L’ancienne station thermale d’Alet-les-Bains se situe à neuf kilomètres au sud de Limoux, sur la route départementale 118. Située à l’entrée de la Haute Vallée de l’Aude, elle culmine à 206 mètres d’altitude, sur la rive droite de la rivière Aude.
À Alet, les sources sont nombreuses. On suppose que de tout temps, les populations locales ont bénéficié de cette eau abondante pour leur alimentation et pour l’irrigation. Contrairement à Rennes, il n’a pas été découvert pour l’heure, de preuves d’une exploitation antique des eaux, malgré la présence de vestiges témoignant de cette occupation, comme le pont romain, ou le cimetière gallo-romain.
L’histoire d’Alet est étroitement liée à son abbaye, siège épiscopal de 1318 à 1790. L’abbaye bénédictine fondée entre 813 et 970 a été incendiée en 1577 pendant les guerres de religion et l’occupation de la ville par les Huguenots (RUIZ, 1997). L’usage des eaux à des fins thérapeutiques n’est pas attestée au Moyen-Age. En revanche, un système d’irrigation de la ville est instauré par l’évêque Pavillon vers 1650. Il dote la ville de canaux souterrains en pierre de taille, dont certains sont encore visibles aujourd’hui. Ils étaient construits dans tout le village, sous les maisons et dans les jardins. Un système de vannes permettait le contrôle de la distribution des eaux. Les habitants bénéficiaient d’eau courante à volonté. Vers la fin du XIXe siècle, le conseil municipal fait construire un réservoir d’eaux sur les hauteurs du village, et installe, à chaque croisement de rue, une fontaine à débit constant. La ville est l’une des premières de l’Aude à bénéficier d’un système d’eau courante. Cet ancien réseau sert de nos jours à recueillir les eaux de pluie.
Au cœur du village, des ruelles étroites partent en étoile depuis la place de la République. De nombreuses demeures du XIIIe au XVIIe siècle offrent des façades à colombages et encorbellements. Au centre de la place, on observe l’ancienne mairie, avec au premier étage, la salle des consuls où sont abrités les portraits des évêques de la ville.
Un premier établissement thermal au sud du village
La source située au sud d’Alet, sur la route nationale 118, appartient en 1769 à Antoine Cuxac. La source est nommée alors source de la barque. Celle-ci est vendue en 1772 à Mathieu et Dominique Guilhem. Un premier bâtiment situé en E288 du cadastre ancien est édifié sur la source en 1774 par Fauré, le nouveau propriétaire. Dominique et Mathieu Guilhem sont propriétaires des parcelles 289 et 290, Louis Bernard de la parcelle 291 et Jérôme Maury de la glacière (AD11-4E083N1).
Gensanne, lors de sa visite en Languedoc, notifie la présence d’une source d’eau thermale à la sortie d’Alet (au sud), qu’on appelle les bains d’Alet. Les eaux sont ferrugineuses et peu chaudes, pas plus de 24 degrés Réaumur. Il ne décrit pas l’établissement. Il s’attarde longuement sur le peu de soin accordé aux terres cultivées, et mentionne la présence d’une mine de fer (GENSANNE, 1778, p.152-153). En 1800, un tableau est adressé au préfet comportant la liste des sources et fontaines minérales de l’Aude (AD11-S795). À Alet, quatre sources sont alors repérées. Un établissement de bains est mentionné appartenant à Faure d’Alet et Corneil de Cépie (source au sud, dite des bains ou de la buvette). Ses eaux sont réputées pour soigner les maladies de la peau, les paralysies, les plaies et les maladies vénériennes. On paie 60 cts le bain, et il n’y a pas de douche (1800). Une autre source d’eau minérale appartient à Menier. Une autre très abondante appelée les eaux chaudes, appartient aux héritiers de Marcelin Larade. Elles sont purgatives et conviennent aux maladies de la poitrine. Il est fait également mention des Eaux Rouges, sans précisions, probablement une source d’eau froide ferrugineuse, sur la rive droite de l’Aude, à deux kilomètres de la source des bains, et à 400 mètres de distance de la source des eaux chaudes (source orientale ou des Arabes). Elles ont les mêmes propriétés que les eaux de Campagne, elles purifient le sang, conviennent aux maladies de la bile, aux accès de fièvre et aux maladies vénériennes. En 1818, le préfet Claude-Joseph Trouvé (dit baron Trouvé) mentionne les bains à Alet. Il décrit quatre sources, dons celle du midi qui alimente des bains. Il décrit les thermes d’Alet en les résumant à trois piscines où l’on se baignait en commun. Elles étaient creusées dans le sol et recouvertes de planches en bois afin de maintenir la température (TROUVÉ, 1818, p.52-53).
Des améliorations constantes
À partir de 1821, les bains d’Alet sont la propriété de Louis Bernard. Il les restaure et les agrandit. Mais Alet semble peu attirer l’intérêt des médecins et chimistes, dont les publications et observations peuvent contribuer au développement de l’exploitation des eaux. Bernard se lance toutefois dans de grands travaux d’embellissement et de modernisation. L’allée d’arbres qui mène à l’établissement, sur la parcelle 291 du cadastre ancien, date de 1821. Cette même année, le bâtiment est étendu sur la parcelle E288 du cadastre ancien. En 1823, le bâtiment d’origine est à nouveau augmenté sur la parcelle 288. La galerie de bains est construite en 1854 (AD11-4E083N1). Maynard relate les travaux réalisés alors. L’eau était chauffée afin de gagner quelques degrés, sans altérer ses propriétés curatives. Des tuyaux acheminent l’eau vers des cabines pourvues de baignoires. Les cabines du premier étage donnent sur la rivière. Au second étage et dans le bâtiment neuf, se trouvent une salle de réunion et plusieurs chambres bien meublées.
En 1846, la propriété Maury est vendue. Thimothée Larade et son épouse s’en portent acquéreurs, et réunissent l’ensemble des parcelles autour de la source sous la même propriété. En 1858, la source buvette est captée. Larade étend sa propriété en faisant l’acquisition de la parcelle 293p en 1859. En 1853, Larade étend sa propriété au sud en faisant l’acquisition des parcelles 287 et 286 de Loubet. C’est sur ces terres nouvellement acquises qu’il fait édifier l’hôtel des bains en 1860, et le bâtiment de manutention et d’embouteillage est construit en 1861. En 1862, Eugène Larade, le fils, devient propriétaire de l’établissement. La source buvette est alors aménagée en 1862.
En 1874, Gourdon situe l’établissement thermal d’Alet au sud, sur la rive droite de l’Aude. Il décrit l’ensemble des bâtiments, un parc en contrebas de la route, et une promenade en terrasse au bord de la rivière sur 300 mètres. Trois corps de bâtiments sont reliés en un seul par des constructions récentes. Le bâtiment principal est l’hôtel, dont la capacité est de plus de 100 personnes. Il comprend un grand salon, trois salles à manger, un cabinet de lecture et un billard. En bas de ce bâtiment, se trouvent les sources (du rocher et buvette) et la piscine. Le bâtiment de bains s’étend en parallèle de la route. On y accède par une allée de sycomores. Il comprend 20 cabines de bains et 30 baignoires. Il est découvert du côté de la route. L’établissement est ouvert toute l’année, et l’usage des eaux sur les lieux est des moins onéreux. L’établissement est alimenté par deux sources réunies en 1859 par un nouveau captage. L’eau s’élève à une température de 27°5, elle est chauffée pour les bains. Le propriétaire des eaux M. Larade, a découvert une nouvelle source abondante suite à des fouilles, la source buvette. En 1860, Larade obtient une autorisation d’exploiter la source buvette comme source d’eau minérale (GOURDON, 1874, p.344-345). En 1863, (AD11 3P2054) Eugène Larade étend l’établissement sur les parcelles 289 et 290.
La Compagnie Générale des Eaux et des Bains de Mer et M. Rémédi
En 1883, Eugène Larade vend l’établissement thermal, les jardins et la maison à la Compagnie générale des eaux minérales et bains de mer. L’établissement comprend alors 34 baignoires dont 6 avec appareillage. Au début du XXème siècle, l’Établissement de la source buvette est édifié. Il se situe en amont de l’établissement ancien. Il comprend des douches, des installations hydrothérapiques, une buvette. La Compagnie rénove également l’hôtel qui devient le grand hôtel des bains. La mise en bouteille pour la commercialisation se situe dans une usine d’embouteillage tout à côté, au bord de l’Aude. L’ensemble est pris en gérance au cours de l’été 1917 par M. et Mme Rémédi. Ils fabriquent de la limonade d’Alet.
Ouverture à la concurrence, la source des Eaux Chaudes
Une autre source appelée les Eaux Chaudes, sourd au nord du village en aval. Cette source de 24° est très abondante. Elle est utilisée initialement pour l’arrosage des jardins et alimente un lavoir communal. Gensanne en 1778, dans son histoire naturelle du Languedoc, mentionne une source d’eau ferrugineuse au nord d’Alet à 24° (source communale) (GENSANNE, 1778, p. 152-153).
Dans le cadastre de 1830, une construction apparaît au lieu-dit des Eaux Chaudes, probablement un établissement de bains. Les gens du pays avaient constaté que les cas de typhoïde et de maladies intestinales étaient rares chez les personnes buvant cette eau. Ce n’est que vers 1850 que les travaux sont entrepris pour capter les eaux de source et notamment celle des Eaux Chaudes ou source communale. Un captage est réalisé pour aller chercher l’eau au pied d’un énorme rocher calcaire. En date du 22 janvier 1886, la source communale dite des Eaux Chaudes, obtient une autorisation ministérielle d’exploitation. L’eau est mise en bouteille dans un bâtiment situé au nord du village, avant d’être commercialisée. Un établissement thermal communal est édifié en amont, près du pont romain. Alimenté par les eaux de la source communale, l’établissement de la source communale comprend une buvette, des bains, et une piscine. Le corps principal hors œuvre est flanqué de deux pavillons latéraux, qui sont reliés par deux galeries ouvertes de larges baies. Le porche d’entrée est orné d’un auvent en bois découpé. Le parc est aménagé d’un bassin circulaire au centre et agrémenté de sculptures représentants un lion couché et une naïade. L’ensemble architectural, largement inspiré par l’orientalisme, rappelle que la source froide tout près a été baptisée source orientale ou source des Arabes. Selon Lise Grenier, ces références directes naissent de la volonté d’insuffler un vent d’exotisme au lieu, pour accentuer le dépaysement des baigneurs (GRENIER, 1985, p.280). Un temps de repos, comme dans un autre monde, accentué par le caractère bucolique et romantique des ruines de l’abbaye du IXème siècle et les jardins de l’Évêché.
Alet-les-Bains est classée station hydrominérale le 28 mars 1923 par décision ministérielle.
Les chiffres du produit de la taxe de séjour sont connus entre 1925et 1932 (avec un trou en 1928) grâce aux Annales des établissements thermaux, cercles, casinos, eaux minérales, et à l'Avenir de Luchon (10 mars 1929) ; ils permettent d'estimer la fréquentation de la station (même si de nombreux visiteurs sont exemptés) et de la situer par rapport au corpus de la cinquantaine de stations hydrominérales de l'époque. Ce produit pour Alet s'élève à 5 434 F en 1925 (35e sur 38 stations), 5 795 en 1926 (36e), 5 840 en 1927 (36e) 5 020 en 1929 (44e), 4 296 en 1930 (46e), 4 124 en 1931 (45e), 6 105 en 1932 (42e sur 49 stations).
Un casino est créé d’abord dans les locaux de l’ancien évêché, avant de rejoindre le rez-de-chaussée de l’Hôtel Terminus, juste en face de la source buvette, dans les années 1960. Jusqu’à la seconde guerre mondiale, quatre usines de limonade se font concurrence. Il en reste deux à la fin des années 1960 et il n’en existe plus aujourd’hui (RUIZ, 1997, p.2).
Après la Seconde Guerre mondiale
Durant 25 ans, dans l’hôtel restaurant de l’établissement de la source buvette, les curistes ont bénéficié, outre des vertus de l’eau, de soirées dansantes et de réceptions. L’établissement exploitait également l’eau minérale et fabriquait la limonade d’Alet. Les activités liées au thermalisme et à la consommation d’eaux en boisson s’interrompent après la seconde guerre mondiale. Les bâtiments reviennent au Dr Rémédi, chirurgien à Béziers. L’autorisation d’exploiter la source buvette en tant que source d’eau minérale est révoquée en 1984. Après plusieurs tentatives de réhabilitation, en HLM ou en maison de retraite, l’établissement abrite aujourd’hui des logements.
La source communale est dotée d’un nouveau captage en 1950. Son débit est de 50m3 par heure. Elle est utilisée pour l’embouteillage et le thermalisme. Des locaux modernes ont été édifiés dans les années 1960 au-dessus des anciens thermes. Le nouvel établissement thermal est inauguré en 1964. Durant la saison, du 1er avril au 30 novembre, 800 personnes pouvaient être accueillies. Les cures médicales prescrites concernent les troubles digestifs et les problèmes de surcharge pondérale. Les soins sont de deux sortes : des soins internes avec cures d’eau de boisson et soins externes sous forme de jets, de bains, massages sous l’eau, sauna… Le Centre propose également des soins de remise en forme avec des modelages amincissants, des massages relaxants, et de la réflexologie plantaire. Une infirmière et trois esthéticiennes sont à l’écoute des curistes afin que ceux-ci puissent profiter au mieux de leur séjour. L’activité thermale cesse au milieu des années 2000 et une usine de limonade s’y installe un temps. Aujourd’hui, l’établissement est fermé, mais le parc est ouvert au public. L’eau n’est plus mise en bouteille, mais la piscine accueille des baigneurs en saison, et les locaux peuvent profiter de l’eau d’Alet au lavoir communal.