Dossier d’œuvre architecture IA11007137 | Réalisé par
  • dossier ponctuel
maison
Œuvre étudiée

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Aude
  • Commune Lagrasse
  • Adresse 9 rue des Cancans
  • Cadastre 1831 B 0039  ; 2016 B 2026

D’après les modénatures, les matériaux et leur mise en œuvre, la maison pourrait dater du 4e quart du 13e ou du 1er quart du 14e siècle. La datation pourrait être resserrée aux années 1278-1279 par l’héraldique représentée sur un plafond peint découvert dans la maison en 2013, dont 173 planches étaient remployées comme voliges dans la charpente du toit (elles sont aujourd’hui déposées à la Maison du Patrimoine de Lagrasse). Des poutres moulurées en place dans la maison, correspondant au style des planches, laissent penser que ces dernières étaient, à l’origine, dans la salle du premier étage donnant sur la rue et éclairée par les deux fenêtres géminées de la façade. Gauthier Langlois a repéré les armes de l’évêque de Carcassonne Gautier de Montbrun (2 février 1279-août 1280) et remarqué l’absence de celles d’Auger de Gogenx (abbé de Lagrasse à partir du 19 septembre 1279) ; il propose ainsi de dater la réalisation du plafond entre février 1278 et septembre 1279. La présence répétée des armes de la famille Mage, seigneur de Salza (Aude) à partir 1262, pourrait signifier que la maison appartenait alors à Bérenger Mage : notaire public de Lagrasse de 1231 à 1274, viguier du bourg entre 1257 et 1273 et décédé avant 1300 (date où un particulier de Saint-Pierre-des-Champs, commune voisine, fait don d’un obit à l’abbaye pour son âme).£La datation du plafond entrerait donc dans la fourchette, plus large, qu’on pouvait établir à partir des éléments d’architecture. Par ailleurs, les deux fenêtres géminées de la façade sont entièrement réalisées en grès de Carcassonne et sont clavées, ce qui est rare à Lagrasse, de même que leur décor relativement raffiné est inhabituel dans le bourg : angles moulurés de tores, impostes et chapiteaux feuillagés, bases décorées de dés. Ce décor se rapproche fortement de celui des baies de l’église Saint-Nazaire de Carcassonne, elles aussi en grès, dont la reconstruction a été entamée à la fin des années 1250. Il est possible que Bérenger Mage, personnage très lié à la cour de l’abbé, ait eu recours à des artisans du chantier de Carcassonne, de même que les abbés de Lagrasse pour certains éléments de l’abbaye (notamment : une fenêtre à l’étage de la galerie ouest du palais abbatial, la piscine liturgique et le portail de la chapelle Saint-Barthélemy, ce dernier étant daté de 1296 par une inscription sur le tympan).£Enfin, l’attribution de l’appellation « chapellenie vieille » à cette maison par R. Hyvert est une erreur liée à une mauvaise interprétation des plans des fiefs abbatiaux de 1769 (A.D. Aude, 1 Fi 975), car il s’agirait plutôt de la maison 5 rue des Cancans (cad. B0025).

  • Période(s)
    • Principale : 4e quart 13e siècle

La maison présente un plan en L. Le corps de bâtiment sud, le principal, a la forme approximative d’un carré dont les côtés mesurent en moyenne 10,25 m (entre 10,10 et 10,60 m hors œuvre). Ce corps de bâtiment est divisé en deux espaces d’une superficie à peu près égale par un mur de refend d’une épaisseur de 62 cm, parallèle à la rue, situé à 4,52 m du parement intérieur de la façade vers le sud et à 4,40 m du parement intérieur de l’élévation postérieure. Le deuxième corps de bâtiment se développe vers le nord-ouest, sur une largeur moyenne de 5 m et une longueur d’environ 10 m. Il est accessible par une grande arcade percée dans l’angle ouest de l’élévation postérieure du corps de bâtiment sud. Aucun élément médiéval en place n’y a été observé.£La façade, au sud, sur l’ancienne rue marchande des Cancans, est parmi les plus larges conservées dans l’agglomération pour le 4e quart du 13e siècle : 10,10 m (en moyenne dans le bourg : 6,80 m). Son parement est relativement soigné, d’un moyen appareil réglé en moellons équarris, à la face dressée à la laye (le rejointoiement est récent). Le matériau utilisé est un calcaire froid à patine jaunâtre extrait sur la rive gauche de l’Orbieu, au-dessus du cimetière paroissial. Le rez-de-chaussée a été fortement remanié à l’époque contemporaine : les baies ont été mutilées, la partie inférieure est recouverte d’enduit et l’angle gauche (ouest) a été arraché. Là, s’ouvrait une baie assez large dont la partie gauche (ouest) a été détruite en même temps que l’angle de la maison. Son piédroit droit (est) est commun avec une baie d’une largeur de 94 cm. L’arc en grès de cette dernière, d’une mise en œuvre très peu soignée, a sans doute été remonté et la baie d’origine avait peut-être une forme différente (cependant, les écoinçons sont apparemment en place). Au centre de la façade, le parement a été repris, composé de matériaux en remploi sur une hauteur de 2,45 m et une largeur de 1,60 m. La hauteur de cette reprise ne suggère pas qu’elle ait remplacé une baie similaire à celles qui sont encore en place sur la façade, dont l’extrados atteint une hauteur de près de 3 m en moyenne. À droite (est) de la reprise, une baie assez bien conservée (bien qu’elle soit partiellement bouchée et que sa partie inférieure soit recouverte d’enduit) avait une largeur de 1,65 m. Elle possède un pilier commun avec une porte située près de l’angle droit (est) de la façade. La porte est couverte d’un arc peut-être remonté, en tout cas mutilé par l’insertion tardive d’un linteau dont on voit encore les traces d’arrachement. Elle a une largeur de 92 cm et, d’après la hauteur des congés, avait sont seuil d’origine 62 cm au-dessus du niveau actuel de la rue : elle devait donc avoir une hauteur d’origine de 1,93 m et plusieurs marches devaient déborder dans la rue pour y accéder. Au premier étage, un cordon d’appui en grès régnait sur toute la façade, désormais bûché. Deux fenêtres géminées en grès de Carcassonne éclairaient la salle côté rue. Leurs arcs sont clavés (ils sont monolithes dans la majorité des autres maisons du bourg), les angles moulurés de tores et les chapiteaux et impostes de motifs feuillagés. Ces fenêtres sont sans doute contemporaines du parement, mais des ajustements d’assises ont été nécessaires pour permettre leur insertion. On peut supposer que les fenêtres ont été réalisées en dehors du chantier, transportées puis montées sur place : par le matériau employé et le décor similaire à celui de la cathédrale de Saint-Nazaire de Carcassonne reconstruite à partir de la fin des années 1250, on peut penser qu’elles furent l’œuvre d’artisans travaillant sur ce dernier chantier. À la hauteur des arcs des fenêtres, près des angles de la façade, deux jours oblongs en calcaire froid, largement chanfreinés, permettaient d’augmenter en profondeur l’éclairage de la salle du premier étage, dispositif observé dans d’autres maisons du bourg (8 rue Paul Vergnes, cad. 0041 ; 22 rue Magène, cad. B0234).£L’élévation postérieure du corps de bâtiment sud, d’une épaisseur de 71 cm, est entièrement recouverte d’enduit, à l’exception des piédroits d’une baie récente au premier étage. Deux corbeaux chanfreinés avec des congés triangulaires surmontés d’une baguette sont en remploi, soutenant le petit balcon accessible depuis cette baie. Le deuxième étage est en encorbellement, mais il s’agit d’un niveau créé à l’époque contemporaine.£À l’intérieur, la cave est voûtée en berceau et ses parois ne sont pas parementées. Il s’agit d’un creusement tardif, peut-être de l’époque contemporaine. Son voûtement a rehaussé le niveau du rez-de-chaussée de plusieurs dizaines de centimètres. Le soupirail est couvert par un arc monolithe chanfreiné d’une fenêtre géminée en remploi. Au rez-de-chaussée, le parement intérieur de la façade a été très repris. De son état d’origine, ne subsistent que les arrière-voussures segmentaires mutilées des deux baies orientales. Le mur de refend a été remanié dans sa partie centrale, mais deux baies sont encore en place près de ses angles, équipées d’arrière-voussures et de gonds révélant un système de fermeture à double-vantaux. Il s’agit d’un rare exemple connu à Lagrasse indiquant la possibilité de verrouiller les pièces arrière du rez-de-chaussée (maison 6 place de la Halle, cad. B0324). Dans cette pièce arrière, une arrière-voussure segmentaire est conservée dans l’élévation latérale ouest. Le parement étant recouvert d’enduit, il n’est pas possible de savoir si elle est en place et si elle correspond bien à une ancienne communication avec la maison mitoyenne occidentale (7 rue des Cancans, cad. B0026). Dans l’angle ouest de l’élévation postérieure du corps de bâtiment sud, dans le prolongement de l’arcade du mur de refend, une large arcade laisse supposer que, comme aujourd’hui, la maison pouvait se prolonger dès son origine vers le nord-ouest par un corps de bâtiment supplémentaire (mais il s’agit peut-être d’une arcade remontée).£Au premier étage, les arrière-voussures des fenêtres géminées de la façade sont segmentaires et en calcaire froid. Le parement est d’un moyen appareil réglé en moellons équarris (les joints ont été refaits récemment). Le niveau du plancher a été rabaissé de quelques dizaines de centimètres à une période récente, de même que celui du plafond afin de créer un niveau supplémentaire (les jours oblongs visibles en façade se trouvent désormais au niveau du plancher du deuxième étage). Le mur de refend est recouvert d’enduit, à l’exception d’une porte couverte d’un arc segmentaire dans son angle est. Elle devait être connectée à un escalier droit montant directement depuis la rue, accessible par la porte près de l’angle est de la façade. Cet escalier s’appuyait donc contre le mur de refend et avait un palier inférieur d’une longueur d’au moins un mètre pour l’ouverture de la porte d’entrée. La porte du premier étage s’ouvrait vers la pièce arrière au nord : les gonds sont encore en place sur le piédroit oriental, ainsi que l’arrière-voussure segmentaire. Il n’était donc pas nécessaire d’aménager un palier en haut de l’escalier. Une autre porte dans le mur de refend devait permettre d’accéder à la salle, du côté de la rue vers le sud.£Au deuxième étage actuel, des poutres moulurées d’un ancien plafond sont encore en place et portent des traces de dessins géométriques. Elles fonctionnaient sans doute avec les 173 planches du plafond datant des années 1278-1279, remployées dans le voligeage et désormais déposées à la Maison du Patrimoine. Huit planches ont été restaurées en 2014. Elles sont décorées de motifs variés inscrits dans des médaillons, notamment des rouelles et rosaces, des portraits, des animaux, des saynètes et 24 cavaliers portant une armure et un écu armorié sur des chevaux caparaçonnés. Les armes représentées sont, entre autres, celles des grands monarques de l’Occident : Aragon, Saint Empire Germanique, Catalogne, France ; mais aussi celles de la famille Mage, d’azur à la fasce fuselée d’or et de gueules. Plusieurs éléments de ce plafond sont en remploi dans la maison, principalement des poutres moulurées et peintes.£Un puissant arc mouluré d’un tore à listel et deux corbeaux sculptés de têtes réalisés en grès de Carcassonne étaient en remploi dans le parement ouest de la pièce avant (sud) du rez-de-chaussée. L’arc est mutilé et a été remonté dans une dépendance de la maison. Il pourrait être contemporain du plafond peint et du reste de la maison. Enfin, une pierre remployée dans un puits du jardin représente une marque de marchand non identifiée, datant sans doute de la première moitié du 16e siècle.

  • Murs
    • calcaire
    • moellon
  • Statut de la propriété
    propriété privée
Date(s) d'enquête : 2013; Date(s) de rédaction : 2016
(c) Inventaire général Région Occitanie