du Minervois, région encore mal soumise ; la présence de la puissante abbaye ; la sécurité offerte par la ville de Caunes, déjà fortifiée (ROCHE, p. 107-108). Vers 1248, labbé de Caunes écrivait, avec les autres abbés de la région, une demande de grâce au roi de France qui avait ordonné de raser les murailles de la ville pour contrer les derniers soubresauts du catharisme (MAHUL, t. IV, p. 140). Vingt-six maisons auraient pu être construites entre 1200 et 1250. Elles sont assez bien réparties dans lespace urbain qui englobe une superficie de 5,6 ha. Un texte de 1240 fait état des habitants des faubourgs pouvant être construits (DOAT, ms 58, f° 321 v-322). Peut-être sagissait-il dun projet dextension, réalisé quelques années plus tard, lorsquun texte de 1277 mentionnait la ville et ses faubourgs, mais cette extension na pas pu être identifiée sur le terrain (BAUDREU, POUSTHOMIS, 2010, p. 138). En effet, les 31 maisons ayant pu être construites dans la deuxième moitié du 13e siècle sintercalent entre les maisons plus anciennes dans lespace urbain. Quun tel projet fut véritablement concrétisé ou quil sagisse seulement dune clause de style, la mention de faubourgs pouvant être construits révèle que le bourg de Caunes était alors dans une phase de croissance bien ressentie par labbé et les habitants.£Par le texte de 1240, labbé renonçait au droit de succéder aux biens de ceux qui décédaient sans héritier légitime, en échange de la somme de 10 000 sous melgoriens. Cent hommes du bourg avaient alors été mandatés par les habitants pour mener les négociations, « pour [eux-mêmes] et pour toute luniversité des hommes de Caunes », face à labbé et ses religieux, dont 18 sont cités à la fin de lacte. Le nombre important dhommes mandatés nest pas surprenant pour des négociations de ce type et révèle que la ville était alors relativement bien peuplée. Si les 100 hommes étaient tous des chefs de famille, ce qui était assurément le cas, un nombre identique de maisons devait exister dans lagglomération, nombre à majorer de celui des habitants non mandatés. Il y avait donc au moins 100 maisons à Caunes en 1240, à comparer aux 27 maisons éventuellement construites avant le milieu du 13e siècle qui nous sont parvenues et aux 420 maisons qui occupent actuellement lespace intra muros.£La création du consulat, dont aucun sceau médiéval na été conservé, reste obscure : une seule mention dans la Gallia Christiana laisse penser quil fut officialisé le 9 avril 1337, date à laquelle la communauté est autorisée par les religieux à avoir six consuls et 18 conseillers chaque année (Gallia Christiana, t. VI, Ecclesia Narbonnensis, p. 173). Avant cette date, jamais des consuls nont été évoqués : les représentants ponctuellement désignés par les habitants ne portaient pas ce titre, sauf en 1269, mais le terme revêtait dans ce cas précis un sens générique ne présageant pas dune institution permanente (FOLTRAN, vol. 1, p. 122). Dans la liste des villes adhérentes au procès de Boniface, le 25 juillet 1303, les communautés sont classées selon lappellation de leurs représentants : dabord celles qui ont député leurs consuls, appelées « cité », « bourg » ou « villare » ; ensuite celles qui nont député que des procureurs ou des syndics, appelées « lieux », « castrum » ou « villare », parmi lesquelles Caunes (PICOT Georges, Documents relatifs aux états généraux et assemblées réunies sous Philippe le Bel, Ministère de lInstruction publique, collection des Documents inédits sur lHistoire de France, Paris, 1901, p. 208). Le viguier, représentant de labbé dans la ville et qui négociait avec les habitants et leurs représentants, était généralement un noble, comme le damoiseau Gaillard Donat en 1308 (PICOT, 1901, p. 172) ou maître Louis de la Court en 1561 (MAHUL, t. IV, p. 158). Au 14e siècle, Caunes était une petite ville des pays dAude et, située entre la plaine de lAude agricole et la Montagne Noire pastorale, elle était un point de passage fréquenté, structurant le peuplement et les circulations de cet espace de transition. Parmi 310 communautés dont les feux fiscaux (unité dimposition qui détermine la capacité fiscale dune communauté dhabitants) furent révisés à la fin du 13e siècle dans lAude, Caunes se plaçait en 23e position avec 55 feux.£La ville a eu un regain de prospérité à partir du 17e siècle grâce à lexploitation des carrières de marbre. Dabord le fait de négociants italiens ayant exploré les sites potentiels sur linitiative de labbaye, lactivité devint particulièrement importante dès le deuxième tiers du 17e siècle et se constitua dans la ville une catégorie de marbriers dont la richesse se traduit encore aujourdhui par le nombre dhôtels particuliers quils firent construire et qui nous sont parvenus.
- dossier ponctuel
-
Dénominationsbourg
-
Période(s)
- Principale : Moyen Age
- Principale : Temps modernes
- Principale : Epoque contemporaine
Lenclos monastique, au sud-ouest de lagglomération, a une forme grossièrement semi-circulaire. Au nord de lenclos, deux îlots dhabitations en quart-de-cercle pourrait avoir appartenu à lenclos dans son état initial, de même que plusieurs parcelles mitoyennes à lest. Selon cette hypothèse, lenclos aurait eu une forme circulaire denviron 130 m de diamètre et la question se pose dune première urbanisation à lintérieur de lespace monastique. La division pourrait avoir été réalisée avant la fin du 13e siècle, datation proposée pour le mur nord de lenclos actuel, le long de la rue des Lavandières (FOLTRAN, vol. 1, p. 255). Au nord des deux îlots dhabitations en quart-de-cercle, un quartier forme un quadrilatère denviron 70 m de côté. Il semble avoir été créé sur un espace vide, comme greffé au premier noyau durbanisation. Les lignes fortes du parcellaire à lintérieur du quadrilatère délimitent une bande dune quinzaine de mètres de large sur tout son périmètre qui pourrait correspondre à un ancien fossé : il sagirait alors dun ancien quartier fortifiée. Exactement au centre, se trouve encore la place du marché, carré dune vingtaine de mètres de côté, dotée dune halle jusquau 18e siècle. Ce quartier pourrait ainsi être une extension liée à la création dun espace commercial protégé, un champ de foire desservi par quatre accès au moins : lun au centre du côté sud se connectait à la rue menant à la porte de lenclos abbatial ; un autre au centre du côté ouest était connecté à la route de Carcassonne ; un troisième vers le sud-est menait à la porte de lHôpital et la route de Peyriac ; un dernier souvrait, au centre du côté oriental, sur les routes de Citou et de Narbonne qui sy rejoignaient. La connexion de ces routes au quadrilatère est généralement assurée par des baïonnettes pouvant être liées à la protection de lespace commercial et à la présence du fossé. Si cette hypothèse était confirmée, cela induirait une opération planifiée. Les plus anciennes maisons conservées dans ce quartier dateraient de la fin du 12e siècle, indiquant que la planification éventuelle serait antérieure. Le reste de lurbanisation sest surtout faite le long des axes desservant ce quartier qui sont devenues, au Moyen Âge, les rues principales de lagglomération. Il faut noter cependant un quartier au nord-est de lagglomération présentant un parcellaire rayonnant autour de la porte Saint-Geniès qui menait à léglise paroissiale, mais dont la logique topographique et la connexion avec les autres quartiers restent difficiles à établir. Lensemble de ces quartiers fut protégé à lintérieur de murailles englobant une superficie de 5,6 ha, probablement avant le milieu du 13e siècle.£À lintérieur du bourg de Caunes, aucun équipement collectif médiéval na été conservé : la halle a été détruite au 18e siècle et léglise paroissiale se trouvait dans lespace périurbain. Au total, sur environ 420 maisons, 66 maisons probablement antérieures au milieu du 16e siècle ont été repérées, dont 41 dans un état de conservation relativement bon et 25 particulièrement dégradées. Le matériau principalement mis en uvre dans ces édifices est une pierre calcaire de couleur gris-beige ou beige clair, dont la patine tire sur le brun, présentant un aspect grumeleux à fines perforations. Cette pierre assez résistante à lérosion est suffisamment tendre à la taille pour autoriser la réalisation de décors complexes. Elle appartient à la formation géologique des « Calcaires lacustres de Montolieu », affleurant sur la bordure sud de la Montage Noire, entre la région de Montolieu à louest et celle de Caunes-Minervois à lest (DESSANDIER David, DE LA BOISSE Henri, LEROUX Lise (collab.), Panorama des pierres du patrimoine du département de lAude (11), Rapport final 2012, BRGM/RP-59871-FR, p. 58). Le grès de Carcassonne, pierre tendre autorisant la réalisation de décors élaborés, a été rarement mise en uvre avant la fin du Moyen Âge pour les parties sculptées ou moulurées des baies. Son utilisation sest répandue à lÉpoque moderne, mais ce matériau a tendance à se dégrader facilement. Le marbre de Caunes a rarement été employé comme matériau de construction dans les maisons de la fin du Moyen Âge, sous forme déclats ou de moellons ébauchés. Son usage sest aussi répandu à lÉpoque moderne et surtout au 19e siècle : de nombreuses élévations furent alors réalisées avec des déchets de carrière. Malgré les maisons médiévales encore visibles, le bourg intra muros de Caunes conserve un aspect contemporain, car la majorité des façades est encore enduite : sur environ 4800 m linéaires de façade, plus de 3300 m sont recouverts dun enduit rarement antérieur au début du 20e siècle, soit près de 70 % du linéaire total (FOLTRAN, vol. 3, p. 9).
-
Statut de la propriétépropriété publique
propriété privée